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06/06/2024 | FRANCE | N°19/01110

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 06 juin 2024, 19/01110


ARRET N°202



N° RG 19/01110 - N° Portalis DBV6-V-B7D-BIBPY



AFFAIRE :



M. [U] [Z]

C/

M. [K] [W], Mme [T] [L] VEUVE [V], M. [GK] [H], Mme [B] [J] VEUVE [I] décèdée le [Date décès 7] 2020, M. [A] [P] [N], Mme [Y] [D] épouse [E], SA AXA FRANCE IARD

M. [M] [I], Mme [C] [I], Mme [F] [I] épouse [IO], Mme [R] [I] épouse [O]







GS/LM







Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l'environnement













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Grosse délivrée aux avocats





COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRET DU 06 JUIN 2024

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Le SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l'arrêt ...

ARRET N°202

N° RG 19/01110 - N° Portalis DBV6-V-B7D-BIBPY

AFFAIRE :

M. [U] [Z]

C/

M. [K] [W], Mme [T] [L] VEUVE [V], M. [GK] [H], Mme [B] [J] VEUVE [I] décèdée le [Date décès 7] 2020, M. [A] [P] [N], Mme [Y] [D] épouse [E], SA AXA FRANCE IARD

M. [M] [I], Mme [C] [I], Mme [F] [I] épouse [IO], Mme [R] [I] épouse [O]

GS/LM

Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l'environnement

Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

---==oOo==---

ARRET DU 06 JUIN 2024

---===oOo===---

Le SIX JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [U] [Z]

né le [Date naissance 3] 1942 à [Localité 29], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Eric BRECY-TEYSSANDIER, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 04 DECEMBRE 2019 par le PRESIDENT DU TGI DE LIMOGES

ET :

Monsieur [K] [W], demeurant [Adresse 18]

représenté par Me Abel-henri PLEINEVERT de la SCP PLEINEVERT DOMINIQUE PLEINEVERT ABEL-HENRI, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [T] [L] VEUVE [V]

née le [Date naissance 12] 1924 à [Localité 21], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Anne-sophie TURPIN, avocat au barreau de LIMOGES

Monsieur [GK] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Anne-sophie TURPIN, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [B] [J] VEUVE [I] décèdée le [Date décès 7] 2020

née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 28], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Anne-sophie TURPIN, avocat au barreau de LIMOGES

Monsieur [A] [P] [N]

né le [Date naissance 11] 1939 à [Localité 25], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Corinne ROBERT, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [Y] [D] épouse [E]

née le [Date naissance 10] 1942 à [Localité 23], demeurant [Adresse 19]

représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES

SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de son Directeur général, Président du conseil d'administration, domicilié ès qualités au siège social, demeurant [Adresse 14]

représentée par Me Valérie ASTIER, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMES

Monsieur [M] [I]

né le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 25], demeurant [Adresse 15]

représenté par Me Anne-sophie TURPIN, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [C] [I]

née le [Date naissance 8] 1967 à [Localité 25], demeurant [Adresse 13]

représentée par Me Anne-sophie TURPIN, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [F] [I] épouse [IO]

née le [Date naissance 9] 1964 à [Localité 24] (MAROC), demeurant [Adresse 16]

représentée par Me Anne-sophie TURPIN, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [R] [I] épouse [O]

née le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 24] (MAROC), demeurant [Adresse 17]

non comparante ni représentée

PARTIES INTERVENANTES

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 11 Avril 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2024.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 06 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

---==oO§Oo==---

LA COUR

FAITS et PROCÉDURE

M. [U] [Z] est propriétaire, sur la commune de [Localité 21], d'une parcelle de terrain cadastrées section [Cadastre 22] qui jouxte celle n° 110 appartenant à M. [K] [W].

Se plaignant d'une pollution sur sa parcelle, M. [Z] a assigné M. [W] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Limoges pour faire cesser ce trouble manifestement illicite et obtenir une provision à valoir sur la réparation de son préjudice.

M. [W] a appelé en cause sa voisine, Mme [Y] [E], laquelle a mis en cause, MM. [A] [N], [GK] [H] et Mmes [T] [V] et [B] [I].

La société AXA, assureur de Mme [V], est intervenue volontairement à la procédure.

Par ordonnance du 4 décembre 2019, le juge des référés, après jonction des instances, a débouté M. [Z] de son action après avoir retenu que celui-ci ne démontrait pas que sa parcelle subissait une pollution.

M. [Z] a relevé appel de cette ordonnance.

[B] [I] étant décédée le [Date décès 7] 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné le 21 avril 2021l'interruption de l'instance, et invité M. [Z] et Mme [E] à appeler en cause les ayants droits de la défunte.

