ARRET N°
N° RG 23/00520 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPDE
AFFAIRE :
M. [I] [Y]
C/
M. [O] [W]
MCS/EH
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Grosse délivrée aux avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024
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Le QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE
Monsieur [I] [Y]
né le 24 Mars 1974 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LX LIMOGES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANT d'une décision rendue le 11 MAI 2023 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LIMOGES
ET
Monsieur [O] [W]
né le 30 Septembre 1956 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Hanife KARAKUS-GURSAL, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMÉ
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 13 Mars 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 février 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Madame Laetitia LUZIO SIMOES, greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport.
Après quoi, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 15 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date, le délibéré a été prorogé au 22 Mai 2024, puis au 05 Juin 2024, puis au 19 Juin 2024 et au 04 Septembre 2024.
Au cours de ce délibéré, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller et de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
EXPOSE DU LITIGE:
M. [I] [Y] a acheté le 22 janvier 2021 à M. [O] [W] suite à une annonce sur le Bon Coin, un véhicule d'occasion Citroën TRACTION 11 B immatriculé [Immatriculation 4] pour un montant de 8 500 euros, prix de vente convenu tenant compte de travaux de remise en état : remplacement des freins AV et AR, de la dynamo, de la sellerie, et du ciel de toit.
M. [Y] est venu récupérer le véhicule sur un plateau de location.
Il expose qu' en procédant au démontage du véhicule, il a relevé différents désordres dont il a informé par lettre recommandée du 2 février 2021 son vendeur, qui a refusé toute prise en charge ou annulation de la vente. Une expertise a été réalisée à l'initiative de son assurance de protection juridique, sachant qu'aux termes de son rapport du 14 avril 2021, cet expert a conclu à la responsabilité du vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Les tentatives amiables de solution du litige n'ayant pas abouti, M. [Y] a par acte d'huissier de justice du 15 mars 2022, fait assigner M. [W] devant le tribunal judiciaire de Limoges aux fins de voir :
- à titre principal, prononcer la résolution de la vente avec condamnation du vendeur au remboursement du prix d'achat du véhicule et des frais engagés, ainsi qu'à la réparation de ses divers préjudices,
- à titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer les désordres affectant le véhicule au moment de la vente, préciser les responsabilités encourues et décrire les travaux réparatoires, chiffrer leur coût et évaluer ses préjudices.
Par jugement contradictoire du 11 mai 2023, le tribunal judiciaire de Limoges a :
- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
- l'a condamné à payer à M. [W] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de la procédure ;
- débouté M. [W] du surplus de ses demandes.
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Par déclaration du 6 juillet 2023 effectuée dans des conditions de forme et de délai non contestées, M. [Y] a relevé appel total de ce jugement.
L'affaire a été orientée à la mise en état.
Par dernières conclusions signifiées et déposées le 15 janvier 2024, il demande à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau, de :
- ordonner une expertise du véhicule CITROËN concerné en donnant notamment à l'expert désigné mission de :
'' convoquer les parties et les entendre, ainsi que tous éventuels sachants, en leurs explications, et ce après s'être fait communiquer tous documents utiles ;
'' d'examiner le véhicule litigieux et de dire s'il présente des désordres/dysfonctionnements/défauts de conformités et/ou autres vices et préciser s'ils existaient au moment de la vente ;
'' dans l'affirmative les décrire, en en précisant les causes et origines ;
'' décrire et chiffrer les remèdes à y apporter ;
'' préciser les responsabilités encourues ;
'' décrire les éléments constitutifs du préjudice de la requérante, en ce compris le préjudicie de jouissance ;
'' décrire et chiffrer les frais déjà exposés par le requérant ;
'' d'une manière générale d'instruire tout dire des parties et de fournir tous éléments susceptibles de permettre d'apporter une solution au litige ;
- à titre subsidiaire :
- constater l'existence d'un vice caché dans le véhicule litigieux ;
- prononcer la résolution de la vente du véhicule litigieux ;
- condamner M. [W] à récupérer à ses frais et risques ledit véhicule, et ce dans le délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
- condamner M. [W] à lui verser les sommes suivantes :
'' 8 500 euros au titre du remboursement du prix d'achat du véhicule ;
'' 281 euros en remboursement des frais de remorquage ;
'' 3 611,61 euros en remboursement des frais engagés ;
'' 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
'' 1 500 euros au titre de son préjudice moral ;
- en tout état de cause :
- rejeter toutes demandes, fins ou conclusions contraires ;
- condamner M. [W] aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'expertise et frais d'exécution ainsi qu'au versement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées et déposées le 20 décembre 2023, M. [W] demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
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La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
La clôture de la procédure a été prononcée le 7 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
*Sur la demande d' expertise technique du véhicule :
M. [I] [Y] expose avoir acheté un véhicule d'occasion Traction qui serait affecté de vices cachés qu'il indique avoir découverts après la vente et rendant ledit véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné ; il produit un rapport d'expertise amiable établi par l'expert mandaté par son assureur protection juridique et sollicite, à titre principal, l'organisation d'une expertise technique.
Or , ainsi que l'a relevé le premier juge,l'intéressé a procédé au démontage du véhicule et effectué différentes réparations, ce qui ne permet pas de connaître l'état réel du véhicule à la date de sa vente.
Sa demande d' expertise technique sera en conséquence rejetée, et la décision du premier juge sera confirmée de ce chef.
