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11/07/2024 | FRANCE | N°23/00560

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 11 juillet 2024, 23/00560


ARRET N° .



N° RG 23/00560 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPHC







AFFAIRE :



M. [H] [S]



C/



Association INSTITUT DON BOSCO









PLP/MS





Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





Grosse délivrée à Me Alison ESTRADE, Me Christophe BIAIS, le 11-07-24









COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE


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ARRÊT DU 11 JUILLET 2024



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Le onze Juillet deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

...

ARRET N° .

N° RG 23/00560 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPHC

AFFAIRE :

M. [H] [S]

C/

Association INSTITUT DON BOSCO

PLP/MS

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée à Me Alison ESTRADE, Me Christophe BIAIS, le 11-07-24

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

---==oOo==---

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

---==oOo==---

Le onze Juillet deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [H] [S], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alison ESTRADE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 07 JUILLET 2023 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE LIMOGES

ET :

Association INSTITUT DON BOSCO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 Mai 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, et Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, ont tenu l'audience au cours de laquelle Monsieur Pierre-Louis PUGNET a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le27 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

La mise à disposition de cette décision a été prorogée au 11 juillet 2024, les avocats des parties en ayant été régulièrement informés.

Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, de Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] a été embauché par l'ALSEA (Association de sauvegarde de l'enfant à l'adulte) le 24 mai 2013 en qualité de moniteur éducateur au sein du Centre Educatif Fermé de [Localité 6].

Le 1er juillet 2016, son contrat a été transféré à l'association Institut DON BOSCO avec reprise d'ancienneté.

Le 1er septembre 2017 M. [S] a démissionné de ses fonctions.

Un contrat à durée déterminée a ensuite été conclu le 4 octobre 2017 entre l'association et M. [S] sur le même poste de moniteur éducateur, renouvelé le 19 octobre 2017, puis remplacé par un contrat à durée indéterminée le 19 décembre 2017.

Le 18 mai 2017, M. [S] a été élu délégué du personnel suppléant pour une durée de 6 mois, prorogée jusqu'au 30 novembre 2019.

Le 4 juillet 2019, un incident est survenu au centre educatif fermé de [Localité 6].

Le 18 juillet 2019, M. [S] a reçu une convocation à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied conservatoire.

Par décision du 12 septembre 2019, l'inspection du travail n'a pas autorisé le licenciement de M. [S], au motif que les délais de consultation du comité d'entreprise et de présentation de la demande de licenciement auprès de l'inspection du travail avaient été excessifs au regard de la gravité de la mesure de mise à pied à titre conservatoire.

Le 19 septembre 2019, l'association Institut DON BOSCO a annulé la mise a pied prononcée à l'encontre de M. [S].

L'association a ensuite formé, le 4 novembre 2019 un recours hiérarchique contre la décision de l'Inspection du travail. Le 3 mars 2020, le Ministre du travail a annulé la décision de l'Inspection du travail mais a maintenu le refus d'autoriser le licenciement de M. [S].

M. [S] a été placé en arrêt maladie du 8 août 2019 au 31 août 2019, puis du 16 septembre 2019 au 13 octobre 2019, puis du 25 novembre 2019 au 1er décembre 2019, puis du 5 décembre 2019 au 31 mai 2020.

Le 1er juin 2020, le médecin du travail a rendu, le concernant, un avis d'inaptitude à son poste de travail, indiquant qu'un poste dans une autre structure pourrait être envisageable.

Le 18 juin 2020, le Comité social et économique a été consulté sur les possibilités de reclassement du salarié.

Le 16 juillet 2020, M. [S] a refusé les postes de reclassement proposés.

Monsieur [S] a été licencié par courrier du 14 août 2020.

Le 12 juillet 2021, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges aux fins notamment de voir condamner l'association à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et un rappel de salaire découlant d'une inégalité de traitement.

Le 11 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Limoges s'est déclaré en partage de voix.

Le 07 juillet 2023, le conseil de prud'hommes de Limoges, en sa formation de départage, a débouté M. [S] de l'intégralité de ses demandes, et l'a condamné aux dépens.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement le 19 juillet 2023.

