ARRET N° .
N° RG 23/00542 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPFA
AFFAIRE :
Association APAJH DE LA CREUSE
C/
Mme [E] [Y]
JP/MS
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Grosse délivrée à Me Matthias WEBER, Me Hugues LAPALUS, le 11 juillet 2024.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 11 JUILLET 2024
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Le onze Juillet deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Association APAJH DE LA CREUSE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Hugues LAPALUS de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE d'une décision rendue le 05 JUIN 2023 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE GUERET
ET :
Madame [E] [Y]
née le 19 Janvier 1971 à [Localité 3] (36), demeurant [Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Matthias WEBER de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 Mai 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 avril 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, et Madame Géraldine VOISIN, conseiller, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, ont tenu l'audience au cours de laquelle Monsieur Pierre-Louis PUGNET a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, de Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
La mise à disposition de cette décision a été prorogée au 11 juillet 2024, les avocats des parties en ayant été régulièrement informés.
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LA COUR
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FAITS ET PROCÉDURE :
Le 1er septembre 2012, l'Association pour adultes et jeunes handicapés de la Creuse (APAJH 23) a recruté Mme [Y] en contrat à durée indéterminée et à temps plein en qualité de rédactrice.
A la suite d'un changement intervenu dans le mode de financement de son poste par l'Agence régionale de santé, autorité de tutelle de l'APAJH 23, lors d'un entretien tenu le 17 mai 2018, l'APAJH 23 a informé Mme [Y] d'une évolution subséquente de ses tâches .
Par un courrier du 23 juillet 2018, il lui a été rappelé une liste des tâches dont elle était désormais chargée, soit :
'- Envoyer les convocations et les documents relatifs aux réunions du bureau, du conseil d'administration et des commissions,
- Préparer les documents relatifs aux assemblées générales';
- Rédiger tous les courriers de l'association à la demande des administrateurs';
- Tenir à jour tous les registres réglementaires et le fichier des adhérents';
- Organiser et tenir à jour l'agenda et la base documentaire de l'association';
- Gérer l'ensemble des flux d'information en collaborations avec les administrateurs';
- Réaliser les documents et les actions de communication de l'association, du siège et des ESMS';
- Assurer la prise de notes et le compte-rendu de réunions à la demande des administrateurs';
- Assurer la liaison avec la Fédération et ses structures et les associations départementales.'
Le 23 août 2018, Mme [Y] a fait part à l'APAJH de son désaccord sur ces nouvelles tâches auxquelles elle a été priée de se conformer par un courrier le 13 septembre 2018. Le 27 septembre 2018, Madame [Y] a renouvelé son désaccord et le 23 octobre 2018, elle a été sanctionnée par un avertissement motivé par son refus d'exercer les tâches demandées.
A compter du 24 octobre 2018, Mme [Y] a été en arrêt de travail pour cause de maladie.
Le 4 décembre 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [Y] inapte à son poste de travail sans possibilité de reclassement.
Après un entretien préalable s'étant tenu le 11 février 2020, Mme [Y] s'est vu notifier le 25 février 2020 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 23 février 2021, Mme [Y]a saisi le conseil de prud'hommes de Guéret d'une demande en annulation de l'avertissement du 23 octobre 2018, en contestation de la cause réelle et sérieuse de son licenciement ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts pour discrimination salariale et pour manquements de l'employeur à ses obligations de formation et d'adaptation au poste de travail et de prévention des risques professionnels.
