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06/06/2024 | FRANCE | N°23/00586

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 06 juin 2024, 23/00586


ARRET N°206



N° RG 23/00586 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPKW



AFFAIRE :



S.E.L.A.R.L. [F] ASSOCIES Prise en la personne de Maître [U] [F] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de « Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M] »

C/

M. [W] [A], M. [J] [S], S.A.S. SYSLAW









CB/LM







Autres demandes postérieures à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire



















Grosse délivrée aux avocats







COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRET DU 06 JUIN 2024

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Le SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du publ...

ARRET N°206

N° RG 23/00586 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPKW

AFFAIRE :

S.E.L.A.R.L. [F] ASSOCIES Prise en la personne de Maître [U] [F] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de « Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M] »

C/

M. [W] [A], M. [J] [S], S.A.S. SYSLAW

CB/LM

Autres demandes postérieures à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire

Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

---==oOo==---

ARRET DU 06 JUIN 2024

---===oOo===---

Le SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.E.L.A.R.L. [F] ASSOCIES Prise en la personne de Maître [U] [F] Es qualités de Mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d'une décision rendue le 19 JUILLET 2023 par le PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LIMOGES

ET :

Monsieur [W] [A]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 10] (24), demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Valérie ASTIER, avocat au barreau de LIMOGES

Monsieur [J] [S].

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 9] (75), demeurant élisant domicile à l'étude de la SELARL DELAIRE PASQUIES ET - ASSOCIES-[Adresse 4]

représenté par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES

S.A.S. SYSLAW, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Michel MARTIN, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMES

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 11 Avril 2024 à bref délai conformément aux prévisions des articles 905, 905-1 et 905-2 du Code de Procédure Civile.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 06 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

Le 22 mai 1992, Maître [N] [B] et Maître [C] [L] ont créé la SCP [B]-[L], société titulaire d'un office d'huissiers de justice à LIMOGES, sachant :

- que le 11 mai 1995, Monsieur [Y] [Z], huissier de justice, a acquis les parts antérieurement détenues par Maître [N] [B] dans la SCP [B]-[L]

- que le 13 février 1997, Monsieur [C] [L] a été remplacé par Monsieur [W] [A] au sein de la SCP, laquelle en septembre 2004 a intégré un nouvel associé en la personne de Monsieur [J] [S].

Après que Monsieur [Y] [Z] ait donné sa démission avec effet au 28 février 2013 :

- le retrait de ce dernier de la SCP [Y] [Z], [W] [A] et [J] [S] a été accepté par arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la justice, en date du 29 mai 2015, et la dénomination de la SCP a été modifiée en ' [A] et Associés, SCP d'huissiers de justice '

- la SAS SYSLAW est venue aux droits de la SCP [A] et associés par fusion, avec effet au 17 décembre 2018

- la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M] compagne de ce dernier, tous deux huissiers de justice, a été prononcée par jugement du 20 décembre 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES statuant en matière de procédures collectives, avec désignation en qualité de Mandataire Liquidateur de la SELARL [F] ASSOCIES, prise en la personne de Maître [U] [F].

Après courrier de mise en demeure vainement adressé à la SAS SYSLAW venant aux droits de la SCP [A] & Associés le 29 juillet 2022 pour le compte de Maître [U] [F] es-qualité de Mandataire Liquidateur de Monsieur [Y] [Z], aux fins de règlement d'une somme de 215 55,01 € revendiquée au titre d'un compte courant d'associé de ce dernier prétendument créditeur de ladite somme au 31 décembre 2013, la SELARL [F] ASSOCIES, prise en la personne de Maître [U] [F] agissant en qualité de Mandataire Liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M], a par acte de commissaire de justice du 23 février 2023 assigné la Société SYSLAW devant le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de LIMOGES, pour :

- au visa de l'article 145 du Code de Procédure Civile, voir ordonner une expertise comptable en donnant pour mission à l'expert d'analyser la comptabilité de la SAS SYSLAW venant aux droit de la SCP [W] [A]-[J] [S] pour les exercices 2014 à 2018, et de préciser si à la suite de cette analyse, la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [Z] reste créancière envers la Société SYSLAW de certaines sommes,et dansl'affirmative pour quel montant

- voir réserver les dépens.