***

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses écritures du 15 avril 2024, Monsieur [H] [S] demande à la Cour de :

REFORMER le jugement du Conseil de prud'hommes en date du 7 juillet 2023 en ce qu'il a :

Débouté Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes ;

Déclaré irrecevable l'action en rappel de salaire présentée par Monsieur [H] [S] ;

Condamné Monsieur [S] au paiement des dépens.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

JUGER que l'Association INSTITUT DON BOSCO s'est rendue coupable de harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [S] ;

JUGER que l'inaptitude de Monsieur [S] est la conséquence directe du harcèlement moral subi ;

JUGER que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [S] est nul comme étant la conséquence directe du harcèlement moral subi ;

CONDAMNER en conséquence l'Association Institut DON BOSCO à verser à Monsieur [S] la somme de 18 310 € Nets à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire :

JUGER que l'Association Institut DON BOSCO a manqué à son obligation de sécurité à l'égard Monsieur [S] et a déloyalement exécuté le contrat de travail ;

JUGER que l'inaptitude de Monsieur [S] est imputable aux manquements de l'employeur à ses obligations ;

JUGER que le licenciement pour inaptitude prononcé le 14 août 2020 est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'absence de la mention relative à l'impossibilité de reclassement qui n'est au demeurant pas caractérisée par l'Association Institut DON BOSCO ;

JUGER que l'Association Institut DON BOSCO a manqué à son obligation de reclassement à l'égard de Monsieur [S] ;

JUGER en conséquence que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [S] est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER l'Association Institut DON BOSCO à verser à Monsieur [S] la somme de 9155,48 € Nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

CONDAMNER l'Association Institut DON BOSCO à verser à Monsieur [S] la somme de 1452,48 € Nets à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

CONDAMNER l'Association Institut DON BOSCO à verser à Monsieur [S] la somme de 4639,06 € Bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 463,90 € Bruts de congés payés afférents ;

CONDAMNER l'Association Institut DON BOSCO à verser à Monsieur [S] la somme de 3000 € Nets par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

A cette fin, il soutient que :

- il a subi un harcèlement moral de l'association, caractérisé par le caractère injustifié d'une sanction subie pour ne pas avoir assisté à une formation, par la tentative de licenciement dont il a fait l'objet alors qu'il n'avait pas commis de défaut de surveillance, ce qui était corroboré par ses deux collègues qui en étaient à l'origine mais qui n'ont toutefois pas été sanctionés, par le rallongement de la procédure de consultation des délégués du personnel qui n'avait pour but que de lui nuire, et enfin par sa mise à l'écart par ses supérieurs à la suite de sa réintégration;

-le harcèlement moral subi est la cause direct de la dégradation de son état de santé, et de ses arrêts maladies successifs;

- ainsi, le licenciement pour inaptitude a pour cause la faute de l'employeur, et devra donc être jugé comme sans cause réelle et sérieuse;

-à titre subsidiaire, l'employeur est coupable d'un comportement déloyal dans l'exécution de son contrat de travail envers M. [S] à l'origine de son inaptitude;

- l'employeur a manqué à son obligation de reclassement, les postes qui lui ont été proposés étant éloignés de son lieu de vie habituel de plus de 200 km, alors même qu'un poste proche était vacant et ne lui a pas été proposé;

- en accord avec la jurisprudence, le licenciement doit automatiquement être considéré comme sans cause réelle et sérieuse car la lettre de licenciement ne mentionnait pas expressément l'impossibilité de reclassement de M. [S] ni l'absence de postes disponibles, mais uniquement le refus de ce dernier des postes proposés;

- il a subi un préjudice du fait de ce licenciement, restant de nombreux mois au chômage et ne parvenant par à renouer avec le métier de moniteur;

Aux termes de ses écritures du 02 avril 2024, l'Association INSTITUT DON BOSCO demande à la Cour de :

DÉCLARER Monsieur [H] [S] mal fondé en son appel

En conséquence l'en DEBOUTER,

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de LIMOGES le 7 juillet 2023 en ce qu'il a :

Débouté Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes

Déclaré irrecevable l'action en rappel de salaire qu'il présentait.

Débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamné Monsieur [S] aux dépens

RECONVENTIONNELLEMENT,

DEBOUTER Monsieur [H] [S] de ses demandes au titre du prétendu harcèlement moral qu'il prétend avoir subi.

CONDAMNER Monsieur [H] [S] à payer à l'INSTITUT DON BOSCO une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER Monsieur [H] [S] au paiement des entiers dépens de la présente procédure et éventuels frais d'exécution.

