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06/09/2004 | FRANCE | N°00/06713

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, 06 septembre 2004, 00/06713


COUR D'APPEL DE LYONCHAMBRE SOCIALE - ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2004

APPELANT :Monsieur Pascal Xreprésenté par Me THOIZET, avocat au barreau de VIENNE

INTIMEE :SA HIBON38 Bd de Reims 59058 ROUBAIXreprésentée par Me LEBAS, avocat au barreau de LILLE

PARTIES CONVOQUEES LE : 26 SEPTEMBRE 2003DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mai 2004COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :Madame Françoise FOUQUET, PrésidenteMonsieur Daniel GERVESIE, ConseillerMadame Christine DEVALETTE, ConseillerAssistés pendant les débats de Madame Marie-France MAUZAC, Greffier.
>ARRET : CONTRADICTOIREPrononcé à l'audience publique du 06 Septembre 2004 par M...

COUR D'APPEL DE LYONCHAMBRE SOCIALE - ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2004

APPELANT :Monsieur Pascal Xreprésenté par Me THOIZET, avocat au barreau de VIENNE

INTIMEE :SA HIBON38 Bd de Reims 59058 ROUBAIXreprésentée par Me LEBAS, avocat au barreau de LILLE

PARTIES CONVOQUEES LE : 26 SEPTEMBRE 2003DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Mai 2004COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :Madame Françoise FOUQUET, PrésidenteMonsieur Daniel GERVESIE, ConseillerMadame Christine DEVALETTE, ConseillerAssistés pendant les débats de Madame Marie-France MAUZAC, Greffier.

ARRET : CONTRADICTOIREPrononcé à l'audience publique du 06 Septembre 2004 par Madame Françoise FOUQUET, Présidente, en présence de Madame Marie?France MAUZAC, Greffier, qui ont signé la minute.

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EXPOSE DU LITIGE

Le 5 janvier 1993, Monsieur X Pascal a été embauché par la société HIBON, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de pompes industrielles et compresseurs, en qualité d'ingénieur technico commercial.
De passage au siège, le 11 août 1999, Monsieur X Pascal se fait "sortir", par le responsable informatique, le fichier client de la division "Anneaux liquides" de la société, établi sur les cinq dernières années d'activité.
Sur information de cette demande par deux salariés de l'entreprise, Monsieur Y, Directeur administratif de la société HIBON, se rend, le 20 septembre 1999, accompagné d'un huissier, dans les locaux de l'Agence de LYON, où travaille Monsieur X Pascal, pour l'interroger sur les motivations de sa démarche du 11 août 1999 au siège et sur l'utilisation du fichier qu'il a emporté.
L'unité centrale du système informatique était éditée, sous contrôle d'huissier, le même jour, Monsieur Y mettant à pied Monsieur X Pascal et le convoquant à un entretien préalable en vue de licenciement pour le 23 septembre 1999.
Le 23 septembre 1999, la société HIBON informait Monsieur X Pascal de la prolongation de sa mise à pied conservatoire, jusqu'à la décision qui serait prise incessamment à son égard, suite à l'analyse des 28 pages éditées à partir de l'unité centrale.
Le 27 septembre 1999, la société HIBON licenciait Monsieur X Pascal, pour faute lourde dans les termes suivants :
"A votre demande, à l'occasion d'une visite effectuée pendant la fermeture annuelle de l'entreprise, Monsieur Christophe Z, alors responsable informatique de HIBON SAS, vous a produit le 11 août 1999 une disquette concernant des informations sur la clientèle "anneaux liquides". Vous n'avez en aucun cas demandé l'autorisation de votre hiérarchie. Les informations contenues sont : numéro de commande, libellé de la commande, année, nom, ville et code postal du client, valeur de la commande. Or vous êtes responsable de la division "vide poussé (produit stoks et surpresseurs vide poussé)", ces derniers n'étant que très occasionnellement substituables aux "produits pompe anneau liquides". Lors de votre entretien du 23 septembre, vous avez catégoriquement affirmé n'avoir emporté ni support magnétique, ni support papier du siège le 11 août 1999, et ne pas avoir été en mesure d'exploiter les informations remises sur disquette. Après que la question vous ait été posée à plusieurs reprises, vous avez confirmé vos propos. Puis vous vous êtes ensuite rétracté quand un document issu de l'ordinateur mis à votre disposition par l'entreprise vous a été présenté. Ce document contient l'ensemble des groupes de vide conçu et réalisé par la société HIBON, intégrant des machines fabriquées par la société italienne auprès de laquelle HIBON SAS s'approvisionne entre autre. A la suite de quoi, vous avez déclaré avoir établi des relations depuis plusieurs mois avec ladite société, auprès de laquelle vous souhaitez vous faire embaucher. Vous avez ainsi admis avoir effectué des démarches afin de lui trouver un local commercial, une entreprise de réparation, proposé d'approvisionner du matériel informatique pour le compte de celle-ci. Vous reconnaissez également avoir communiqué le nom de fabricants de pompes sèches, concurrençant directement la ligne de produit dont vous avez la charge. Nous vous rappelons que le groupe TI auquel nous appartenons commercialise lui-même ces produits. Vous reconnaissez avoir également établi un "business plan" contenant l'analyse de la concurrence en y indiquant notamment les quantités et volumes de vente réalisés par la société HIBON SAS. Nous vous rappelons que HIBON SAS est un concurrent de TRAVAINI. Ce même "business plan" contenait en sus le potentiel du marché, le compte de résultat prévisionnel, le budget de trésorerie, le calendrier de mise en oeuvre et les "key actions".