Par acte de commissaire de justice du 20 mars 2023, la SAS SYSLAW a appelé en garantie d'une part Monsieur [J] [S] et d'autre part Monsieur [W] [A] en leur qualité d'anciens associés de Monsieur [Y] [Z], à l'effet notamment :

- de voir ordonner la jonction de ladite instance avec celle initiée par la SELARL [F] ASSOCIES prise en la personne de Maître [U] [F]

- de voir débouter Maître [U] [F] es-qualité de Mandataire Liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M], de sa demande d'expertise, et ce pour cause de prescription quinquennale de l'action dont Monsieur [Y] [Z] pourrait disposer à l'encontre de ses anciens associés

- de voir constater qu'elle n'a jamais été en possession de la comptabilité de l'ancienne Société [A] ET ASSOCIE, et qu'il est impossible par l'analyse de sa propre comptabilité d'analyser la comptabilité de la SCP [A] ET ASSOCIE pour les exercices 2014 à 2018

- de voir condamner solidairement Messieurs [Y] [Z], [W] [A] et [J] [S] à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

C'est dans ce contexte que par ordonnance du 19 juillet 2023 rendue après décision de jonction prise le 26 avril 2023 le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de LIMOGES a :

- débouté la SELARL [F] ASSOCIES prise en la personne de Maître [U] [F], mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M], de sa demande d'expertise comptable, et ce pour cause de prescription de l'action en paiement envisageable au fond faisant obstacle à la justification d'un motif légitime, après avoir considéré que la demanderesse à l'expertise ne pouvait se prévaloir d'un quelconque effet interruptif de la saisie-attribution exercée par un tiers

- dit qu'à titre provisoire et sauf recours ultérieur au fond, les dépens resteront à la charge de la demanderesse agissant es qualité

- débouté les parties de leurs demandes formées en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- condamné la SELARL [F] ASSOCIES es qualité aux dépens de l'instance.

Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 26 juillet 2023, et dirigée à l'encontre de la SAS SYSLAW, de Monsieur [W] [A] et de Monsieur [J] [S], la SELARL [F] ASSOCIES prise en la personne de Maître [U] [F] et agissant es-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M], a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été fixée à bref délai conformément aux prévisions des articles 905, 905-1 et 905-2 du Code de Procédure Civile.

Prétentions des parties

Dans le dernier état de ses conclusions en date du 23 octobre 2023, la SELARL [F] ASSOCIES prise en la personne de Maître [U] [F] et agissant es-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M], demande en substance à la Cour :

- de faire droit à son appel

- de réformer l'ordonnance rendue le 19 juillet 2023 par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de LIMOGES, et statuant à nouveau, d'ordonner une expertise judiciaire, et ce

* sur le fondement de l'article 145 du Code de Procédure Civile

* au contradictoire de la Société SYSLAW, de Messieurs [A] et [S]

* à confier à un expert-comptable, en lui donnant pour mission notamment

° d'analyser la comptabilité de la SAS SYSLAW venant aux droits de la SCP [W] [A] -[J] [S], pour les exercices 2013 à 2018, et plus particulièrement de procéder à l'analyse des opérations ayant permis de solder le compte de tiers [XXXXXXXXXX07] intitulé « [Y] [Z] CREANCES », de procéder à la vérification à partir de l'analyse des documents de la comptabilité qui seront communiqués, du règlement par la SCP [A] ET ASSOCIES de la somme de 300.000 euros correspondant au rachat des parts de M. [Z], de procéder au contrôle de l'affectation de la part de résultat devant revenir à M. [Z] pour les exercices 2012 et 2013, et de procéder au contrôle de l'affectation des remboursements qui ont pu être faits par divers organismes sociaux ou fiscaux

° de préciser si, à la suite de cette analyse, la liquidation judiciaire de M. [Z] reste créancière envers la société SYSLAW de certaines sommes et, dans l'affirmative, pour quel montant

° de façon générale, de fournir tous éléments utiles à la résolution du présent litige

° de juger que dans le cadre de cette mission, l'expert judiciaire pourra se faire communiquer tous documents comptables de la société SYSLAW, venant aux droits de la SCP [W] [A] - [J] [S], et plus particulièrement la balance générale et les journaux d'opérations diverses pour les exercices 2013 à 2018, l'historique des comptes [XXXXXXXXXX06] « COMPTE COURANT [Y] [Z] » et [XXXXXXXXXX07] « [Y] [Z] CREANCES » et ce à partir des éditions des comptes globaux (toutes écritures lettrées ou non lettrées) issus des grands livres les comptes généraux

- de condamner in solidum la Société SYSLAW, Monsieur [A] et Monsieur [S] à lui verser une indemnité de 2000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'àn supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

En l'état de ses dernières conclusions déposées le 31 août 2023, la Société SYSLAW demande en substance à la Cour :

- de débouter Maître [U] [F], es qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M], de son appel

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, en faisant notamment valoir

* que Maître [U] [F], es qualité, ne justifie pas d'un intérêt légitime à l'appui de sa demande d'expertise compte tenu de la prescription de son action

* qu'elle n'a jamais été en possession de la comptabilité de l'ancienne Société [A] ET ASSOCIES et qu'il est impossible par l'analyse de sa propre comptabilité, d'analyser la comptabilité de la SCP [A] ET ASSOCIES pour les exercices 2014 à 2018

