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07/12/2006 | FRANCE | N°05/01211

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 1, 07 décembre 2006, 05/01211


R.G : 05/01211

et 06/2228

décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

au fond du 09 février 2004

RG No2002/3530

X...

TEISSIER

C/

Y...

Z...

A...

SLI SECTION LOCALE INTERMINISTERIELLE

COUR D'APPEL DE LYON

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 07 DECEMBRE 2006

APPELANTS :

Monsieur Georges X...

ès qualités d'administrateur légal de la personne

et des biens de sa fille mineure Noémie

née le 6 octobre 1997

...

69300 CALUIRE-ET-CUIRE

représe

nté par Me GUILLAUME, avoué à la Cour

assisté de Me B..., avocat au barreau de LYON

Madame Cécile C... épouse X...

ès qualités d'administratrice légale de la personne

et des biens de ...

R.G : 05/01211

et 06/2228

décision du Tribunal de Grande Instance de LYON

au fond du 09 février 2004

RG No2002/3530

X...

TEISSIER

C/

Y...

Z...

A...

SLI SECTION LOCALE INTERMINISTERIELLE

COUR D'APPEL DE LYON

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 07 DECEMBRE 2006

APPELANTS :

Monsieur Georges X...

ès qualités d'administrateur légal de la personne

et des biens de sa fille mineure Noémie

née le 6 octobre 1997

...

69300 CALUIRE-ET-CUIRE

représenté par Me GUILLAUME, avoué à la Cour

assisté de Me B..., avocat au barreau de LYON

Madame Cécile C... épouse X...

ès qualités d'administratrice légale de la personne

et des biens de sa fille mineure Noémie

née le 6 octobre 1997

...

69300 CALUIRE-ET-CUIRE

représentée par Me GUILLAUME, avoué à la Cour

assistée de Me B..., avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Madame Annick Y...

...

69270 FONTAINE SUR SAONE

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA

avoués à la Cour

assistée de Me D..., avocat au barreau de LYON

Madame Marie-Christine Z...

...

69004 LYON

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA

avoués à la Cour

assistée de Me E..., avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur Mokhtar A...

...

48000 MENDE

représenté par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour

assisté de Me F..., avocat au barreau de LYON

SLI SECTION LOCALE INTERMINISTERIELLE

153 rue de Créqui

69454 LYON CEDEX 06

DEFAILLANTE

L'instruction a été clôturée le 06 Octobre 2006

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 25 Octobre 2006

L'affaire a été mise en délibéré au 30 Novembre 2006 puis prorogée au 07 Décembre 2006 les avoués dûment avisés, conformément à l'article 450 dernier alinéa du NCPC.

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue devant Monsieur ROUX et Monsieur GOURD, conseillers, (sans opposition des avocats dûment avisés) Mr ROUX a fait lecture de son rapport, ils ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,.

assistés de Madame JANKOV, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur VOUAUX-MASSEL, président,

Monsieur ROUX, conseiller,

Monsieur GOURD, conseiller

ARRET : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile,

signé par Monsieur VOUAUX-MASSEL, président et par Madame JANKOV, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame Cécile C... épouse X... alors qu'elle était enceinte a été suivie au cours de sa grossesse par le Docteur Annick Y... médecin gynécologue.

Ce praticien l'a adressée au Docteur Marie-Christine Z... qui a pratiqué le 26 mars 1997 et le 6 juin 1997 des échographies qui n'ont révélé aucune anomalie morphologique.

Le 21 août 1997 un nouvel examen pratiqué par le Docteur Mokthar A... n'a révélé aucune anormalité.

Le 6 octobre 1997 Madame Cécile X... a mis au monde une enfant de sexe féminin prénommée Noémie atteinte d'un spina bifida.

