ARRET N° .
N° RG 23/00181 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BINPT
AFFAIRE :
S.A.R.L. MARINA VOYAGES, S.E.L.A.R.L. GLADEL & ASSOCIES prise en la personne de Me [X] [U], es-qualité d'
administrateur judiciaire de la SARL MARINA VOYAGES
, S.C.P. BTSG² prise en la personne de Me [J] [I], es-qualité de mand
ataire judiciaire de la SARL MARINA VOYAGES
C/
M. [N] [R], Mme [F] [G] épouse [R]
JP/MS
Demande en garantie formée contre le vendeur
Grosse délivrée à Me Soraya JOSEPH, Me Laetitia DAURIAC, le 13-06-2024.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 13 JUIN 2024
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Le treize Juin deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A.R.L. MARINA VOYAGES, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
S.E.L.A.R.L. GLADEL & ASSOCIES prise en la personne de Me [X] [U], es-qualité d'administrateur judiciaire de la SARL MARINA VOYAGES, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
S.C.P. BTSG² prise en la personne de Me [J] [I], es-qualité de mandataire judiciaire de la SARL MARINA VOYAGES, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTES d'une décision rendue le 06 FEVRIER 2023 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
Monsieur [N] [R]
né le 02 Décembre 1958 à [Localité 7], demeurant [Adresse 4]
comparant en personne, assisté de Me Soraya JOSEPH, avocat au barreau de BRIVE
Madame [F] [G] épouse [R]
née le 26 Avril 1964 à [Localité 5] (PORTUGAL), demeurant [Adresse 4]
comparante en personne, assistée de Me Soraya JOSEPH, avocat au barreau de BRIVE
INTIMES
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 02 Avril 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Johanne PERRIER, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 13 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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Par deux actes distincts du 31 mars 2021, les époux [R] ont cédé à la SARL Marina Voyages:
1°) les 1.200 parts qu'ils détenaient dans la SARL Transports [R] ayant pour objet social le transport public routier de personnes et de marchandises, le transport scolaire, la location de véhicules n'excédant pas 3,5 tonnes et l'exploitation de licence de taxis.
2°) la branche artisanale d'une activité de taxi et de transport public routier de voyageurs dit LOTI (régie par la loi d'orientation sur les transports intérieurs), le droit au bénéfice des autorisations de stationnement de taxis sur quatre communes de la Haute Vienne, quatre véhicules attachés à l'activité de taxi ainsi que, en sus et pour une valeur de 97.000 euros, 27 véhicules, non attachés au fonds cédé puisque propreté de l'entreprise individuelle de M. [R] et dont une liste a été annexée à l'acte.
Par le premier de ces actes, les époux [R] ont consenti à la société Marina Voyages une garantie d'actif et de passif pour toute opération trouvant sa cause dans un événement antérieur au 31 décembre 2020 et, par un courrier du 17 mars 2021 dont les termes ont été rappelés dans les actes, M. [R] s'est engagé à régulariser les dettes de la SARL Transports [R] existantes au 28 février 2021 qui ne seront pas couvertes par la garantie d'actif et de passif et qui découleraient de la gestion antérieure à cette date et que, pour faciliter cette opération de régularisation, les sommes en résultant seront déduites du montant du prix de 97.000 euros que M. [R] devait percevoir par la cession au profit de la SARL Marina Voyages des véhicules par son entreprise individuelle.
Par ailleurs, s'agissant de ces véhicules, M. [R] a déclaré dans l'acte de cession des parts sociales de la SARL Transports [R] à la SARLMarina Voyages : 'Les véhicules ont été achetés par son entreprise individuelle auprès d'organismes financiers ainsi qu'en atteste les factures d'achat, sans que les cartes grises n'aient été mises à jour par l'entreprise individuelle. Ainsi le coût de changement des cartes grises correspondant aux véhicules que le cessionnaire ( la SARL Marina Voyages) s'engage à faire acquérir par la société (la SARL Transports [R]) selon la liste annexée auprès de l'entreprise individuelle de Mr [R] sera provisionné pour les besoins de l'application de la garante d'actif net.Le prix correspondant à l'achat de ces véhicules sera versé par la société dans les 15 jours de la date de cession'.