- de condamner solidairement Monsieur [Y] [Z], Monsieur [W] [A] et Monsieur [J] [S] à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- de débouter ces derniers de leurs demandes formulées à son encontre au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et de les condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions datées du 30 août 2023,Monsieur [W] [A] demande en substance à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions

- de débouter la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M] de l'intégralité de ses demandes

- de condamner la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M] à lui verser une indemnité complémentaire de 3000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Par voie de conclusions en date du 27 septembre 2023, Monsieur [J] [S] demande en substance à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions

- de condamner la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M], ou toute autre partie succombante, à lui verser une indemnité supplémentaire de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- de condamner la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M], aux entiers dépens d'appe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le litige soumis à la Cour concerne le bien-fondé de la mesure sollicitée par la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M], au visa de l'article 145 du Code de Procédure Civile.

1) Sur le bien-fondé de la mesure sollicitée par la SELARL [F] ASSOCIES ès qualités de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M], au visa de l'article 145 du Code de Procédure Civile :

Aux termes de l'article 145 du Code de Procédure Civile, 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé' , sachant :

- que l'appréciation de la légitimité du motif invoqué relève du pouvoir souverain du juge

- que pour emporter la conviction du juge, il incombe au demandeur de démontrer que la mesure qu'il sollicite lui est utile en ce que son résultat est susceptible d'influer sur la solution d'un litige ultérieur, ce qui implique que l'action que le demandeur projette d'exercer n'apparaisse pas manifestement vouée à l'échec, et ce pour des motifs étrangers au débat de fond pouvant ultérieurement être engagé sur le bien-fondé de l'action envisagée.

En l'espèce, force est de reconnaître que la mesure sollicitée par la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité est une expertise comptable réclamée en lien avec une éventuelle créance en compte courant de Monsieur [Y] [Z] sur la SCP [A] ET ASSOCIES, créance dont l'existence lui aurait été révélée :

- dans le cadre de sa mission de Mandataire Liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [Z] et Madame [R] [M] prononcée par jugement du 20 décembre 2021

- et ce au vu d'une écriture comptable (extrait du Grand Livre de la Société [W] [A]-[J] [S] ) faisant apparaître que le compte N° [XXXXXXXXXX07] relatif à Monsieur [Y] [Z] était créditeur au 31 décembre 2013 d'une somme de 215 555,01 €.

De ces éléments, il s'évince que Monsieur [Y] [Z] était possiblement titulaire d'une action aux fins de recouvrement de cette créance en compte courant, qui en tant que telle se trouvait soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code Civil :

- ayant pour point de départ

* soit la date du 29 mai 2015 à laquelle Monsieur [Y] [Z] a perdu sa qualité d'associé au sein de l'ancienne SCP [Y] [Z], [W] [A] et [J] [S], s'agissant de l'action dont il était potentiellement titulaire à l'encontre de ses anciens associés

* soit la date du 1er janvier 2018 à laquelle est devenue effective la fusion de la SCP [A] ET ASSOCIES, SELARL ACTIHUIS, SELARL HERVE GALLET et SELARL DECEMME BRACHET en une nouvelle société dénommée SAS SYSLAW, s'agissant de l'action dont Monsieur [Y] [Z] était potentiellement titulaire à l'encontre de cette dernière en sa qualité de débitrice des obligations incombant à la SCP [A] ET ASSOCIES qu'elle avait absorbée

- qui quelle que soit l'action envisagée, était acquise au plus tard le 2 janvier 2023, situation ayant pour conséquence

* de rendre manifestement irrecevables les prétentions susceptibles d'être formulées dans le cadre d'un éventuel procès ultérieur au fond

* de priver de toute utilité la mesure d'expertise demandée aux fins de vérification de l'existence d'une éventuelle créance de Monsieur [Y] [Z] au titre du compte- courant d'associé dont il serait titulaire.

S'agissant de la compétence du juge des référés en cas de saisine au visa de l'article 145 du Code de Procédure Civile, il y a lieu de considérer qu'en sa qualité de juge de l'évidence, le juge des référés a le pouvoir de relever l'irrecevabilité manifeste d'une action pour cause de prescription extinctive, et d'apprécier à cette occasion la pertinence des moyens opposés pour faire obstacle à l'acquisition d'une telle prescription.

Il s'ensuit :

- que contrairement à la thèse soutenue par la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité, le juge des référés de première instance avait bien qualité pour trancher dans le cadre de sa saisine, le débat instauré avec les adversaires de ladite société demanderesse au sujet de l'effet interruptif ou non, de la saisie-attribution pratiquée le 12 novembre 2018, sur le cours de la prescription quinquennale de l'action en recouvrement de l'éventuelle créance détenue par Monsieur [Y] [Z] au titre de son compte- courant d'associé

- que la discussion développée entre les parties dans le cadre de la présente en cause d'appel relativement à cette question, relève bien des prérogatives de la présente Cour statuant en référé.