Estimant que la responsabilité des Docteurs Z... et A... était engagée du fait que leurs erreurs avaient empêché la mère d'interrompre sa grossesse Monsieur Georges X... et son épouse née Cécile C... agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leurs fille Noémie ont assigné ces praticiens en janvier 2002 devant le Tribunal de Grande Instance de LYON afin d'entendre ordonner une expertise médicale et d'obtenir la condamnation de ces deux praticiens à verser des provisions à valoir sur le préjudice de l'enfant Noémie et sur leur préjudice moral.

Ils ont par ailleurs assigné la SECTION LOCALE INTERMINISTERIELLE (S.L.I.) de LYON.

Par acte du 7 mai 2002 Madame le Docteur Z... a appelé en cause et en garantie Madame le Docteur Y....

Les défendeurs résistaient à la demande en invoquant la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 aux termes de laquelle ‘nul ne peut se prévaloir d'un préjudice né du seul fait de sa naissance" (article 1er I). Ils faisaient valoir que ce texte était applicable aux instances en cours à la date de sa promulgation de telle sorte qu'une expertise destinée à évaluer le préjudice de l'enfant était sans objet. Ils soutenaient par ailleurs que l'évaluation du préjudice moral des parents, seul susceptible d'être indemnisé en cas de faute caractérisée, ne nécessitait pas l'organisation d'une expertise.

Par ordonnance en date du 25 juin 2002 le juge de la mise en état a rejeté la demande d'expertise.

Monsieur et Madame X... ont demandé que soit écartée l'application de la loi du 4 mars 2002 comme contraire aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention. Ils soutenaient que cette loi avait un effet rétroactif anormal et avait été décidée dans le seul but de protéger une corporation précise.

A titre subsidiaire, pour le cas où l'application de la loi du 4 mars 2002 serait retenue ils soutenaient qu'une expertise restait nécessaire pour rechercher si les praticiens avaient commis une faute caractérisée susceptible d'entraîner la réparation de leur préjudice moral comme le prévoit l'article 1er I alinéa 3 de ce texte.

Par jugement en date du 9 février 2004 le Tribunal de Grande Instance de LYON a dit et jugé que l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 était applicable à l'instance et a ordonné une expertise confiée au Docteur H... aux fins notamment de rechercher si le dépistage aurait pu être fait et dans l'affirmative à quel moment, et si une interruption thérapeutique de grosse aurait pu être envisagée.

Il était par ailleurs demandé à l'expert de rechercher, dans l'hypothèse d'une faute médicale caractérisée, l'importance du préjudice moral des parents.

Par déclaration en date du 18 février 2005 Monsieur et Madame X... ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle retenait l'application de la loi du 4 mars 2002. L'affaire a été inscrite au Rôle Général de la Cour d'Appel sous le numéro 05/1211.

L'expert a déposé son rapport le 5 novembre 2004.

Par jugement en date du 27 février 2006 le Tribunal de Grande Instance de LYON a relevé que selon le rapport d'expertise aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre des Docteurs Z..., A... et Y... et que la perte de chance de faire pratiquer une interruption thérapeutique de grossesse était très minime compte tenu de la probabilité d'un refus de cet acte par le Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal en raison de l'absence de retentissement cérébral de la pathologie de l'enfant.

Le Tribunal déboutait en conséquence Monsieur et Madame X... de leurs demandes d'indemnisation et les condamnait à payer au Docteur Z... la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 5 avril 2006 Monsieur et Madame X... ont relevé appel de cette décision.

Sur le jugement du 9 février 2004 écartant le préjudice de l'enfant par application de l'article 1er de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 Monsieur et Madame X... maintiennent que ce texte méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'Homme et l'article 1er du protocole no 1 de cette convention.

Ils soutiennent que l'application de la loi du 4 mars 2002 aux instances en cours, application prévue par l'article 1er I alinéa 4 constitue une violation du principe de la séparation des pouvoirs en créant une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice. Ils exposent que cette loi a pour but de protéger les radiologues et échographistes ainsi que leurs assureurs des effets de la jurisprudence créée par l'arrêt "PERRUCHE" du 17 novembre 2000 qui avait admis la réparation au bénéfice de l'enfant du préjudice résultant de sa propre naissance par suite de la non découverte d'une malformation, cette absence de découverte ayant empêché sa mère de prendre une décision d'interruption de grossesse.