Par un jugement du 05 juin 2023, le conseil de prud'hommes :
' a annulé l'avertissement du 23 octobre 2018 ;
' a condamné l'APAJH 23 à payer à Mme [Y]
- la somme brute de 16.628,48 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 4.075,38 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
- la somme de 4.157,12 euros au titre de l'indemnité de préavis et celle de 415 euros au titre des congés payés afférents ,
- la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
' a débouté Mme [Y] de ses demandes en dommages et intérêts au titre d'une discrimination salarial et de manquements de l'employeur à son obligation de prévention des risques professionnels et à son obligation de formation ;
' a débouté l'association APAJH de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Le 12 juillet 2023, l'association APAJH 23 a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses écritures du 04 septembre 2023 auxquelles il est renvoyé, l'APAJH 23 demande à la Cour :
' de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [Y] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la discrimination salariale, au titre du manquement à l'obligation de prévention et des risques professionnels et pour manquement à l'obligation de formation ;
' de l'infirmer pour le surplus en ce qu'il a annulé l'avertissement du 23 octobre 2018 et en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [Y]':
- la somme brute de 16.628,48 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de 4.075,38 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
- la somme de 4.157,12 euros au titre de l'indemnité de préavis et celle de 415 euros au titre des congés payés afférents ,
- la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
' En conséquence
A titre principal :
- de constater l'absence de dégradation des conditions de travail';
- de constater que la procédure de licenciement pour inaptitude a été parfaitement respectée';
- de constater l'absence d'accident du travail et de maladie professionnelle';
- de c onstater l'absence de lien établi entre l'inaptitude et les conditions de travail';
- de constater que l'avertissement notifié le 23 octobre 2018 est fondé';
- de c onstater que Mme [E] [Y] a suivi des formations';
- de constater que l'APAJH 23 n'a commis aucun manquement à l'égard de Mme [E] [Y]';
- de constater que l'inaptitude ne trouve pas sa cause dans le travail et que Mme [E] [Y] ni n'explique ni ne décrit la situation invoquée';
et débouter Mme [E] [Y] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire de limiter le montant des dommages et intérêts à trois mois de salaire brut en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail, faute pour Mme [E] [Y] de rapporter la preuve d'un préjudice à hauteur de 16.628,48 euros ;
A titre reconventionnel, de condamner Mme [E] [Y] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Aux termes de ses dernières écritures du 31 octobre 2023 auxquelles il est renvoyé, Mme [E] [Y] demande à la Cour :
' de confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Guéret le 5 juin 2023 en ce qu'il a annulé l'avertissement du 23 octobre 2018 et condamné l'APAJH 23 à lui payer les sommes suivantes:
- 16.628,48 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 4.035,38 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
- 4.157,12 euros au titre de l'indemnité de préavis ;
- 415 euros au titre des congés payés sur préavis ;
- 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' de l'infirmer pour le surplus en ce qu'il l'a déboutée :
- de ses demandes en dommages-intérêts au titre de la discrimination salariale, au titre du manquement à l'obligation de prévention et des risques professionnels et pour manquement à l'obligation de formation ;
- de sa demande à hauteur de 16.000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels ;
- de sa demande à hauteur de 2.000 euros au titre de l'annulation de l'avertissement.
- de sa demande à hauteur de 5.000 euros au titre du manquement à l'obligation de formation et d'adaptation à son poste de travail ;
- de sa demande à hauteur de 15.000 euros au titre de la discrimination salariale ;
- de sa demande à hauteur de 2.000 euros au titre des dommages-intérêts en raison de l'annulation de l'avertissement du 23 octobre 2018 .
L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 avril 2024.
SUR CE,
Sur l'appel incident de Mme [Y] :
Aux termes de l'article 954 du même code, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et cette exigence procédurale s'applique tant à l'appelant principal qu'à l'appelant incident.
En l'espèce, les conclusions que Mme [Y] a déposées le 31 octobre 2023, bien que sollicitant la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en dommages et intérêts au titre de la discrimination salariale, au titre du manquement à l'obligation de prévention et des risques professionnels et pour manquement à l'obligation de formation, ne comportent dans leur dispositif aucune réitération des prétentions qui avaient été portées devant le première juge en condamnation de l'APAJH 23 à lui payer des dommages et intérêts au titre de ces manquements.
Il convient donc de constater que Mme [Y] n'a pas saisi la cour d'appel de telles demandes et, en conséquence, et qu'il n'y a pas lieu à statuer de ces chefs.
