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23/10/2007 | FRANCE | N°06/03094

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0465, 23 octobre 2007, 06/03094


R.G : 06/03094

décision du Tribunal d'Instance de VILLEURBANNEAu fond du10 mars 2006

ch no
RG No2005/141

X...

C/
Société CETELEM SA
COUR D'APPEL DE LYON
DIXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 23 Octobre 2007

APPELANTE :

Madame Françoise X......69500 BRON

représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assistée de Me Marie-Noëlle FRERY, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006/015562 du 01/03/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIME

E :

Société CETELEM SA5, avenue Kléber75016 PARIS

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me LEBEL, avo...

R.G : 06/03094

décision du Tribunal d'Instance de VILLEURBANNEAu fond du10 mars 2006

ch no
RG No2005/141

X...

C/
Société CETELEM SA
COUR D'APPEL DE LYON
DIXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 23 Octobre 2007

APPELANTE :

Madame Françoise X......69500 BRON

représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assistée de Me Marie-Noëlle FRERY, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006/015562 du 01/03/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEE :

Société CETELEM SA5, avenue Kléber75016 PARIS

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me LEBEL, avocat au barreau de LYON

L'instruction a été clôturée le 27 Juillet 2007

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 25 Septembre 2007
L'affaire a été mise en délibéré au 23 Octobre 2007
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Madame DURAND conseiller faisant fonction de président de chambre Conseiller : Mme CHAUVE conseiller Conseiller : Mme QUENTIN DE GROMARD vice-présidente placée auprès du Premier Président de la Cour d'appel de Lyon par ordonnance du 03 Juillet 2007 Greffier : Mme CLAMOUR , greffier placé, pendant les débats uniquement

A l'audience Madame CHAUVE a fait le rapport conformément à l'article 785 du NCPC.
ARRET : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile ;

signé par Madame DURAND, président et par Madame CLAMOUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable souscrite le 14 septembre 2001, la SA CETELEM a accordé un prêt à Françoise X... d'un montant de 184.416,00 francs (28.114,04 euros) remboursable en 108 mensualités de 418,09 euros, avec intérêts au taux de 10,25 %.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la SA CETELEM a provoqué la déchéance du terme.
Par jugement du 10 mars 2006, le Tribunal d'Instance de Villeurbanne a:- condamné Françoise X... à payer à la SA CETELEM la somme de 121.790,13 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2004,- accordé à Françoise X... un délai de paiement en 24 mensualités de 200 euros avec clause de déchéance, - ordonné l'imputation des paiements sur le capital,- rejeté le surplus des demandes,- condamné la SA CETELEM à payer à Françoise X... la somme de 13.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,- ordonné l'exécution provisoire,- condamné Françoise X... aux dépens de l'instance.

Il a relevé un manquement de la SA CETELEM à son devoir de conseil, manquement sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts correspondant au montant des intérêts qui seront déduits de la créance sollicitée.
Par déclaration en date 11 mai 2006, Françoise X... a interjeté appel de ce jugement dont elle demande la réformation pour partie, notamment en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de 10.000,00 euros de dommages et intérêts pour manquement de la SA CETELEM à son devoir de conseil. Elle soutient avoir fait l'objet d'un harcèlement de la SA CETELEM résultant d'appels téléphoniques quotidiens et de courriers comprenant des menaces de poursuites judiciaires.
Elle rappelle que la SA CETELEM lui a fait souscrire le 21 mai 1999 un prêt dont les mensualités excédaient très largement ses capacités de remboursement, la contraignant à accepter un nouveau prêt qui certes diminue le montant des mensualités mais augmente le taux d'intérêt et la durée du remboursement. Elle conteste toute novation entre les contrats, les contrats suivants venant simplement modifier les obligations nées du contrat initial. Elle relève qu'elle n'a jamais dissimulé sa situation financière et toujours essayé de s'acquitter de sa dette.

