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01/12/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945833

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 2, 01 décembre 2005, JURITEXT000006945833


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 01 Décembre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 23 janvier 2004 - No rôle : 2001/007149 No R.G. :

04/02957

Nature du recours : Appel

APPELANTS : La Société AMARLUX, SARL de droit luxembourgeois 6, place de Nancy L 2212 LUXEMBOURG représentée par Me VERRIERE, avoué à la Cour assistée de Me Christophe NURIT, avocat au barreau de MARSEILLE La Société PHENIX SHIPPING LTD, société de commerce international (International Business Corporation)

Carribean Management etamp; Trust Company Ltd 60 Nevis Street SONT JOHN'S ANTIGUA représent...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 01 Décembre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 23 janvier 2004 - No rôle : 2001/007149 No R.G. :

04/02957

Nature du recours : Appel

APPELANTS : La Société AMARLUX, SARL de droit luxembourgeois 6, place de Nancy L 2212 LUXEMBOURG représentée par Me VERRIERE, avoué à la Cour assistée de Me Christophe NURIT, avocat au barreau de MARSEILLE La Société PHENIX SHIPPING LTD, société de commerce international (International Business Corporation) Carribean Management etamp; Trust Company Ltd 60 Nevis Street SONT JOHN'S ANTIGUA représentée par Me VERRIERE, avoué à la Cour assistée de Me Christophe NURIT, avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur Joseph U.J X..., en sa qualité de Directeur statutaire de la société PHENIX SHIPPING LTD Société PHENIX SHIPPING 60 Nevis Street SONT JOHN'S ANTIGUA représenté par Me VERRIERE, avoué à la Cour assisté de Me Christophe NURIT, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMEE : La Société MONNET Y..., SA 01430 OUTRIAZ représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Hervé LAROQUE, avocat au barreau de PARIS Instruction clôturée le 23 Septembre 2005 Audience publique du 06 Octobre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Madame MIRET, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 6 octobre 2005 GREFFIER

: la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Z..., Greffier, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 1er décembre 2005, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle Z..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société MONNET Y..., société française, a vendu à la société de droit israélien TAHA ARABIYEet SONS Ltd une cargaison de 338 fardeaux de bois aux conditions FOB ARLES. Un crédit documentaire a été ouvert pour cette vente auprès du CREDIT LYONNAIS. Il interdisait les expéditions partielles et prévoyait une date limite d'expédition au 3 novembre 1999. En septembre 1999, la société TAHA ARABIYEet SONS, représentée par la société RAMOTIM Ltd, a conclu avec la société AMARLUX, société de droit luxembourgeois, agissant pour le compte de la société PHENIX SHIPPING Ltd société dont le siège est à ANTIGUA, un contrat d'affrètement portant sur un espace à bord de son navire LE SARAH. La société ROGLIANO, dont le siège est à ARLES, a organisé l'opération de transport en tant que courtier d'affrètement.

Le contrat d'affrètement comportait une clause attributive de compétence à la Chambre arbitrale maritime de PARIS qui précise que le droit français est seul applicable.

Le 2 novembre 1999, la société MONNET Y... était prévenue que le navire SARAH aurait un retard conséquent. Le 8 novembre 1999, le CREDIT LYONNAIS acceptait que l'expédition soit retardée au 20 novembre 1999, toutes autres conditions restant par ailleurs inchangées. Le paiement devait intervenir sur remise des documents entre les mains du CREDIT LYONNAIS Rhône Alpes domiciliataire du

crédit documentaire confirmé, émis par la banque HAPOALIM de TEL AVIV à concurrence de 125 979 US $.

Le 17 novembre, en cours de chargement à ARLES, l'armateur annonçait que les cales du navire étaient pleines et menaçait de laisser à quai une partie de la marchandise ou de la charger sur le pont. Finalement, une partie du bois était chargée en pontée. Une fois la cargaison embarquée, un connaissement était remis au commandant du SARAH: il était net de mentions relatives à la pontée. Une lettre d'indemnité était signée par la société MONNET Y... Les marchandises étaient effectivement prises en charge selon connaissement à ARLES le 17 novembre 1999 à l'en-tête de ARMALUX Sarl transporteur, pour un transport d'ARLES à HAFA, le fret étant mentionné payable à destination.