De tels actes sont graves et lourds de conséquences pour la société qui vous emploie et vous a confié des responsabilités importantes dans son organisation. Vous avez donc délibérément violé le secret professionnel et fait fi de la clause de non concurrence que vous aviez acceptée en signant votre contrat de travail.
L'ensemble des faits énumérés ci-dessus est constitutif d'une faute lourde privative des indemnités de rupture et de préavis. La rupture effective de votre contrat de travail interviendra immédiatement après la première présentation de cette lettre qui vous est adressée par recommandée."
Le 12 novembre 1999, Monsieur X Pascal saisissait le Conseil de prud'hommes de LYON, qui, par jugement du 12 octobre 2000
- a condamné la société HIBON à payer à Monsieur X la somme de 1 176,53 à titre de remboursement de frais
- mais l'a débouté de toutes ses demandes de requalification du licenciement, d'indemnités de rupture et d'indemnités de non levée de la clause de non-concurrence.
Par pli recommandé du 7 novembre 2000, Monsieur Pascal X a interjeté appel du jugement, qui lui a été notifié le 14 octobre 2000.

- - -

Au soutien de son appel, Monsieur X indique qu'il reconnaît avoir procédé à la copie de certains documents d'un fichier clients "anneaux liquides", mais que ce fichier était accessible à tous, sans autorisation préalable de l'employeur, et pour les besoins de prospection de sa propre clientèle sur les pompes sèches, dont l'utilisation peut être substituée aux pompes "anneaux liquides", en cas d'applications difficiles ou pour les petits débits.
Il soutient également avoir emporté non pas une disquette mais une liste de ces clients potentiels et avoir recopié manuellement cette liste sur son ordinateur.
Monsieur X conteste également avoir communiqué des informations confidentielles, ayant simplement pris contact, sur annonce, avec une société TRAVAINI, société italienne, qui n'est pas en concurrence directe avec la société HIBON, sans lui communiquer la moindre information, ni dans la lettre de candidature, ni dans le "business plan", qui ne soit pas à la portée de n'importe quel professionnel
- minitel pour rechercher la concurrence et les chiffres d'affaires- annuaire pour rechercher les sous-traitants et réparateurs- petites annonces pour les locaux disponibles.
Monsieur X précise enfin que cette candidature a été réalisée sur son ordinateur portable, pendant les heures de congés.

Considérant n=avoir commis aucune faute, ni à fortiori de faute lourde, Monsieur X réclame le paiement des sommes suivantes :
- 1 176,53 de frais déjà alloués par les premiers juges,
- 5 348,50 d'indemnités de congés payés,
- 5 348,50 d'indemnités de licenciement,
- 11 935,01 d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 193,50 de congés payés afférents,
- 23 870,01 d'indemnité compensatrice du respect de la clause de nonconcurrence,

- 39 783,35 de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000,00 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

- - -

La SAS HIBON demande la confirmation intégrale du jugement et sollicite la condamnation de Monsieur X à lui verser la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

A titre principal,
-la SAS HIBON soutient que Monsieur X a cumulé, au regard de son obligation de loyauté et des clauses relatives au secret professionnel et à l'obligation de non concurrence, plusieurs fautes lourdes, dont l'existence est établie par les pièces du dossier
* l'utilisation de l'ordinateur de l'entreprise pour organiser l'implantation d'une société concurrente
* activité pour un concurrent pendant les heures de travail
* appropriation, sans autorisation du fichier de la division "pompes anneaux liquides", la volonté de nuire étant en l'espèce caractérisée par l'objectif recherché d'organiser l'implantation d'une société concurrente.
La société HIBON observe que Monsieur X ne peut valablement soutenir que l'utilisation du fichier de la division "anneaux liquides" s'inscrivait dans le cadre d'une prospection sur les "pompes sèches", sa mission n'étant pas de prendre la clientèle d'une autre division, mais de créer de nouveaux clients.

Subsidiairement, sur les demandes chiffrées, la société HIBON fait valoir que l'indemnité compensatrice du respect de la clause de non concurrence aurait supposé que Monsieur X s'abstienne de tout contact avec la concurrence.

Elle ne forme pas d'appel incident sur la condamnation au remboursement de frais, qu'elle a exécutée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A la lecture de la lettre très détaillée de licenciement, qui fixe les limites du litige, les griefs reprochés à Monsieur X, inexactement résumés par l'employeur, sont de deux ordres.