S'agissant de l'effet interruptif de prescription qui selon la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité serait attaché une saisie-attribution pratiquée le 12 novembre 2018, il convient à l'examen du dossier :

- d'observer que ladite saisie-attribution a été pratiquée à la demande de Monsieur [X] [H] entre les mains de la SCP [A] & ASSOCIES, et ce aux fins de recouvrement d'une créance d'un montant de 10 108 € en principal, revendiquée en vertu d'un acte notarié dressé le 20 septembre 2018 et revêtu de la formule exécutoire

- de retenir qu'en tant qu'acte d'exécution forcée, la saisie-attribution a un effet interruptif sur le cours de la prescription résultant

* d'une part des dispositions de l'article 2244 du Code Civil énonçant notamment que 'le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du Code des Procédures Civiles d'Exécution ou un acte d'exécution forcée ', sachant que la prescription qui se trouve interrompue en application de ce texte est la prescription de la créance qu'elle tend à recouvrer, soit la prescrption de la créance cause de ladite saisie

* d'autre part des dispositions de l'article L 141-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, énonçant notamment que 'si la saisie porte sur une créance, elle en interrompt la prescription', sachant que la prescription qui se trouve interrompue en application de ce texte est la prescription de la créance sur laquelle porte la saisie, soit la prescription de la créance objet de ladite saisie

- de rappeler que la saisie-attribution est une mesure d'exécution forcée ayant pour particularité d'obéir à un principe de relativité qui concerne tous ses effets, y compris l'effet interruptif de prescription qui s'y attache en application des dispositions combinées des articles 2244 du Code Civil et L 141-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution précités.

De l'ensemble de ces observations, il s'évince que l'effet interruptif attaché à la saisie-attribution pratiquée le 12 novembre 2018 :

- ne peut bénéficier qu'au créancier saisissant, soit à Monsieur [X] [H], et nullement à Monsieur [Y] [Z] ou à son liquidateur pris en la personne de Maître [U] [F], et ce en l'absence de justification d'une transmission de la créance cause de la saisie

- ne peut valablement être opposé par la SELARL [F] ASSOCIES ès qualités, pour faire obstacle à l'acquisition de la prescription quinquennale de l'action en recouvrement qu'elle pourrait le cas échéant exercer, en fonction du résultat de l'expertise comptable qu'elle souhaite voir organiser.

Il s'ensuit :

- que l'action en recouvrement envisagée par la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité, est manifestement vouée à l'échec pour se trouver prescrite

- que dans un tel contexte procédural, la SELARL [F] ASSOCIES ès qualité, se trouve défaillante dans la justification d'un motif légitime à l'obtention de l'expertise comptable sollicitée, et ce tel que retenu à juste titre par le premier juge pour débouter ladite société de sa demande d'expertise comptable.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision querellée de ce chef, et ce sans qu'il y ait lieu d'examiner la pertinence des autres moyens invoqués par les co-intimés pour s'opposer à l'expertise comptable sollicitée par leur adversaire.

2) Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de l'une quelconque des parties, en première instance comme en cause d'appel.

Le fait pour la SELARL [F] ASSOCIES ès qualités d'avoir succombé en ses prétentions en première instance comme en cause d'appel, justifie d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [Z] les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare recevables l'appel interjeté par la SELARL [F] ASSOCIES prise en la personne de Maître [U] [F], et agissant ès-qualités de mandataire liquidateur de Monsieur [Y] [Z] et de Madame [R] [M] ;

Vu l'article 145 du Code de Procédure Civile ,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 juillet 2023 par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de LIMOGES ;

Y ajoutant,

Dit qu'en sa qualité de juge de l'évidence, le juge des référés a le pouvoir de relever l'irrecevabilité manifeste d'une action pour cause de prescription extinctive, et d'apprécier à cette occasion la pertinence des moyens opposés pour faire obstacle à l'acquisition d'une telle prescription ;

Dit que la saisie-attribution est une mesure d'exécution forcée ayant pour particularité d'obéir à un principe de relativité qui concerne tous ses effets, y compris l'effet interruptif de prescription qui s'y attache en application des dispositions combinées des articles 2244 du Code Civil et L 141-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution ;

Dit que l'effet interruptif attaché à la saisie-attribution pratiquée le 12 novembre 2018 ne peut bénéficier qu'au créancier saisissant, soit à Monsieur [X] [H], et nullement à Monsieur [Y] [Z] ou à son liquidateur pris en la personne de Maître [U] [F] ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de l'une quelconque des parties, en première instance comme en cause d'appel ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de Monsieur [Y] [Z] .

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00586
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.00586 ?
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