Ils soutiennent que leur enfant Noémie est victime de la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002 puisque son instance était engagée en janvier 2002, mais aussi de la rétroactivité de la loi du 30 décembre 2002 qui écarte la solidarité nationale en ce qui concerne les instances en cours lors de la publication de la loi du 4 mars 2002 pour la réserver aux seuls actes médicaux effectués après le 5 septembre 2001, ce qui exclut le cas de Noémie.

Ils font valoir que plusieurs décisions du 6 octobre 2005 de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) (DRAON et MAURICE/FRANCE) ont déclaré la loi du 4 mars 2002 inéquitable et contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Ils soutiennent, contrairement à l'avis de l'expert, que la responsabilité des praticiens est évidente, notamment celle du Docteur Z....

Ils exposent que ce dernier leur a indiqué que la tête du foetus était "un peu petite" mais n'a effectué aucun examen complémentaire.

Il estiment que le Docteur Z... aurait pu suspecter une malformation dès lors que le rapport Pied/Fémur était inférieur à 1 et que le foetus présentait un crâne "en citron".

Ils exposent que le Docteur Z... a reconnu sa faute devant Madame X... soeur du père de l'enfant.

Ils invoquent les avis des Docteurs DAQIQ et ABDELNOUR selon lesquels un examen complémentaire était nécessaire pour éliminer le diagnostic de spina bifida.

Ils soutiennent que la responsabilité du Docteur Y... est également engagée pour ne pas avoir vérifié le rapport Pied/fémur révélateur pourtant d'un risque de spina bifida.

Ils soutiennent que le Docteur A... aurait dû voir la malformation représentée par une bosse de 5 centimètres de diamètre au bas de la colonne vertébrale de Noémie qui résultait de la malformation de la moelle épinière qui n'était pas protégée par les vertèbres car elle ressortait.

Ils font valoir que le Docteur A... a déclaré à l'expert : "je pense qu'il (le spina bifida) était peu visible", et soutiennent que l'adverbe "peu" suffit à caractériser la faute.

Ils demandent à la Cour d'écarter la loi du 4 mars 2002 et de condamner solidairement les Docteurs A..., Y... et Z... à leur verser :

- au titre du préjudice physique de Noémie.......................................... 150.000 euros

- au titre de leur préjudice matériel....................................................... 150 euros par mois

- au titre du préjudice professionnel de Madame X................... 30.000 euros

Ils demandent que l'arrêt soit déclaré commun et opposable à la S.L.I.

Madame le Docteur Marie-Christine Z... soutient que l'appel des époux X... concernant le jugement du 9 février 2004 est irrecevable dès lors que par conclusions après expertise déposées le 17 février 2005, soit avant l'appel du 18 février 2005, ils avaient sollicité du tribunal l'indemnisation de leur préjudice moral, et ce par application de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, en relevant expressément que " seul le préjudice moral des parents peut être réparé selon l'article 1 de la loi du 4 mars 2002". Elle en déduit que les époux X... ont implicitement acquiescé au jugement.

Elle soutient par ailleurs que le handicap de l'enfant n'ayant été ni provoqué, ni aggravé par les actes médicaux les parents ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes présentées ès qualités d'administrateurs légaux de l'enfant.

Se fondant sur l'avis du Conseil d'Etat du 6 décembre 2002 elle soutient que le nouveau régime légal n'est pas incompatible avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ni avec l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ni enfin avec les articles 14 et 26 du pacte sur les droits civils et politiques.

Elle fait valoir que la loi du 30 décembre 2002 qui n'a aucunement modifié le régime de responsabilité n'a pas à être prise en compte dans le présent litige, pas plus que la question de savoir si l'enfant Noémie est susceptible de bénéficier de la solidarité nationale.

