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30/05/2024 | FRANCE | N°23/00439

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 30 mai 2024, 23/00439


ARRET N° .



N° RG 23/00439 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIOWC







AFFAIRE :



Société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE



C/



M. [L] [C], Mme [U] [K]









VC/MS





Prêt - Demande en remboursement du prêt









Grosse délivrée à Me Anna RAYNAUD-PELAUDEIX, Me Paul GERARDIN, le 30-05-2024.









COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE



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ARRÊT DU 30 MAI 2024



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Le trente Mai deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :



ENTRE :



Société BA...

ARRET N° .

N° RG 23/00439 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIOWC

AFFAIRE :

Société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE

C/

M. [L] [C], Mme [U] [K]

VC/MS

Prêt - Demande en remboursement du prêt

Grosse délivrée à Me Anna RAYNAUD-PELAUDEIX, Me Paul GERARDIN, le 30-05-2024.

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

---==oOo==---

ARRÊT DU 30 MAI 2024

---==oOo==---

Le trente Mai deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Paul GERARDIN, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d'une décision rendue le 31 MAI 2023 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES

ET :

Monsieur [L] [C]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Anna RAYNAUD-PELAUDEIX de la SELARL SELARL OUDJEDI - RAYNAUD PELAUDEIX, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [U] [K]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Anna RAYNAUD-PELAUDEIX de la SELARL SELARL OUDJEDI - RAYNAUD PELAUDEIX, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 08 Avril 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

La société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a, par actes sous seing privé du 21 novembre 2017, consenti deux prêts n° 08872686 et -687, chacun d'un montant de 150 000 euros au taux de 1,10 % et chacun remboursable en 91 mensualités de 1 968,66 euros, à la SAS [C] [K] exerçant à [Localité 5] une activité de commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé, représentée par Mme [K], son président, et M. [C], son directeur général.

Par actes du même jour, M. [L] [C] et Mme [U] [K] se sont engagés en qualité de cautions solidaires du prêt n° 08872686 à hauteur de la somme de 180 000 euros chacun, couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les frais, commissions et accessoires, sur une durée de 96 mois.

Par ailleurs, M. [L] [C] et Mme [U] [K] se sont engagés en qualité de cautions solidaires, et dans les mêmes conditions, du prêt n° 08872687 à hauteur de la somme de 18 750 euros chacun.

Enfin, la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a également pris un nantissement sur le fonds de commerce de la SAS [C] [K] de rang 1 à hauteur de 300 000 euros pour sûreté des deux mêmes prêts.

Par jugement du tribunal de commerce de Brive-la-Gaillarde en date du 23 novembre 2021, la SAS [C] [K] a été déclarée en liquidation judiciaire.

Le 15 décembre 2021, la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a, en conséquence, régularisé une déclaration de créances pour :

- le prêt n° 08872686 (prêt équipement) : 90 321,44 euros,

- le prêt n° 08872687 (prêt Socama Transmission Reprise) : 86 924,47 euros.

Elle a en outre, par courriers recommandés en date du 15 décembre 2021, mis M. [L] [C] et Mme [U] [K] en demeure de payer la somme de 82 822,50 euros au titre du prêt n° 08872686 et celle de 10 130,39 euros au titre du prêt n° 08872687 : en vain.

La société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a, en conséquence, assigné M. [L] [C] et Mme [U] [K] devant le tribunal de commerce de Limoges par actes de commissaire de justice des 17 et 18 février 2022.

Le tribunal de commerce de Limoges a, par jugement du 31 mai 2023 :

- débouté la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE à verser à M. [L] [C] et Mme [U] [K] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision liquidé à la somme de 80,29 euros dont 13,38 euros de TVA.

Par déclaration en date du 09 juin 2023, la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal de commerce de Limoges.