En revanche, il résulte du jugement dont appel que Mme [Y] avait sollicité du premier juge la condamnation de l'APAJH 23 à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en suite de l'annulation demandée de l'avertissement du 23 octobre 2018 et que le conseil de prud'hommes a omis, tans dans ses motifs que dans son dispositif, de statuer sur cette demande.
En application de l'article 463 du code de procédure civile, cette omission de statuer doit être réparée par la cour d'appel régulièrement saisie par l'APAJH 23 du litige portant sur cet avertissement.
Sur l'avertissement du 23 octobre 2018 :
Mme [Y] recherche la nullité de cette sanction, d'une part, en la considérant comme non justifiée et, d'autre part, pour un vice de forme en ce que M. [O], directeur général de l'APAJH 23, n'avait pas qualité pour conduire l'entretien préalable à cette sanction.
Cet avertissement a été ainsi motivé : 'Outre les actions de communications au sein de l'APAJH 23, des tâches administratives occasionnelles et précises, conformes à votre fiche de poste, vous ont été demandées dès l'été 2018. Ces activités dédiées à la vie associative entrent dans les activités d'un rédacteur et ne constituent pas une modification de votre contrat de travail . Pourtant, malgré les lettres explicatives et entretiens individuels, vous avez explicitement refusé d'exercer toute tâche en rapport.'
Le 1er septembre 2012, Mme [Y] a été recrutée pour occuper un poste de rédacteur, classé dans la convention collective qui lui était alors applicable en filière administrative, dans le regroupement de métiers 'Assistant administratif ' et, selon sa fiche de poste intitulé 'Rédactrice chargée de la communication et de la documentation', elle a été en charge, principalement, d'activités spécifiques dans le domaine de la communication et de la documentation, détaillées sur presque deux pages entières, ainsi que dans le domaine administratif, mais circonscrites aux seules missions suivantes:
' Participer à la gestion administrative du siège:
- Assurer le remplacement de la secrétaire de direction en son absence.
- Participer aux tâches administratives dans le cadre de l'organisation des assemblées générales, lors des campagnes budgétaires...
- Effectuer l'archivage de la documentation.'
En outre, les fiches de paie de Mme [Y] ont porté la mention d'un emploi en tant que 'rédacteur chargé de la communication'.
Il résulte des pièce produites qu'en 2017 la convention collective nationale du 31 octobre 1951 dont relève l'APAJH 23 a intégré dans le regroupement de métiers ' Assistant administratif ' le nouveau métier de 'Chargé de communication' qui, jusque-là, n'était pas clairement identifié et que, dan un objectif de clarifier les champs respectifs de ce qui pouvaient relever du budget de l'association ou de celui du siège, l'Agence régionale de santé (ARS), autorité de tutelle de l'APAJH 23 amenée à financer 95% des frais de fonctionnement du siège (les 5% restants l'étant par prélèvement sur le budget de l'association), a refusé de financer le nouveau métier de chargé de communication dont le salaire devait être pris en charge par l'association.
Il résulte de ces mêmes pièces que le budget du siège jusque là dédié au salaire du poste de chargé de communication devait être redéployé sur un poste d'assistant RH.
Contrairement à ce que soutient l'APAJH 23, le changement dans le mode de financement du poste de Mme [Y] par l'ARS a eu une incidence, si ce n'est sur la qualification de son poste, du moins sur la nature des tâches qui lui ont été demandées d'exécuter, ceci étant clairement exprimé dans le courrier du directeur général du 23 juillet 2018 rédigé en ces termes :
' Compte tenu du mode de financement de votre poste, vous serez désormais chargée notamment des travaux suivants :
- Envoyer les convocations et les documents relatifs aux réunions du bureau, du conseil d'administration et des commissions ;
- Préparer les documents relatifs aux assemblées générales ;
- Rédiger tous les courriers de l'association à la demande des administrateurs ;
- Tenir à jour les registres réglementaires et le fichier des adhérents ;
- Organiser et tenir à jour l'agenda et la base documentaire de l'association ;
- Gérer l'ensemble du flux d'information en collaboration avec les administrateurs ;
- Réaliser les documents et les actions de communication de l'association, du siège et des ESMS ( ndlr : Etablissements sociaux et médico-sociaux) .