La SA CETELEM, dans ses dernières conclusions complémentaires et récapitulatives, soutient que le contrat souscrit en mai 199 a été racheté en octobre 2000 puis en septembre 2001, le rachat ayant emporté novation du premier contrat, qui de fait n'existe plus et ne saurait être invoqué par l'appelante pour justifier un manquement au devoir de conseil. Elle conclut au débouté de l'ensemble des demandes de Françoise X... et sollicite également l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à des dommages et intérêts pour manquement à son devoir de conseil.

Elle demande en conséquence la condamnation de Françoise X... à lui payer la somme de 30.904,66 euros outre intérêts au taux de 10,75% à compter du 13 juillet 2004, celle de 750 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de la SCP BRONDEL TUDELA, avoués.

Elle relève que la preuve du harcèlement invoqué n'est nullement rapportée, que le contrat de crédit du 14 septembre 2001 a emporté novation du contrat du 24 mai 1999 pour lequel il ne peut plus lui être reproché de manquements, que les charges mensuelles de remboursement n'étaient pas excessives par rapport aux revenus de l'appelante lors de la souscription du contrat
Elle soutient que le contrat souscrit en mai 1999 a été racheté en octobre 2000 puis en septembre 2001, et que le rachat ayant emporté novation du premier contrat, qui de fait n'existe plus et ne saurait être invoqué par l'appelante pour justifier un manquement au devoir de conseil.
MOTIFS ET DECISION

La SA CETELEM, en sa qualité d'établissement financier professionnel du crédit, est tenue d'un devoir de mise en garde auprès de son client non professionnel, et tout particulièrement au regard du risque de surendettement.

Le prêt litigieux accordé par la SA CETELEM à Françoise X... le 14 septembre 2001 fait suite à trois autres opérations de crédit toutes consenties par la SA CETELEM à Françoise X... les 22 juillet 1998, 21 mai 1999, et 26 octobre 2000, chaque prêt rachetant le précédent et pour le dernier rachetant également deux autres crédits également souscrits par Françoise X... auprès de la SA CETELEM.
Ces prêts qui se sont succédés dans un laps de temps réduit (trois ans), ont été destinés pour les trois derniers à apurer l'endettement du précédent, tout en augmentant et la somme prêtée et le montant des mensualités de remboursement, au moins pour les prêts de 1999 et 2000.
Aucune explication n'est véritablement donnée par la SA CETELEM pour expliquer cette succession de prêts.
Les éléments produits aux débats établissent que madame X... se trouvait en situation d'endettement excessif lors de la souscription du prêt du 21 mai 1999 puisque la charge de ses remboursements s'élevaient à la somme mensuelle de 4.419,90 francs pour des ressources mensuelles de 8.665,09 francs soit plus de la moitié des ressources de l'emprunteuse.
Le contrat de 2001 s'il prévoit des mensualités plus adaptées que les précédents n'a pu qu'être accepté par l'emprunteuse malgré un taux d'intérêt légèrement supérieur et une durée de neuf ans particulièrement longue pour un crédit à la consommation.
C'est en vain que la SA CETELEM soutient qu'elle ne pouvait en avoir connaissance du fait que Françoise X... ne lui avait pas déclaré l'intégralité de ses charges et notamment celles relatives au remboursement d'autres crédits, alors qu'il lui incombait de demander des renseignements sur sa situation financière, ses revenus et ses charges et d'exiger des justificatifs, comme il est d'usage en la matière.
Aucune fiche de renseignement sur la situation financière ou personnelle de Françoise X... n'est produite par CETELEM qui ne pouvait manquer de s'inquiéter de cette succession de rachat.
Elle ne justifie pas plus avoir alerté Françoise X... des risques de l'endettement né de ces prêts successifs.
En octroyant un quatrième prêt en l'espace de quatre mois, prêt aggravant l'endettement de l'emprunteur, sans s'interroger sur les raisons de cette succession de prêts dans le temps et des rachats des précédents prêts, et sans réclamer des éléments plus précis à Françoise X... sur sa situation, et sans l'avoir jamais à aucun moment et notamment en 1999 alerté sur le risque de surendettement, la SA CETELEM a gravement manqué à son devoir de mise en garde et a engagé sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code Civil.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de VILLEURBANNE qui en supprimant les intérêts, et en rejetant la demande de dommages et intérêts n'a pas tiré les conséquences du manquement retenu par lui.
Au vu des pièces versées aux débats et notamment de l'offre de prêt souscrite le 14 septembre 2001, du tableau d'amortissement, du décompte des sommes dues et de la mise en demeure se prévalant de la déchéance du terme en date du 13 juillet 2004, la SA CETELEM est en droit d'obtenir:- les échéances échues et impayées: 7.594,12 euros- le capital restant du: 21.861,62 euros - moins les versements effectués: 300,00 euros soit un total de 29.155,74 euros auquel il convient de condamner Françoise X... avec intérêts au taux nominal contractuel de 10,25% à compter du 13 juillet 2004, date de la mise en demeure.