Elle rappelle enfin que nul ne peut prétendre au maintien d'une jurisprudence constante, même s'il a agi avant son abandon.

A titre subsidiaire, pour le cas où l'application de la loi du 4 mars 2002 ne serait pas retenue elle fait valoir qu'aucune faute de sa part n'a été relevée par le rapport d'expertise, de sorte que les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice de l'enfant comme de celui des parents devront être rejetées.

A titre subsidiaire elle sollicite la réduction des indemnités sollicitées.

En tout état de cause elle demande la condamnation des époux X... à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Le Docteur A... soutient que l'application de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 à la présente affaire n'est pas incompatible avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme dès lors qu'à la date où ils ont engagé leur action les époux X... ne disposaient pas d'une créance constituant "un bien" au sens de l'article 1er du protocole additionnel no1 . Il expose à cet égard que la jurisprudence de la Cour de Cassation n'était pas fixée puisqu'elle ne résultait pas d'un seul arrêt rendu en assemblée plénière le 17 novembre 2000 qui a admis qu'un enfant atteint d'un handicap non décelé lors de la grossesse pouvait demander réparation du fait que sa vie n'ait pas été interrompue.

Il expose que la portée de cet arrêt (dit "arrêt PERRUCHE") a été réduite par d'autres arrêts des 13 juillet et 28 novembre 2001 qui ont subordonné l'indemnisation du préjudice de l'enfant à la preuve de la réalisation des conditions d'une interruption thérapeutique de grossesse et ont considéré que le préjudice de l'enfant n'était pas constitué par une perte chance mais par son handicap.

Il soutient que les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme du 6 octobre 2005 (DRAON et MAURICE c/FRANCE sont sans effet sur la présente instance puisqu'ils se référaient à une jurisprudence acquise devant la juridiction administrative et non pas devant la juridiction civile.

Le Docteur A... rappelle que sa responsabilité ne peut être retenue que pour une faute qui en cas d'application de la loi du 1er mars 2002 doit être caractérisée.

Il fait valoir qu'il résulte du rapport d'expertise :

- qu'il a réalisé la troisième échographie de façon consciencieuse, attentive, diligente, et conforme aux données acquises de la science,

- qu'il avait la compétence nécessaire,

- que la forme de spina bifida présentée par Noémie faisait partie des formes dont le diagnostic est difficile, et pouvait faire partie des formes pouvant encore échapper au dépistage,

- que sa perte de chance de faire le diagnostic ne pouvait être que très minime de sa part parce qu'il n'était plus au terme idéal pour faire le diagnostic de SB sans signe indirect.

Il demande à la Cour de dire et juger que la loi du 4 mars 2002 est applicable et qu'aucune faute, et a fortiori aucune faute caractérisée ne peut être retenue à son encontre.

Il conclut au rejet de l'ensemble des demandes des époux X... et sollicite 3.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Madame le Docteur Y... soutient que les époux X... ont implicitement acquiescé au jugement du 9 février 2004 puisqu'ils ont sollicité l'application exclusive de la loi du 4 mars 2002.

Elle soutient que ce texte est applicable dès lors que son application immédiate aux instances en cours ne les a pas privés du bénéfice d'une jurisprudence constante, la jurisprudence invoquée ne résultant que d'un seul arrêt au demeurant particulièrement critiquable puisqu'il méconnaissait le respect de la personne humaine et écartait l'exigence d'un lien entre la faute et le dommage indemnisable, et au-delà l'exigence d'un préjudice indemnisable.

Elle rappelle que nul ne peut prétendre au maintien d'une jurisprudence constante même s'il a agi avant son abandon. Elle soutient que les appelants ne peuvent se prévaloir d'une violation quelconque de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ni d'une jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l'Homme d'autant que les arrêts invoqués (arrêts DRAON et MAURICE/FRANCE du 6 octobre 2005) ne sont pas transposables à la présente espèce faute pour les époux X... de disposer d'une créance de réparation reposant sur une jurisprudence établie.

