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26/01/2007 | FRANCE | N°05/04766

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, 26 janvier 2007, 05/04766


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R. G : 05 / 04766

Y... cédric
Y... NEE Z...
Y... Caroline

C /
SNC JEAN LEFEBVRE SUD-EST

APPEL D'UNE DECISION DU :
Conseil de Prud'hommes de LYON
du 28 Juin 2005
RG : F 04 / 01014

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 26 JANVIER 2007

APPELANTS :

Madame Nicole Y... NEE Z..., Monsieur Cédric Y... Mademoiselle Caroline Y..., ayants droits de Monsieur Bernard Y..., décédé
...
69780 MIONS

représenté par Me Sylvie VUILLAUME-COLAS, avocat au ba

rreau de LYON substitué par Me B..., avocat au barreau de

INTIMEE :

SNC JEAN LEFEBVRE SUD-EST
63 rue André Bollier
BP 7222
69354 LYO...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE

R. G : 05 / 04766

Y... cédric
Y... NEE Z...
Y... Caroline

C /
SNC JEAN LEFEBVRE SUD-EST

APPEL D'UNE DECISION DU :
Conseil de Prud'hommes de LYON
du 28 Juin 2005
RG : F 04 / 01014

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 26 JANVIER 2007

APPELANTS :

Madame Nicole Y... NEE Z..., Monsieur Cédric Y... Mademoiselle Caroline Y..., ayants droits de Monsieur Bernard Y..., décédé
...
69780 MIONS

représenté par Me Sylvie VUILLAUME-COLAS, avocat au barreau de LYON substitué par Me B..., avocat au barreau de

INTIMEE :

SNC JEAN LEFEBVRE SUD-EST
63 rue André Bollier
BP 7222
69354 LYON CEDEX 7

représentée par la SCP ARNAUD-REY, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUEES LE : 19 Avril 2006

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Novembre 2006

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président
Madame Anne Marie DURAND, Conseiller
Mme Hélène HOMS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Madame Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Janvier 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président, et par Madame Malika CHINOUNE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

LA COUR,

Le 16 avril 1973, Monsieur Bernard Y... était engagé par la société JEAN LEFEBVRE SUD EST en qualité de comptable. Il percevait en dernier lieu sur treize mois une rémunération mensuelle brute de base de 9 386, 12 euros outre une prime d'ancienneté de 128, 44 euros.

L'entreprise est soumise à la convention collective des ETAM des travaux publics.

Le 29 janvier 2002, par courrier de la société EUROVIA MANAGEMENT, Monsieur Y... était muté au sein de la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE SUD EST à CHASSIEU.

Le 30 janvier 2003 la société EUROVIA MANAGEMENT invoquant le fait que Monsieur Y... assurait la fonction de gestionnaire administratif et comptable du GIE ENROBES LYON EST (E. L. E) et de la SARL RHODANIENNE des métaux enrobés (S. R. M. E), relatait par courrier la tenue d'un entretien annuel d'évaluation de Monsieur Y... pour l'année 2002. Elle invoquait " de nombreux dysfonctionnements et lacunes " du salarié dans l'accomplissement de ses tâches en lui demandant pour 2003 une " amélioration de son comportement vis-à-vis de (ses) différents interlocuteurs " et une évolution significative de son organisation ". Elle notait la nécessité de mettre en place un logiciel INEDI en s'engageant à assurer à Monsieur Y... un complément de formation sur ce logiciel.

Par lettre remise en main propre le 5 novembre 2003, la société JEAN LEFEBVRE convoquait Monsieur Y... à un entretien préalable à son licenciement fixé au 13 Novembre.

Par lettre du 17 novembre 2003, Monsieur Y... contestait le grief " d'incompétence à son travail " qui lui était opposé alors qu'il exerçait sans incident les fonctions de comptable depuis plus de trente ans.