Pendant le transport maritime, une partie des marchandises en pontée est passée par-dessus bord. La société MONNET Y..., vendeur FOB, a refusé de garantir le sinistre. Le destinataire des marchandises, la société TAHA ARABIYEetSONS, également affréteur du navire, et son assureur facultés la MENORAH INSURANCE Co Ltd, ont fait saisir le navire à son arrivée dans le port d'HAFA à titre conservatoire pour obtenir une garantie couvrant sa perte. Le navire a ensuite été libéré et une procédure au fond a été intentée à la requête des armateurs à l'encontre des affréteurs et destinataires le 12 mars 2000. Les frais de cette procédure ont été réglés par le SKULD, assureur de la société ARMALUX.

Le 18 juin 2000, un protocole d'accord a été signé entre la société TAHA ARABIYEet et son assureur, la MENORAH INSURANCE Co Ltd, d'une part et Monsieur Joseph A..., ès qualité de directeur statutaire de la société PHENIX SHIPPING Ltd. d'autre part, moyennant le versement d'une somme de 15 000 US $.

La société MONNET Y... était alors contactée par la société FRANCE

PetI, représentant de l'assureur SKULD. Elle a rappelé qu'elle était vendeur FOB et qu'elle laissait l'assureur de la société AMARLUX régler le litige entre l'armateur, son assuré, et la société TAHA ARABIYEetSONS, acheteur.

Par assignation du 17 juillet 2001, la société PHENIX SHIPPING Ltd, la société ARMALUX et Monsieur Joseph UJ A... ont assigné la société MONNET Y... en paiement de la somme de 38 655 US $ ( 38 816, 90 ç ).

Par jugement du 23 janvier 2004, le tribunal de commerce de BOURG EN BRESSE a: - déclaré recevable l'action des sociétés PHENIX SHIPPING Ltd et ARMALUX; - déclaré irrecevable l'action de Monsieur A...; - constaté la prescription de l'action; - débouté les sociétés PHENIX SHIPPING Ltd et ARMALUX; - condamné celles-ci à payer à la société MONNET Y... la somme de 2 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 4 mai 2004, les sociétés PHENIX SHIPPING Ltd, ARMALUX et Monsieur A... ont interjeté appel de ce jugement.

Les appelants, par conclusions du 13 septembre 2005, demandent la condamnation de la société MONNET Y... à leur payer la somme de 38 655 US $ outre intérêts à compter du 17 novembre 1999 et au moins à compter de l'acte introductif d'instance, ainsi que sa condamnation à leur payer 10 000 ç pour résistance abusive et 5 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, aux motifs que: - la lettre d'indemnité constitue un engagement indépendant du contrat de transport; - la société MONNET Y... vendeur FOB ARLES a prorogé la fin des risques qui cessaient normalement au passage du bastingage du navire; - le transporteur conserve un recours contre le chargeur à raison de cette acceptation de prorogation; - le transporteur ayant dédommagé le destinataire au titre de la créance

cambiaire réclamée en vertu du connaissement, se trouve subrogé dans les droits de l'acheteur à l'égard du vendeur en l'absence de conformité de la livraison avec la commande.