- Assurer la prise de notes et le compte-rendu de réunions à la demande des administrateurs ;
- Assurer la liaison avec la fédération et ses structures et les associations départementales.'
Alors que l'APAJH 23 considére que la variation des tâches à accomplir par Mme [Y] a constitué un simple changement de ses conditions de travail ne dénaturant pas son emploi et ne modifiant pas son contrat de travail car des tâches de même nature étaient déjà intégrées dans son contrat de travail depuis le début de la relation contractuelle, que Mme [Y] conservait sa classification, son rattachement hiérarchique au siège et une rémunération identique et que la preuve n'est pas rapportée d'une surcharge de travail due à l'ajout des nouvelles tâches confiées en 2018, Mme [Y] fait valoir en réplique que ces tâches n'avaient aucun lien avec son profil, ses compétences et son poste tel qu'il lui avait été présenté lors de son recrutement, qu'elles étaient sans lien non plus avec les fonctions qu'elle a exercées depuis son embauche jusqu'en 2018 et que cet ajout emportait une modification de son contrat de travail qu'elle était d'autant plus en droit de refuser que ces ces nouvelles tâches de secrétariat correspondaient à un mi-temps non conciliable avec les tâches qu'elle effectuait déjà à temps plein.
Mme [Y] démontre qu'elle a répondu en juin 2012 à l'offre d'emploi diffusé par l'APAJH 23 qui consistait à organiser les actions de communication, à développer la création, la qualité, la cohérence des formes et contenus de communication interne et externe, à gerer et diffuser des fonds documentaires en se présentant avec une expérience de plusieurs années de 'conceptrice-rédactrice en communication', ce qui a effectivement été le coeur de son métier avant et après son recrutement par l'APAJH 23 où sa participation à la gestion administrative du siège, mis à part l'archivage de la documentation, était jusque là restée très ponctuelle et résiduelle.
En outre, nonobstant l'empoi dans le courrier précité du 23 juillet 2018 du mot 'notamment' laissant supposer que la salariée pouvait encore disposer sur son temps de travail d'un temps nécessaire à l'accomplissement d'autres tâches que celles qui y sont listées, lors de l'offre d'emploi diffusé le 27 novembre2018 par l'APAJH 23 en vue du remplacement de Mme [Y] placée en arrêt de travail, ce sont exactement et uniquement les mêmes tâches qui ont été décrites comme relevant d'un poste à temps plein, certes encore avec la mention' liste non exhaustive 'mais qui n'a été que de pure forme et qui ne saurait tromper sur la réalité du temps de travail à consacrer aux nouvelles tâches ainsi listées et relevant d'un poste de secrétariat à temps plein.
Ainsi, Mme [Y] ne peut qu'être suivie lorsqu'elle avance que l'ajout des nouvelles tâches de secrétariat qu'il lui était demandé d'exécuter représentaient un mi-temps de 0,5 ETPT, ce que l'APAJH 23 remet en cause mais sans en justifier ainsi qu'elle en aurait eu la faculté en sollicitant de son service RH une évaluation du temps de travail à consacrer à ces nouvelles tâches.
Il en résulte que le choix stratégique ayant porté sur le financement de son poste - peu important qu'il ait été la fait de l'APAJH 23 ou de son autorité de tutelle - s'est de fait traduit par une demande de participation conséquente à des tâches de secrétariat dédiées non seulement à la gestion administrative du siège mais de la vie associative avec, pour corollaire, un appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités en tant que chargée de communication, faisant que son poste s'est ainsi trouvé vidé d'une partie de sa substance, ce qui s'analyse en une modification de son contrat de travail que Mme [Y] a été en droit de refuser.