Il faisait valoir que depuis la fin février 2002 lui avait été confiée " la gestion de deux nouvelles sociétés ainsi que la paye et les tâches incombant à la gestion des salariés ". Il rappelait qu " avec ces nouvelles tâches et la charge de travail qui en était résulté, il avait dû remettre en place toute la comptabilité et tous les logiciels en fonction... (alors) qu'il était seul et sans moyens supplémentaires pour cette mise en place. "

Monsieur Y... était licencié par lettre du 24 novembre 2003, aux motifs suivants :

" Vous occupez, à ce jour et depuis le 1er février 2002 au sein de notre société, un poste de comptable (échelon3, position E) ; vous avez en charge la tenue et le suivi des comptabilités des sociétés SRME (société Rhodanienne de Matériaux enrobés) et ELE 5enrobés Lyon EST), sociétés dans lesquelles nous sommes en partenariat avec les sociétés COLAS, APPIA, SCREG, SACER.

Lors d'une réunion de contrôle interne en date du 3 novembre 2003, nous avons constaté de graves dysfonctionnements dans la tenue de vos fonctions :
- Aucun document de comptabilité générale n'a été édité et conservé à chaque clôture mensuelle depuis le 1er janvier 2003. A la date du 3 novembre 2003, les comptes au 30 septembre n'étaient toujours pas clôturés.
- Aucun dossier de révision comptable justifiant de la régularité des comptes et de leur fiabilité n'a pu nous être présenté depuis le 1er janvier 2002 ; ce qui n'est pas conforme aux règles déontologiques et à celles de l'entreprise ; ceci est une grave lacune professionnelle.
- les raccordements entre la comptabilité générale et les situations de gestion n'ont pas pu nous être présentés ; ce qui retire toute fiabilité aux résultats annoncés-fait aggravant-ces résultats font l'objet de décisions de gestion en comité de direction avec nos associés.
- Les comptabilités auxiliaires ne sont pas raccordées avec la comptabilité générale ; des écarts extrêmement importants se sont révélés depuis de nombreux mois et ne sont pas justifiés à ce jour ; ce qui retire toute force probante à la tenue comptable. Ceci est tout à fait inacceptable.
- Enfin vous faites preuve d'un relationnel très déficient avec votre responsable de service, Monsieur C..., et votre responsable d'exploitation, Monsieur D..., ce qui nuit manifestement à la qualité de votre travail.

L'ensemble de ces dysfonctionnements, qui vous ont été signifiés à plusieurs reprises par écrit et verbalement, nous oblige à constater de graves insuffisances professionnelles confirmées par les éléments de contrôle interne et dont les conséquences sont très dommageables pour l'entreprise.

C'est pourquoi, ces manquements importants dans l'exécution de vos tâches, compte tenu de votre fonction, ne sont plus compatibles avec votre maintien dans l'entreprise.

Lors de notre entretien, vous ne nous avez fourni aucune explication qui puisse modifier notre appréciation des faits ; par conséquent, nous vous notifions votre licenciement pour graves insuffisances professionnelles.

Monsieur Y... était dispensé de l'exécution de son préavis.

Il contestait par courrier du 8 Décembre 2003 les griefs articulés dans la lettre de licenciement.

Il saisissait le 10 mars 2004 Conseil de Prud'hommes de LYON.

Par jugement rendu le 28 juin 2005, le conseil (section industrie) le déboutait de ses prétentions.

Monsieur Y... interjetait appel le 5 juillet 2005.

Il décédait le 16 mars 2006.

Ses ayants droit, Madame Z..., sa veuve, Monsieur Cédric Y... et Mademoiselle Caroline Y..., ses enfants poursuivent son instance devant la Cour.

