AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR R.G : 05/00676 SA APITECH C/ X... APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 16 Décembre 2004 RG : 03/02574 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2005 APPELANTE : SA APITECH 113 rue Marietton 69009 LYON représentée par Maître Murielle VANDEVELDE, avocat au barreau de LYON INTIMÉE : Madame Florence X... Le Bois des Sources 10 montée du Belvédère 69300 CALUIRE ET CUIRE représentée par Maître Cécile RITOUET, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 12 juillet 2005 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Août 2005 Présidée par M. Didier JOLY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Monsieur Julien MIGNOT, Greffier COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Didier JOLY, Président Monsieur Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 04 octobre 2005 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Géraldine SAUVARD,, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Statuant sur l'appel interjeté le 3 janvier 2005 par la société APITECH d'un jugement rendu le 16 décembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a : 1o) dit que le licenciement de Florence X... par la société APITECH ne reposait sur aucune faute grave ni sur aucune cause réelle et sérieuse, 2o) condamné, en conséquence, la société APITECH à verser à Florence X... les sommes suivantes : - indemnité compensatrice de préavis
9 718, 62 ç - congés payés afférents
971, 86 ç - indemnité conventionnelle de licenciement
4 859, 33 ç - rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire
1 495, 20 ç - congés payés afférents
149, 52 ç - dommages-intérêts pour licenciement injustifié
25 000, 00 ç - rappel d'indemnité de congés payés
1 183, 68 ç - article 700 du nouveau code de procédure civile
800, 00 ç 3o) ordonné l'exécution provisoire de la décision, 4o) débouté la société APITECH de sa demande liée à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 10 août 2005 par la société APITECH qui
demande à la Cour de : - réformer le jugement entrepris, - dire et juger que la mission de Gueugnon constituait pour Florence X... une tâche normale dans l'exécution de son contrat de travail et que le changement de lieu de travail temporaire qui en résultait constituait un simple changement de ses conditions de travail qu'elle ne pouvait refuser, - dire et juger que le licenciement de Florence X... repose sur une faute grave compte tenu notamment des conséquences graves du refus de Florence X... pour la société APITECH dans ses relations avec ses clients, - en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes de Florence X... fondées sur la contestation du licenciement, - dire et juger que Florence X... a été remplie de ses droits en matière de congés payés, - en conséquence, rejeter sa demande en rappel d'indemnité compensatrice de congés payés, - rejeter le surplus des demandes de Florence X..., - condamner Florence X... au paiement d'une somme de 2 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par Florence X... qui demande à la Cour de : 1o) confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Florence X... par la société APITECH ne reposait sur aucune faute grave ni sur aucune cause réelle et sérieuse et condamné, en conséquence, la société APITECH à verser à Florence X... les sommes suivantes : - indemnité compensatrice de préavis
9 718, 62 ç - congés payés afférents
971, 86 ç - indemnité conventionnelle de licenciement
4 859, 33 ç - rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire
1 495, 20 ç - congés payés afférents
149, 52 ç - rappel d'indemnité de congés payés
1 183, 68 ç 2o) réformer le jugement entrepris sur le montant des dommages-intérêts alloués et condamner la société APITECH à payer à
Florence X... la somme de 35 000 ç à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3o) condamner la société APITECH à lui payer la somme de 2 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que Florence Y..., devenue ensuite épouse X..., a été engagée par la société APITECH en qualité d'ingénieur (1er échelon) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 2 octobre 1998, régi par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques (SYNTEC) ; que sa rémunération annuelle brute a été fixée à 180 000 F sur douze mois ; qu'en dernier lieu, son salaire mensuel brut était de 3 239, 54 ç (21 250 F) pour 35 heures hebdomadaires de travail ;
Qu'en 2001, Florence X... a bénéficié d'un congé de maternité jusqu'au mois d'octobre ;
