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20/06/2024 | FRANCE | N°23/00346

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 20 juin 2024, 23/00346


ARRET N° .



N° RG 23/00346 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIOGR







AFFAIRE :



M. [O] [Z]



C/



S.C.P. BTSG assigné en intervention forcée le 16-10-23., Organisme URSSAF DU LIMOUSIN









PLP/MS





Appel sur une décision de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire en cours de procédure (procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006)







Grosse délivrée à Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES, Me Mathieu

BOYER, Me Audrey PASCAL.









COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE



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ARRÊT DU 20 JUIN 2024



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Le vingt Juin deux mille vingt quatre la Chambre éc...

ARRET N° .

N° RG 23/00346 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIOGR

AFFAIRE :

M. [O] [Z]

C/

S.C.P. BTSG assigné en intervention forcée le 16-10-23., Organisme URSSAF DU LIMOUSIN

PLP/MS

Appel sur une décision de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire en cours de procédure (procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006)

Grosse délivrée à Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES, Me Mathieu BOYER, Me Audrey PASCAL.

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

---==oOo==---

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

---==oOo==---

Le vingt Juin deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [O] [Z]

né le [Date naissance 3] 1983 à , demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 19 AVRIL 2023 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES

ET :

S.C.P. BTSG assigné en intervention forcée le 16-10-23., demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mathieu BOYER de la SELARL DUDOGNON BOYER, avocat au barreau de LIMOGES

Organisme URSSAF DU LIMOUSIN, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Audrey PASCAL, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 06 Mai 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 avril 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, et Madame Géraldine VOISIN, conseiller, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, ont tenu

l'audience au cours de laquelle Monsieur Pierre-Louis PUGNET a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 20 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, de Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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FAITS ET PROCÉDURE :

M. [O] [Z] a exercé une activité de réparateur d'ordinateur et d'équipement périphérique en qualité d'auto-entrepreneur à compter de 2009, puis à partir du 1er janvier 2016 sous la dénomination commerciale « HDMI-23 » en qualité d'entrepreneur individuel, avec extension de son activité à l'achat/vente de véhicules d'occasion, jusqu'au mois d'avril 2022 à [Localité 5].

Un contrôle URSSAF a eu lieu concernant les années 2017 à 2021.

Par courrier du 07 février 2022, l'URSSAF du Limousin a convoqué M. [Z] à une audition libre qui a eu lieu le 28 février 2022.

En date du 25 mars 2022, l'URSSAF a dressé un procès-verbal pour travail dissimulé contre M. [Z] transmis au Procureur de la République de Châteauroux.

En date du 05 avril 2022, l'URSSAF du Limousin a envoyé une lettre d'observations à M. [Z], notifiant au terme de ce contrôle, et en raison de l'absence d'envoi des déclarations trimestrielles par l'expert-comptable de M. [Z] pour les exercices 2017 à 2021, un redressement d'un montant total de 86062 euros.

Ce redressement correspondait à un recouvrement de cotisation et contribution sociales à hauteur de 62 521 euros, accompagné de majorations de redressement de 15 630 euros pour infraction de travail dissimulé.

En date du 04 mai 2022, M. [Z] a adressé un courrier à l'URSSAF du Limousin contestant l'infraction de travail dissimulé ainsi que les bases du calcul utilisé pour le redressement.

Le 30 juin 2022, M. [Z] a déposé une demande de rétablissement professionnel et liquidation judiciaire auprès du Tribunal de commerce de Limoges.

Par jugement en date du 6 juillet 2022, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de rétablissement professionnel au profit de M. [Z] et a sursis à statuer sur la demande de liquidation judiciaire.

Par jugement du 09 novembre 2022, le tribunal de commerce de Limoges a prononcé la clôture de la procédure de rétablissement professionnel de M. [Z] et l'effacement des dettes dont il était débiteur notamment la somme issue du redressement URSSAF pour un montant reconnu de 86062euros, ainsi que la caducité de la demande d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Par avis de classement à auteur du 23 novembre 2022, le procureur de la République du Tribunal judiciaire de Châteauroux a classé sans suite la plainte contre M. [Z] pour travail dissimulé au motif que les preuves n'étaient pas suffisantes pour constituer l'infraction et que des poursuites pénales puissent être engagées.