Par conclusions récapitulatives du 20 septembre 2005, la société MONNET Y... demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Monsieur A... et prescrites les actions des sociétés PHENIX SHIPPING Ltd, et ARMALUX, l'infirmation pour le surplus. Elle demande que soit prononcée la nullité de l'assignation, que les appelants soient déboutés de toutes leurs demandes et reconventionnellement 12 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, 10 000 ç pour procédure abusive ( in solidum ), aux motifs que: - le pouvoir du directeur de la société PHENIX SHIPPING Ltd n'est pas justifié; - l'identification des demandeurs n'est pas conforme au nouveau code de procédure civile; - Monsieur A... n'a pas d'intérêt personnel à agir; - les intérêts propres des deux sociétés appelantes ne sont pas établis; - les actions nées du contrat d'affrètement se prescrivent par un an; - le chargement incombe exclusivement au transporteur maritime; MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l'assignation

Attendu que l'article 117 du nouveau code de procédure civile dispose que constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale; qu'il est justifié de l'immatriculation de la société PHENIX SHIPPING Ltd à St John's Antigua ( Antigua et Barbude ) le 26 octobre 1995;

Attendu que l'article 126 du nouveau code de procédure civile permet de régulariser toute situation donnant lieu à fin de non recevoir; qu'il est versé aux débats diverses pièces; que Monsieur A... apparaît dans les statuts de la société comme le directeur et le

Président du conseil d'administration de la société; que l'assignation a été délivrée le 17 juillet 2001 à la requête de la société PHENIX SHIPPING Ltd, de Monsieur A... ès qualité de dirigeant de ladite société et de la société AMARLUX; que l'identité, la nationalité et le domicile de Monsieur A... sont justifiés; qu' en outre il détient d'un pouvoir sous la forme authentique aux termes d'un acte passé le 23 avril 1996 chez maître Henri de FERM, notaire à ANVERS; que l'assignation est donc régulière;

Sur la recevabilité de l'action de Monsieur A...

Attendu que Monsieur A... a assigné la société MONNET Y... en tant que dirigeant de la société PHENIX SHIPPING Ltd; qu'il ne démontre pas, en tant que personne physique, avoir un intérêt personnel distinct de celui de la société qu'il représente; que son action doit être déclarée irrecevable;

Sur la recevabilité de l'action de la société AMARLUX

Attendu que la société AMARLUX, société de droit luxembourgeois, est intervenue en qualité de transporteur; que la société MONNET Y... lui a écrit directement le 17 novembre 1999 reconnaissant ainsi son rôle dans l'opération; que le connaissement, titre représentatif des marchandises par lequel le capitaine du navire reconnaît les avoir reçues à son bord, est établi sur papier à en-tête de la société AMARLUX dont l'identité est clairement mentionnée; que le présent litige trouve son origine dans un événement de mer, donc pendant le transport dont la société AMARLUX était chargée; que la société AMARLUX a donc intérêt à agir;

Sur la prescription de l'action des sociétés PHENIX SHIPPING Ltd et AMARLUX

Attendu qu'il n'est pas contesté que le présent conflit, qu'il soit considéré comme strictement lié au transport ou seulement à la lettre de garantie, présente un caractère international;

Attendu qu'aux termes de l'assignation délivrée le 17 juillet 2001 la lettre de garantie signée par le société MONNET Y... est visée aux côtés des autres documents contractuels, contrat d'affrètement, connaissement et crédit documentaire sont cités sans qu'il en soit tiré de conséquence juridique précise; que dans leurs conclusions en demande, la société AMARLUX, la société PHENIX SHIPPING Ltd et Monsieur A... ès qualité ont allégué la garantie accordée par la société MONNET Y..., à l'armateur, qui suivrait un régime juridique autonome extérieur à la sphère contractuelle du transport et de l'affrètement;

Attendu que, dans leurs conclusions d'appel, ils fondent leur demande en réparation uniquement sur cette lettre d'indemnité; que leur motif se justifie du fait de la décision déférée qui les a déboutés en considérant leur action prescrite au vu de l'article 4 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime; Attendu que la prescription en matière de transport ou d'affrètement est d'un an que la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement soit applicable ou que ce soit la loi française qui prévoit le même délai de prescription; que la Convention de BRUXELLES précitée a été ratifiée par la France, par Antigua et Barbuda et par Israùl et entrée en vigueur dans ces trois pays; que le Luxembourg a ratifié le Protocole modificatif de 1979 à cette Convention dans sa version modifiée du 23 février 1968, dit Règles de VISBY; que ces dispositions sont donc en théorie applicables à l'ensemble des parties, sur la base du seul texte d'origine en ce qui concerne Antigua et Barbuda et Israùl; qu'aucune autre convention internationale n'est alléguée, étant souligné que deux des parties ne sont pas ressortissantes d'Etats membres de l'Union Européenne;