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a annulé l'avertissement en cause.
En le complétant, l'APAJH 23 sera tenue de verser à Mme [Y] la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice moral subi en relation avec cet avertissement.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude :
Contrairement à ce que Mme [Y] maintient dans ses écritures du 31 octobre 2023, l'APAJH 23 lui a bien justifié de la consultation des délégués du personnel sur l'impossibilité de son reclassement le 20 janvier 2020, soit antérieurement à la convocation le 29 janvier 2020 à un entretien préalable au licenciement et elle n'est donc pas fondée en ce moyen tiré d'une irrégularité de la procédure de licenciement soutenant sa demande de voir dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme [Y] soutient par ailleurs que la dégradation de son état de santé et donc son inaptitude qui est d'origine professionnelle a trouvé sa cause dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
L'employeur est tenu, en application des articles L 4121-1 et 4121-2 du Code du travail, d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé de son personnel, l'obligeant notamment à prendre en compte la santé mentale de ses salariés et à ne pas se désintéresser de l'impact que les décisions qu'il prend en matière d'organisation du travail peuvent avoir sur la santé mentale, et le licenciement consécutif à une inaptitude professionnelle causée par l'employeur par manquement à cette obligation de sécurité est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, il est établi que :
- dès le mois de juin 2017, Mme [Y] a été informée par la direction générale de l'APAJH 23 d'un souhait de l'ARS de ne plus financer son poste de chargée de communication et, dans un message adressé le 11 juin 2017 à M. [F] [N], délégué syndical, pour l'informer de la situation délicate dans laquelle elle se trouvait, elle précisait que deux solutions avaient alors été évoquées par sa hiérarchie : sortir de l'organigramme du siège pour être rattachée à l'association, ce qui ne pourrait ne pas lui convenir (à cet égard Mme [Y] explique que ses missions de chargée de communication au service de la vie associative sont restées dérisoires), ou une rupture conventionnelle qu'elle aurait plutôt intérêt à accepter;
- le 22 février 2018, elle a reçu confirmation par le trésorier de l'association, au demeurant dans des termes assez peu amènes tels que 'le débat est clos', que son poste de chargée de commmuication ne ne serait plus financé par l'ARS, ce correspondant lui indiquant alors prendre attache avec la responsable RH en vue d'une note sur sa situation contractuelle, ce qui ne semble pas avoir été suivi d'effet ;
- elle est ainsi restée dans l'incertitude sur son devenir professionnel jusqu'à l'entretien informel du 17 mai 2018, auquel elle a été convoquée par un message du secrétariat sans précision de l'objet de l'entretien au cours duquel la direction générale lui a annoncé une évolution de ses tâches vers des missiosn de secrétariat au service de la vie associative, ce qu'elle a été amenée à refuser ;
- dans une courrier du 23 août 2018, elle s'est longuement expliquée sur les motifs de son refus, ci-dessus validés par l'annulation de l'avertissement, et elle a alerté l'APAJH 23 sur une situation qui était de nature à compromettre son avenir professionnel ;
- pour autant et à l'occasion d'un échange professionnel le 12 septembre 2018, le directeur général lui a demandé de rectifier dans la signature de ses messages sa fonction de 'chargée de communication' par celle de 'rédactrice' et le 13 septembre 2018 elle a été priée de se conformer 'sans délai' aux nouvelles missions qui lui étaient assignées ;
- à la suite de l'avertissement prononcé le 23 octobre 2018, Mme [Y] a été arrêt de travail à compter du 24 octobre 2018 pour un état dépressif et l'APAJH 23 s'est opposée à deux reprises les 29 mai 2019 et 09 juillet 2019 à une possibilité de reprise à mi-temps thérapeutique en invoquant une charge de travail incompatible avec un mi-temps mais sans même examiner les missions qui auraient pu être confiées à la salariée.