***

Par acte du 03 février 2023 l'URSSAF du Limousin a assigné M. [O] [Z] devant le Tribunal de commerce de Limoges aux fins de faire reconnaître que sa créance ne pouvait être effacée par le jugement du 09 novembre 2022, et aux fins de faire ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. [Z].

Par jugement du 19 avril 2023, le Tribunal de commerce de Limoges a fait droit à la demande de l'URSSAF du Limousin et ouvre une procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue par les articles L644-1 et suivants du Code de commerce à l'égard de M. [Z], aux motifs :

qu'il ressort des articles L645-11 du Code de commerce que ne peut être effacée une créance ayant pour origine des manoeuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale, et que;

la créance au profit de l'URSSAF 'résulte bien de manoeuvres frauduleuses de la part de M. [Z] qui ne pouvait sérieusement ignorer ses obligations déclaratives quant à son chiffre d'affaires, peu importe qu'il ait confié cette tâche à son expert-comptable.'

Le Tribunal a fixé provisoirement au 30 juin 2022 la date de cessation des paiements, et désigne la société SCP B.T.S.G.2 prise en la personne de Maître [D] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par déclaration d'appel le 03 mai 2023, M. [Z] a interjeté appel à l'encontre du jugement rendu le 19 avril 2023 par le Tribunal de commerce de Limoges.

L'URSSAF du Limousin a déposé sa constitution d'intimé le 22 mai 2023.

Par assignation d'appel en cause devant la Cour d'Appel de Limoges, du 16 octobre 2023, M. [Z] a assigné en intervention forcée à la SCP B.T.S.G.2 , qui a déposé sa constitution d'intimé le 24 octobre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures du 25 octobre 2023, M. [O] [Z] demande à la Cour de :

DECLARER le présent appel à la fois recevable et fondé.

En conséquence REFORMER dans son intégralité le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Limoges le 29/04/2023.

En conséquence, DEBOUTER l'URSSAF DU LIMOUSIN de sa demande de mise en liquidation judiciaire de M. [O] [Z].

CONDAMNER l'URSSAF DU LIMOUSIN au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

CONDAMNER l'URSSAF DU LIMOUSIN aux entiers dépens

A cette fin, il soutient que :

- les conditions de l'article L643-11 du Code de commerce pour que l'URSSAF retrouve son droit de poursuite individuelle n'étaient pas remplies en l'absence :

-d'une part en son point du 2° de la caractérisation d'une infraction, l'infraction de travail dissimulé ne pouvant être caractérisée en l'absence d'élément intentionnel établi de la part de M. [Z] suivant l'article 8221-5 du Code du travail;

-d'autre part en sont point 3° en raison de l'absence de soit une décision de justice ou soit une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale ayant établi des manoeuvres frauduleuses à l'encontre de M. [Z].

Aux termes de ses dernières écritures du 07 novembre 2023, l'URSSAF du Limousin demande à la Cour de :

DECLARER mal fondé l'appel de M. [O] [Z] à l'encontre de la décision rendue le 19/04/2023 par le Tribunal de commerce de LIMOGES

CONFIRMER la décision déférée en toutes ses dispositions

DEBOUTER M. [O] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNER M. [O] [Z] au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER M. [O] [Z] aux entiers dépens.

A cette fin, elle soutient que :

- il n'est pas nécessaire d'établir une intention frauduleuse pour constater une infraction de travail dissimulé, mais seulement un acte volontaire, qui se déduit des faits et de la parfaite connaissance par le cotisant de ses obligations déclaratives ;

- au titre de l'article 8271-8 du Code du travail, les infractions aux interdictions de travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui sont ensuite transmis au Procureur de la République.

Que toutefois le classement sans suite du procès-verbal par le Procureur ne fait pas obstacle à :

- la constatation de la réalité des faits par un inspecteur de recouvrement dont les constats font foi jusqu'à preuve du contraire conformément à l'article L8113-7 du Code du travail;

-la prise en compte de la valeur probante du procès-verbal de l'inspecteur du recouvrement par une juridiction de l'ordre judiciaire;

-l'éventuelle mise en recouvrement des cotisations sociales.

Aux termes de ses écritures du 11 Janvier 2024, la SCP B.T.S.G.2 demande à la Cour de:

DONNER ACTE à la SCP B.T.S.G.2, prise en la personne de Maître [G] [D] qu'elle s'en remet à droit quant à la décision à intervenir.