A cette fin, elle soutient que :

- elle n'est pas fautive de harcèlement moral à l'encontre de M. [S]:

-L'avertissement relatif à l'absence à la formation était une sanction légère, justifiée et proportionnée;

-la tentative de licenciement reposait sur un défaut de surveillance constitutif d'une faute grave; sur la responsabilité de cette faute imputable à Monsieur [S], son ancienneté justifie qu'elle était plus important en son cas que pour ses collègues moins expérimentés, et le refus de licenciement par le ministère du travail n'était d'ailleurs pas fondé sur une absence de faute;

- le rallongement de la procédure de licenciement n'a pas été causé par une intention de nuire, mais en raison du congé de la quasi-totalité des membres votants du CSE;

- il n'existe pas de lien entre les décisions de l'association et l'état de santé de M. [S], aucun pièces présentées n'établissant cette causalité;

- l'association a respecté son obligation de reclassement, en proposant à Monsieur [S] des postes conformes parmi les emploi disponibles, le poste sur [Localité 4] ne lui ayant pas été proposé car pourvu au jour de l'avis d'inaptitude.

- la lettre de licenciement adressée à Monsieur [S] était régulièrement faite, car le refus du salarié des reclassements proposés avait été mentionné aux termes du nouvel article L1226-2-1 du Code du Travail, et par ailleurs, il était suffisant selon la jurisprudence que la lettre mentionne son refus de reclassement et l'absence de tout autre poste disponible.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [H] [S] prétend que son licenciement est nul, en premier lieu, en raison du harcèlement moral dont il a été victime et qui a dégradé son état de santé à l'origine de son inaptitude, à titre subsidiaire, en raison du manquement de son employeur à son obligation de sécurité envers lui et d'une exécution déloyale de son contrat de travail.

1- Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du Code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Par ailleurs, l'article L. 1154-1 du même code, selon sa version en vigueur à l'époque des faits, précise en ses 1er et 2ème alinéas que « lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ».

Dans un premier temps il incombe au salarié de présenter des éléments de fait, précis et concordants, laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Au soutien de sa demande M. [S] prétend que l'INSTITUT DON BOSCO a adopté à son encontre des comportements constitutifs d'un harcèlement moral ayant dégradé son état de santé et qui serait à l'origine de son inaptitude. Ce moyen n'était pas soulevé en première instance.

Il invoque le caractère injustifié de l'avertissement qu'il a reçu motivé par une absence de présentation à une formation professionnelle à laquelle il devait participer alors qu'il n'avait pas reçu de convocation.

Toutefois M. [S] reconnaît qu'il avait été informé par l'un de ses collègues qu'il était inscrit à une formation les 27 et 28 mai 2024 et qu'un courrier de convocation avait été déposé dans la boîte aux lettres du CEF. Par ailleurs il affirme avoir demandé par message à un de ses collègues, M. [D], de venir le chercher chez lui en voiture pour s'y rendre mais qu'il ne s'est jamais présenté à son domicile, ce qui n'est nullement confirmé.

Il n'a pas informé son employeur de son impossibilité de participer à cette formation et c'est ce dernier qui a dû le contacter le 28 mai à 10 heures pour avoir des informations sur sa situation.

La production de l' attestation de Mme [W] [J], qui évoque, de manière générale et succincte, les qualités professionnelles de M. M. [H] [S] est dénuée de pertinence au regard du motif de l'avertissement prononcé.

Il apparaît ainsi que la sanction constituée par l'avertissement était proportionnée à la faute commise et ne démontre pas un agissement fautif de la part de son employeur, susceptible d'être qualifié de harcèlement moral.

M. [S] reproche également à son employeur l'enclenchement d'une procédure de licenciement pour faute grave.

Dans le cadre de ses fonctions d'éducateur M. [S] était tenu de garantir la sécurité des jeunes placés sous sa responsabilité. Le 4 juillet 2019, alors que des tensions existaient entre les adolescents depuis plusieurs semaines, certains d'entre eux ont agressé l'un des leurs, lequel a été transporté aux urgences, en raison de la violence de l'agression subie. L'enquête interne a révélé de graves manquements imputable aux adultes chargés de la surveillance du groupe, tous absents au moment des violences. L'employeur a considéré qu'il pouvait être reproché à M. [S] un défaut de surveillance ayant mis en péril la vie d'un jeune de 14 ans et que ce manquement était d'autant plus inacceptable de la part d'un salarié disposant d'une ancienneté de service certaine, bien plus importante que celle des autres éducateurs, arrivés très récemment et de surcroît en CDD.