Le 25 novembre 2021, les époux [R] ont mis la société Marina Voyages en demeure de leur payer la somme de 58.775,10 euros au titre de la vente des véhicules après imputation des réglements à effectuer au titre du passif de la SARL Transports [R].
La société Marina Voyages s'est opposée à ce paiement au motif pris de l'absence de régularisation des cartes grises des véhicules, toujours au nom de la société Lixxbail et faisant selon elle obstacle à leur utilisation.
Par ailleurs, la société Marina Voyages a fait valoir avoir reçu notification le 29 novembre 2021 d'une amende administrative de 14.400 euros en raison d'un défaut de décompte de la durée du travail pendant la période de gestion des époux [R] et un non respect par M.[R], au travers d'une SAS 3AR Taxis dont il est président, de la clause de non-concurrence stipulée à l'article 6.2.2 de l'acte de cession du fonds artisanal.
Le 08 avril 2022, la société Marina Voyages a fait assigner les époux [R] devant le tribunal de commerce de Limoges en sollicitant leur condamnation à lui payer :
- la somme de 137.114,21 euros au titre des dettes ;
- la somme de 81.481,21 euros au titre de la garantie de passif ;
- la somme de 300.000 euros au titre d'une garantie d'éviction et d'un manquement à la clause de non-concurrence ;
- la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Postérieurement, le 29 juillet 2022, la SARLTransports [R] été placée en redressement judiciaire et la SARL Marina Voyages, propriétaire de ses parts sociales, a elle-même saisi le tribunal de commerce d'une demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde qui a été accueillie par jugement du 26 octobre 2022 ayant désigné la SELARL Gladel et associés en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP BTSG en qualité de mandataire judiciaire. Ces deux organes de la procédure de sauvegarde de la société Marina Voyages sont intervenus à l'instance.
Par un jugement du 06 février 2023, le tribunal de commerce :
- a pris acte de ce que les époux [R] reconnaissent devoir à la société Marina Voyages la somme TTC de 58.536,32 euros et les a condamnés à lui payer la dite somme;
- a condamné la société Marina Voyages à payer aux époux [R] la somme HT de 97.000 euros au titre des véhicules cédés ;
- a ordonné aux époux [R] de restituer dès réception de ce paiement les cartes grises des véhicules ;
- a ordonné la compensation entre les créances ;
- a débouté la société Marina Voyages du surplus de ses demandes et les époux [R] de leur demande en dommages et intérêts ;
- a dit que chaque partie conservera ses dépens, à l'exception du coût du jugement supporté par la société Marina Voyages.
Le 23 février 2023, la société Marina Voyages et la Selarl Gladel et associés ont relevé appel de ce jugement.
Par jugement du tribunal de commerce de Limoges du 18 octobre 2023, la SELARL Gladel et associés a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société.
Par leurs conclusions n°3 déposées le 09 février 2024 et auxquelles il est renvoyé, la société Marina Voyages et la SELARL Gladel et associés ès qualités a demandé à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
A TITRE PRINCIPAL :
' de condamner les époux [R] à lui payer :
- au titre des dettes, la somme de 137.114,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 07 janvier 2022, ;
- au titre de la garantie de passif, la somme de 101.922,34 euros avec intérêts au taux légal à compter du 07 janvier 2022 ;
- au titre d'une garantie d'éviction et du manquement à la clause de non-concurrence la somme de 300.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
' de condamner les époux [R], sous une astreinte de 500 euros par jour de retard, à faire procéder à la régularisation des cartes grises des véhicules et à les lui remettre, soit celles de :
10 véhicules Ford Transit,
6 véhicules WV Caddy,
3 véhicules Peugeot Expert,
2 véhicules WV Touran,
1 véhicule Opel Corsa,
1 véhicule Renault Master,
1 véhicule Renault Kangoo isotherme,
3 véhicules Peugeot Tourer ;
À TITRE SUBSIDIAIRE en cas de condamnation au paiement du prix de vente des véhicules :
' de dire que le paiement du prix des véhicules sera subordonné à la transmission des cartes grises et d'ordonner la compensation de cette somme avec celles dues par les époux [R] ;
EN TOUTE HYPOTHÈSE :
' de condamner les époux [R] à leur payer la somme de 100.000 euros titre de dommages et intérêts , tous chefs de préjudice confondus ;
' de condamner les époux [R] à payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la société Marina Voyages , à la Selarl Gladel et associés ainsi qu'à la SCP BTSG .
