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11/07/2024 | FRANCE | N°23/00624

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 11 juillet 2024, 23/00624


ARRET N° .



N° RG 23/00624 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPOV







AFFAIRE :



S.A.R.L. VICTONICE prise en la personne de son représentant légal.



C/



M. [B] [N]









PLP/MS





Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution











Grosse délivrée à Me Elise GALLET, Me Marie GOLFIER-ROUY, le 11-07-24









COUR D'APPEL DE LIMO

GES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE



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ARRÊT DU 11 JUILLET 2024



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Le onze Juillet deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par ...

ARRET N° .

N° RG 23/00624 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPOV

AFFAIRE :

S.A.R.L. VICTONICE prise en la personne de son représentant légal.

C/

M. [B] [N]

PLP/MS

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée à Me Elise GALLET, Me Marie GOLFIER-ROUY, le 11-07-24

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

---==oOo==---

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

---==oOo==---

Le onze Juillet deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.A.R.L. VICTONICE prise en la personne de son représentant légal., demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]

représentée par Me Elise GALLET de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

APPELANTE d'une décision rendue le 03 JUILLET 2023 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

Monsieur [B] [N]

né le 24 Août 1982 à , demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représenté par Me Marie GOLFIER-ROUY de la SCP BONNAFOUS BREGEON - GOLFIER, avocat au barreau de LIMOGES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023-5627 du 07/09/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)

INTIME

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 Mai 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 avril 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, et Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, ont tenu l'audience au cours de laquelle Monsieur Pierre-Louis PUGNET a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue 27 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

La mise à disposition de cette décision a été prorogée au 11 juillet 2024, les avocats des parties en ayant été régulièrement informés.

Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, de Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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FAITS ET PROCÉDURE :

M. [N] a été embauché le 05 septembre 2017 en contrat de travail à durée indéterminée par la SARL VICTONICE, en qualité de vendeur-acheteur.

Au dernier état de la relation de travail, M. [N] étaient responsable e-commerce, niveau 4 de la convention collective du commerce de détail non alimentaire. Sa rémunération mensuelle brute était de 2000€ à laquelle s'ajoutait une prime mensuelle sur objectif pouvant atteindre 300 €.

Il a fait partie des salariés qui ont saisi l'inspection du travail avec mention afin de faire respecter leurs droits en relevant des dysfonctionnements et manquements de l'employeur.

Le 07 septembre 2020, M. [N] a été placé en arrêt de travail jusqu'à la date de son inaptitude, établie le 16 novembre 2020 par le médecin du travail avec mention ' tout maintien du salarié dans son emploi serait préjudiciable à sa santé'.

Le 08 décembre 2020, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, puis le 24 décembre 2020 il a été licencié pour inaptitude non professionnelle.

Son solde de tout compte lui a été délivré le 7 janvier 2021. Il l'a contesté le 25 juin 2021.

Le 10 novembre 2021, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges aux fins de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de certaines indemnités.

Le conseil de prud'hommes a, par jugement du 03 juillet 2023, dit que le licenciement de M. [N] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné la SARL VICTONICE au paiement de certaines indemnités.

La SARL Victonice a interjeté appel de ce jugement le 02 août 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses écritures du 02 novembre 2023, la S.A.R.L. VICTONICE demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par la section commerce du Conseil de prud'hommes de LIMOGES en date du 3 juillet 2023 (21/00242), en ce qu'il a :

« CONSTATE les manquements de la SARL VICTONICE à l'égard de son salarié,

DIT et JUGE que le licenciement de Monsieur [N] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

FIXE la moyenne des trois derniers mois avant l'arrêt de travail est de 2.056.66 €,

CONDAMNE la SARL VICTONICE à verser à Monsieur [N] [B] les sommes de :

o 6.169,98 € (six mille cent soixante-neuf euros quatre-vingt-huit centimes) au titre

de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 4.113,00 € (quatre mille cent treize euros) au titre de l'indemnité compensatrice

de préavis,

o 411,30 € (quatre cent onze euros trente centimes) au titre des congés payés sur

préavis,

CONDAMNE la SARL VICTONICE en application de l'article L.1235-4 du code du travail à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement perçues par Monsieur [N] dans la limite de deux mois,

DIT que l'exécution provisoire est de droit sur les condamnations salariales en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois étant de 2.056,66 € qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner pour le surplus au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

DIT que les intérêts légaux s'appliqueront sur la décision à compter de son prononcé,

DEBOUTE la SARL VICTONICE de ses demandes, dont sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL VICTONICE aux entiers dépens qui comprennent le remboursement à l'Etat des frais avancés par lui au titre de l'aide juridictionnelle dont bénéficie Monsieur [N] ».