SUR QUOI :

Vu les conclusions du 10 Avril 2006, régulièrement communiquée au soutien de ses prétentions orales des consorts Y... qui demandent à la Cour, par réformation du jugement déféré, de condamner la SNC Entreprise Jean LEFEVRE Sud Est, ci-après E. J. L Sud Est à lui payer la somme de 100 368 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur Y... ainsi que celle de 2000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Vu les conclusions du 14 Novembre 2006 régulièrement communiquées au soutien de ses prétentions orales de la société E. J. L Sud Est aux fins de confirmation du jugement déféré,

Vu les dispositions de l'article L122-14-3 du Code du Travail,

Considérant que pour licencier Monsieur Y..., salarié de l'entreprise depuis plus de trente années, la société E. J. L Sud Est invoquait des " insuffisances professionnelles " confirmées par contrôle interne, l'absence de document de comptabilité générale à chaque clôture mensuelle depuis le 1er Janvier 2003, absence de dossier de révision comptable justifiant la régularité des comptes et leur fiabilité depuis janvier 2002 ; non présentation de liens entre la comptabilité générale et les situations de gestion ; relations de travail très déficientes avec son responsable de service et son responsable d'exploitation ;

que devant la Cour, la société E. J. L Sud Est fait valoir qu'en 2001, Monsieur Y... était en charge de la gestion comptable de deux sociétés du " groupe ", les sociétés LEMAN ENROBES et SOFALIC, puis en Février 2002, celle des sociétés ELE et SRME, qu'il n'a été ajouté aucune fonction à celles précédentes de Monsieur Y..., que la comptabilité des société ELE et SRME était assurée auparavant par la société OLAS qui a évidemment transmis les comptes arrêtés au 31 Décembre 2001, que Monsieur Y... n'a pas contesté ensuite la mise en garde sévère qui lui a été adressée le 30 Janvier 2003, qu'il avait tous les moyens nécessaires pour accomplir sa mission ;

que la société E. J. L Sud Est produit aux débats pour caractériser les griefs d'insuffisances professionnelle qu'elle avance la mise en garde de la société EUROVIA Management du 30 Janvier 2003 signée par Monsieur E... un compte rendu de " contrôle interne " du 12 Novembre 2003, des attestations du Directeur administratif et financier d'EUROVIA Management, Monsieur F..., d'un Directeur adjoint d'agence E. J. L, de responsables administratifs d'agence E. J. L, Madame D... et CHANCRION, un rapport d'audit de la société MAZARS, de Décembre 2004, des contrats de mise à disposition de comptables au cours de la période du 8 décembre 2003 au 27 Février 2004 ;

que tous ces documents toutefois n'apportent aucun élément sérieux quant aux griefs professionnels articulés, aucun élément sur les difficultés relationnelles invoquées ;

que d'abord la mise en garde du 30 Janvier 2003 ne fait qu'un inventaire de griefs sans détails et exposé de circonstances précises ; qu'elle est signé par le rédacteur de la lettre de licenciement, Monsieur E... et n'apporte aucun élément quant aux moyens réels attribués à Monsieur Y... pour l'accomplissement de sa tâche ; que dans cette mise en garde, Monsieur E... reconnaît la nécessité d'une mise en place d'un logiciel intégrant toutes les " fonctionnalités requises ", ce qui implique une déficience au moins à ce titre ;
que l'attestation de Monsieur E..., directeur administratif et financier de la société EUROVIA MANAGEMENT, société de prestations de services de la SA EUROVIA dont la société ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE Sud Est est filiale, n'énonce qu'une " incapacité " de Monsieur Y... à lui montrer les documents de tenue de comptabilité et leurs justificatifs le 3 Novembre 2003, sans démontrer que ces documents n'existaient pas ;
que les attestations des responsables d'agence ne relatent pas une absence de documents mais l'envoi en retard avec des erreurs des " situations des postes d'enrobés " (attestation D...) ; qu'elles ne relatent pas de difficultés relationnelles notamment pas celles concernant Monsieur C... qui était pourtant responsable du service administratif où a été intégré Monsieur Y... en Janvier 2002 ; que Monsieur C... invoque une mise à disposition de moyens techniques au bénéfice de Monsieur Y... mais se contente d'affirmer son impossibilité d'obtenir de sa part une justification des comptes des sociétés ELE et SRME et l'absence de " raccordement " entre les comptes généraux et leur détail auxiliaire sans démontrer la réalité d'une comptabilité antérieure à la prise de fonction du salarié et la faisabilité des raccordements invoqués ;