Attendu que la convention de BRUXELLES susvisée est applicable aux chargements irréguliers en pontée;

Mais attendu que les parties ont entendu soumettre le contrat d'affrètement à la loi française; que, si le contrat d'affrètement et le contrat de transport obéissent en principe à des régimes juridiques différents, les deux contrats tendent à se superposer et le contrat de transport est exécuté sous couvert de la charte-partie; que tel est le cas en l'espèce;

Attendu qu'en vertu de la loi du 18 juin 1966 précitée prise en son article16, applicable aux transports au départ d'un port français non soumis à une convention internationale ou hors du champ d'application d'une convention internationale, la prescription de l'action en justice est régie par la loi du tribunal devant lequel l'action est portée; qu'elle s'applique également aux recours engagés par un transporteur contre un chargeur sur la base d'une lettre de garantie; que la loi française est donc applicable; que les parties ne réclament d'ailleurs pas l'application d'une autre loi;

Attendu que la lettre qui garantit le transporteur maritime des conséquences dommageables pour lui d'un chargement irrégulier consacre un engagement indépendant du contrat de transport auquel la société MONNET Y... n'est pas partie; qu'il en résulte que l'action exercée sur le fondement exclusif d'une telle lettre de garantie par son bénéficiaire à l'encontre de son signataire est soumise non à la prescription annale du droit des transports mais à la prescription commerciale de droit commun d'une durée de dix ans comme prévu par l'article L 110-4 du code de commerce; prescription de droit commun en matière commerciale;

Attendu que l'action engagée n'est dès lors pas prescrite et que la décision entreprise sera réformée en conséquence;

Sur la demande en paiement

Attendu que les lettres de garantie utilisées en matière de transport maritime permettent de couvrir le capitaine et le transporteur soit de fausses déclarations du chargeur quant à la quantité ou à l'état des marchandises, soit d'une éventuelle responsabilité pour irrégularité relative au transport des soit de fausses déclarations du chargeur quant à la quantité ou à l'état des marchandises, soit d'une éventuelle responsabilité pour irrégularité relative au transport des marchandises;

Attendu qu'il n'est pas versé aux débats de contrat de vente, mais seulement la facture en date du 17 septembre 1999 émise par la société MONNET Y...; que celle-ci mentionne l'identité des parties, décrit les marchandises vendues ( white wood ), leur poids, les modalités de marquage, le mode de transport ( shipment by sea ), le nom du navire ( Vessel M/V "Sarah"), et donne la référence du crédit documentaire émis par la BANK HAPAOLIM de TEL AVIV;

Attendu que le crédit documentaire, confirmé par le CREDIT LYONNAIS le 22 septembre 1999, est stipulé irrévocable, valable jusqu'au 24 novembre 1999 avec une date limite d'expédition fixée au 3 novembre 1999; qu'il interdit les expéditions partielles et indique que le connaissement maritime émis en faveur de la société MONNET Y... par la banque HAOPOLIM sur ordre de la société TAHA ARABIYEet SONS avec mention "fret payable à destination", sera "chargé net de réserve" ( clean "shipped on board" marine bill of lading) ; que la mention "chargé net de réserve" ne peut se comprendre autrement que comme l'interdiction de charger en pontée, puisque la loi française ( article 22 ) interdit le chargement en pontée sauf consentement écrit du chargeur; que d'éventuelles réserves auraient pu être portées, dans l'absolu, sur le connaissement avec les conséquences s'y attachant pour le transporteur;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société MONNET Y... était

