ARRET N° .
N° RG 23/00557 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPG2
AFFAIRE :
Mme [H] [N] épouse [P]
C/
Fondation INSTITUT NATIONAL DE FORMATION ET D'APPLICATION DU CENTRE DE CULTURE OUVRIERE - INFA agissant poursuites et diligences de son Président, en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
GV/MS
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Grosse délivrée à Me Philippe CHABAUD, Me Frédérique FROIDEFOND, le 23-05-2024.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 23 MAI 2024
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Le vingt trois Mai deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame [H] [N] épouse [P]
née le 19 Mai 1965 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédérique FROIDEFOND de la SELARL ACTMIS, avocat au barreau de BRIVE substituée par Me Aurélien AUCHABIE, avocat au barreau de BRIVE
APPELANTE d'une décision rendue le 15 JUIN 2023 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BRIVE LA GAILLARDE
ET :
Fondation INSTITUT NATIONAL DE FORMATION ET D'APPLICATION DU CENTRE DE CULTURE OUVRIERE - INFA agissant poursuites et diligences de son Président, en exercice domicilié en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me Marine COLOMERA, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 25 Mars 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 23 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller, et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSÉ DU LITIGE
L'institut national de formation et d'application du centre de culture ouvrière (INFAC) exerçant dans le domaine de la formation professionnelle a embauché Mme [H] [N] épouse [P] suivant contrat de travail aidé à temps partiel sur la période du 1er juin 1989 au 31 mai 1990 en qualité d'agent d'accueil.
Mme [P] a par la suite été embauchée par l'INFA (institut national de formation et d'application) suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet sur la période du 1er juin 1990 au 28 février 1991 en qualité d'employée spécialisée.
Au terme de cette période, elle a été engagée suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de secrétaire à compter du 1er mars 1992.
Par avenant à son contrat de travail en date du 6 janvier 2000, Mme [P] a été promue secrétaire formatrice avec une répartition de son temps de travail entre ces deux fonctions.
Par avenant en date du 28 décembre 2006, l'INFA a fait droit à sa demande de temps partiel à raison de 140 heures par mois ou 32,30 heures par semaine. Ses horaires de travail ont été fixés selon les modalités suivantes à compter du 1er janvier 2007 :
- 8 heures par jour du lundi au mercredi
- 8 heures et 20 minutes le jeudi.
Par ce même avenant, Mme [P] devenait uniquement de formatrice.
Par avenant du 19 janvier 2010, Mme [P] a obtenu une classification supérieure.
Par avenant du 7 février 2011, elle a été promue au poste de formatrice coordinatrice à compter du 1er février 2011.
Par avenant du 1er octobre 2013, des mentions obligatoires relatives au travail à temps partiel ont été portées à son contrat de travail.
Par avenant en date du 3 mars 2016, l'INFA a proposé à Mme [P] une modification de ses horaires de travail, conduisant à un temps de travail de 7 heures par jour, la faisant ainsi travailler le vendredi matin, ce qu'elle a refusé par lettre en date du 9 mars 2016 au motif de l'exercice d'une autre activité professionnelle le vendredi.
Par avenant du 12 mai 2021, l'INFA a augmenté la rémunération mensuelle de Mme [P] à compter du 1er mai 2021 pour la porter à 2 076,20 € pour 140 heures de travail.
Mme [G] [X], Directrice INFA du Cantal et de la Haute-Loire, s'est vue confier la direction du site de [Localité 5] en 2021.
Suite à un entretien du 20 septembre 2021 avec Mme [V], Directrice des ressources humaines, Mme [P] a refusé la modification de ses horaires de travail à raison de 7 heures par jour au lieu de 8 sollicitée par l'employeur dans un but de mise en conformité du temps de travail par rapport à l'accord sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail.
Mme [P] a été placée en arrêt de travail du 19 octobre 2021 au 29 octobre 2021.
À compter du 1er novembre 2021, Mme [H] [A] a été nommée coordinatrice des sites d'[Localité 3] et de [Localité 5].
Par lettre en date du 5 novembre 2021, Mme [P], par l'intermédiaire de son Conseil, a mis en demeure l'INFA de cesser les pressions exercées sur elle au sujet de la modification de son contrat de travail. Afin de mettre fin au litige, il indiquait qu'une solution amiable pouvait être envisagée.
Par courrier du 26 novembre 2021, l'INFA a contesté les reproches à elle fait par Mme [P].
Par lettre recommandée avec accusé réception du 25 novembre 2021, Mme [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'INFA pour la date du 12 décembre 2021 aux motifs principalement de pressions exercées sur elle pour modifier ses horaires de travail et au motif de la perte de ses missions depuis le mois d'octobre 2021.
