AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE R.G : 04/06344 SOCIETE J.P. X... C/
Y... APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 09 Septembre 2004 RG : 02/00476 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE - A ARRÊT DU 18 AVRIL 2006 APPELANTE :
SOCIETE J.P. X... 84, impasse Pierre Curie 69400 VILLEFRANCHE SUR SAONE représentée par la SCP DES JACOBINS, avocats au barreau du MANS en la personne de Me LORRAIN, avocat
INTIME : Monsieur Bernard Y... 82 impasse des Ecureuils 69140 RILLIEUX LA PAPE comparant en personne, assisté du Cabinet LAMY-LEXEL, avocats au barreau de LYON (667) en la personne de Me DUC ECHAMPARD, avocat
PARTIES CONVOQUEES LE : 24 Juin 2005 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Février 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Madame Françoise Z..., Présidente Madame Claude MORIN, Conseiller Madame Anne Marie DURAND, Conseiller Assistées pendant les débats de Madame Marie-France A..., Greffier.
ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 18 Avril 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en
ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Madame Françoise Z..., Présidente, et par Madame Marie-France A..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL des FAITS et de la PROCEDURE
Bernard Y... a été engagé aux termes d' une lettre d'embauche en date du 30 décembre 1998, à compter du 15 janvier 1999 en qualité de Directeur, par la société JP X... En juin 2001, les actions de la société JP X... ont été cédées à la société La FORESTIERE DU MAINE et M B... est devenu PDG au lieu et place de JP X... resté dans l'entrepris en qualité de directeur. Bernard Y... a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, par courrier en date du 06 septembre 2001, pour un entretien préalable fixé au 18 septembre 2001. La société JP X... lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 septembre 2001 son licenciement aux motifs suivants : Rejet de l'équipe commerciale de votre autorité, et démotivation de celle-ci en raison d'une perte de confiance de ses membres dans vos capacités à remplir votre fonction de Directeur dus à : dénigrement systématique et injustifié à l'égard d'un des membres de cette équipe, ayant instauré un climat malsain dans l'entreprise, Non réponse ou réponses trop tardives ou trop imprécises à leurs demandes de remises de prix ayant entraîné la perte de certaines affaires, absence ou retard dans les initiatives et décisions à prendre dans le cadre de la marche quotidienne de
l'affaire, gestion des stocks non rigoureuse se traduisant par des achats inopportuns et des ordres de sciages inadaptés aux besoins, absence de proposition au Président Directeur Général pour améliorer le fonctionnement et l'efficacité de l'entreprise. L'ensemble de ces faits n'ayant pas permis à J:P. X... SA d'améliorer ou tout au moins de maintenir sur l'exercice en cours le chiffre d'affaires et la marge brute réalisés à fin décembre 2000 (-10% de chiffre d'affaires au 31/08/01 et baisse de 2,5% de la marge brute), tout en concourant à l'instauration d'une très mauvaise ambiance de travail au sein de l'entreprise. Il a été dispensé de l'exécution de son préavis de trois mois.
Contestant son licenciement , Bernard Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon, le 4 février 2002.
Par jugement prononcé le 9 septembre 2004, le Conseil de Prud'hommes de Lyon, section encadrement, a dit le licenciement de Bernard Y... sans cause réelle et sérieuse , a condamné la société JP X... à lui verser la somme de 45.000ç à titre de dommages-intérêts outre 780ç en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société JP X... a régulièrement interjeté appel le 17 septembre 2004.
Par conclusions déposées au greffe le 3octobre 2005 et soutenues à l'audience, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens et prétentions de l'appelante, la société JP X... demande à la Cour de réformer la décision, de constater que le licenciement de Bernard Y... repose bien sur une cause réelle et sérieuse, de le débouter de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser une somme de 3.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par conclusions déposées au greffe le 2 décembre 2005 et soutenues à
l'audience, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé de ses moyens et prétentions, Bernard Y... demande à la Cour de confirmer la décision, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que la procédure n'a pas été respectée, et de condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes: - 4.541ç au titre du non respect de la procédure , - 90.000ç à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 2.000ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE
Au terme de l'article L 122-14-3 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin, après toute mesure d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Il résulte de la lettre de licenciement et des conclusions de la société que le grief essentiel réside dans le conflit ayant opposé Bernard Y... à M. C... , commercial qui réalisait à lui seul 40o/o du chiffre d'affaires et qui avait démissionné. Une partie des commerciaux de l'entreprise ont pris alors partie pour leur collègue à l'encontre de M Bernard Y... désavoué par l'employeur en ce qui concerne la gestion de ce conflit et attestent des difficultés relationnelles qu'ils entretenaient avec celui-ci, dont ils critiquent les méthodes de gestion, et relèvent le comportement autoritaire et parfois "grossier". De son côté, Bernard Y... produit une attestation d'un client de l'entreprise M D... se plaignant du comportement de M C... et le témoignage de M Alain X... , ancien attaché de direction de la société, qui attribue l'origine du conflit au commercial, qui mettait son intérêt avant celui de l'entreprise. De même si certains salariés de l'entreprise font état de difficultés relationnelles avec Bernard Y... , d'autres
attestent de sa compétence et de son professionnalisme, et ces contradictions se retrouvent dans les témoignages produits de part et d'autre relatifs à l'emploi précédemment occupé par Bernard Y... Dès lors le rejet de son autorité par les commerciaux, leur démotivation et leur contestation de ses capacités à remplir ces fonctions de directeur, s'ils sont avérés, ne peuvent être exclusivement imputés à Bernard Y... Dès lors s'il appartenait à l'employeur de décider duquel des deux salariés il entendait se séparer, étant observé que Bernard Y... n'était pas seulement directeur commercial mais chargé de l'ensemble de la direction de l'entreprise, il ne pouvait le faire que pour des raisons objectives et dans l'intérêt de l'entreprise, ce qui n'est pas suffisamment démontré en l'espèce
Les seules attestations émanant des commerciaux et plus particulièrement de M C..., ne peuvent suffire en l'absence d'éléments directs et objectifs provenant des sociétés elles mêmes, pour imputer à Bernard Y... ou même pour établir la réalité de la perte de marchés. Si la société JP X... fait état de la perte d'un client (la société SBM) liée au comportement de Bernard Y... et d'un litige avec la société COFIM , Bernard Y... produit deux attestations de clients ( M D... et M E...) qui précisent avoir travaillé avec lui lorsqu'il était salarié des ets DUCERF et avoir poursuivi leurs relations commerciales, car satisfait de son professionnalisme et de son sérieux , lorsqu'il a dirigé la société JP X...
Enfin la société JP X... n'apporte aucun élément à l'appui du grief d'absence ou de retard dans les initiatives et décisions à prendre dans le cadre de la marche quotidienne de l'affaire" , ni d'absence de gestion rigoureuse des stocks . Et aucun reproche n'a été fait par la direction au cours des deux années d'activité de Bernard Y... quant à "une absence de proposition pour améliorer le fonctionnement et l'efficacité de l'entreprise", le chiffre
d'affaires ayant été augmenté, sans accroissement du stock et l'évolution des bénéfices de la société ayant été constante, malgré une récession intervenue en 2001 , qui ne peut lui être totalement imputable, eu égard à la conjoncture économique, au rachat de la société et au changement de direction.
Bernard Y... a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement qui s'est tenu le 18 septembre 2001 et a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 septembre . Toutefois l'employeur a annoncé le départ de son salarié avant même l'entretien préalable , ainsi qu'il en résulte d'un courrier adressé à Bernard Y... par la société SEI, cliente de la société JP X... Compte tenu des fonctions et des responsabilités exercées par le salarié, le comportement de l'employeur constitue non pas une irrégularité de procédure, maisn un préjudice moral supplémentaire qu'il y a lieu d'indemniser dans le cadre du calcul des dommages -intérêts.
La Cour dès lors considérant que le reproche d'insuffisance professionnelle n'est pas suffisamment établi à l'encontre de Bernard Y..., infirme le jugement en ce qui concerne le montant des dommages -intérêts qu'elle estime devoir porter à 60.000ç , eu égard en outre à sa période de chômage subséquente.
Il n'est pas équitable de laisser supporter à Bernard Y... l'ensemble des frais irrépétibles qu'il a dû engager pour sa défense devant la Cour et il sera fait droit à sa demande de ce chef , en sus des sommes allouées à ce titre en première instance.
PAR CES MOTIFS , La Cour, INFIRME pour partie le jugement entrepris,
CONDAMNE la société JP X... à verser à Bernard Y... la somme de 60.000ç à titre de dommages -intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , Y ajoutant , CONDAMNE la société JP X... à verser à Bernard Y... la somme de 2.000ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties. CONDAMNE la société JP X... aux dépens d'appel.
Le Greffier,
Le Président.