Par arrêt avant dire droit du 5 janvier 2022, la cour d'appel a ordonné une expertise, et commis pour y procéder M. [S] [G] avec pour mission, notamment de déterminer l'origine de la pollution de l'eau des parcelles de M. [Z] et d'identifier les propriétaires impliqués.

L'expert a déposé son rapport le 20 juin 2023.

MOYENS et PRÉTENTIONS

M. [Z] conclut, sur le fondement de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, à la condamnation in solidum des intimés, sous astreinte, à faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par la pollution de son terrain, ainsi qu'à la remise en état des lieux. Il réclame la condamnation in solidum de ceux-ci à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

M. [W] conclut à la confirmation de l'ordonnance de référé, en soutenant l'absence de trouble manifestement illicite puisque l'aménagement sur sa parcelle n° 110 destinée à recueillir les eaux usées des habitations du hameau qui la surplombe est ancienne, faisant suite à un accord donné par son père, et que M. [Z] avait nécessairement connaissance de cette situation. Il fait valoir que la pollution constatée est, en outre, très ponctuelle et peu importante, limitée à la seule parcelle [Cadastre 22] qui est un terrain non agricole, marécageux et en friche, et qu'il y sera remédié dans le cadre de la réalisation du projet municipal d'assainissement collectif, projet que M. [Z] entrave abusivement. Il réclame des dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la procédure engagée à son encontre. Subsidiairement, il demande qu'il soit sursis à statuer pendant deux années dans l'attente de la réalisation du réseau d'assainissement collectif. Très subsidiairement, il s'engage à boucher la canalisation à l'origine du déversement des eaux usées.

M. [A] [N], qui indique ne résider dans le hameau que pendant deux mois par an, conclut à la confirmation de l'ordonnance de référé, et subsidiairement fait valoir que les demandes indemnitaires de M. [Z] sont manifestement excessives, la parcelle [Cadastre 22] correspondant à un terrain non agricole, inutilisé, marécageux et en friche.

Mme [Y] [E] conclut à l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre par application des articles 564 et suivants du code de procédure civile. Elle sollicite la confirmation de l'ordonnance de référé. Subsidiairement, elle demande à être relevée indemne par les autres intimés des condamnations pouvant être mises à sa charge.

Mme [T] [V], M. [GK] [H], M. [C] [I], M. [M] [I] et Mme [F] [IO] soutiennent l'irrecevabilité des demandes formées à leur encontre par application des articles 564 et suivants du code de procédure civile. Ils concluent à la confirmation de l'ordonnance de référé.

La compagnie d'assurance AXA, assureur de Mme [V], conclut à la confirmation de l'ordonnance de référé.

Mme [R] [I] épouse [O] n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

En cause d'appel, M. [Z] admet (ses conclusions d'appel n° 3 p. 19) ne pas être propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 27] qu'il visait pourtant initialement. Son action se limite donc à la pollution affectant sa parcelle [Cadastre 22].

Le rapport de l'expert judiciaire (p. 20) confirme la réalité de cette pollution qui avait déjà été constatée par la cour d'appel dans son arrêt avant dire droit du 5 janvier 2022, la mesure d'expertise ordonnée ayant principalement pour objet de déterminer l'origine de cette pollution et d'identifier les propriétaires voisins impliqués dans cette situation.

Les investigations de l'expert judiciaire l'ont amené à constater (rapport p. 20) que la pollution trouve son origine dans l'absence de système d'assainissement conforme des habitations composant le hameau de [Localité 20] dont les eaux usées contribuent, à des degrés divers, à la dégradation de la qualité des eaux du ruisseau qui traverse la parcelle [Cadastre 22] de M. [Z].

L'expert précise (rapport p. 17) que la totalité des eaux usées rejoint le réseau d'eaux pluviales placé sous les diverses chaussées dont les canalisations se rejoignent pour déboucher dans une sorte de déversoir d'orage curieusement situé sur un point haut, sans exutoire efficace, qui est raccordé à la canalisation PVC de diamètre 100 mm implantée dans le muret en limite Nord de la parcelle [Cadastre 26] de M. [W] et permettant ainsi aux eaux usées de se répandre sur ce fonds avant de s'écouler, par gravité, sur la parcelle [Cadastre 22] de M. [X] située en contrebas.

L'expert explique (rapport p. 20) que cette situation est ancienne, datant de 'plusieurs dizaines d'années'.

Cet aménagement des lieux vient conforter l'allégation de M. [W] -devenu propriétaire de la parcelle n° 110 au décès de son père survenu le 3 juin 2004- sur l'existence d'un accord donné par son père à la mairie dans les années 60 ou 70 pour recevoir les eaux usées des riverains sur son terrain (conclusions d'appel n° 3 de M. [W] p. 8).