La nature et la chronologie de ces événements permettent de retenir l'existence d'un lien de causalité au moins partiel entre la détérioration des conditions de travail dans lesquelles la salariée a été placée à compter de juin 2017, sans aucune sécurisation de son emploi et sous une pression de sa hiérarchie pour une transformation de son poste par l'ajout de tâches de secrétariat au profit de la vie associative, la pathologie qu'elle a présentée et l'avis d'inaptitude à son poste qui s'en est suivi le 04 décembre 2019.
L'APAJH 23, en ne prenant pas en compte ces éléments, a manqué à son obligation de sécurité comportant la prévention des risques psycho-sociaux et le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise (plus de dix salariés), des circonstances de la rupture, du montant brut de la rémunération versée à Mme [Y] (2.088,89 euros), de son âge au jour du licenciement (48 ans), de son ancienneté de 7 années et de sa capacité à retrouver un emploi mais également de l'absence de toute indication sur sa situation actuelle au regard de l'emploi, l'indemnité à lui allouer sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail sera limitée à la somme de 12.000 euros.
Le jugement dont appel sera réformé en ce sens.
Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné l'APAJH 23 à payer à Mme [Y] la somme de 4.157,12 euros au titre de l'indemnité de préavis et celle de 415 euros au titre des congés payés afférents .
Sur l'indemnité spéciale de licenciement :
Les articles L. 1226-12 et L. 1226-14 du code du travail prévoient, en cas d'inaptitude du salarié consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle et d'impossibilité de son reclassement, le versement au salarié d'une indemnité spéciale de licenciement d'un montant, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, égal au double de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.
Si, compte tenu de l'autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale, l'application de ces textes n'est pas subordonnée à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie par la caisse primaire d'assurance maladie, il convient en revanche que soient établis que le salarié présente une affection pouvant être reconnue en tant que maladie professionnelle, un lien de causalité même partiel entre l'activité exercée par le salarié et l'affection ayant conduit à la déclaration d'inaptitude à son poste de travail, ainsi que la connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de l'inaptitude au jour du licenciement.
Antérieurement au licenciement prononcé le 25 février 2020, l'APAJH 23 a été informée, par un message de Mme [Y] du 16 février 2020 de sa saisine de la Caisse primaire d'assurance maladie en vue de la prise en charge de son affection au titre d'une maladie professionnelle, message auquel elle a répondu par courrier du 18 février 2020 en indiquant en avoir été ele-même informée par courrier de la Caisse du 21 janvier précédent et rester en l'attente de la décision à prendre par cet organisme.
Un lien de causalité même partiel entre l'activité exercée par Mme [Y] et l'affection ayant conduit à la déclaration d'inaptitude à son poste de travail est ci-dessus reconnu, comme est reconnu un lien entre un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et la déclaration d'inaptitude donc consécutive à une maladie professionnelle, ce qui, en présence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, suffit à laisser présumer sa connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude au jour du licenciement.
Le jugement dont appel sera donc également confirmé en ce qu'il a condamné l'APAJH 23 à verser à Mme [Y] la somme de 4.075,28 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement .
Sur les dépens :
L'APAJH 23, déjà succombante en première instance, succombe en son appel et doit en supporter les entiers dépens et voir rejeter sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Guéret en date du 05 juin 2023 sauf en ce qu'ila condamné l'APAJH de la Creuse à verser à Mme [E] [Y] la somme brute de 16.628,48 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau de ce chef, condamne l'APAJH de la Creuse à verser à Mme [E] [Y] la somme nette de 12.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y ajoutant,
Vu l'article 463 du code de procédure civile ,
Condamne l'APAJH de la Creuse à verser à Mme [E] [Y] la somme nette de 2.000 euros en réparation du préjudice lié à l'avertissement du 23 octobre 2018 ;
Condamne l'APAJH de la Creuse aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.