Que par lettre recommandée du 19 mars 2003, la société APITECH a convoqué la salariée le 31 mars 2003 en vue d'un entretien préalable à son licenciement et l'a mise à pied à titre conservatoire ; que par lettre recommandée du 3 avril 2003, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave, à savoir : " Votre refus d'assurer la prestation décrite dans l'ordre de mission qui vous avez transmis :
mission d'assistance technique PawerBuilder sur le site d'un client à Gueugnon (71). Alors qu'à ce moment, au sein de la société, vous
étiez la seule à pouvoir assurer cette mission, votre refus d'assurer celle ci a provoqué le désistement du client et la perte de la mission. Vous n'avez accepté aucun compromis alors que nous nous étions engagé à trouver des aménagements dans l'organisation du travail. Nous sommes consternés par votre attitude qui nous cause un préjudice financier important, préjudice d'autant plus grave compte tenu de la conjoncture économique et de la concurrence accrue dans le secteur informatique. Nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui perturbe considérablement le bon fonctionnement de l'entreprise et qui nuit gravement à son image de marque. En effet, suite à cette affaire, nous avons subi une perte de confiance de la part de notre partenaire, UTI-Group. Nous vous rappelons, qu'en tant qu'Ingénieur d'études en société de services informatiques, les missions et déplacements chez les clients font partie intégrante de votre poste. La spécificité même de vous fonctions implique une mobilité géographique, et vous ne pouvez l'ignorer puisque vous avez été par le passé amenée à exercer vos fonctions sur le site des clients de durée et d'éloignement variables. Votre refus d'obtempérer est ainsi caractéristique d'une faute grave rendant impossible la poursuite de nous relations contractuelles."
Que le 19 juin 2003, Florence X... a saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris ; Sur le motif du licenciement :
Attendu, d'abord, qu'il n'importe que le contrat de travail de Florence X... ne précise pas le lieu d'exécution du travail et ne contienne pas de clause de mobilité, dès lors que celle-ci était inhérente aux fonctions d'ingénieur exercées par la salariée dans une entreprise de services en informatique ; que Florence X... était en effet chargée d'effectuer des prestations de service pour les entreprises clientes de son employeur et réalisait l'essentiel de ses tâches sur les sites de celles-ci ; que l'offre d'emploi à laquelle
la salariée a répondu comportait d'ailleurs la mention "mobilité géographique indispensable" ; que dans son curriculum vitae de candidature, Florence X... avait fait savoir que les déplacements professionnels ne constituaient pas un obstacle pour elle ; que son contrat de travail consacre un article 3 aux frais de déplacement et de séjour ; que dans ses écritures d'appel, l'intimée admet qu'elle a accepté de nombreux déplacements sur l'ensemble du territoire national et qu'elle ne rejoignait pas tous les jours son domicile avant son congé de maternité ; que contrairement à ce que soutient la salariée, il n'a jamais été convenu entre les parties, ou accepté même implicitement par l'employeur, de limiter le périmètre d'activité de Florence X... à la région lyonnaise ; qu'en effet, informée en 2002 de ce qu'elle était susceptible de se voir confier deux missions en région parisienne, la seconde de quarante jours, celle-ci a fait connaître par courriers électronique son refus de partir à Paris, compte tenu de sa situation familiale qui nécessitait sa présence le soir ; que le directeur général de la société lui a répondu par courrier électronique du 3 juin 2002 : "D'une façon très concrète, ta réponse ne me convient pas...Clairement, je compte sur toi pour mener à bien cette prestation", puis le 18 juin 2002 : "Cela ne change pas la position énoncée qui est que de tels déplacements qui ont toujours fait partie intégrante de notre activité, doivent être effectués" ; que les missions parisiennes n'ont finalement pas été obtenues par la société APITECH ; qu'en tout cas, la mission de huit mois que celle-ci entendait confier à Florence X... à Gueugnon, loin d'apporter une modification au contrat de travail de la salariée, en constituait au contraire l'exécution ;
Attendu qu'il appartient à l'employeur de désigner le salarié qui lui paraît le plus à même de mener à bonne fin la prestation de services demandée par un client ; que le juge n'a pas à s'immiscer dans ce