chargeur au sens du droit maritime; que, si le chargement incombe juridiquement au transporteur, le choix d'une vente FOB implique la remise des marchandises au transporteur à bord, une fois passé le bastingage du navire; que c'est précisément la raison pour laquelle une lettre de garantie lui a été demandée; que le capitaine du navire, Monsieur B..., connaissant les risques d'un tel chargement avait refusé et que Monsieur d'HARCOUR, représentant de la société AMARLUX, l'avait suivi; que ces faits sont rapportés par l'attestation de Monsieur Marc C..., responsable du bureau de la société ROGLIANO, courtier d'affrètement, lors des faits; que cette attestation constitue une preuve admissible en matière commerciale; que les appelants ne rapportent la preuve de son caractère mensonger ;

Attendu que la société MONNET Y..., non partie au contrat d'affrètement, n'en avait pas connaissance, puisqu'elle l'a réclamé, d'abord directement puis par le biais d'une injonction de communiquer délivrée par le conseiller de la mise en état; qu'il doit être admis que la Con line booking note ( note de réservation ou arrêté de fret ) représente les conditions particulières propres à l'opération considérée complément d'un document type généralement utilisé par les professionnels du secteur; que sur cette Con ligne booking note, datée du 23 septembre 1999, apparaît une mention autorisant le chargement en pontée à la discrétion du propriétaire ( "cargoes has to be shipped under/on deck at owners'option") auquel cas le bois d'arrimage est fixé solidement aux frais du propriétaire et aux risques du chargeur ( "in case shipped on deck, lashing securing dunnage at owners'account- shippers' risks"); que l'éventualité d'un chargement en pontée était donc expressément prévue ainsi que ses conditions de réalisation; que cette stipulation était connue de la société AMARLUX et de la société TAHA ARABIYEet SONS, qui ont signé le

contrat, et nécessairement de leurs agents respectifs ayant servi d'intermédiaire pour la conclusion de l'affrètement, la société ROGLIANO et la société RAMOTIM Ltd;

Attendu que la société MONNET Y... n'était chargée ni du transport ni de l'affrètement d'un navire; que l'affrètement a été conclu deux mois auparavant, laissant toute possibilité à l'affréteur, au donneur d'ordre ou aux différents intermédiaires d'évaluer la cargaison, dont le contenu était connu; que, dès lors, et dans la mesure où il avait été prévu l'éventualité d'un chargement en pontée, l'affréteur et transporteur en tant que professionnel du transport maritime doivent être considérés comme de mauvaise foi;

Attendu qu'il n'est pas démontré que la société MONNET Y... connaissait les armateurs avant l'embarquement des fardeaux de bois; que sur les documents établis à l'origine n'apparaît jamais le nom de la société PHENIX SHIPPING Ltd; que le connaissement ne mentionne pas le nom du propriétaire mais indique en petits caractères, sous le nom de la société AMARLUX et ses coordonnées, "for account PHENIX SHIPPING", sans autre précision; que le connaissement, attestant la réception des marchandises, est établi le jour du chargement; que c'est ce jour-là également que Monsieur Thomas Y..., de la société MONNET Y..., a fait la connaissance de Monsieur A..., présent à un titre qui n'est pas précisé;

Attendu qu'il apparaît que seule la société MONNET Y... ignorait, jusqu'à cette date au moins, le cadre juridique complexe de l'opération et les contraintes susceptibles de se faire jour; qu'elle a été mise devant le fait accompli en cours de chargement alors qu'il avait été accepté déjà deux fois par le CREDIT LYONNAIS de reporter la date d'expédition du fait du retard du navire "Sarah"; que la durée de validité du crédit documentaire expirait en outre trois jours plus tard; que Monsieur Thomas Y... s'est trouvé confronté à

l'impossibilité de charger la totalité de la marchandise, alors qu'il savait que le crédit documentaire interdisait le chargement partiel; qu'il est établi qu'il a demandé que la marchandise soit déchargée et chargée à nouveau sur un autre navire permettant le chargement complet en cale; que cela lui a été refusé par le représentant de la société AMARLUX; que l'armateur ou le transporteur, choisi par l'acheteur via un mandataire, pouvait contacter l'acheteur pour savoir s'il acceptait que la cargaison soit effectivement partiellement chargée en pontée; que cela n'a pas été fait alors que toutes les parties intervenantes à l'opération de transport étaient présentes ou représentées;