Et, statuant à nouveau :

- Débouter Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner Monsieur [N] à verser à la société VICTONICE la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile devant le Conseil de prud'hommes,

En tout état de cause :

- Condamner Monsieur [N] à verser à la société VICTONICE la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile devant la Cour, ainsi qu'aux dépens.

A cette fin, elle soutient que :

la contestation du solde de tout compte par le salarié était irrecevable, ce dernier ayant été contesté plus de 6 mois après sa délivrance;

le licenciement était bien fondé selon l'article L1226-2-1 du Code du travail en ce que la société avait été dispensée de recherche de reclassement par le médecin du travail, et que Monsieur [N] ne prouve aucun manquement de l'entreprise à son égard, ni de lien de causalité entre un comportement fautif de la société et son inaptitude;

les demandes compensatrices de préavis et congés payés ne sont, en tous les cas, pas applicables puisque la société a respecté son obligation de reclassement;

en tout état de cause Monsieur [N] ne démontre pas de préjudice qui justifierait l'application d'une somme supérieur au barème minimal de trois mois de salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de ses écritures du 26 janvier 2024, M. [B] [N] demande à la Cour de:

Confirmer le jugement rendu le 3 juillet 2023 par le Conseil de Prud'hommes de LIMOGES en ce qu'il a :

- Constaté les manquements de la SARL VICTONICE à l'égard de son salarié,

- Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [N] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- La moyenne des trois derniers mois avant l'arrêt de travail est de 2.056,66 €

- Condamné la SARL VICTONICE à verser à Monsieur [N] [B] les sommes de:

- 6.169,98 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.113 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 411,30 € au titre des congés payés sur préavis.

- Condamné la SARL VICTONICE en application de l'article L 1235'4 du code du travail à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement perçues par Monsieur [N] dans la limite de deux mois.

- Dit que les intérêts légaux s'appliqueront sur la décision à compter de son prononcé.

- Condamné la SARL VICTONICE aux entier dépens qui comprennent le remboursement à l'Etat des frais avancés par lui au titre de l'aide juridictionnelle dont bénéficie Monsieur [N].

Y ajoutant,

- Condamner la SARL VICTONICE à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

- Condamner la SARL VICTONICE aux entiers dépens d'appel.

A cette fin, il soutient que :

son inaptitude est la conséquence des manquement répétés de la SARL VICTONICE, qui a causé une dégradation de ses conditions de travail même après l'intervention de l'inspection du travail. Il indique qu'il devait travailler dans des locaux sales, dans le stress permanent, en étant questionné sur ses arrêts maladies, et sans assurance quant au règlement de son salaire qui était régulièrement versé en retard et par acomptes, ainsi que sans droit à la déconnexion;

il souffrait de lombalgies importantes et de douleurs depuis plus d'un an, et le psychologue du travail a objectivé le 20 septembre 2020 un épuisement professionnel, et c'est dans ces conditions que le médecin du travail a considéré que son maintien dans l'emploi lui serait préjudiciable

il appartenait à la SARL VICTONICE de prendre les mesures nécessaires pour la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses employés en vertu de l'article L.4121-1 du code du travail;

son licenciement était donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'ordonnance de clôture a été rendu le 03 avril 2024

MOTIFS de la DÉCISION

Sur le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle

L'employeur peut rompre le contrat de travail du salarié, notamment, lorsque le médecin du travail précise que son maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé (article L. 1226-2-1 du code du travail). Cette inaptitude est constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'occurrence l'employeur fonde le licenciement de M. [N] sur l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail le 9 novembre 2020, précisant qu'il s'agissait d'un cas de dispense de l'obligation de reclassement car son 'tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Le bien-fondé de ce licenciement pour inaptitude physique peut être remis en cause par M. [N] mais à la condition qu'il démontre avoir été victime d'agissements fautifs de la part de l'employeur à l'origine de son inaptitude.