Par leurs conclusions n°1 déposées le 08 août 2023 et auxquelles il est renvoyé, les époux [R] ont demandé à la cour :
' de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté la société Marina Voyages de ses demandes ;
- reconnu l'existence d'une dette de la société Marina Voyages à l'égard des époux [R] ,
- reconnu l'existence d'une dette des époux [R] à l'égard de la société Marina Voyages ,
- ordonné la compensation entre leurs créances réciproques ;
' d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la créance d es époux [R] était de 97.000 euros et statuant à nouveau :
- d'ordonner la compensation de la créance de la société Marina Voyages de 58.536,22 euros TTC avec la leur de 117.311,32 euros TTC ;
- de condamner la société Marina Voyages à leur payer la somme de 58.775,10 euros TTC ;
- de condamner la société Marina Voyages à leur payer ;
la somme de 5.000 euros pour résistance abusive;
la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;
la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2024.
Le 23 février 2024, les époux [R] ont déposé de nouvelles conclusions pour solliciter, en sus des prétentions énoncées dans leurs conclusions du 08 août 2023, la condamnation de la SARL Marina Voyages à leur payer une somme de 20.000 euros pour une utilisation des véhicules sans leur accord et des frais de contrôle technique, ainsi que la révocation de l'ordonnance de clôture en faisant valoir :
- que le délai de plus d'un mois entre la date de la clôture du 22 février 2024 et celle de l'audience de plaidoirie du 02 avril 2024 n'a pas été conforme aux dispositions de l'article 799 alinéa 1er du code de procédure civile ;
- que la société Marina Voyages , pour s'opposer au paiement de leur prix, a allégué ne pas pouvoir utiliser les véhicules, objet du litige, faute de pouvoir elle-même procéder au changement de titulaire des certificats d'immatriculation alors qu'ils ont reçu des amendes liées à leur utilisation, ce dont ils en avaient référé au mandataire judiciaire par courrier du 29 novembre 2023, et avoir reçu une nouvelle amende le 22 février 2023 ( plutôt 2024) .
Par des conclusions du 23 février 2024, la société Marina Voyages et la Selarl Gladel et associés ès qualités ont demandé le rejet de la révocation de l'ordonnance de clôture.
SUR CE,
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, lequel renvoie à l'article 803 du même code, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
Les époux [R] mettent en avant les dispositions des articles 912 du code de procédure civile et celles de l'article 799 du même code - auquel renvoie l'article 907 - aux termes desquels le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure, il fixe la date de clôture et celle des plaidoiries et si l'affaire nécessaire de nouveaux échanges, il en fixe le calendrier après avoir recueilli l'avis des avocats; il déclare l'instruction close dès que celle-ci le permet et renvoie l'affaire devant la cour pour être plaidée à la date fixée par lui-même, cette date devant être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.
En l'espèce les délais pour conclure des parties appelantes et intimées ont respectivement expiré au 23 mai 2023 et au 11 août 2023 ; les époux [R], intimés, ont déposé un premier jeu de conclusions au fond le 08 août 2023 et ils ont parallèlement saisi le conseiller de la mise en état d'une demande en radiation de l'affaire en application de l'article 524 du code de procédure civile, demande qui a été rejetée par ordonnance du 08 novembre 2023.
Par un message du 27 novembre 2023, les avocats des parties ont été informés d'une date de fixation de l'affaire pour y être plaidée à l'audience du 02 avril 2024 avec une clôture devant intervenir le 22 février 2024, soit et contrairement à ce que disent les époux [R] à une date la plus proche possible de l'audience de plaidoirie.
La société Marina Voyages et la SELARL Gladel et associés ont déposé et notifié de nouvelles conclusions au fond le 09 février 2024 et les époux [R] n'ont eu aucune réaction après cette notification intervenue treize jours avant la date annoncée de l'ordonnance de clôture ; c'est donc en l'absence de demande de leur part d'un report de l'ordonnance de clôture que celle-ci est intervenue à la date annoncée du 22 février 2024. Leur silence n'a pas résulté d'une cause grave.