Elle fait valoir qu'à aucun moment les époux X... ne qualifient sa faute, qu'ils ne la démontrent pas et n'établissent aucun lien entre la faute et ce dommage, mais se contentent de soutenir qu'elle aurait dû constater, à la lecture du compte-rendu d'échographie du 6 juin 1997 que ce rapport pied/fémur était inférieur à 1, et demander un "examen supplémentaire" dont la nature n'est d'ailleurs pas précisée.

Elle soutient que cette affirmation n'est étayée par aucune publication scientifique ni par aucune pièce mais seulement par ces attestations des Docteurs DAQIQ et ABDELNOUR qui n'ont aucune valeur probante.

Elle expose qu'un écart de valeur aussi faible que celui relevé (0,92 au lieu de 1) n'a aucune signification pathologique.

Elle fait valoir que selon l'expert ses soins ont été consciencieux, dévoués et conformes aux données acquises de la science, et que les époux X... ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d'une faute au sens de l'article 1147 du Code Civil et encore moins au sens de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002.

Elle conclut au rejet de l'intégralité des demandes époux X... dirigées à son encontre.

La SECTION LOCALE INTERMINISTERIELLE assignée dans le cadre de l'instance no 05/1211 n'a pas constitué avoué.

DISCUSSION

Attendu qu'il existe entre les deux instances enrôlées sous les numéros 05/01211 (appel du jugement du 9 février 2001) et 06/02228 (appel du jugement du 27 février 2006) un lien tel qu'il est de bonne administration d'ordonner leur jonction ; qu'il sera donc statué sur les deux instances par le présent arrêt ;

Attendu que les époux X... agissant, tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fille mineure Noémie ont déposé le 17 février 2005 devant le Tribunal de Grande Instance de LYON des conclusions après expertise dans lesquelles ils précisent (page 9) que seul le préjudice moral des parents peut être réparé selon l'article 1 de la loi du 4 mars 2002 " ; que le dispositif de ces conclusions comporte le visa de la loi du 4 mars 2002 et une demande de réparation du seul préjudice des parents ;

Attendu qu'à aucun moment dans le corps de ces conclusions les époux X... n'ont indiqué qu'elles n'étaient prises que dans l'hypothèse où la Cour écarterait leurs prétentions , qu'au demeurant aucun appel n'était formé à la date du dépôt de ces conclusions ;

Attendu que les époux X... soutiennent que la formule "sous toutes réserves" apposée au bas de ces conclusions signifient qu'ils n'ont pas exécuté sans réserve le jugement du 9 février 2004 de sorte qu'il ne peut y avoir d'acquiescement au sens de l'article 410 du Nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que ce jugement statuant sur l'applicabilité d'un texte n'est pas susceptible d'exécution de sorte que l'argument tiré de la formule "sous toutes réserves" qui n'est qu'une pure formule de style est totalement inopérant ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que les époux X... ont de manière implicite mais certaine et non équivoque acquiescé au jugement du 9 février 2004 par lequel le Tribunal de Grande Instance de LYON a dit que l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 était applicable ;

Attendu qu'il s'ensuit que l'appel formé le 18 février 2005 contre ce jugement mixte qui admettait l'application de la loi du 4 mars 2002 et ordonnait une expertise est irrecevable ;

Attendu que la loi du 4 mars 2002 est donc seule susceptible d'être appliquée au présent litige, ainsi qu'il en a été définitivement jugé ;

Attendu qu'il résulte de l'article 1er de ce texte que nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance et que la personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement ou indirectement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer ;

Attendu qu'en l'espèce il est constant que le handicap de l'enfant Noémie n'est pas dû à un geste médical et que la seule faute médicale alléguée réside dans le fait de ne pas avoir décelé ce handicap avant la naissance ; qu'il est par ailleurs constant que la découverte du handicap avant la naissance n'aurait pas permis de l'atténuer ;