Le manquement établi à l'encontre de la SA CETELEM sera réparé non pas par la suppression des intérêts mais par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10.000,00 euros, ce montant correspondant à une juste indemnisation du préjudice subi par Françoise X....
Françoise X... a déposé un dossier de surendettement auprès de la commission de surendettement des particuliers du Rhône. Cette commission après examen de l'ensemble de sa situation a recommandé le report à 29 mois des dettes autres que fiscales et de copropriété.Au vu de ces éléments, il y a lieu de lui accorder un délai de paiement de 24 mois et de dire que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

La Cour estime devoir faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice de Françoise X....

PAR CES MOTIFS:

La Cour,
Infirme le jugement rendu par le Tribunal d'Instance de VILLEURBANNE le 10 mars 2006.
Statuant à nouveau,
Condamne Françoise X... à payer à la SA CETELEM la somme de 29.155,74 euros avec intérêts au taux nominal contractuel de 10,25% à compter du 13 juillet 2004
Condamne la SA CETELEM à payer à Françoise X... la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.
Ordonne la compensation entre les dettes réciproques des parties.
Sursoit à l'exécution des poursuites et accorde à Françoise X... un délai de 24 mois pour se libérer de sa dette.
Dit que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Déboute la SA CETELEM de sa demande de dommages et intérêts.
Condamne la SA CETELEM à payer à Françoise X... la somme de 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne la SA CETELEM aux dépens avec distraction au profit de la SCP DUTRIEVOZ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0465
Numéro d'arrêt : 06/03094
Date de la décision : 23/10/2007

Analyses

PRET - Prêt d'argent - Prêteur - Etablissement de crédit - Responsabilité - Manquement au devoir de mise en garde - Applications diverses - / JDF

Un établissement financier professionnel du crédit est tenu d'un devoir de mise en garde auprès de son client non professionnel, et tout particulièrement au regard du risque de surendettement. L'emprunteur se trouvait en situation d'endettement excessif dès la souscription du deuxième prêt, plus de la moitié de ses ressources étant affectée au remboursement des prêts. Le quatrième prêt, s'il prévoit des mensualités plus adaptées, n'a pu qu'être accepté par l'emprunteur malgré un taux d'intérêt légèrement supérieur et une durée particulièrement longue pour un crédit à la consommation. L'établissement de crédit ne peut pas se décharger de sa responsabilité en soutenant ne pas avoir eu connaissance de la situation financière de l'emprunteur. Il lui incombe en effet de demander à l'emprunteur des renseignements sur sa situation financière, ses revenus et ses charges et d'exiger des justificatifs, comme il est d'usage en la matière. Or, aucune fiche de renseignement sur la situation personnelle et financière de l'emprunteur n'est produite par l'établissement financier, lequel aurait dû s'inquiéter de cette succession de rachats. Il ne justifie pas avoir alerté l'emprunteur sur le risque d'endettement né de ces prêts successifs. L'établissement de crédit a donc gravement manqué à son devoir de mise en garde et engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil. Ce manquement doit être réparé par l'allocation de dommages-intérêts, et non par la suppression des intérêts des prêts.


Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Villeurbanne, 10 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-10-23;06.03094 ?
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