M. [S] fait valoir qu'il n'avait pas le choix et se devait d'accompagner l'un des jeunes à l'extérieur pour rechercher le téléphone perdu. Il s'agit d'une explication d'une part non justifiée, et d'autre part dont l'employeur pouvait, à juste titre, considérer qu'elle ne pouvait en aucun cas justifier de laisser des jeunes sans aucune surveillance.

L'employeur a indiqué aux représentants du personnel lors de la procédure préalable à la prise d'une sanction disciplinaire, que les deux autres professionnels concernés se trouvaient être engagés par contrat de travail à durée déterminée prenant fin 24 juin 2019 pour l'un et le 22 juillet 2019 pour l'autre, ce qui rendait inutile l'engagement une procédure de licenciement, les intéressés ayant toutefois été mis à l'écart du CEF jusqu'à la fin de leurs contrats.

Si ce licenciement a en définitive été refusé par l'administration du travail ce n'est pas pour des raisons de fond mais exclusivement de forme.

L'ensemble de ces éléments ne permet pas de justifier l'affirmation de M. [S] selon laquelle il aurait été un « bouc émissaire » pour l'INSTITUT DON BOSCO. L'attestation de M. [O], licencié pour faute en septembre 2022 pour un comportement inadapté, et qui évoque un autre incident qui n'est pas comparable à celui ayant conduit à l'avertissement de M. [S], est sans portée.

Par ailleurs M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par lettre du 18 juillet 2019, avec notification d'une mesure de mise à pied à titre conservatoire. L'INSTITUT DON BOSCO a convoqué le comité d'entreprise pour une réunion initialement fixée au 2 août mais reportée au 27 août 2019 en raison de la situation de congé de la quasi-totalité des membres votant suppléants et titulaires, avec l'aval de l'inspection du travail.

Il n'est pas démontré que L'INSTITUT DON BOSCO a volontairement prolongé la procédure de licenciement dans le seul but de nuire à M. [S].

Par décision du 12 septembre 2019, l'inspecteur du travail ayant refusé de faire droit à la demande de licenciement pour faute, pour des raisons de forme, courrier réceptionné par les services de l'INSTITUT DON BOSCO le 17 septembre, le délai de 2 jours mis par ce dernier pour informer M. [S] de l'annulation de la mise à pied et sa réintégration sur son poste de travail, n'apparaît pas être tardive ni démontrer une déloyauté de son employeur à son égard.

En définitive l'ensemble des invoqués par M. [S], qu'il s'agisse du fond concernant l'avertissement, de la procédure de licenciement pour faute, mais également de l'aspect procédural, ne laisse pas supposer l'existence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime et il n'est pas établi une exécution déloyale par l'INSTITUT DON BOSCO du contrat de travail de M. [S]. Aucune nullité de son licenciement n'est justifiée.

2- Sur le manquement à l'obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail

C'est par de justes motifs, en fait et en droit, adoptés par la cour et auxquels il convient de se référer, que les premiers juges ont considéré que les éléments produits ne permettaient pas d'établir que l'inaptitude de M. [S] était liée à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Dans ses conclusions responsives du 28 mars 2024 M. [S] produit un certificat médical du 26 octobre 2023, émanant d'un médecin qui indique que ses pathologies depuis juillet 2019 sont liées au stress. Ce certificat médical, établi à la demande de M. [S], ne fait que reproduire les affirmations de ce dernier relatives à une période antérieure de plusieurs années à l'examen clinique effectué et n'apporte aucun élément révélant un manquement de l'INSTITUT DON BOSCO à son obligation de sécurité et à plus forte raison l'existence d'un lien entre le comportement de l'employeur et la dégradation de l'état de santé de l'appelant.

Aucune nullité du licenciement de M. [S] sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou d'une exécution déloyale de son contrat de travail n'est justifiée.

3- Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

M. [S] considère que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse au motif du manquement par l'employeur à son obligation de reclassement.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque le salarié s'est vu proposer un emploi conforme lequel doit être recherché parmi les emplois disponibles y compris ceux pourvus par voie de CDD.