En cause d'appel, M. [Z], qui dirigeait en première instance ses prétentions exclusivement à l'encontre de M. [W], demande désormais la condamnation de l'ensemble des intimés à faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par la pollution de son terrain.

Même si elle est formée pour la première fois en cause d'appel, la demande de condamnation des autres intimés demeure recevable, en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, compte tenu de l'évolution du litige en l'état du rapport d'expertise qui a permis d'établir que la pollution de la parcelle [Cadastre 22] de M. [Z] trouve son origine dans les eaux usées des habitations voisines qui ne sont pas équipées d'un système d'assainissement conforme.

Cependant, il ne peut être fait reproche aux habitants voisins de déverser leurs eaux usées dans le réseau de canalisations aménagé à cet effet vers la parcelle n° 110 de M. [W] puisque l'auteur de ce dernier avait donné son accord à cette solution qui n'a jamais été remise en cause. Dès lors, il n'y a pas lieu de prononcer des condamnations à leur encontre et ils ne sauraient être contraints à recourir à un dispositif d'assainissement autonome conforme, alors que l'expert relève utilement qu'il existe un projet très avancé de réseau d'assainissement collectif du hameau qui devrait être réalisé à brève échéance.

En revanche, cette situation de fait, tout comme l'accord intervenu entre la mairie de [Localité 21] et l'auteur de M. [W], ne sont pas opposables à M. [Z] qui est fondé à voir cesser le trouble manifestement illicite constitué par la pollution de sa parcelle [Cadastre 22] à raison de l'aggravation par M. [W] de la servitude d'écoulement prévue à l'article 640 du code civil.

Il résulte de ce dernier texte que si les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué, le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

Or, en contribuant à la mise en place de la canalisation PVC de 100 mm pour permettre le déversement des eaux usées des habitations du hameau dans sa parcelle n° 110, surplombant celle [Cadastre 22], l'auteur de M. [W] a aggravé la servitude d'écoulement du fonds inférieur en ajoutant ces eaux usées aux eaux pluviales naturelles.

Il convient de condamner M. [W] à boucher cette canalisation pour faire cesser la pollution du fonds inférieur n° 109, sans qu'il y ait lieu à assortir cette condamnation d'une astreinte puisque, dans ses conclusions d'appel, l'intéressé s'est lui-même engagé à procéder à cette opération.

L'expert indique (rapport p. 24) qu'une dépollution totale du site n'est pas envisageable, le coût de cette opération étant disproportionné par rapport au risque sanitaire qui est inexistant tant pour la population que le milieu naturel. Il ajoute que la parcelle [Cadastre 22] correspond à un terrain non agricole, inutilisé, marécageux et en état de friche quasi impénétrable, sauf à recourir à une débroussailleuse (rapport p. 16) qui se dépolluera naturellement de manière rapide, ce processus pouvant être accéléré par l'implantation de plantes consommatrices de matières organiques. Au surplus, il sera rappelé que le projet d'assainissement collectif conduit par la communauté de communes est très avancé et devrait être réalisé à brève échéance.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la dépollution de la parcelle de M. [Z]. Le préjudice subi par ce dernier sera réparé par l'allocation de dommages-intérêts qui seront limités, eu égard à la nature des lieux, au montant de 1 000 euros à la charge de M. [W].

Il n'y a pas lieu d'accueillir le recours en garantie formé par M. [W] à l'encontre des riverains ayant déversé leurs eaux usées dans son fonds n° 110, puisque ceux-ci sont fondés à se prévaloir de l'accord donné par l'auteur de celui-ci sur cette pratique.

Il résulte de ce qui précède que la procédure engagée par M. [Z] ne peut être qualifiée d'abusive. La demande de M. [W] en paiement de dommages-intérêts de ce chef sera rejetée.

Même si son action est légitime, M. [Z] succombe partiellement en ses prétentions qui apparaissent pour certaines excessives. Les dépens de première instance et d'appel, qui comprennent les frais d'expertise judiciaire, seront supportés par moitié entre M. [Z] et M. [W] et il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour d' appel statuant publiquement, par décision réputé contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME l'ordonnance rendue le 4 décembre 2019 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Limoges;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE M. [K] [W] à boucher la canalisation PVC de diamètre 100 mm implantée dans le muret en limite Nord de sa parcelle cadastrée sur la commune de [Localité 21] section [Cadastre 26], dans les quinze jours qui suivent la notification du présent arrêt;

CONDAMNE M. [K] [W] à payer à M. [U] [Z] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts;

REJETTE le recours en garantie de M. [K] [W] ainsi que sa demande de dommages-intérêts;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, et DIT que ceux-ci seront supportés par moitié par M. [K] [W] d'une part et par M. [U] [X] d'autre part.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01110
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;19.01110 ?
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