En outre, les époux [R] ne peuvent avancer avec sérieux n'avoir appris que très tardivement l'utilisation faite par SARL Marina Voyages des véhicules en cause puisqu'ils indiquent eux-mêmes en avoir alerté le mandataire judiciaire par un courrier du 29 décembre 2023, antérieur de près de deux mois à l'ordonnance de clôture.
Leur demande en révocation de la dite ordonnance doit donc être rejetée.
Sur la créance de la société Marina Voyages au titre de la garantie d'actif et de passif et de l'engagement des époux [R] de régler les dettes existantes au 28 février 2021 :
En application des article 3.1 à 3.9 de l'acte de cession des parts sociales de la société Transports [R] à la société Marina Voyages, la date de prise d'effet de l'acte a été fixée au 31 mars 2021 et, sur la base des éléments comptables figurant au bilan clos au 31 décembre 2020 reconnu comme constituant le bilan de cession, les époux [R], cédants, ont conféré à la société Marina Voyages une garantie d'actif et de passif portant :
- sur toute augmentation de passif ou diminution d'actif trouvant son origine ou sa cause dans un événement, un fait ou une opération antérieur au 31 décembre 2020 et qui n'aurait fait l'objet soit d'aucune comptabilisation ou provision , soit d'une comptabilisation ou provision insuffisante dans le bilan de cession ;
- sur toute perte - amendes, indemnités ou intérêts de retard - que la société viendrait à supporter ou encourir par suite de toute demande ou tout redressement fiscal, parafiscal, douanier ou social et plus généralement administratif ou réglementaire portant, en tout ou partie, sur une période antérieure à ce jour, ou qui n'aurait fait l'objet soit d'aucune comptabilisation ou provision, soit d'une comptabilisation ou provision insuffisante dans le bilan de cession.
Cette garantie d'actif et de passif a été assortie de conditions particulières notamment quant à son mode de calcul, quant à l'information du garant, quant à sa durée et quant à son seuil de déclenchement.
Par ailleurs, l'article 2.5 de cet acte a comporté la mention suivante : 'Par une attestation en date du 17 mars 2021, M. [R] s'est engagé, à régulariser l'ensemble des dettes de la société Transports [R] trouvant leur origine antérieurement à la date du 28 février 2021 et qui ne seront pas couvertes par la garantie d'actif et de passif et ce au moyen des deniers qu'il devrait percevoir par la cession au profit de la société Marina Voyages par son entreprise individuelle de l'activité de taxi et LOTI et d'un certain nombre de véhicules à la société Transports [R] moyennent le prix de 97.000 euros
Par conséquent, les époux [R] abondent dans les livres de la société un compte de tiers à hauteur de 97.000 euros susceptible de faire l'objet d'un abandon définitif à due concurrence des sommes dues par la société à la date du 28 février 2021.
Cet abandon constitue une garantie personnelle des époux [R] autonome de la garantie d'actif et de passif.
Le solde restant dû après déduction des dettes sera payable aux époux [R] à la date du 30 septembre 2021.
Il appartiendra au cessionnaire (la société Marina Voyages ) de faire toute diligence pour identifier les sommes dues avant cette date du 30 septembre 2021, sans perdre le bénéfice de la garantie d'actif et de passif.'
C'est à bon droit que le tribunal de commerce a rappelé qu'en application de l'article 1188 du code civil le contrat doit s'interpréter d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens litteral des termes et selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
Ainsi, la société Marina Voyages, en se portant acquéreur des parts sociales de la société Transports [R] par l'acte du 31 mars 2021 réitératif d'un compromis conclu le 04 décembre 2020, a pu prendre connaissance, ce qu'elle ne remet pas en cause, des livres et registres comptables ainsi que du compte de résultat arrêté au 31 décembre 2020, non encore définitif bien qu'établi conformément aux règles comptables mais donnant néanmoins une image la plus fidèle et complète possible de la situation patrimoniale tant active que passive de la société ; cette connaissance par la cessionnaire de la situation patrimoniale de la société a été déterminante dans la fixation du prix de cession des parts sociales et l'engagement pris par M. [R] le 17 mars 2021, postérieurement au compromis et repris dans l'acte réitératif de la cession, n'a eu vocation à porter que sur les dettes ne figurant pas au compte de résultat arrêté au 31 décembre 20200, exclues de la garantie d'actif et de passif et non réglées à la date de prise d'effet de la cession au 31 mars 2021.