En l'occurrence il est justifié par l'INSTITUT DON BOSCO de la consultation du CSE,

conformément à la loi. Son avis a été favorable sur les possibilités de reclassement de M. [S], à la majorité de 10 voix sur 12, et deux abstentions. Si le procès-verbal de cette consultation précise qu'un poste vacant aux MNA de [Localité 4] avait été pourvu, sans que la proposition ait été faite à M. [H] [S], l'employeur justifie, comme l'ont relevé les premiers juges, qu'une promesse d'embauche concernant ce poste avait été régularisée le 4 mai 2020, un mois avant la rédaction de l'avis d'inaptitude. Il est tout à fait vraisemblable que le CSE n'en ait pas eu connaissance compte tenu du court délai écoulé entre l'acceptation de la promesse d'embauche et sa consultation.

M. [S] soutient que, faute pour l'employeur d'avoir mentionné expressément que son licenciement était fondé à la fois sur son inaptitude et l'impossibilité de son reclassement, son licenciement serait privé de cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L1226-2-1 du code du travail :

« Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait

connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.'

En l'occurrence l'avis d'inaptitude du médecin du travail mentionne :

« Inapte au poste, apte à un autre : un poste sur une autre structure pourrait être tout à fait

envisageable ».

La lettre de licenciement, qui fixe qui les termes du litige, est rédigée comme suit :

« Par la présente lettre, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier en raison de votre inaptitude et votre refus des postes sur nous vous avons proposé.

Votre inaptitude a été constatée par le Médecin du travail en date du 1er juin 2020 dans le cadre d'une visite médicale de reprise.

A l'occasion de cet examen, le Médecin du Travail vous a déclaré « Inapte au poste, apte à un autre : un poste sur une autre structure pourrait être tout à fait envisageable ».

Nous avons donc recherché dans l'ensemble des établissements et services de l'Institut Don Bosco, des postes disponibles à vous proposer, conformes aux préconisations du Médecin du travail et à ses qualifications.

A l'issue de la recherche de reclassement, nous vous avons proposé, par courrier du 6 juillet 2020, deux postes de Moniteur-Educateur à temps complet dans d'autres établissements que le vôtre :

[']

Au cours d'un rendez-vous en visio-conférence qui vous a été proposé avec [V] [X],

Directrice des Ressources Humaines, le 15 juillet 2020, pour échanger sur les postes qui vous étaient proposés, vous avez fait part de vos réserves et questionnement sur une éventuelle mobilité géographique. Madame [X] vous a alors indique que l'Institut Don Bosco était disposé à vous accompagner dans une mobilité afin de trouver une issue favorable pour vous et de vous permettre de poursuivre votre activité professionnelle au sein de l'Association.

Vous lui avez demandé un délai de réflexion supplémentaire, qui vous a été accordé, jusqu'au 20 juillet 2020 au plus tard, mais avez finalement refusé les postes proposés par courrier en date du 16 juillet 2020.

Au cours de l'entretien du 7 août 2020, vous nous avez clairement réaffirmé votre refus

concernant nos propositions de reclassement.

Ce refus nous contraint donc à rompre votre contrat de travail qui prend fin à la date

d'envoi de la présente lettre. De ce fait, vous n'effectuerez pas de préavis ».

Cette lettre précise bien que des recherches de reclassement ont été réalisées par l'employeur, auprès de différents établissements, comme il en justifie, et en fonction de leurs réponses, il a été fait deux propositions de reclassement dans deux autres structures, s'agissant d'un poste d'éducateur à [Localité 5] (33) et à [Localité 3] (33) que M. [S] a réfusés, après réflexion.

La mention dans la lette de licenciement du refus par le salarié de deux affectation conformes aux préconisations du médecin du travail, après recherches de reclassement auprès d'autres structure et l'absence de tout autre poste disponible, satisfait à l'exigence de motivation de la lettre de licenciement.

Il apparaît que l'obligation de reclassement a été respectée, que licenciement de M. [S] est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris mérite d'être confirmé dans toutes ses dispositions.

4- Sur les demandes annexes

M. [H] [S] qui n'obtient pas gain de cause sera condamné aux dépens de la procédure d'appel mais l'équité commande de débouter l'association INSTITUT DON BOSCO de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

---==oO§Oo==---

PAR CES MOTIFS

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La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Limoges le 7 juillet 2023, en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE M. [H] [S] aux dépens d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE l'association INSTITUT DON BOSCO de sa demande en paiement d'une indemnité ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00560
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.00560 ?
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