- l'appropriation injustifiée et non autorisée de données contenues dans le fichier clientèle "anneaux liquides" :
Indépendamment du support de copie de ces données, papier ou disquette, il est établi par les attestations produites par l'employeur et les propres indications de Monsieur X, que celui-ci a bien pris connaissance de ce fichier, le 11 août 1999, au siège de la société à Roubaix, fichier contenant numéro de commande, libellé de la commande, année, nom, ville et code postal du client et valeur de la commande. Même si l'employeur n'est pas en mesure d'établir le sort qui a été donné à ces renseignements, et même si, comme le prétend Monsieur X, une partie seulement du fichier a été recopié, force est de constater que ces éléments concernant un secteur totalement indépendant de celui dans lequel exerçait Monsieur X, ont été obtenus indûment, sans l'accord de l'employeur ou du responsable du secteur et de façon parfaitement injustifiée, Monsieur X ne pouvant, en effet, expliquer sa démarche par la recherche de clients potentiels pour son propre secteur d'activité, tant en raison du caractère très occasionnellement substituable des deux types de produits principalement commercialisés dans chaque secteur, que du caractère parfaitement déloyal d'un tel procédé vis à vis des collègues et de l'employeur, qui définit lui-même sa propre stratégie commerciale.
- la divulgation d'informations concernant la société HIBON à la société concurrente TRAVAINI, pour laquelle Monsieur X a reconnu avoir effectué des démarches en vue de se faire embaucher :
A l'examen des éléments recueillis sur le disque dur du matériel informatique mis à la disposition de Monsieur X par la société HIBON, il apparaît bien que Monsieur X était en contact régulier, ce depuis plusieurs mois, avec la société TRAVAINI à laquelle il avait transmis son C.V. ainsi que divers renseignements sur des fabricants de pompes sèches concurrençant directement la ligne de produits commercialisés par la société HIBON, ou à travers son "business plan" contenant l'analyse de la concurrence, la quantité et les volumes de vente réalisés par la société HIBON, ce qui va bien au-delà de simples contacts avec un futur employeur, qu'il lui était loisible de rechercher en dehors toutefois de ses heures de travail.

Cette violation du secret professionnel pouvait être qualifiée de faute grave, rendant impossible le maintien de la relation contractuelle, même pendant la durée du préavis, comme constituant un manquement à l'obligation générale de loyauté due par un salarié à l'entreprise qui l'emploie, si elle ne s'était doublée d'actes positifs tendant à faciliter l'implantation de la société concurrente italienne dans la région lyonnaise (engagement d'un contrat de location pour un local commercial à Chassieu, commande de matériel informatique, recherche d'une entreprise de réparation) démontrant l'intention délibérée de Monsieur X de nuire à son employeur.

C'est donc par une juste appréciation des éléments de la cause que les premiers juges ont considéré que le licenciement était bien motivé par une faute lourde de Monsieur X et ont débouté celui-ci de toutes ses demandes relatives à la rupture, la condamnation au titre des frais professionnels n'étant pas contestée par la société HIBON, qui a exécuté le jugement.
Le jugement doit être, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions, sauf sur le rejet de l'indemnité compensatrice de clause de non concurrence, qui reste due, en l'absence de levée de cette clause, dès lors que Monsieur X, même indépendamment de sa volonté, n'a pas exercé, après la rupture, une activité concurrentielle.
Par application de l'article 28 de la convention collective auquel se réfère expressément le contrat de travail, la société HIBON doit être condamnée à verser à Monsieur X 5/10 de sa rémunération moyenne mensuelle nette, pendant la durée d'application de la clause, soit pendant 12 mois, soit la somme de 17 357,24 .
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf sur le rejet de la demande d'indemnité compensatrice de clause de non concurrence non levée.
ET STATUANT A NOUVEAU sur ce point, et sur les demandes nouvelles,
CONDAMNE la S.A. HIBON à verser à Monsieur Pascal X la somme de 17 357,24 , à titre d'indemnité compensatrice de clause de non concurrence.
DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE Monsieur X aux dépens de la procédure d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00/06713
Date de la décision : 06/09/2004
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECRET PROFESSIONNEL

Constitue une violation du secret professionnel qui peut être qualifiée de faute grave, rendant impossible le maintien de la relation contractuelle, même pendant la durée du préavis comme constituant un manquement à l'obligation générale de loyauté due par le salarié à son employeur, l'examen des éléments recueillis sur le disque dur du matériel informatique mis à la disposition de l'employé par son employeur démontrant que celui-ci était en contact régulier, ce depuis plusieurs mois, avec une société concurrente à laquelle il avait transmis son CV ainsi que divers renseignements sur des fabricants de pompes sèches concurrençant directement la ligne de produits commercialisés par son employeur ou à travers son business plan contenant l'analyse de la concurrence, la quantité et volumes de vente réalisés par l'employeur.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Lyon, 12 octobre 2000


Composition du Tribunal
Président : Madame Françoise FOUQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2004-09-06;00.06713 ?
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