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En l'absence de solution amiable, Mme [H] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Brive le 24 juin 2022 pour voir dire et juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur était bien fondée et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 15 juin 2023, le conseil de prud'hommes de Brive a jugé que la prise d'acte de Mme [P] s'analysait en une démission, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la Fondation INFA la somme de 3 193,42 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Mme [P] a interjeté appel de ce jugement le 18 juillet 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 7 février 2024, Mme [H] [P] demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Brive le 15 juin 2023;
juger son appel et ses demandes recevables et bien fondées ;
Y faisant droit,
- juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [H] [P] aux torts de son employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- condamner la fondation INFA à lui les sommes suivantes :
- 20 762 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 4 152,40 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 415,24 € au titre des congés payés sur préavis,
- 41 524 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la fondation INFA à remettre à Mme [H] [P] le certificat de travail rectifié sous astreinte de 15 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- condamner la fondation INFA à remettre à Mme [H] [P] l'attestation de suivi de la formation Formateur multimodal sous astreinte de 15 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- condamner à remettre à Mme [H] [P] l'attestation POLE EMPLOI rectifiée sous astreinte de 15 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- débouter la fondation INFA de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la fondation INFA au paiement des intérêts légaux à compter de la réception de la convocation en conciliation par celle-ci pour les créances salariales et de la décision à intervenir pour les créances indemnitaires ;
- condamner la fondation INFA aux entiers frais et dépens.
Mme [P] soutient que sa prise d'acte aux torts de l'employeur est fondée. En effet, à compter du 31 août 2021, la fondation INFA a exercé des pressions sur elle pour voir modifier ses horaires de travail avec perte de salaire corrélative. Face à son refus, la fondation INFA a vidé de sa substance son poste de travail, en la remplaçant, elle et sa collègue proche Mme [R], par Mme [H] [O] en qualité de coordinatrice de formation sur les sites de [Localité 5] et d'[Localité 3]. Elle a ainsi été mise à l'écart pour la contraindre à démissionner.
Elle conteste avoir pris acte de la rupture dans le but d'occuper un nouvel emploi. En effet, c'est en raison des agissements de son employeur qu'elle a été amenée à trouver un nouvel emploi sous contrat à durée déterminée, donc précaire.
La fondation INFA a donc manqué à son obligation de loyauté à son égard.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 février 2024, la fondation INFA demande à la cour de :
à titre principal,
confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Brive du 15 juin 2023, sauf en ce qu'il a :
- ordonné la remise du certificat de travail rectifié sans astreinte,
- ordonné la remise de l'attestation Pôle emploi rectifiée sans astreinte,
- renvoyé les parties à leurs frais respectifs au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
constater la fin du redressement judiciaire au 26 mai 2020 ;
dire et juger la mise hors de cause de la S.C.P [C] [S] ;
constater l'absence de manquement de la part de la Fondation INFA ;
constater le mal fondé de la prise d'acte réalisée par Mme [P] ;
débouter Mme [P] de sa demande d'indemnités légale de licenciement ;
débouter Mme [P] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;
débouter Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
débouter Mme [P] de sa demande de remise de document de fin de contrat rectifiés ;
condamner, reconventionnellement, Mme [P] à verser à la Fondation INFA la somme 3 193,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
condamner, reconventionnellement, Mme [P] à verser à la Fondation INFA la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [P] aux dépens d'appel, en accordant à Maître Philippe Chabaud, Avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
En tout état de cause,
débouter Mme [P] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile.
La fondation INFA conteste avoir exercé une quelconque pression à l'égard de Mme [P] pour lui imposer une modification de ses horaires de travail. Elle souhaitait simplement homogénéiser le temps de travail de l'ensemble des salariés conformément à l'accord en vigueur au sein de la fondation INFA.
Dans le cadre d'un rapprochement entre les sites de [Localité 5] et d'[Localité 3], la directrice du site d'[Localité 3] a pris en charge la direction du site de [Localité 5]. C'est dans ce contexte que Mme [O] a été affectée, en support, en qualité de coordinatrice sur le site de [Localité 5] et nullement pour remplacer Mme [P]. En outre, cette dernière n'a pas été évincée de ses missions de coordinatrice de formation. La fondation INFA justifie l'absence de communication de certains mails à Mme [P], en ce que cette dernière était soit en formation, soit en arrêt de travail.
La fondation INFA souligne que Mme [P] a retrouvé un poste immédiatement après sa prise d'acte, poste qui n'est nullement précaire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2024.
SUR CE,
- Sur le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [P]
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail est un mode de résiliation du contrat de travail par le salarié qui considère que son employeur a commis des manquements d'une gravité telle qu'ils rendent impossible la poursuite de ce contrat.