Aux termes de ses deuxièmes conclusions signifiées par voie électronique le 20 février 2024, la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE demande à la cour, au visa des articles 1178, 1352 et suivants, 1353 du code civil, de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 31 mai 2023 en toutes ses dispositions ;

- en conséquence, infirmer celui-ci ;

- juger, en revanche, M. [L] [C] et Mme [U] [K] non fondés en leurs contestations et, en conséquence, les en débouter purement et simplement ;

Et dès lors, statuant à nouveau :

- en conséquence de la nullité des prêts n° 08872686 et 687 accordés à la SAS [C] -[K] par acte sous seing privé en date du 21 novembre 2017, juger l'obligation de M. [C] [L] et Mme [K] [U] à en rembourser le capital, outre intérêts au taux légal à dater du 21 novembre 2017 et dès lors les y condamner ;

- la faute de M. [C] [L] et de Mme [K] [U] ayant pour effet la nullité des prêts l'ayant lésée, les condamner à réparer le dommage subi et, partant, à payer les intérêts normaux, intérêts de retard et indemnité dus en sus du capital ;

En conséquence :

- condamner M. [C] [L] et Mme [K] [U], solidairement, à lui payer la somme de 91 186,06 euros outre intérêts au taux de 1,10 % l'an à dater du 21 janvier 2022;

- condamner M. [C] [L] à lui payer la somme de 11 153,16 euros outre intérêts au taux de 1,10 % l'an à dater du 20 janvier 2022 ;

- condamner Mme [K] [U] à lui payer la somme de 11 153,16 euros outre intérêts au taux de 1,10 % l'an à dater du 21 janvier 2022 ;

- condamner solidairement M. [C] [L] et de Mme [K] [U] à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles de 5 000 euros outre intérêts au taux légal à dater de l'arrêt à intervenir ;

- condamner solidairement M. [C] [L] et de Mme [K] [U] aux entiers dépens de procédure, le bénéfice de distraction étant accordé à Maître Paul Girardin, avocat, pour les sommes dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Elle soutient que :

- aux termes de l'article L. 210-6 du code de commerce, 'Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés' ;

- il est constant que les prêts litigieux ont été accordés le 21 novembre 2017 alors que la SAS [C] [K] n'a été immatriculée que le 13 décembre suivant ;

- si, de fait, la nullité du prêt s'en déduit, les conséquences juridiques tirées de l'article 1178 du code civil, qui dispose que 'Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. /Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé', s'appliquent ;

- l'article 1178 du code civil ajoute que 'Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9" du code civil ;

- en conséquence de la nullité des prêts accordés, la SAS [C] -[K] est donc débitrice de la somme de 300 000 euros, outre intérêts courant à compter du 20 novembre 2017 et les cautions tenues, en vertu des articles 1178 et 1352-9 du code civil, à restitution de la somme due ;

- la nullité du contrat garanti n'entraîne pas la nullité des sûretés constituées pour le paiement de l'obligation et donc de l'engagement de caution, ce d'autant que M. [L] [C] et Mme [U] [K] n'opposent aucun moyen intrinsèque à l'engagement de caution permettant de conclure à l'irrégularité de ce celui-ci ;

- par ailleurs, il appartient à ces derniers de rapporter la preuve de toute somme venant en diminution de leur dette en application du second alinéa de l'article 1353 du code civil ;

- de même, il leur appartient d'établir la disproportion qu'ils allèguent entre leur engagement de caution et leurs biens et revenus selon les termes de l'article L. 343-4 du code de la consommation ;

- l'obligation de mise en garde ne pèse sur l'organisme prêteur qu'à la double condition que la caution soit profane et que l'engagement ne soit pas adapté aux capacités financières de cette dernière ;

- l'absence d'information annuelle de la caution, qui a pour conséquence la déchéance du droit aux intérêts échus depuis la précédente information, est sans incidence dès lors qu'elle réclame des dommages et intérêts équivalents aux intérêts sur le fondement de leur responsabilité extra contractuelle ;

- cette information leur a, en tout état de cause, été délivrée ;

- M. [L] [C] et Mme [U] [K] seront donc condamnés au remboursement du capital et des intérêts ;

- en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 1178, M. [L] [C] et Mme [U] [K] devront en outre prendre en charge tous les accessoires restant dus des sommes prêtées ;

- la demande de délais présentée n'est pas sérieuse.

Aux termes de leurs conclusions n° 2 signifiées par voie électronique le 27 février 2024, M. [L] [C] et Mme [U] [K] demandent à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1353, 1842 alinéa 1, 1843, 1843-5 du code civil et L. 313-22 du code monétaire et financier abrogé au 01 janvier 2022, de :

- juger la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE mal fondée en son appel ;

- en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Limoges le 31 mai 2023 ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à retenir le montant des demandes formulées par la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE justifié,

- prononcer leur décharge légale au titre de leurs engagements de caution souscrits le 21 novembre 2017 au bénéfice de la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE ;

- en conséquence, débouter la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre ;

À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne venait pas à prononcer leur décharge légale,