En juger autrement reviendrait à priver de leur substance toutes les clauses de l'acte portant sur la garantie d'actif et de passif, rédigées sur plus de cinq pages et qui, hors les dettes fiscales ou sociales nées antérieurement au 31 mars 2021, ne visent qu'à couvrir celles ayant pu trouver leur origine ou leur cause dans un événement, un fait ou une opération antérieur au 31 décembre 2020 , et telle n'a manifestement pas été la volonté des parties, et ni même celle du rédacteur de l'acte.
En outre, les demandes de la société Marina Voyages, qui portent sur des dettes de la société soit antérieures, soit postérieures au 31 décembre 2020, doivent être examinées selon les principes suivants:
- pour celles antérieures au 31 décembre 2020 et susceptibles d'être couvertes par la garantie d'actif et de passif, il appartient à la société Marina Voyages, qui s'est engagée en connaissance de l'existence d'un passif, de démonter que les livres et registres comptables ainsi que le détail du compte de résultat de l'année 2020 ne lui ont pas permis d'en connaître l'existence ou l'importance ;
- pour celles ayant trouvé leur cause dans un événement, un fait ou une opération postérieur au 31 décembre 2020 et que les époux [R] se sont engagés personnellement à honorer, il revient à ceux-ci de faire la preuve de leur libération.
C'est sur la base de ces observations que seront examinées comme suit les demandes de la société Marina Voyages relatives aux créances suivantes :
' la somme de 13.114,05 euros réclamée au titre de cotisations au régime santé-prévoyance Allianz pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2020 (sa pièce n'9): ce passif a figuré en pages 56 et 57 du grand livre des comptes généraux de l'année 2020 pour un montant dû de 12.397,40 euros repris en page 20 du bilan de cession au titre d'une dette sociale pour la même somme de 12.397 euros; la différence de 717,05 euros, dont la cause est antérieure au 31 décembre 2020, est donc à mettre à la charge des époux [R] au titre de la garantie de passif ;
' la somme de 11.371,41 euros relative à une prime d'assurance AXA de l'année 2020 pour un contrat d'assurance résilié à effet du 01 janvier 2021 (sa pièce n°10) et objet d'une relance par courrier recommandé du 27 avril 2021 : ce passif a figuré pour ce même montant en page 113 du grand livre de l'année 2020 ,il a été repris en en page 21 du détail du compte de résultat et il a fait l'objet d'une mention particulière comme étant une dette non réglée à sa date normale d'échéance en page 10 de l'acte du 31 mars 2021 ; ce passif connu de la société Marina Voyages et dont la cause est antérieure au 31 décembre 2020 n'est pas à mettre à la charge des époux [R] au titre de la garantie d'actif et de passif;
' la somme de 15.000 euros au titre de15 factures de la société Edenauto Nissan en date des 31 décembre 2020 (sa pièce n°11) : ces 15 factures ont figuré en pages 111 et 112 du grand livre pour leur même montant HT et ont fait l'objet d'une mention particulière comme étant une dette non réglée à sa date normale d'échéance en page 10 de l'acte du 31 mars 2021 ; ce passif a été connu de la société Marina Voyages et la cause, un excédent de kilométrage pour des véhicules en crédit-bail, est antérieure au 31 décembre 2020 ; ce passif n'est pas à mettre à la charge des garants ;
' la somme de 3.796,41 euros au titre d'un passif Parot Automotive (sa pièce n° 12): la société Marina Voyages ne produit que trois factures de cette entreprise, deux en date des 31 août 2020 pour 640,88 euros et 197,24 euros et une troisième du 08 février 2021 pour un montant de 220,13 euros ; les deux factures du 31 août 2020 ont été intégrées en page 110 au grand livre pour leur montant HT et, connues de la société Marina Voyages, elles sont exclues de la garantie de passif ; en revanche, les époux [R] ne démontrent pas s'être libérés de la facture du 08 février 2021 de 220.13 euros qui est donc à mettre à leur charge ;