choix, dès lors qu'aucun détournement de son pouvoir de direction par l'employeur n'est établi ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 122-6, L 122-14-2 (alinéa 1) et L 122-14-3 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ;
Qu'il ressort des courriers électroniques échangés ainsi que des attestations de Florence Z... et de Laurence A... (UTI Group) :
- que le 13 mars 2003, Vincent B..., président directeur général, qui avait été contacté la veille par Laurence A..., a informé Florence X... de ce qu'elle était pressentie pour une mission de plusieurs mois à Gueugnon et l'a convoquée le lendemain matin pour préparer une réunion prévue le 14 mars à 14 heures 30 à Ecully avec le responsable de la société ASI, société intermédiaire,
- qu'immédiatement, la salariée a répondu qu'elle ne pouvait ni dormir sur place ni faire l'aller-retour,
- que Vincent B... lui a indiqué qu'un aménagement des déplacements devrait être recherché (travail à distance) après une période de travail chez le client,
- qu'au cours de la réunion du 14 mars au matin, Vincent B... s'est engagé à trouver des solutions, soumises à l'acceptation du client, pour minimiser l'impact de la mission sur la vie personnelle de Florence X...,
- qu'au cours du trajet, puis pendant la réunion de l'après-midi avec la société ASI, Florence X... a confirmé qu'elle ne pouvait accepter une mission impliquant une présence à temps plein ou même quatre jours par semaine à Gueugnon,
- que le client a refusé les aménagements suggérés par Laurence A... de la société UTI ;
Que par courrier électronique du 14 mars à 17 heures 04, le président directeur général a attiré l'attention de Florence X... sur les conséquences juridiques de son refus et l'a mise en demeure de se conformer à son ordre de mission ;
Qu'il résulte de cette chronologie d'une part que Florence X... a été pressentie pour une mission à Gueugnon, d'autre part qu'après quelques heures d'atermoiements, elle a exprimé son refus verbalement ; qu'alors, la salariée a reçu par courrier électronique l'ordre de remplir ladite mission ; qu'elle a maintenu son refus en dépit de sa convocation en vue d'un entretien préalable à son licenciement, prenant soin cependant de ne pas lui donner une forme écrite ; que la société APITECH a finalement perdu le marché ; qu'il existait une cause réelle et sérieuse de licenciement puisque la salariée a refusé d'effectuer la prestation de travail pour laquelle elle avait été engagée ; que le jugement entrepris sera donc infirmé ;
Attendu, sur la qualification de faute grave, que le délai séparant le refus de Florence X... de l'engagement de la procédure n'est pas excessif, le 15 mars 2003 étant un samedi et le 16 mars un dimanche ; que le courrier électronique du 14 mars à 17 heures 04, valant mise en demeure d'obtempérer, impliquait qu'un délai de réflexion minimum fût laissé à la salariée ; que des missions envisagées pour Florence X... à Paris avaient déjà soulevé des difficultés similaires, la salariée ayant fait savoir à son employeur, par courrier électronique du 6 mars 2002 : "Si une incompatibilité vie privée/vie
professionnelle m'amène à faire un choix aujourd'hui, je n'aurais aucune hésitation" ; que la position définitive adoptée par Florence X..., dont le refus du 14 mars 2003 n'était qu'une manifestationaurais aucune hésitation" ; que la position définitive adoptée par Florence X..., dont le refus du 14 mars 2003 n'était qu'une manifestation circonstancielle, rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis ; que la salariée ne peut donc prétendre aux indemnités de rupture ; Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :
Attendu que l'employeur qui impose au salarié de prendre des jours de réduction du temps de travail par anticipation ne peut déduire ceux-ci de l'indemnité compensatrice de congés payés due en cas de rupture du contrat de travail ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à Florence X... un rappel d'indemnité de congés payés de 1 183, 68 ç ; Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il est équitable de laisser chacune des parties supporter les frais qu'elle a exposés, tant en première instance que devant la Cour, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société APITECH à payer à Florence X... la somme de 1 183, 68 ç à titre de rappel d'indemnité de congés payés ainsi qu'aux dépens de première instance,
L'infirme dans ses autres dispositions,
Déboute Florence X... du surplus de ses demandes,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne Florence X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
G. SAUVARD
D. JOLY