Attendu que le transporteur, le capitaine, l'affréteur et l'armateur savaient que le connaissement portait interdiction de charger en pontée; que le connaissement ne porte pas mention du chargement en pontée compte tenu de cette interdiction mais au contraire "clean shipped on board", ce qui a été traduit en traduction libre par "charge net de réserves"; qu'en réalité "on board" signifie que la marchandise a été chargée et "clean"certifie la prise en charge des marchandises net de réserves, "clean on board" étant en général traduit par "net à bord"; que cette mention protège le transporteur et le capitaine du navire contre les révélations ultérieures d'inexactitude ou contre des chargements irréguliers;

Attendu que la société MONNET Y..., seule non professionnelle avec l'acheteur du transport maritime, a signé une lettre, imposée par les circonstances du fait de la défaillance du transporteur et des courtiers d'affrètement; que Monsieur Y... a pris la précaution de préciser dans la lettre rédigée en anglais que, d'après la note de réservation Conline ( booking note ) acceptée et signée par les affréteurs la société RAMOTIM Ltd en Israùl, il était entendu qu'une partie des 338 fardeaux, 67 993 pièces de poutre de bois blanc, était

chargée sur le pont du navire Sarah; que la mention "aux frais et risques des chargeurs sans responsabilité pour les armateurs", elle aussi en anglais peut laisser place à interprétation, notamment en ce qui concerne le terme "shipper"; qu'il n'est pas démontré, en outre, que la société MONNET Y... savait que le chargement en pontée était interdit, seules les annexes du connaissement le mentionnant expressément; que la volonté des parties au contrat de vente, la société MONNET Y... et la société TAHA ARABIYEet SONS, était de conclure une vente FOB; qu'en conséquence la société MONNET Y... devait embarquer les marchandises mais n'avait pas à assumer les risques pendant le transport, le transfert des risques entre l'acheteur et le vendeur ayant lieu lorsque les marchandises ont passé le bastingage du navire; qu'il résulte de la lettre de garantie une contradiction, le vendeur, dans le cadre d'une extension de garantie, et l'acheteur, conformément au contrat de vente, étant tous deux responsables des risques pendant le transport; qu'il est évident que ce n'est pas ce qu'ont voulu les parties;

Attendu que le courtier d'affrètement qui a émis le cargo manifest et le jeu de connaissements connaissait la capacité du navire; qu'il convient de rappeler qu'il est le seul à avoir signé le connaissement "en qualité d'agent seulement pour le compte des armateurs et du capitaine Monsieur B..." ( as agent only on behalf owners and master Mister B... ); que la multiplicité des intervenants n'a pas facilité la tâche de la société MONNET Y...; qu'on voit apparaître à plusieurs reprises dans le dossier, et notamment sur la télécopie du 6 décembre 1999, une société UNIFLEET, qui se présente elle aussi comme agent des propriétaires du "Sarah" ( as agent only );

Attendu que la loi française étant applicable, il convient de rappeler que l'article 1134 du code civil dispose que les conventions

doivent être exécutées de bonne foi; qu'au vu des éléments ci-dessus, la mauvaise foi des appelants est suffisamment caractérisée; que les manoeuvres ci-dessus rapportées sont constitutives d'un dol; qu'il résulte des faits que toutes les informations n'ont pas été communiquées à l'avance par les professionnels du transport maritime à la société MONNET Y..., implantée dans le département de l'Ain et qui n'a pas l'habitude de ce type de transport; que la réticence des appelants à communiquer les informations nécessaires a été la cause directe de l'engagement pris par la société MONNET Y...; qu'ils n'ont proposé aucune autre solution, ayant attendu que la cale du navire soit pleine pour soulever un problème qu'ils ne pouvaient ignorer; que le consentement de la société MONNET Y... a été vicié par un tel dol;