' la somme de 80.000 euros souscrit dans le cadre des mesures de soutien à l'économie par la société Transports [R] au titre d'un Prêt garanti par l'Etat, dit PGE (sa pièce n°13) : ce montant a été mis à la disposition de la société Transports [R] en septembre 2020 et est arrivé à échéance le 24 septembre 2021 ; ce passif a été clairement comptabilisé en page 4 du bilan arrêté au 31 décembre 2020 au titre des dettes financières d'emprunt et, connu de la société Marina Voyages, il est exclu de la garantie de passif ;
' la somme de 8.551,84 euros au titre de diverses factures de carburant ( sa pièce n°14) : la société Marina Voyages produit les factures en date des 31 janvier 2021, 16 février 2021, 28 février 2021 et 1er mars 2021 établies au nom de la société Transports [R] ;les époux [R] ne démontrent pas s'en être libérés et cette somme est donc à mettre à leur charge ;
' la somme de 5.280,50 euros au titre de diverses factures de garage (sa pièce n°15), objet de 2 factures des 23 et 24 décembre 2020 pour un montant de 2707,13 euros et de 6 autres émises en janvier et février 2021 pour un montant de 2.573,07 euros :
- les deux première factures sont relatives à deux sinistres - un choc et un bris de pare-brise - pris en charge par AXA Assurances et pour lesquels seules les franchises de 308,72 euros et 142,47 euros ont été à la charge de la société Transports [R] et comptabilisées dans le grand livre de la société Transports [R] ; ce passif, antérieur au 31 décembre 2020 et connu de la société Marina Voyages, est exclu de la garantie ;
- en revanche, les six autres factures de janvier et février 2021 totalisant la somme 2.573,07 euros sont à mettre à la charge des époux [R] qui ne font pas la preuve de leur libération ;
' la somme de 42.001 euros au titre des cotisations URSSAF dues pour les années 2019 - 155 euros - et 2020 - 41.486 euros (sa pièce n°17) : ce passif a figuré en page 20 du bilan arrêté au 31 décembre 2020 au titre du passif pour un montant de 60.756 euros et a fait l'objet d'une mention particulière comme étant une dette non réglée en page 10 de l'acte du 31 mars 2021 ; ce passif connu de la société Marina Voyages et dont la cause est antérieure au 31 décembre 2020, n'est pas à mettre à la charge des époux [R];
' la somme de 6.726,27 euros au titre des cotisations de retraite Argic-Arrco -recouvrées par Carcept-Klesia- pour la période allant d'avril à novembre 2020 et objet d'une relance en date du 23 juillet 2021 (sa pièce n°18) : ce passif a figuré au bilan arrêté au 31 décembre 2020 pour un montant supérieur de 11.747 euros et, connu de la société Marina Voyages, il est exclu de la garantie de passif;
' la somme de 2.585,22 euros au titre des cotisations AIST- santé au travail - au titre de l'année 2021 et d'une première échéance semestrielle exigible le 28 février 2021 (sa pièce n°19) : les époux [R] ne font pas la preuve de leur libération mais seule la somme de soit 1.292,61 euros due pour le premier trimestre 2021 est à mettre à leur charge
' la somme de 20.441,13 euros due à OPCO Mobilités au titre de la contribution de la société à la formation des salariés pour les année 2020 et 2021( sa pièce n°20) :
- la contribution de la société à la formation au titre des années 2019 et 2020 et calculée sur les masses salariales 2019 et 2020, payable avant le 1er mars 2020 et le 1er mars 2021, a été intégrée en page 118 du grand livre pour un passif HT de 5.530,32 euros ou TTC de 6.636,38 euros au 31 décembre 2020;
- en revanche, ces mêmes éléments compatibles n'ont pas intégré la taxe d'apprentissage calculée sur la masse salariale 2020 , d'un montant de 2.335,40 euros qui est à mettre à la charge des époux [R] au titre de la garantie d'actif et de passif ;
- en outre, les époux [R] sont redevables à la société Marina Voyages et au prorata temporis de la somme de 1.067,88 euros au titre de l'acompte à ces mêmes contributions de la société calculée sur la masse salariale de l'année 2021 ;
' la somme de 15.768,72 euros au titre d'un solde de congés payés : les époux [R] reconnaissent devoir cette somme .