- condamner la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE au paiement des sommes auxquelles ils pourraient éventuellement être condamnés en exécution de leurs engagements de caution, et ce à titre de dommages et intérêts ;

À titre très infiniment subsidiaire, si la cour ne venait pas à faire droit à la demande de dommages et intérêts,

- prononcer la déchéance de la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE de son droit aux intérêts à compter du 31 mars 2018, soit la date à laquelle la première information aurait dû intervenir ;

- au titre de leur demande reconventionnelle, leur accorder, pour le règlement de la somme de 113 492,38 euros des délais de paiement sur une période de 24 mois moyennant le versement d'une somme mensuelle de 100 euros du 01er au 23ème mois, le solde étant réglé à la 24ème échéance ;

En tout état de cause,

- condamner la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE à leur régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE aux entiers dépens d'appel ;

- rejeter toutes demandes, fins ou conclusions contraires.

Ils soutiennent que :

- le cautionnement souscrit au bénéfice d'une société en voie d'immatriculation se trouve, au même titre que le prêt, ipso facto frappé de nullité et ce dès lors que l'obligation garantie n'a pas été régulièrement reprise par la société en application de l'article 1843 du code civil;

- si la preuve d'une reprise régulière des engagements par la société une fois régulièrement constituée fait défaut, la caution qui a garanti la société en formation ne peut être tenue au titre du contrat de prêt en vertu du principe de l'interprétation stricte du cautionnement ;

- en l'espèce, la nullité des actes de cautionnement est acquise et les prétentions de la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE infondées de ce fait ;

- l'acte de cautionnement nul étant censé n'avoir jamais existé, la personne est donc censée ne s'être jamais portée caution ;

- la cour de cassation rappelle que le cautionnement souscrit au bénéficie d'une société en voie d'immatriculation se trouve frappé de nullité dès lors que le prêt bancaire n'a pas fait l'objet d'une reprise régulière par la société immatriculée ;

- la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE, unique rédactrice du contrat de prêt, a la qualité de professionnelle avertie en cette matière de sorte qu'elle est tenue d'assurer la validité et l'efficacité de l'acte qu'elle établit ;

- la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a ainsi contribué à la réalisation de son propre préjudice ;

- la créance de la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE n'est ni fondée ni justifiée et il lui appartient de rapporter la preuve du montant de ses demandes ;

- la disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face au montant de son propre engagement sur ses biens et revenus ;

- lors de la signature des engagements de caution, ils étaient tous deux sans emploi et sans ressource et ne disposaient pas d'un patrimoine immobilier suffisant ;

- il appartenait à la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE d'attirer leur attention, au moment de la signature des actes de cautionnement, sur le caractère excessif des concours eu égard à leur capacité financière et de vérifier leur solvabilité.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la validité des actes de cautionnement :

Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

L'article 1104 ajoute, par une disposition d'ordre public : 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.

Par ailleurs, le premier alinéa de l'article 1842 dispose que 'Les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation'.

Enfin, l'article 1843 ajoute in fine : 'Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci.

Dans des termes un peu différents, l'article L. 210-6 du code de commerce énonce cependant aussi que 'Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation.

Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société'.

Au cas d'espèce, il est constant que les prêts litigieux ont été souscrits le 21 novembre 2017 par la SAS [C]-[K] et non par Mme [U] [K] et M. [L] [C], ès qualités de fondateurs de la dite société.

Il n'est pas moins constant que la SAS [C]-[K] a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Brive-la-Gaillarde le 13 décembre 2017, soit postérieurement à la souscription des contrats de prêt litigieux.

Enfin, il est tout aussi constant que, une fois régulièrement immatriculée, la SAS [C]-[K] n'a pas repris les engagements souscrits.

Ainsi les prêts n° 08872686 et 687 souscrits auprès de la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE sont-ils nuls, ce que ne conteste pas l'organisme prêteur.

Il en résulte que la déclaration de créances régularisée le 15 décembre 2021 par la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE est sans effet.

Aux termes de l'article 1178 du code civil, 'Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra contractuelle'.

Particulièrement, l'article 1352-9 du code civil dispose que 'Les sûretés constituées pour le paiement de l'obligation sont reportées de plein droit sur l'obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme'.

Il apparaît ainsi que l'engagement de caution subsiste jusqu'à l'exécution de toutes les diligences résultant de la nullité du contrat, particulièrement l'obligation de restitution réciproque.

