AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE
R.G : 06/06893
SARL MEDINOV
C/
X...
APPEL D'UNE DECISION DU :
Conseil de Prud'hommes de LYON
du 16 Octobre 2006
RG : F 06/01596
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2007
APPELANTE :
SARL MEDINOV
99 rue de Gerland
69007 LYON
représentée par Me Jacques BOURBONNEUX, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur Michael X...
...
69780 MIONS
comparant en personne, assisté de Me Thérèse CHIRCOP, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sylvaine CHARTIER, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUEES LE : 05 Janvier 2007
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Juin 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Françoise FOUQUET, Présidente
Madame Claude MORIN, Conseiller
Madame Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Madame Claudiane COLOMB, Greffier placé.
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Septembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller, pour le Président empêché et par Mademoiselle Eléonore BRUEL, Adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffie, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Michael X... a été embauché par la société MEDINOV suivant contrat de professionnalisation à durée déterminée en date du 11 juillet 2005, à compter du 1er septembre 2005 et jusqu'au 31 juillet 2007, avec une rémunération mensuelle à hauteur de 55 % du SMIC. Monsieur X... préparait un BTS négociation et relation client, en partenariat avec l'école TEAM PME, située à Villeurbanne.
La société MEDINOV commercialise ou loue du matériel médical pour les personnes à mobilité réduite, et / ou en état de dépendance.
Elle est dirigée par M. B... et l'épouse de ce dernier y est salariée.
Le 23 janvier 2006, Monsieur X... a eu 21 ans. Sa rémunération devait alors conformément aux textes en vigueur être portée à 70 % du SMIC.
Le 4 février 2006, la société MEDINOV lui a notifié un avertissement pour diverses insuffisances professionnelles que Michael X... a contesté immédiatement par courrier recommandé.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 février 2006, Michael X... a fait état d'un incident survenu ce jour même avec son employeur après avoir pris contact avec l'Inspection du Travail auquel il en a envoyé copie. Il précisait que son employeur voulait l'inciter à démissionner et qu'il existait un important turn over dans l'entreprise, (BTS en alternance, CNE, stages) à tel point qu'il était le plus ancien embauché
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 13 février 2006, reçue le 15 février la société MEDINOV a adressé à Michael X... un avertissement, lui reprochant un départ anticipé le 7 février et le 13 février et une absence injustifiée le 8 février.
Par lettre du 16 février la société l'a mis en demeure de reprendre son poste.
Le 20 février 2006, Michael X... a remis à son employeur un courrier par lequel il lui faisait part du harcèlement dont il estimait avoir été victime à sa reprise de travail ce même jour et de son départ de l'entreprise avec l'intention de "mettre en place une procédure auprès des instances concernées."
Il a adressé ce même jour un courrier à l'Inspection du Travail relatant les faits, la pression dont il était l'objet et les menaces sur la suite de son cursus scolaire.
Par lettre du 20 février 2006, la société MEDINOV a adressé un avertissement à Michael X... lui reprochant d'avoir ce même jour refusé d'exécuter des travaux de mailing et tenu des propos irrespectueux envers son tuteur Mme B..., puis quitté l'entreprise après "cette violente agression verbale".
Michael X... a immédiatement contesté les reproches qui lui étaient ainsi adressés.
Le 7 mars 2006, Michael X... a, à nouveau, écrit à l'Inspection du Travail pour lui exposer qu'ayant repris son emploi après un arrêt médical de quelques jours, le 6 mars 2006, il avait constaté que tous ces rendez vous avaient été annulés, il avait dû faire du rangement et du classement dans la réserve, qu'il avait à nouveau été victime de menaces et de chantage, pour le contraindre à démissionner et que le lendemain 7 mars, il avait même été agressé physiquement par M. B..., en outre qu'il n'avait toujours pas reçu ni sa fiche de paie de février, ni son salaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 2006, Michael X... a rappelé à son employeur qu'il s'était présenté à son travail le 10 avril à 9h, qu'il lui avait été demandé d'envoyer un courrier de rupture amiable et qu'il avait été contraint par ses employeurs de quitter l'entreprise, mais qu'en aucun cas il n'était démissionnaire, ni demandeur à la rupture de son contrat de travail. Il précisait qu'il saisissait le conseil de prud'hommes de Lyon.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2006, la société MEDINOV lui a reproché son attitude désinvolte, ses absences tant à l'entreprise qu'à l'école et lui demandait de justifier de ses absences du 10 et 11 avril, relevant toutefois qu'il s'était présenté le 10 avril.
Des échanges de courriers entre les parties s'en sont suivis, chacun restant sur sa position.
A sa demande Michael X... a fait l'objet d'un examen par le médecin du travail, les 9 qui a précisé "inapte... danger immédiat de maintien au poste de travail", puis le 30 mai, "inapte..., l'état de santé ne permet pas de proposer des tâches qu'il pourrait exercer dans l'entreprise".
Michael X... a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon, le 9 mai 2006, pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Par jugement prononcé le 16 octobre 2006, le Conseil de prud'hommes de Lyon, section commerce, a fait droit à sa demande et condamné la société MEDINOV à lui verser la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour résiliation anticipée de son contrat de travail à durée déterminée aux torts de l'employeur outre 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, a débouté la société MEDINOV de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
La société MEDINOV a régulièrement interjeté appel le 2 novembre 2006.