' la somme de 14.400 euros au titre d'une amende administrative notifiée à la société par courrier recommandé du 29 novembre 2021 pour défaut de décompte de la durée du travail sur la base d'un rapport établi par l'inspection du travail le 03 janvier 2020 (sa pièce n° 21) : il est acquis aux débats que la société Transports [R] a été informée par courrier du 02 septembre 2021 du projet de prononcé de cette amende, que les observations qu'elle a fait valoir par courrier du 27 septembre 2021 n'ont pas permis de remettre en cause la réalité du manquement et qu'elle a informé M. [R] de l'existence de cette procédure par un courrier recommandé dont ce dernier a accusé réception le 30 septembre 2021 ; or l'article 3.3 du contrat de cession a prévu que la mise en oeuvre de la garantie est subordonnée impérativement à l'envoi au garant par le bénéficiaire d'une réclamation justifiée par LRAR dans les 20 jours qui suivent la révélation de l'existence d'un événement susceptible de provoquer l'application de la garantie et qu'en cas de non-respect de l'obligation d'information dans le délai imparti le garant pourra opposer au bénéficiaire la déchéance de son droit à garantie pour le litige concerné, ce que les époux [R] font valoir s'agissant de cette cause de créance
C'est donc à bon droit et faute de respect par la société Marina Voyages du délai de 20 jours que le tribunal de commerce a rejeté sa demande.
Il résulte de ce qui précède, s'agissant des prétentions de la société Marina Voyages et de la SELARL Gladel et associés, que les époux [R] leur sont redevables de la somme de 717,05 + 220,13+ 8.551,84 +2.573,07 + 1.292,61 + 1.067,88 + 2.335,40 + 15.768,72 = 32.526,70 euros .
Par ailleurs, les époux [R], qui demandent confirmation de ce chef du jugement, se reconnaissent débiteurs envers la société Marina Voyages, en sus de la somme de 15.768,72 euros due au titre des congés payés, au titre de créances qu'ils ont enregistrées de la part du conseil départemental de la Haute Vienne et selon un décompte qu'ils fournissent en pièce n°13, d'une somme de 42.767,50 euros.
La créance détenue par la société Marina Voyages sur les époux [R] ressort en conséquence à la somme de 32.526,70 +42.767,50 = 75.294,20 euros .
Les intérêts sur la dite sommes sont dus au taux légal à compter du 07 janvier 2022, date de mise en demeure.
Sur la créance des époux [R] au titre de la cession de 27 véhicules et divers:
Les époux [R] se prétendent créanciers, en sus du prix de 97.000 euros de cession des véhicules, d'une somme de 20.311,32 euros .
S'agissant des véhicules, l'article 4.3 de cession du fonds artisanal de taxi et LOTI a a précisé que les véhicules cédés selon la liste annexée à l'acte ne sont plus sous contrat de location ou de crédit-bail mais qu'ils n'ont pas fait l'objet de la mise à jour des cartes grises, les époux [R] déclarant que la mise à jour des certificats d'immatriculation avec obtention d'un certificat de cession auprès des organismes encore titulaires dudit certificat d'immatriculation n'a pas été effectuée, ce dont la société Marina Voyages est informée et déclare en faire son affaire personnelle sous sa seule responsabilité.
C'est donc en toute connaissance de cette difficulté de mise à jour des certificats d'immatriculation que la société Marina Voyages s'est engagée à en régler le prix de 97.000 euros sous déduction des sommes dues par les époux [R] dans les conditions énoncées à l'article 2.5 de l'acte séparé de cession des parts sociales de la société Transports [R] et repris à l'article 7.2 de l'acte de vente du fonds artisanal dans les termes suivants : ' ce solde restant dû sera payable aux époux [R] à la date du 30 septembre 2021. Il appartiendra au cessionnaire ( la société Marina Voyages) de faire toute diligence pour identifier les sommes dues avant cette date du 30 septembre 2021".
Le jugement dont appel mérite donc confirmation en ce qu'il a dit les époux [R] fondés à obtenir le prix de cession de ces véhicules, et également en ce qu'il leur a ordonné de remettre à la société Marina Voyages les certificats d'immatriculation desdits véhicules, sans qu'il soit nécessaire de l'assortir d'une astreinte.