DIRE que les dépens seront réservés en frais privilégiés de procédure de la liquidation judiciaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue en date du 03 avril 2024.

Le parquet général a rendu son avis le 10 avril 2024, et demande à la Cour de confirmer le jugement en cause du tribunal de commerce de Limoges du 19 avril 2023, aux motifs suivants :

Le défaut des déclarations sociales imputé par [O] [Z] à son expert- comptable ne saurait l'exonérer de sa responsabilité personnelle qui découle de sa qualité de chef d'entreprise;

Le caractère frauduleux de l'absence des déclarations sociales résulte de leur répétition entre 2017 et 2021 et de leur montant, 86 062€, et non des conséquences judiciaires pénales qu'un tel comportement est susceptible d'engendrer ;

Ainsi, la décision du Parquet de classement sans suite, décision au demeurant administrative pouvant être rapportée à tout moment sous réserve des dispositions relatives à la prescription, est indépendante de la nature frauduleuse de l'absence des déclarations sociales ;

Au demeurant, elle est susceptible de s'expliquer par l'engagement de la procédure collective devant le tribunal correctionnel, correspondant ainsi au critère de classement 'autres poursuites ou sanctions de nature non pénale' ;

Enfin, il est erroné de soutenir que ce comportement n'a pas été sanctionné puisqu'il a abouti, au terme d'une procédure de vérification, à un redressement.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [O] [Z] demande à la présente juridiction de réformer dans son intégralité le jugement déféré en ce qu'il a prononcé une liquidation judiciaire simplifiée à son encontre en vertu des articles L.644-1 et suivants du Code de commerce et fixé provisoirement au 30/06/2022 la date de cessation des paiements, en faisant droit à la demande de l'URSSAF du Limousin alors que selon lui la créance de cette dernière, d'un montant 86 062 € pouvait être effacée ne s'agissant pas d'une dette d'origine frauduleuse au sens de l'article L.645-11 du code de commerce.

Selon l'article L. 643-11 du code de commerce si le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas, en principe, recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, il est fait exception à cette règle: ' ['] 3° Lorsque la créance a pour origine des man'uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale.

L'origine frauduleuse de la créance est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17, L.114-17-1 et L. 114-17-2 du même code. »

En l'occurrence M. [O] [Z] a débuté une activité indépendante en 2009 et l'absence de déclaration totale des chiffres d'affaires a perduré trois années, de 2017 à 2019, durant lesquelles il ne pouvait manquer de constater l'absence de versement de cotisations auprès de la sécurité sociale des indépendants, d'autant que durant ses différentes activités précédentes, il effectuait des déclarations trimestrielles et payait des cotisations à ce régime.

C'est donc de manière justifiée que les premiers juges ont considéré que la créance de 86062€ au profit de l'URSSAF Limousin résultait bien de manoeuvres frauduleuses de la part de M. [O] [Z] dès lors qu'il ne pouvait sérieusement ignorer ses obligations déclaratives au titre de son chiffre d'affaires. Il ne peut efficacement invoquer les attributions de son expert-comptable lesquelles ne sauraient l'affranchir de sa responsabilité qui est de nature personnelle.

Il n'est pas nécessaire d'établir une intention frauduleuse pour constater une infraction de travail dissimulé mais seulement un acte volontaire, comme en l'espèce. Le classement sans suite d'une procédure pénale du chef de travail dissimulé décidé par le ministère public est sans incidence sur la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement des cotisations sociales, qui, à l'inverse des poursuites pénales, n'exige pas que soit caractérisé un élément intentionnel.

Par ailleurs la procédure de redressement constitue bien une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article L. 643-11 du code de commerce.

C'est également par de justes motifs, et en faisant application des articles L.644-1 et suivants du code de commerce, que le tribunal de commerce de Limoges a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de M. [O] [Z].

Le jugement déféré mérite d'être confirmé dans toutes ses dispositions.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens et il n'apparaît pas équitable de faire droit à la demande de condamnation de M. [Z] à verser une indemnité de 1 000 € au profit de l'URSSAF Limousin en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, rendu par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement déféré rendu le 19 avril 2023 par le tribunal de commerce de Limoges, en toutes ses dispositions ;

DIT que chaque partie supportera la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE l'URSSAF du Limousin de sa demande en paiement d'une indemnité ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00346
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.00346 ?
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