Que le rapport de contrôle interne du 12 Novembre 2003 de la société EUROVIA MANAGEMENT n'a pas été contresigné par Monsieur Y... et ne comporte qu'une liste de griefs sans les caractériser par des documents à l'appui ; que l'affirmation en conclusion de l'absence de fiabilité des états de gestion et de documents comptables, de dossier de révision n'apparaît pas sérieuse dans ces conditions ;

que l'audit de la société MAZARS a été réalisé un an après le licenciement, non contradictoirement, qu'il invoque des écarts et erreurs qui n'ont pas été énoncés dans la lettre de licenciement ;

Et considérant que pour sa part Monsieur Y... a fait valoir lors de son licenciement qu'il n'avait occupé son nouveau poste qu'à compter du 25 Février 2002, qu'il n'avait eu alors ni information ni aide sur les comptabilités des sociétés ELE et SRME, sans comptabilité depuis le 1er Janvier précédent, en l'absence de la personne qu'il a remplacée, Monsieur de G..., qu'il avait dû tout reconvertir en euros, que le paramétrage du logiciel des payes n'avait été mis en place qu'en Mars, que des difficultés importantes avaient été générées par un logiciel INEDI, que le bilan du 31 décembre 2002 ayant été arrêté et justifié, il était impossible d'affirmer une absence de chiffrage, que le " raccordement " entre la comptabilité générale en fin d'année et les situations de gestion au mois le mois ne pouvait par hypothèse être effectué au jour le jour, que ses relations avec ses supérieurs, Monsieur H... et D..., n'avaient " jamais été de nature à altérer ni le respect ni la politesse qui leur était dûes ", que pourtant ceux-ci ne lui avaient apporté aucune aide malgré un mail du 5 Septembre 2002 relatant des difficultés pour récupérer tous les postes existants, que le motif de son licenciement était en réalité économique, d'ordre structurel,

qu'il est démontré par le tableau intitulé " mouvement effectif 2003 " que produit l'intimée que l'effectif des ETAM dont faisait partie Monsieur Y... est passé à 57 personnes à 48, que l'entreprise a procédé à six licenciements, que si Monsieur I..., cadre de gestion a été muté à effet du 1er Janvier 2004 pour assurer l'ensemble de la comptabilité des sociétés ELE et SRME, le poste de comptable, statut ETAM, de Monsieur Y... n'a pas été pourvu après son départ de l'entreprise ;

Considérant en conséquence de l'ensemble des éléments qui précèdent, que la Cour a la conviction que le licenciement de Monsieur Y... pour les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ;

Considérant que Monsieur Y... a été licencié après trente années au sein de l'entreprise alors qu'il était âgé de 54 ans ; qu'il n'a pas retrouvé d'emploi ;
qu'il a subi un préjudice matériel et moral qui justifie l'allocation en réparation, au vu des éléments en la cause, de la somme de 70 000 euros ;

Considérant le remboursement des allocations chômage par l'employeur fautif est en vertu de l'alinéa 2 de l'article L122-14-4 du Code du Travail dont les conditions sont réunies en l'espèce de droit ;
Qu'il convient de l'ordonner dans la limite légale ;

PAR CES MOTIFS :

- Réformant le jugement déféré,

- Condamne la S. N. C ENTREPRISE JEAN LEFEBVRE Sud Est à payer à Madame Z... veuve Y..., Monsieur Cédric Y..., Mademoiselle Caroline Y..., ayants droits de Monsieur Bernard Y..., la somme de 70 000 euros (soixante dix mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il a fait l'objet, outre intérêts de droits,

- Vu l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la condamne à payer aux appelants la somme de 2000 euros. (deux mille euros).

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. CHINOUNEE. PANTHOU-RENARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05/04766
Date de la décision : 26/01/2007
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lyon, 28 juin 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-01-26;05.04766 ?
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