C'est ce qu'il fait valoir en exposant qu'avec son collègue M. [V] et d'autres salariés, ils ont eu à subir collectivement de multiples manquements de leur employeur qu'il estime être à l'origine de la dégradation de leur état de santé. C'est ainsi qu'ils ont saisi l'inspection du travail dès 2018 pour faire état de nombreux dysfonctionnements au sein de l'entreprise.

M. [N] prétend que si un certain nombre de choses ont pu être réglées grâce à l'intervention de l'inspection du travail (mutuelle, règlement des heures supplémentaires, notamment), les conditions de travail des salariés ont continué à se dégrader. Les salaires ont été payés par acomptes, parfois en espèces, l'hygiène du magasin ne s'est pas améliorée ( présence de rats, de cafards jusque sur les comptoirs, toilettes faits une fois par mois par la mère de l'employeur), les salariés ont continué à utiliser des produits toxiques sans aucun équipement de sécurité ni formation et sont restés confrontés à l'insuffisance chronique d'espèces pour le rachat de marchandises, ce qui induisait régulièrement de l'agressivité chez les clients, l'employeur étant en règle générale absent du magasin. Les salariés ont été confrontés à un turn-over important, le personnel étant régulièrement insuffisant. Les salariés se sont vus confier des tâches de plus en plus importantes, sans revalorisation de leurs salaires, mais impliquant une pression de plus en plus importante. L'employeur qualifiait régulièrement tout arrêt de travail de " défection'. Lorsque les salariés ont été placé en arrêt maladie, l'employeur n'a pas transmis les éléments nécessaires au paiement de leur indemnités journalières.

Toutefois en matière de licenciement pour inaptitude la faute de l'employeur ne saurait être établie sur le fondement d'éléments qui ne visent pas la situation personnelle du salarié.

Or en l'occurrence il s'agit de critiques relatives à un conflit au sujet des conditions de travail opposant un groupe de salariés à la direction, mais qui ne contiennent aucun élément précis sur des agissements que M. [N] aurait subis de la part de son employeur, à titre personnel. En outre l'inspecteur du travail n'a dressé aucun procès-verbal ni établi de mise en demeure à la société VICTONICE mais a présenté des observations lesquelles ont été suivies d'effet, au moins partiellement, avant même que M. [N] ne soit déclaré inapte à son poste.

Pour ce qui concerne l'hygiène du magasin les photographies produites par M. [N], susceptibles d'avoir fait l'objet d'une mise en scène, sont dépourvues de valeur probante, d'autant que selon son contrat de travail M. [N] devait s'assurer ' que tous les articles exposés dans la surface de vente doivent être nettoyés avant d'être mis en vente ; les rayonnages doivent être constamment en ordre, et les allées dégagées, les issues de secours doivent être dégagées en permanence ».

M. [N] invoque avoir été dans l'impossibilité de bénéficier d'une réelle déconnexion, l'employeur lui adressant régulièrement des SMS le matin avant l'embauche, le soir ou les jours de repos. Il produit des captures d'écran et des échanges de SMS avec son gérant, M. [D] mais qui révèlent que très souvent ce dernier ne faisait que répondre aux sollicitations directes de M. [N].

S'agissant des certificats médicaux rédigés par un ostéopathe et un psychologue du travail, aucun de ces auteurs n'a observé personnellement les conditions de travail de M. [N]. Il s'agit d'éléments relatés sur la base des seules déclarations du salarié, lesquels ne permettent pas d'établir un lien entre d'éventuels agissements de l'employeur et l'inaptitude du salarié.

En définitive M. [N] ne démontre pas avoir été victime d'agissements fautifs de la société VICTONICE à l'origine de son inaptitude. Aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est établi.

Le jugement déféré sera infirmé dans toutes ses dispositions et M. [N] sera débouté de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes annexes

M. [N] qui n'obtient pas gain de cause, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, mais l'équité commande de débouter la société VICTONICE de sa demande en paiement d'une indemnité de 700 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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La Cour, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Limoges le 3 juillet 2023 ;

Statuant à nouveau ;

DEBOUTE M. [B] [N] de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE M. [B] [N] aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la SARL VICTONICE de sa demande en paiement d'une indemnité ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00624
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.00624 ?
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