S'agissant des autres causes de créances :
' la somme de la somme de 3.626,01 euros au titre de factures d'assurance responsabilité civile pour les mois d'avril à décembre 2021 et portant, selon une inscription des époux [R], sur une quote-part de 12 salariés sur 81 qui seraient restés à leur service, n'est pas autrement explicitée et donc justifiée et elle ne peut être prise en considération;
' la somme HT de 639,84 euros au titre de factures d'un abonnement CIC mobile au nom de M. [R] pour les mois d'avril à décembre 2021 n'est pas non plus explicitée et justifiée comme devant être assumée par la société Marina Voyages ;
' pour la somme TTC de 9.971,81 euros dites de sous-traitance à facturer à la société Marina Voyages, les époux [R] ce contentent de produire des factures établies par eux-mêmes et qui sont insuffisantes à faire la preuve de la réalité et du coût des prestations dont il est réclamé paiement ;
' enfin , les époux [R] ne justifient pas qu'une somme HT de 4.638,75 euros a été réglée à tort à la société Marina Voyages par le conseil général de la Haute Vienne alors que les factures ont été émises au nom de 'Taxis [R]'.
La demande des époux [R] en paiement d'une somme de 27.311,32 euros sera donc écartée
Sur l'obligation de non concurrence :
L'article 6.2.2 de l'acte de cession du fonds artisanal des activités de taxi et LOTi a prévu que les époux [R] pourront proposer leurs services à la société Marina Voyages pour soutenir ses tournées à effectuer sur le territoire de la Haute Vienne ; que, par, principe, ils s'interdisent le droit de se rétablir même en qualité de locataire, de salarié ou de conducteur de taxi ou de s'intéresser directement ou indirectement dans une activité de chauffeur de taxi pendant une durée de trois ans à compter de la date de transfert de propriété, à l'exception du nord du territoire de la Haute Vienne sur lequel ils peuvent poursuivre une activité de taxi en accord préalable avec la société Marina Voyages .
Il est démontré que M. [R], postérieurement à l'acte de cession, a constitué, fût-ce avec ses enfants, une société 3AR Taxis dont l'activité a été déployée à toute proximité géographique de celle de la société Marina Voyages puisque sur la même place de la commune de [Localité 6].
Il résulte toutefois des pièces versées aux débats et notamment des échanges par messagerie électronique entre d'une part Mr [M], gérant de la société Marina Voyages, et son épouse avec laquelle il travaille et, d'autre part, M. [R] que l'activité de la société 3AR Taxis s'est faite en toute transparence et en collaboration, dans le cadre d'un véritable partenariat de travail, avec la société Marina Voyages ce dont atteste Mme [Z], qui a été employée en qualité de secrétaire par la société Transports [R] sous la gérance de M. [M] à compter du 1er avril 2021.
La société Marina Voyages ne peut donc remettre en cause l'accord donné à M. [R] pour la poursuite d'une activité partagée avec la société 3AR Taxis sur le secteur de [Localité 6].
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts faite à ce titre.
Sur les autres demandes :
Les époux [R] , qui ne justifient avoir souffert un préjudice du retard apporté au paiement de leur créance, verront rejeter leur demande en dommages et intérêts pour résistance abusive
La société Marina Voyages et les époux [R] succombent chacun partiellement en leurs prétentions et il est de l'équité, ainsi que l'a déjà fait le tribunal de commerce qui sera confirmé sur ce point, de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens et n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile .
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de commerce en date du 06 février 2023 en ce qu'il a :
- condamné la société Marina Voyages à payer aux époux [R] la somme HT de 97.000 euros au titre des véhicules cédés ;
- ordonné aux époux [R] de restituer dès réception de ce paiement les certificats d'immatriculation des véhicules ;
- débouté les époux [R] de leur demande en dommages et intérêts ;
- dit que chaque partie conservera ses dépens, à l'exception du coût du jugement supporté par la société Marina Voyages ;
Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne les époux [N] et [F] [R] à payer à la société Marina Voyages la somme de 75.294,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 07 janvier 2022 ;
Déboute la société Marina Voyages du surplus de ses demandes ;
Dit que la compensation est de droit entre la créance des époux [N] et [F] [R] et celle de la société Marina Voyages ;
Y ajoutant,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens d'appel et n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.