Sur la demande de résolution de la vente du véhicule pour vices cachés :
Selon l'article 1641 du Code civil, 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'article 1642 dispose que 'le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se se convaincre lui-même.'
Il incombe à M. [I] [Y] de démontrer que les défauts invoqués revêtent le caractère de vices cachés.
Il sera tout d'abord relevé qu'il a acquis le véhicule sans exiger la remise préalable par le vendeur d' un rapport de contrôle technique qui aurait pu le renseigner précisément sur l'état de ce véhicule ancien, mis en circulation pour la première fois le 3 janvier 1956.
M. [O] [W] précise dans ses écritures que l'acquéreur a voulu prendre possession du véhicule sans attendre le contrôle technique prévu le 26 janvier suivant, et il produit le justificatif du rendez- vous pris pour cette date auprès d'un centre de contrôle technique.
De son côté, M. [I] [Y] ne produit pas un rapport de contrôle technique du véhicule à l'appui du rapport d'expertise amiable, lequel est à lui seul insuffisant à démontrer l'existence de vices cachés en l'absence d'éléments extérieurs le corroborant .
Au demeurant, il ressort des termes mêmes de la lettre que M. [I] [Y] a adressée le 2 février 2021 à son vendeur pour se plaindre de l'état du véhicule, que de nombreux défauts invoqués ne révêtent pas le caractère de vices cachés dès lors qu'ils étaient visibles pour un acheteur même profane faisant preuve de vigilance au regard de l'ancienneté du véhicule.
Ainsi les défauts suivants énumérés dans la lettre susvisée et dans le rapport d'expertise amiable ne sauraient recevoir la qualification de vices cachés :
- vitres de fenêtre rayées qui tombent dans les portes ;
- rail métallique de support de vitre HS (complètement rongé par la rouille)remplacement de 4 rails avec 4 joints ;
- axes des manivelles de vitre et poignées de porte sont des pointes ;
- utilisation de pointes pour les arrêtoirs d'écrou à encoche pour enlever les tambours AV ;
- beaucoup de mastic et de coulures de peinture sur la voiture et effet peau d'orange global ;
- présence de rouille le long de la feuillure de gouttières de caisse des deux côtés;
- les quatre pas de porte sont bien rouillées(feuillures de porte et peinture boursouflée) ;
- corrosion sous le joint de coffre(dentelle) ;
- plancher avec corrosion perforante importante à plusieurs endroits visible sous la moquette ;
- éclairage impossible puisque le commando d'éclairage est HS pour les feux croisement et le faisceau électrique a été rongé par les souris côté compartiment moteur: remplacement du commando et tentative de réparation du faisceau électrique en cours ;
- platine de feuillures de pare-brise manquantes au niveau d'une des deux charnières et remplacées par des écrous tenus par du scotch ;
- peu d'usure des pneumatiques censés être neuf mais pneus anciens puisque craquelés sur les flancs et peints lors de la dernière couche de peinture des jantes.
Aux termes de ce courrier, M. [I] [Y] indiquait au vendeur avoir payé cette voiture bien au-dessus de son prix compte tenu de son état réel et sollicitait soit l'annulation de la vente (' bien que la voiture soit un peu démontée maintenant') soit une participation partielle aux frais supplémentaires de remise en état qui n'étaient pas prévus lors de l'achat estimés à la somme de 2850 € minimum.
S'agissant de la corrosion du bas de caisse qui serait selon l'expert amiable de nature à rendre le véhicule dangereux, M. [I] [Y] ne produit aucun autre élément technique confirmant cette conclusion ; il sera observé que M. [I] [Y] précise lui-même qu'en soulevant le tapis de sol, il a constaté cette corrosion, de sorte que dans ces conditions, il pouvait lors de l'achat du véhicule, procéder à ces vérifications élémentaires qui s'imposaient au regard de l'ancienneté du véhicule mis en circulation pour la première fois en 1956 et de l'absence de contrôle technique.
A cet égard, si aucun élément ne permet de qualifier M. [I] [Y] de professionnel de l'automobile, il sera cependant observé qu'il dispose de connaissances minimales puisqu'il avait entrepris lui-même le démontage de la voiture pour procéder à diverses réparations envisagées lors de la vente : remplacement des freins AV et AR, de la dynamo, de la sellerie, et du ciel de toit.
Il sera rappelé ensuite que pour la vente d'un véhicule d'occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en jeu la garantie du vendeur, dès lors que l'acheteur doit s'attendre, en raison même de l'état d'usure dont il est averti, à un fonctionnement d'une qualité inférieure à celui d'un véhicule neuf, de sorte que le vice ne saurait procéder de la seule vétusté ou usure du véhicule.
C'est donc par des motifs exempts de toute critique que le premier juge a débouté M. [I] [Y] de sa demande en résolution de la vente pour vices cachés et de ses demandes indemnitaires subséquentes ; sa décision sera en conséquence confirmée.
*Sur les demandes accessoires :
Succombant en ses prétentions et en son recours, M. [I] [Y] supportera les dépens de première instance et d'appel, ce qui exclut par ailleurs qu' il puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Il serait en outre inéquitable de laisser M. [W] supporter l'intégralité des frais qu'il a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts;
Ainsi outre la somme déjà allouée par le premier juge, une indemnité supplémentaire de 1000 euros lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La Cour d'appel statuant publiquement, par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement déféré,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [I] [Y] à verser à M. [O] [W] une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE M. [I] [Y] à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Emel HASSAN. Corinne BALIAN.