Ainsi, Mme [U] [K] et de M. [L] [C] restent, de principe, tenus à l'obligation de restituer nonobstant la nullité du contrat de prêt.

- Sur la faute des emprunteurs :

La société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE soutient que, la faute de M. [L] [C] et de Mme [U] [K] ayant pour effet la nullité des prêts l'ayant lésée, ils doivent être les condamnés à réparer le dommage subi et, partant, à payer les intérêts normaux, intérêts de retard et indemnité dus en sus du capital.

Cependant, il incombe à l'organisme prêteur, qui invoque la faute des emprunteurs de rapporter la preuve de l'existence de cette faute. Or, 'est en vain que l'on recherchera la qualification de cette faute.

Il apparaît, en revanche, que les contrats de prêts, tout comme les engagements de caution, ont été établis par la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE, professionnelle des opérations de crédit.

Or, il ressort de la rédaction même des contrats que l'organisme de crédit a d'emblée tenu pour acquis que la SAS [C]-[K] était d'ores et déjà constituée, ce que la simple demande d'un extrait Kbis aurait pu démentir.

A l'inverse, les intimés ne sont pas des professionnels du contrat de crédit, de sorte que la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE qui était en outre tenue à une obligation d'information et de conseil à leur égard, ne saurait faire supporter aux cautions les conséquences de sa propre légèreté dans l'octroi des prêts sollicités.

En conséquence, si la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE peut prétendre à la restitution du capital emprunté, elle ne saurait prétendre aux intérêts contractuels.

- Sur la faute de la banque :

Aux termes de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la présente espèce,'Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. [...] Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette'.

Au cas d'espèce toutefois, la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE apporte aux débats le justificatif de ce que l'information dont s'agit a été régulièrement portée à la connaissance des cautions.

- Sur la validité de l'engagement des cautions :

Aux termes de l'article L. 343-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la présente espèce, 'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation'.

Au cas d'espèce, il apparaît que M. [L] [C] et Mme [U] [K] se sont engagés en qualité de cautions solidaires du prêt n° 08872686 à hauteur de la somme de 180 000 euros chacun, couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant, les frais, commissions et accessoires, sur une durée de 96 mois ; ils se sont également engagés en qualité de cautions solidaires, et dans les mêmes conditions, du prêt n° 08872687 à hauteur de la somme de 18 750 euros chacun : soit un engagement de caution pour la somme totale de 397 500 euros.

Lors de la signature de leur engagement de caution et au regard des justificatifs fournis, le patrimoine de M. [L] [C] et de Mme [U] [K] était constitué d'un immeuble à usage d'habitation situé sur un terrain de 624 m² sur la commune de [Localité 7] et constituant le domicile des intimés.

La taxe foncière s'élevait en 2021 à 1 232 euros et ils étaient exonérés de la taxe d'habitation.

Par ailleurs M. [C] percevait une allocation d'Aide au Retour à l'Emploi d'un montant journalier brut de 66,63 euros, soit d'environ 2 000 euros bruts par mois tandis que Mme [K] ne percevait aucun revenu.

Leurs avoirs n'avaient pas prospéré lors de l'appel de la caution.

Il apparaît dès lors que la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a manifestement obtenu un engagement de caution sans attirer l'attention de M. [C] et Mme [K] sur le caractère excessif de cet engagement eu égard à leur capacité financière ni vérifier leur solvabilité.

Dès lors, la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE ne pourra, au cas d'espèce, se prévaloir de l'engagement de caution de M. [C] et Mme [K] conformément aux dispositions de l'article L. 343-4 du code de la consommation.

En conséquence de quoi le jugement rendu le 31 mai 2023 par le tribunal de commerce de Limoges est confirmé dans toutes ses dispositions.

- Sur les demandes accessoires :

La société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE qui succombe, supportera les entiers dépens d'appel.

La société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE sera en outre condamnée à payer à M. [L] [C] et de Mme [U] [K], en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager pour les besoins de la procédure, une somme que la cour fixe à 1 500 euros pour chacun.

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PAR CES MOTIFS

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La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, rendu par mise à disposition et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DIT l'appel de la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE recevable mais mal fondé ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 31 mai 2023 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE aux entiers dépens de la procédure d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE sera en outre condamnée à payer à M. [L] [C] et de Mme [U] [K], en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager pour les besoins de la procédure, une somme que la cour fixe à 1 500 euros pour chacun au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00439
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.00439 ?
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