Par conclusions déposées au greffe le 19 avril 2007 et soutenues à l'audience, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens et prétentions de l'appelante, la société MEDINOV demande à la Cour de réformer la décision, de débouter Michael X... de l'ensemble de ses demandes et à titre reconventionnel, de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à durée déterminée pour faute grave et de le condamner à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts, à titre subsidiaire de constater que Michael X... a été déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise et que la société ne peut être tenue de reprendre le versement de ses salaires, en tout état de cause de condamner Michael X... à lui verser une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé de ses moyens et prétentions, Michael X... demande à la Cour de
- Confirmer la décision en ce qu'elle a
- Ordonné la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de l'attitude fautive de l'employeur,
- Condamné la société MEDINOV à lui verser la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour résiliation anticipée du contrat de travail à durée déterminée aux torts de l'employeur,
- A titre subsidiaire, y ajoutant, et si par impossible la Cour ne devait pas prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société MEDINOV,
- Constater que la société MEDINOV a de manière non équivoque manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail en sollicitant la résiliation judiciaire du contrat de professionnalisation à ses torts, que cette manifestation s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- En conséquence, débouter la société MEDINOV de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 € à son encontre,
- Condamner la société MEDINOV à lui verser la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- Condamner la société MEDINOV à lui verser la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
DISCUSSION
Aux termes de l'article L 122- 3-8 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure.
Un salarié peut demander la résiliation judiciaire d'un contrat de travail à durée déterminée rupture aux torts de son employeur, s'il démontre l'existence d'une faute grave de ce dernier c'est à dire d'un manquement intolérable rendant impossible la poursuite des relations contractuelles.
La relation contractuelle a été satisfaisante jusqu'au début de l'année 2006.
Force est de constater, quand bien même l'employeur se serait acquitté spontanément de son obligation légale de porter le montant de la rémunération de 25 à 70 % du smic, que les difficultés ont surgi concomitamment à cette modification de la rémunération, la société MEDINOV ayant adressé un avertissement dès le 4 février 2006.
Si la société produit des feuilles d'évaluation émanant de deux clients, le cabinet de soins infirmier PAULOZ et Mme C..., service de soins à domicile, qui font état d'une bonne présentation mais d'une motivation insuffisante dans la mesure où Michael X... n'aurait pas su transmettre son message et de son absence de présentation de produits nouveaux, ces deux documents qui ne précisent pas les dates des contacts commerciaux, sont insuffisamment pour justifier l'avertissement ci dessus rappelé, alors même que Michael X... produit de son côté de nombreuses attestations de personnes démarchées par ses soins qui démontrent le contraire. En outre, dans cet avertissement, l'employeur faisait état d'absences de Michael X... et d'un travail insuffisant à l'école, ce qui, contesté par Michael X... dans sa réponse immédiate à son employeur, n'est nullement établi.
Cet avertissement est donc parfaitement injustifié.
L'employeur fait état dans ses conclusions d'absences injustifiées le 8 février alors qu'une autorisation d'absence déduite de ses congés payés, lui avait été accordée, le 13 février, alors que Michael X... a immédiatement écrit à son employeur, pour protester contre le fait qu'il l'ait empêché de se servir de l'ordinateur et lui avait demandé de partir.
Par la suite, le conflit s'est encore aggravé avec son employeur, ainsi qu'il est rappelé ci dessus, Michael X... reprochant à M et/ou Mme B..., une série de pressions, de brimades, d'insultes pour le pousser à rompre le contrat, qu'il relevait à chaque fois.
La Cour ne peut que constater, tant par les attestations produites (Messieurs D..., E..., F..., Mlle H...) que par l'examen du registre du personnel que la société MEDINOV pratiquait de façon habituelle une politique d'emploi de contrats précaires (contrats de travail à durée déterminée, contrats de qualification, stages) et y mettait fin soit sans raison, soit en contraignant par des pressions de toute nature les salariés ou stagiaires à démissionner (12 salariés en 8 mois). Les attestations produites par la société de clients ou de salariés (M. I..., M. J... ) qui en outre ne travaillaient pas au siège de l'entreprise, ne suffisent pas à établir que le comportement de M. et/ou Mme B... à l'encontre de Michael X... aurait été sans reproche et que les plaintes du salarié renouvelées à chaque courrier auraient été mensongères.
La Cour, comme les premiers juges, a dès lors la conviction que Michael X... a bien été victime de faits de harcèlement pour le pousser à démissionner et que cette attitude particulièrement fautive de l'employeur, qui a eu un retentissement important sur son état de santé, le contraignant à des arrêts de travail, et qui a été la cause de la déclaration d'inaptitude du médecin du travail, justifie la résiliation judiciaire anticipée de son contrat de travail à durée déterminée aux torts de son employeur.
La Cour confirme donc le jugement entrepris tant en son principe qu'en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts justement appréciés eu égard aux conséquences matérielles(perte d'une année scolaire, perte de salaires) et morales de cette rupture, peu important que Michael X... ait été ou non médicalement apte à poursuivre son activité professionnelle.
La société MEDINOV qui succombe dans ses prétentions de voir requalifier cette rupture en résiliation aux torts du salarié, ne peut prétendre à des dommages-intérêts, ni à une indemnité en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Il n'est pas équitable de laisser supporter Michael X... l'ensemble des frais irrépétibles qu'il a dû engager devant la Cour et il sera fait droit à sa demande de ce chef, en sus des sommes allouées à ce titre en première instance.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris,
REJETTE les demandes formulées par la société MEDINOV,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société MEDINOV à verser à Michael X... la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
La CONDAMNE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRESIDENT.