AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 05/06362 X... C/SOCIETE SOLYPHAR APPEL D'UNE DECISION DU :Conseil de Prud'hommes de LYON du 29 Septembre 2005RG :
04/02090 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE-A ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2006 APPELANT :Monsieur Christian X... ... comparant en personne, assisté de Me GRANGE, avocat au barreau de LYON (TOQUE 674)
INTIMEE :SOCIETE SOLYPHAR 9 rue du Bât d'Argent 69001 LYON comparant en la personne de Monsieur Y..., Directeur, assisté de la SCPA FROMONT, BRIENS etamp; ASSOCIES, avocats au barreau de LYON ( T. 727) plaidant par Me BOULANGER, avocat
PARTIES CONVOQUEES LE : 01 Février 2006 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE D : 11 Septembre 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :Madame Françoise FOUQUET, Présidente Madame Claude MORIN, Conseiller Mme Danièle COLLIN-JELENSPERGER, Conseiller Assistées pendant les débats de Madame Marie-France MAUZAC, Greffier. ARRET :
CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 30 Octobre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Madame
Françoise FOUQUET, Présidente, et par Madame Marie-France MAUZAC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *************EXPOSE DU LITIGE
Christian X... a assuré, à compter de 1986, la présidence de la société SOLYPHAR, nouvellement créée, dont le capital était détenu à hauteur de 51 % par la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE, et de 41 % par lui-même et sa famille, et dont l'activité était le conseil et l'assistance au montage des dossiers de financement de pharmacies et laboratoires de biologie. Le 28 mai 1999, la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE a racheté la participation de Christian X... dans le capital social. Un contrat de travail a été conclu entre les parties le 22 octobre 1999, avec effet au 1er juin 1999, aux termes duquel Christian X... exerçait les fonctions de directeur de la société SOLYPHAR, avec reprise d'ancienneté au 7/4/1986, en contrepartie d'une rémunération composée d'une partie fixe annuelle s'élevant à 91 469.41 ç, et d'une partie variable constituée, d'une part, par un intéressement sur le résultat avant impôt de la société SOLYPHAR, d'autre part, par un bonus sur le montant des contrats de prêts consentis par la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE aux clients de la société. Dans ce contrat de travail était insérée une clause de non-concurrence.
Le 7 avril 2004, Christian X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant essentiellement la modification de sa rémunération qui lui était imposée par l'employeur le 10 février 2004, avec effet rétroactif au 1er janvier 2004.
Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lyon, qui, dans sa décision rendue le 29/9/2005, a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail constituait une démission, l'a débouté de ses demandes en paiement de l'indemnité contractuelle de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , a
dit que son activité à partir de janvier 2005 constituait bien une violation de la clause de non-concurrence et l'a condamné à rembourser à la société SOLYPHAR la somme de 23 537.46 ç au titre de l'indemnité de non-concurrence versée en janvier et février 2005.
Christian X... a relevé appel du jugement.
Dans ses conclusions écrites, reprenant ses observations orales, reçues par le greffe le 12 mai 2006, il expose essentiellement, à l'appui de son appel, que:
- en décidant de modifier pour des raisons économiques les conditions de sa rémunération , la société avait l'obligation de respecter les dispositions de l'article L 321-1-2 du Code du Travail, en l'informant de la modification envisagée par lettre recommandée et en lui laissant un délai d'un mois pour faire connaître sa réponse;
- ensuite de la notification le 10/2/2004 par la société des nouvelles modalités de sa rémunération variable, sans solliciter son accord pour les mettre en oeuvre, il était fondé à prendre acte le 7 avril 2004 de la rupture de son contrat de travail, qui doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- l'activité de la société ATOUT PHARMA, créée par lui en janvier 2005, n'étant pas concurrente à celle de l'activité SOLYPHAR, il n'a pas contrevenu à la clause de non-concurrence.
Il réclame en conséquence le paiement des sommes suivantes:
- indemnité contractuelle de rupture : 326 037 ç,
- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 650 000 ç,
- indemnité de non-concurrence pour la période du 1er mars au 10 juillet 2004 : 50 490 ç, outre intérêts s'élevant à 14 122.97 ç,
- article 700 du NCPC : 8 000 ç.
Dans ses conclusions écrites, reprenant ses observations orales,
reçues par le greffe le 7/8/2006, la société SOLYPHAR demande la confirmation du jugement sur le rejet des demandes de Christian X... et le paiement par celui-ci de la somme de 6 000 ç en application de l'article 700 du NCPC. Reconventionnellement, elle réclame le remboursement des sommes perçues par Christian X... depuis juillet 2004 au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, soit 73 665.93 ç. Elle soutient essentiellement que Christian X... n'est pas fondé à tirer profit du refus, qu'il a exprimé plus de deux mois après sa proposition écrite de modifier les conditions de sa rémunération, et ce alors qu'elle a immédiatement renoncé à poursuivre cette modification.DISCUSSION
Sur la rupture du contrat de travail :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire d'une démission.
En l'espèce, Christian X... reproche à la société SOLYPHAR d'avoir modifié unilatéralement les modalités de sa rémunération.
L'examen de la correspondance échangée entre les parties permet de mettre en évidence les éléments suivants:
- au cours de l'année 2003, Christian X... a alerté tant sa hiérarchie que la direction de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE des conséquences sur l'activité de la société SOLYPHAR de la concurrence "exacerbée" des autres banques proposant des prêts à des taux d'intérêt plus intéressants que ceux consentis par la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE; les solutions qu'il préconisait consistaient, d'une part, à obtenir de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE un taux
d'intérêt plus concurrentiel, d'autre part, de réduire ou supprimer les honoraires de la société SOLYPHAR, mais à la condition que ces mesures n'aient pas d'incidence sur sa rémunération variable, calculée sur les recettes de la société;
- c'est ainsi que dans sa lettre du 29 décembre 2003, il a refusé les conditions de rémunération qui lui avaient été proposées le 22 décembre en précisant que "s'il acceptait le principe d'une diminution de sa rémunération variable, il n'était pas question d'un bradage" et qu'il était "dans l'attente d'une réponse urgente à la question de sa rémunération";
- le 28 janvier 2004, Christian X... constatait que les nouvelles modalités de fonctionnement de la société SOLYPHAR avaient été arrêtées et attendait d'avoir la confirmation par écrit des nouvelles conditions de sa rémunération;
- dans cette lettre de confirmation, qui lui était adressée le 10 février 2004, l'employeur portait, à compter du 1/1/2004, à 100 000 ç sa rémunération annuelle brute fixe et définissait les nouvelles modalités de calcul des deux éléments de sa rémunération variable, applicables aux résultats de l'exercice 2004; il précisait que ces dispositions, se substituant aux dispositions de même nature figurant dans le contrat de travail de 1999, constituaient un avenant à celui-ci, la lettre se terminant par la formule suivante: "Pour la bonne règle, vous voudrez bien me retourner un exemplaire de la présente complété de la mention daté et signé";
- le 7 avril 2004, Christian X... prenait acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants : " ...Alors même qu'il s'agit d'un élément essentiel de mon contrat de travail Mr Z... m'a informé verbalement au mois de décembre 2003 de votre décision de réduire ma rémunération. Par lettre du 29 décembre 2003,
je vous ai notifié mon désaccord absolu. Or, sans motif légitime, ni justification, vous êtes passé outre et sans aucun accord de ma part vous m'avez placé devant le fait accompli de votre décision en me notifiant par lettre du 10 février 2004 la réduction applicable avec effet rétroactif du 1er janvier 2004...De fait le bulletin de salaire du mois de février 2004 applique la modification et régularise la rémunération du mois de janvier, rémunération encore appliquée au mois de mars 2004, alors même que pour les raisons invoquées dans ma lettre du 29 décembre 2003...je refuse de signer l'avenant présenté...".
- dans sa réponse du 22 avril 2004, la société SOLYPHAR rappelait que les modalité définies dans sa lettre du 10 février résultaient des discussions que Christian X... avaient eues le 19 janvier 2004 avec la direction générale de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE ensuite de son désaccord manifesté le 29 décembre 2003 sur les propositions initiales, reprenait les motifs ayant conduit à revoir les modalités de sa rémunération variable et contestait l'ensemble des griefs énoncés par le salarié dans sa lettre de rupture;
- le 25 mai 2004, la société SOLYPHAR écrivait à nouveau a Christian X... en prenant acte de son refus de la proposition de modification de sa rémunération variable, mais de leur souhait commun de poursuivre leur collaboration, et l'informait du maintien intégral des conditions de son contrat de travail initial;
- le 1er juin 2004, Christian X... répondait qu'il n'était plus question de poursuivre leurs relations dans le cadre préalable, et exigeait d'abord l'indemnisation de la rupture de son contrat de travail avant d'examiner la proposition d'un nouveau mode de collaboration.
Il est ainsi établi que depuis plusieurs mois, les parties recherchaient un accord sur de nouvelles conditions de rémunération
du salarié adaptées à la situation de concurrence que traversait l'entreprise; que fin décembre 2003, Christian X... a clairement refusé la proposition de modification de sa rémunération; que de nouvelles discussions ont eu lieu qui ont permis à la société SOLYPHAR d'établir un projet d'avenant au contrat de travail qui a bien été soumis à l'accord du salarié; que s'étant contentée du silence gardé par celui-ci (rompu pratiquement deux mois plus tard), elle a commencé à l'exécuter en augmentant son salaire fixe mensuel. La société SOLYPHAR n'était nullement tenue de respecter la procédure prévue par l'article L 321-1-2 du Code du Travail, dès lors qu'elle ne considérait pas que la modification du contrat de travail était justifiée par l'existence de difficultés économiques , ou de l'une des autres causes énoncées par l'article L 321-1 du Code du Travail. Il s'ensuit que dans ce contexte de négociation de la rémunération de son directeur, la précipitation imprudente de la société SOLYPHAR, qui n'a été la cause d'aucun préjudice pour Christian X..., ne constitue pas un fait d'une gravité suffisante pour justifier l'initiative de la rupture du contrat de travail prise par ce dernier. C'est par conséquent à bon droit que le premier juge a dit que cette rupture devait s'analyser en une démission.
Sur la clause de non-concurrence :
L'article 12 du contrat de travail interdisait à Christian X... de "...s'intéresser directement ou indirectement à des activités pouvant concurrencer les activité de la société SOLYPHAR; solliciter, démarcher des clients et prospects de la société SOLYPHAR dans les mêmes activités, dans les mêmes secteurs, les détourner ou tenter de les détourner à son profit ou celui d'un tiers".
S'il est exact qu'aucune contrepartie financière n'était pas prévue
en cas de démission, la société SOLYPHAR a considéré qu'elle était tenue de la verser à Christian X..., qui, dans la lettre de rupture du 7 avril 2004 s'était engagé à respecter son obligation de non-concurrence en contrepartie du versement de l'indemnité de non-concurrence. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir de la nullité de cette clause de non-concurrence.
Comme il l'indique lui-même, l'activité de la société SOLYPHAR était, certes, de procurer à ses clients le crédit dont ils avaient besoin, mais après avoir procédé à une étude de leurs besoins de financement, de leur solvabilité...L'activité de conseil de la société ATOUT PHARMA, créée en janvier 2005 par Christian X..., consistait notamment dans l'étude des besoins de financement du client, d'étudier les conditions de crédit offertes par les différents établissements financiers. Il s'agissait donc bien d'une activité concurrente, ce que démontre la facture d'honoraires établie le 20 février 2005 par la société ATOUT PHARMA en rémunération des conseils et de l'étude financière réalisée pour le compte de Mme MENARD, cliente de la société SOLYPHAR. Cette facture portant le no 15, l'intimée est même fondée à soutenir que Christian X... a commencé son activité concurrente bien avant la création de sa société, ce que confirme son absence de réaction à la sommation qui lui a été faite par la société SOLYPHAR de produire les factures d'honoraires émises depuis la création de la société. Compte-tenu de cette violation manifeste de l'interdiction de concurrence, il convient de confirmer la décision du premier juge, qui a rejeté la demande de Christian X... en paiement de le contrepartie financière à partir de mars 2005, et fait droit à la demande reconventionnelle de la société SOLYPHAR en restitution des sommes versées à ce titre, si ce n'est sur le point de départ de cette restitution, qui doit être fixé à partir de juillet 2004, ce qui représente la somme de 73 665.97 ç.
L'appel n'étant pas fondé, la demande de Christian X... en application de l'article 700 du NCPC doit être rejetée. Il y a lieu en revanche de faire droit à la même demande formée par la société SOLYPHAR à hauteur de la somme de 1 500 ç.PAR CES MOTIFS,La Cour,
Confirme le jugement critiqué, sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de Christian X... au titre du remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
Condamne Christian X... à rembourser à la société SOLYPHAR la somme de 73 665.97 ç qui lui a été versée au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
Condamne Christian X... à verser à la société SOLYPHAR la somme de 1 500 ç en application de l'article 700 du NCPC,
Condamne Christian X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT.