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11/01/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006947697

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, 11 janvier 2006, JURITEXT000006947697


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 04/02048 SA ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS C/ BLIN X... APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 16 Février 2004 RG :

03/00804 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 11 JANVIER 2006 APPELANTE : SA ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS 33 rue de Brest 69002 LYON représentée par Maître Christophe BIDAL, avocat au barreau de LYON substitué par Me VIEU DEL BOVE, avocat au barreau de LYON INTIMÉES : Madame Ghislaine BLIN X... 5 rue Jacquard 69004 LYON comparant en personne, assistée de M. Armand BEN Y... (Délégué syndical ouvrier

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Mademoiselle Patricia Z... 8, rue Frédéric Passy 69100 VILLEURB...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 04/02048 SA ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS C/ BLIN X... APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 16 Février 2004 RG :

03/00804 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 11 JANVIER 2006 APPELANTE : SA ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS 33 rue de Brest 69002 LYON représentée par Maître Christophe BIDAL, avocat au barreau de LYON substitué par Me VIEU DEL BOVE, avocat au barreau de LYON INTIMÉES : Madame Ghislaine BLIN X... 5 rue Jacquard 69004 LYON comparant en personne, assistée de M. Armand BEN Y... (Délégué syndical ouvrier)

Mademoiselle Patricia Z... 8, rue Frédéric Passy 69100 VILLEURBANNE comparant en personne, assistée de M. Armand BEN Y... (Délégué syndical ouvrier) PARTIES CONVOQUÉES LE : 11 mars 2005 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 octobre 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBERE : Monsieur Didier JOLY, Président Monsieur Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame Yolène A..., Greffier. ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 10 janvier 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Madame Yolène A..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Statuant sur : 1o) l'appel interjeté le 5 mars 2004 par la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS, 2o) l'appel interjeté le 6 avril 2004 par Ghislaine BLIN X..., 3o) l'appel interjeté le 13 avril 2004 par Patricia Z..., d'un jugement rendu le 16 février 2004 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section commerce) qui a : 1o) ordonné la jonction des dossiers inscrits sous les numéros 03/00804 et 03/00805 en application de l'article 367 du nouveau code de procédure civile, 2o) dit et jugé que les licenciements de Ghislaine BLIN X... et de Patricia Z... sont dénués de toute cause réelle et sérieuse et abusifs au sens de l'article L 122-14-5 du code du travail, 3o) condamné la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS à payer à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : - la somme de 5 000, 00 ç à Ghislaine BLIN X..., - la somme de 4 000, 00 ç à Patricia Z..., outre intérêts légaux à compter de la notification du jugement, 4o) condamné la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS à payer au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile : - la somme de 300, 00 ç à Ghislaine BLIN X..., - la somme de 300, 00 ç à Patricia Z..., outre intérêts légaux à compter de la notification du jugement, 5o) débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 19 octobre 2005 par la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS S.A. qui demande à la Cour de : - infirmer le jugement entrepris, - débouter Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... de l'ensemble de leurs demandes ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales par Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... qui demandent à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris, - y ajoutant, condamner la Société ESPACE IMMOBILIER

LYONNAIS à verser à chacune des intimées la somme de 3 000 ç à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, - condamner la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS à payer à chacune d'elles la somme de 1 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... ont été engagées par la S.A. ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS :

- Ghislaine BLIN X... en qualité de secrétaire du service syndic (niveau I, coefficient 241) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 6 mars 2001,

- Patricia Z... en qualité d'hôtesse réceptionniste (niveau I, coefficient 241) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 26 février 2001 ;

Que leurs contrats de travail étaient soumis aux dispositions de la convention collective nationale de l'immobilier ;

Que les rémunérations mensuelles brutes forfaitaires de Ghislaine BLIN X... et de Patricia Z... étaient fixées respectivement à 8 500 F et 9 000 F sur treize mois, et comprenaient :

- un salaire brut conventionnel de 6 499, 77 F pour 39 heures hebdomadaires de travail,

- un salaire complémentaire de 2 000, 23 F pour Ghislaine BLIN X... et de 2 500, 23 F pour Patricia Z... ;

Qu'un avenant no20 du 29 novembre 2000 à la convention collective nationale de l'immobilier, étendu par arrêté du 17 août 2001, a fixé à trente-cinq heures de travail effectif la durée hebdomadaire conventionnelle, au sens de l'article L 212-1 du code du travail, dans les conditions notamment de calendrier d'application précisées par la loi et selon les modalités convenues par les parties signataires de l'avenant ;

Que la réduction de la durée hebdomadaire du travail a été évoquée au cours de réunions du personnel de la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS, les 11 septembre, 2 octobre et 6 novembre 2001 ; que le 2 octobre 2001, la Direction a annoncé aux huit membres du personnel que la durée du travail serait réduite de 2 heures 30 chaque semaine, 1 heure 30 étant par ailleurs compensée par l'octroi aux employés de neuf jours de récupération ; que la mise en place de tickets-restaurants dont 60% du coût serait supporté par la société et 40% par le salarié a été prévue à l'échéance du 1er décembre 2001 ;

Que le 9 novembre 2001, la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS a remis en main propre à Ghislaine BLIN X... et à Patricia Z... un projet d'avenant à leurs contrats de travail en leur demandant d'en retourner un exemplaire signé sous huit jours ; qu'aux termes de ces avenants :

- la durée hebdomadaire de travail des deux salariées était réduite à 36 heures 30 à dater du 1er décembre 2001,

- les heures excédant 35 heures hebdomadaires de travail effectif donneraient lieu à des jours de repos compensateurs dont le nombre serait calculé au début de chaque exercice au prorata du nombre de jours d'ouverture du cabinet et répartis sur l'année civile d'un commun accord,

- le salaire conventionnel des intéressées serait réduit à 901, 71 ç, - la Direction, consciente de la perte de pouvoir d'achat qu'une telle mesure entraînait, mettait en place dans l'entreprise un système de tickets-restaurants de 7, 62 ç par jour qu'elle entendait financer à hauteur de 60% sur la base forfaitaire de 20 jours par mois, hors congés ;

Que Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... ont fait connaître leur refus des avenants proposés ; que par lettres recommandées du 6 décembre 2001, la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS a convoqué les deux salariées le 20 décembre 2001 en vue d'entretiens préalables à leur licenciement ; que par lettres recommandées du 24 décembre 2001, elle leur a notifié leur licenciement dans les termes suivants :

Dans la mesure où la modification de votre contrat de travail consistait à la fois en une réduction du temps de travail et une modification des modalités de rémunération, votre accord s'avérait nécessaire.

Vous avez, lors de la remise de cet Avenant, refusé purement et simplement les modifications qui vous étaient proposées. Refus réitéré lors de notre entretien du 20 Novembre 2001.

Dès lors, cette circonstance nous conduit, en application de l'article L 212-3 du Code du Travail, à prononcer votre licenciement pour motif non économique.

Que le 5 mars 2002, Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... ont saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris ; Sur le motif des licenciements :

Attendu qu'il résulte d'une part de l'article L 212-1 bis du code du travail dans sa rédaction issue de la loi no98-461 du 13 juin 1998

que la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier 2002 pour les entreprises dont l'effectif est de moins de vingt salariés ; qu'il résulte d'autre part de l'article L 212-3 du code du travail, issu de la loi no2000-37 du 19 janvier 2000, que la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en application d'un accord de réduction de la durée du travail, ne constitue pas une modification du contrat de travail ; que les modalités de la réduction à trente-cinq heures de la durée hebdomadaire du travail, prévues par l'avenant du 29 novembre 2000 à la convention collective nationale de l'immobilier, s'imposaient donc aux salariées comme à l'employeur sans qu'il soit besoin d'un accord d'entreprise ;

Mais attendu que la réduction des salaires par décision unilatérale de l'employeur, lorsque la durée du travail effectif est ramenée à la durée légale, est une modification des contrats de travail qui ne peut intervenir sans l'accord préalable des salariés concernés ; que la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS a d'ailleurs admis dans les lettres de licenciement du 24 décembre 2001 que Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... étaient en droit de refuser la réduction de leur rémunération mensuelle ;

Et attendu que selon l'article 30 II de la loi no2000-37 du 19 janvier 2000, lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail, leur licenciement est un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique et est soumis aux dispositions des articles L 122-14 à L 122-17 du code du travail ;

Qu'en l'espèce, les licenciements litigieux ne peuvent avoir une cause réelle et sérieuse dès lors que Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... n'ont fait qu'exercer un droit en refusant

l'avenant proposé ; qu'il ressort en outre de la comparaison des avenants soumis aux intimées avec ceux proposés à Isabelle LARGE (hôtesse, niveau I, coefficient 241), Christiane DURAND (secrétaire, niveau 2, coefficient 270) et Corinne ALIBRANDI (chef comptable, niveau 7, coefficient 380), que la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS a mis en oeuvre les dispositions de l'accord de branche selon des modalités qui révèlent une inégalité de traitement entre salariées placées dans des situations identiques ; qu'en effet, l'employeur a réintégré la perte de salaire conventionnel résultant de la réduction de la durée du travail dans le salaire complémentaire d'Isabelle LARGE, Christiane DURAND et Corinne ALIBRANDI ; qu'il n'a pu, devant la Cour, justifier ces décisions unilatérales divergentes par des raisons objectives ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements ; Sur les dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :

Attendu que Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... qui avaient moins de deux ans d'ancienneté et qui étaient employées dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés peuvent prétendre, en application de l'article L 122-14-5 du code du travail, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi ;

Que Ghislaine BLIN X... justifie de ce que l'ASSEDIC Vallées Rhône Loire lui a versé l'allocation de retour à l'emploi de février à avril 2002 ; que Patricia Z... démontre qu'elle a été admise le 23 février 2002 au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et qu'elle a été effectivement indemnisée par l'ASSEDIC jusqu'en novembre 2002 ; qu'elles n'établissent ni l'une ni l'autre que leurs nouveaux emplois sont moins rémunérés que ceux qu'elles occupaient au sein de la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS ; qu'il

n'existe, en tout cas, aucune raison objective d'allouer à Ghislaine BLIN X..., qui est restée moins longtemps au chômage et qui percevait une rémunération inférieure à celle de sa collègue avant son licenciement, des dommages-intérêts supérieurs à ceux accordés à Patricia Z... ;

Qu'en conséquence, la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS sera condamnée à verser à chacune des salariées intimées la somme de 4 000 ç à titre de dommages-intérêts ; Sur la demande de dommages-intérêts pour appel abusif :

Attendu que les salariées ne caractérisent pas une faute

Attendu que les salariées ne caractérisent pas une faute commise par la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS dans l'exercice des voies de recours, dont la preuve ne peut résulter du seul fait que les conclusions de l'appelante sont la reprise de ses écritures de première instance ; qu'elles seront donc déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts pour appel abusif ; Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... supporter les frais qu'elles ont dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'une somme de 1 000 ç sera allouée à chacune d'elles sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en sus de celle déjà octroyée par les premiers juges ;

PAR CES MOTIFS,

Joint les procédures RG no04/2048 et RG no 04/2049 sous le RG no04/2048

Reçoit les appels réguliers en la forme,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis sur

le quantum des dommages-intérêts alloués à Ghislaine BLIN X...,

Statuant à nouveau :

Condamne la S.A. ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS à payer à Ghislaine BLIN X... la somme de quatre mille euros (4 000 ç) à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2004, date du jugement entrepris,

Y ajoutant :

Déboute Ghislaine BLIN X... et Patricia Z... de leurs demandes de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne la S.A. ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS à payer à chacune d'elles la somme de mille euros (1 000 ç) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais exposés devant la Cour,

Condamne la Société ESPACE IMMOBILIER LYONNAIS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT

Y. A...

D. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947697
Date de la décision : 11/01/2006
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Réduction - Décision unilatérale de l'employeur - Effets - Détermination - /

Il résulte de l'article L. 212-1 bis du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 que la durée du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine à compter du 1er janvier 2002 pour les entreprises dont l'effectif est de moins de vingt salariés. Il résulte, en outre de l'article L. 212-3 du code du travail, issu de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 que la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en application d'un accord de réduction de la durée du travail ne constitue pas une modification du contrat de travail. Dès lors, les modalités de la réduction à 35 heures de la durée hebdomadaire du travail, prévues par l'avenant du 29 novembre 2000 de la convention collective nationale de l'immobilier, s'imposaient donc aux salariés comme à l'employeur sans qu'il soit besoin d'un accord d'entreprise. Toutefois, la réduction des salaires par décision unilatérale de l'employeur, lorsque la durée du travail effectif est ramenée à la durée légale, est une modification des contrats de travail qui ne peut intervenir sans l'accord préalable des salariés concernés


Références :

Code du travail, article L. 212-1 bis dans sa rédaction issue de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 Code du travail, article L. 212-3 Convention collective nationale de l'immobilier, avenant n°20 du 29 novembre 2000

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2006-01-11;juritext000006947697 ?
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