Attendu qu'il s'ensuit qu'en application de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice de l'enfant Noémie doivent être rejetées comme mal fondées ;

Attendu que les époux X... sont recevables à solliciter l'indemnisation de leur préjudice moral résultant du handicap de leur enfant non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée ;

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise du Docteur H... que Madame X... ne présentait pas a priori de risque particulier de spina bifida et a subi les échographies en cours de grossesse aux périodes conseillées par les professionnels pour les populations à bas risques; que l'expert a pu conclure que le Docteur Y... avait prescrit les examens classiquement recommandés dans cette situation et avait prescrit les "marqueurs sériques" qui étaient un élément supplémentaire pour évaluer un risque de spina bifida ;

Attendu que selon l'expert les constatations rapportées sur les comptes-rendus des échographies ne justifiaient pas d'exploration complémentaire ou d'avis spécialisé, les aspects biométriques et anatomiques de la tête de l'enfant étant normaux ;

Attendu que l'expert affirme que la prise en charge obstétricale de Madame X... par le Docteur Y... a été consciencieuse, attentive, diligente et conforme aux données acquises de la science à l'époque des faits ;

Attendu qu'ainsi aucune faute caractérisée n'étant établie à la charge du Docteur Y... il convient de rejeter les demandes présentées à son encontre ;

Attendu que le Docteur Z... a réalisé les deux premières échographies, dont celle du 6 juin 1997 qui avait le plus de chances de faire le diagnostic prénatal ; que l'expert précise que la forme de spina bifida présentée par l'enfant Noémie faisait partie des formes dont le diagnostic est difficile et qui pouvaient échapper au dépistage même réalisé dans les conditions optimales ; que toujours selon l'expert la prise en charge a été consciencieuse, attentive, diligente et conforme aux données acquises de la science ;

Attendu que les éléments contraires apportés par les époux X... : le témoignage de Madame X... tante de l'enfant, et les attestations des Docteurs DAQIQ et ABDELNOUR ne sont pas de nature à réfuter les conclusions de l'expert ; que Madame Annie X... sage-femme n'a pas assisté aux échographies pratiquées avant la naissance et ne fait que rapporter des propos qui selon elle auraient été tenus a posteriori par le Docteur Z... ; que par ailleurs les attestations des Docteurs DAQIQ médecin généraliste et acupuncteur et ABDELNOUR spécialiste de l'appareil digestif en dates des 17 décembre 2004 et 10 février 2005 sont trop succintes et imprécises pour étayer un avis contraire à celui de l'expert ;

Attendu que l'expert a estimé que le Docteur A... avait réalisé la troisième échographie de façon consciencieuse, attentive, diligente et conforme aux données acquises de la science, tout en précisant qu'il n'était pas au terme idéal pour faire le diagnostic d'un spina bifida sans signe indirect ;

Attendu qu'aucune faute caractérisée n'étant démontrée à l'encontre des Docteurs Z... et A... il y a lieu de débouter les époux X... des demandes formées à leur encontre ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile au-delà de ce qui a été alloué par les premiers juges ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 05/01211 (appel du jugement du 9 février 2004) et 06/02228 (appel du jugement du 27 février 2006),

Vu l'article 410 du Nouveau Code de procédure civile,

Déclare irrecevable par suite d'acquiescement l'appel des époux X... contre le jugement du 9 février 2004,

Statuant sur l'appel du jugement du 27 février 2006,

Confirme cette décision en toutes ses dispositions,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne Monsieur Georges X... et son épouse née Cécile C... aux dépens de leurs appels, avec droit de recouvrement direct au profit des Sociétés Civiles Professionnelles (SCP)

BRONDEL-TUDELA et DUTRIEVOZ, Sociétés d'avoués.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05/01211
Date de la décision : 07/12/2006
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lyon, 09 février 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2006-12-07;05.01211 ?
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