Attendu que les faits survenus en mer restent mystérieux; que les appelants n'en justifient que par l'intermédiaire d'une attestation du capitaine du navire Monsieur B...; qu'une instance a été engagée devant les tribunaux israéliens, la société TAHA ARABIYEet SONS ayant fait saisir le navire à son arrivée au port d'HAFA; qu'une transaction a été conclue au bénéfice de la société TAHA ARABIYEet SONS, que la compagnie d'assurance des appelants, SKULD, a dédommagée à hauteur de 15 000 US$; que la présente procédure a été engagée très tardivement après une sollicitation de la société MONNET Y... restée sans suite; que la police d'assurance n'a pas été communiquée malgré la demande de l'intimée; que les appelants ont d'une manière générale communiqué les pièces réclamées par la société MONNET Y... avec parcimonie; qu'il a fallu l'intervention du conseiller de la mise en état à deux reprises et pour partie en vain; que certaines pièces ne sont encore traduites que partiellement; que ce comportement général témoigne d'une grande opacité faisant écho au

contexte de l'engagement de la société MONNET Y...;

Attendu que les appelants invoquent au surplus le lien cambiaire existant en vertu du connaissement; qu'ils estiment que le transporteur maritime ayant dédommagé le destinataire au titre de la créance cambiaire exercée contre lui en vertu du connaissement, se trouve également subrogé dans les droits de l'acquéreur à l'encontre du vendeur à raison de l'absence de conformité de la livraison avec la commande; que le vice du consentement de la société MONNET Y... étant retenu, cette demande ne peut prospérer, le transporteur ne pouvant tirer bénéfice de sa propre faute;

Attendu que pour l'ensemble de ces raisons les appelants seront déboutés de leurs demandes;

Sur les dommages et intérêts

Attendu qu'il est fait droit à la demande de la société MONNET Y...; que dès lors il ne peut être considéré qu'elle a résisté abusivement; que la demande des appelants doit êgtre également rejetée;

Sur les frais et les dépens

Attendu que l'équité commande que la totalité des frais irrépétibles ne soit pas laissée à la charge de la société MONNET Y...; qu'il lui sera alloué 5 000 ç à ce titre;

Attendu que les appelants, qui succombent en leurs demandes, seront condamnés aux dépens; PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Réforme la décision entreprise sauf en ce qui concerne la recevabilité de l'action, les frais et les dépens;

Et statuant à nouveau des autres chefs,

Déclare l'action non prescrite;

Déboute la société AMARLUX et la société PHENIX SHIPPING Ltd de l'ensemble de leurs demandes;

Condamne in solidum la société AMARLUX et la société PHENIX SHIPPING Ltd à verser à la société MONNET Y... la somme de 5 000 ç en

application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Condamne in solidum la société AMARLUX et la société PHENIX SHIPPING Ltd aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile, par la SCP BRONDEL TUDELA , avoués. Le GREFFIER,

Le PRÉSIDENT,

Marie-Pierre Z...

Henry ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945833
Date de la décision : 01/12/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription décennale - Article L. 110-4 du code de commerce - Domaine d'application - Etendue - Détermination - /

La lettre qui garantit le transporteur maritime des conséquences dommageables pour lui d'un chargement irrégulier consacre un engagement indépendant du contrat de transport. Il en résulte que l'action exercée sur le fondement exclusif d'une lettre de garantie par son bénéficiaire à l'encontre de son signataire est soumise non à la prescription annale du droit des transports mais à la prescription commerciale de droit commun d'une durée de dix ans prévue par l'article L110-4 du code de commerce


Références :

Code de commerce, article L110-4

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-12-01;juritext000006945833 ?
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