La prise d'acte produit les effets d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse lorsqu'elle est fondée sur de tels manquements, ou les effets d'un licenciement nul lorsqu'elle est fondée sur des motifs de nullité du licenciement.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements allégués à l'encontre de son employeur. Si un doute subsiste sur la réalité des faits invoqués à l'appui de sa prise d'acte, les juges doivent lui faire produire les effets d'une démission (Cass. soc., 19 déc. 2007, n° 06-44.754 : JurisData n° 2007-042011). Toutefois, il doit être fait application des règles probatoires propres à ces manquements.
Le juge n'est pas lié par les griefs énoncés dans la lettre de prise d'acte du salarié.
Néanmoins, dans sa lettre du 25 novembre 2021 aux termes de laquelle Mme [P] prend acte de la rupture aux torts de son employeur, elle lui reproche :
' des pressions exercées sur elle depuis le 31 août 2021 pour voir modifier ses horaires de travail et pour finalement qu'elle démissionne ;
' de l'absence de visite auprès du médecin du travail depuis le 7 novembre 2016 ;
' de la perte de ses missions depuis octobre 2021 surtout depuis la nomination de Mme [H] [O], notamment sa mission de coordinatrice de formation ;
' le souhait de l'employeur de lui confier le développement de l'agence, mission non prévue par sa fiche de poste.
Aux termes de ses dernières écritures, Mme [P] reproche à son employeur :
- des pressions exercées sur elle pour voir modifier ses horaires de travail,
- que son poste de travail a été vidé de sa substance suite à la nomination de Mme [O] le 1er novembre 2021,
ces man'uvres étant en réalité destinées à la faire démissionner, l'INFA connaissant par ailleurs des difficultés économiques.
1) Concernant les pressions invoquées par Mme [P] au sujet de la modification de ses horaires de travail à temps partiel
La direction de l'INFA a demandé à Mme [P] de travailler 7 heures par jour au lieu de 8 heures 'pour être en cohérence avec les dispositions en vigueur au sein de la Fondation' (mail de Mme [V] du 16 septembre 2021). Mme [P] a refusé cette modification au terme d'un entretien du 20 septembre 2021.
Or, il ne ressort pas des mails produits que Mme [P] ait subit une pression de la part de son employeur consistant en une menace de diminution de sa rémunération ou de perte de son emploi.
Mme [R], collègue directe de Mme [P], atteste que la direction de l'INFA lui a demandé également en septembre 2021 de modifier ses horaires de travail pour mise en conformité avec l'accord d'entreprise. Si elle soutient que la direction l'a avertie qu'en cas de désaccord elle pouvait perdre son travail, Mme [R] ne dit rien en ce qui concerne une pression ayant pu être exercée sur Mme [P] sur le même sujet.
En conséquence, Mme [P] ne rapporte pas la preuve d'avoir subi une pression de son employeur pour accepter une modification de ses horaires de travail.
2) Concernant la perte de substance du poste de travail de Mme [P]
Mme [P] reproche à son employeur d'avoir nommé Mme [H] [O], coordinatrice des sites d'[Localité 3] et de [Localité 5] le 1er novembre 2021, alors que l'INFA connaissait des difficultés financières et que Mme [R] et Mme [P] exerçaient déjà ces fonctions.
Elle produit en effet une annonce du BODACC indiquant que, par jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a arrêté un plan de redressement de l'INFA pour une durée de 9 années, la décision d'ouverture de ce redressement datant du 1er octobre 2018, ainsi que des procès-verbaux du CSE de 2021 faisant état de difficultés financières.
Elle soutient qu'à compter du 1er novembre 2021, elle n'a plus reçu de mails concernant l'activité et l'organisation du site de [Localité 5].
Mme [R], qui a fait l'objet d'une rupture conventionnelle, atteste effectivement qu'à compter de la nomination de Mme [O], la charge de travail de Mme [P] a été allégée progressivement jusqu'à devenir inexistante ; qu'à partir du 2 novembre 2021, cette dernière n'a plus été destinataire des mails concernant l'activité et l'organisation du site de [Localité 5] ; que cette situation de mise à l'écart a perduré jusqu'au départ de Mme [P].
Mais, dans un mail du 2 novembre 2021, Mme [G] [X] avait indiqué que Mme [H] [O] devenait coordinatrice des sites d'[Localité 3] et de [Localité 5] 'en supplément des coordinatrices déjà en poste'. Elle ne disait pas qu'elle devait intervenir en remplacement de Mme [P].
Mme [P] produit une série de mails afin de démontrer la mise à l'écart qu'elle invoque :
- Dans un mail du 29 octobre 2021, Mme [G] [X] n'a pas transmis à Mme [P], mais seulement à Mme [I] [R] et à Mme [H] [O], une information selon laquelle Mme [W], en charge de la planification des formations, proposait que Mme [P] prenne en charge une formation le 3 novembre 2021.
Mais à cette date, le 29 octobre 2021, Mme [P] était en arrêt de travail, ce qui légitime cette absence d'information par l'INFA.
- Dans un mail du 3 novembre 2021, Mme [G] [X] a demandé à Mme [R], et non à Mme [P], si une formation évoquée par Mme [B], déléguée à la formation continue pour l'académie de [Localité 6], avait déjà été proposée par l'INFA, alors même que Mme [P] était en copie dans le message de Mme [B] adressée à Mme [G] [X].
Mme [P] n'était plus en arrêt de travail le 3 novembre 2021.
Mais, il s'agit seulement d'une demande d'information sans conséquence déterminante dont Mme [P] ne peut se prévaloir.
- Dans une série de mails du 28 octobre 2021 et du 2 novembre 2021, Mme [G] [X] n'a pas désigné Mme [P] comme susceptible de réaliser des formations VAE, mais seulement '[Z]' ou [H] [O] (mail du 2 novembre 2021). Mme [P] n'a été informée de cette désignation que le 3 novembre 2023 par Mme [L] [U], assistante pédagogique, et non par sa direction.
Or, Mme [P] en sa qualité de formatrice coordonnatrice aurait pu être avisée de cette information par sa hiérarchie, ce d'autant plus qu'il s'agissait de la mise à jour des catalogues de formation.
- Dans un mail du 3 novembre 2021, Mme [J] [W], chargée de planification, a informé Mme [G] [X] qu'il manquait des formateurs pour les 16, 17, 24 et 25 novembre 2021. Or, cette dernière en a informé seulement Mme [H] [O] et Mme [I] [R]. Le fait que Mme [P] ait été en formation le 3 novembre 2021 n'empêchait nullement qu'elle soit destinataire de cette information.
- Les mails de Mme [R] et de Mme [H] [O] du 4 novembre 2021 au sujet du remplacement de Mme [Y] par Mme [K] ne sont pas probants puisque [H] [O] a informé Mme [P] par mail du 4 novembre 2021 de ce remplacement.
- Dans un mail du 24 novembre 2021, Mme [G] [X] a informé Mme [L] [U] que [H] [O] serait responsable de session d'examens pour la VAE ADVF en mars 2022 et pour l'ADVF HSP en mai 2022 sur la plate-forme CERES.
L'INFA ne conteste pas que Mme [P] était auparavant référente CERES et donc la seule à devoir vérifier que toutes les conditions et obligations de l'examen soient satisfaites. Si l'INFA peut invoquer à juste titre son pouvoir de direction, elle ne justifie pas des raisons qui l'auraient conduite au remplacement de Mme [P] par Mme [H] [O] dans ces fonctions de référente CERES, sans l'en avertir au préalable.
Au total, il peut donc être noté qu'à trois reprises début novembre 2021, Mme [P] n'a pas été destinataire de mails alors qu'elle aurait dû l'être et que le 24 novembre 2021, elle a été écartée d'une fonction sans l'en avertir.
En revanche, au vu des mails des 16 novembre 2021 et 18 novembre 2021 et des mails ci-dessus énoncés, il n'est pas établi que Mme [O] se soit comportée comme sa supérieure hiérarchique.
En ce qui concerne l'absence d'invitation de Mme [P] à la réunion du 8 novembre 2021, l'INFA soutient que l'objet de cette réunion, c'est-à-dire le diplôme d'État d'accompagnement éducatif et social (DEAES) n'entrait pas dans son champ de compétence, ce domaine étant celui de Mme [R]. De plus, Mme [P] a été informée par Mme [R] le jour même du contenu de cette réunion suite à la demande de Mme [G] [X] de lui transmettre certains éléments pour que Mme [P] puisse prendre le relais. Elle n'a donc pas été écartée de la transmission d'informations à ce sujet.
De plus, l'INFA produit l'emploi du temps de Mme [P] sur la période du 1er novembre 2021 au 3 décembre 2021 qui fait apparaître qu'elle a participé à de nombreuses formations et réunions jusqu'au 22 novembre 2021, date concomitante à la prise d'acte de la rupture. De même, des mails produits par l'INFA sur la période du 29 septembre 2021 au 24 novembre 2021 montrent qu'elle assumait sa mission de coordination de formation, y compris concernant le GRETA.
Ce d'autant plus que, si Mme [P] reproche également à son employeur l'absence de visite médicale auprès de la médecine du travail, l'INFA, elle a été convoquée pour la date du 21 décembre 2021 à une telle visite.
Concernant l'attestation de Mme [E] [B] du 9 novembre 2022, elle vise une dégradation de l'état de santé de Mme [P] à compter de septembre 2020, ce qui ne correspond pas à la période critiquée par Mme [P]. De plus, elle ne met pas en relation cette dégradation avec le travail de Mme [P]. Si la direction de l'INFA l'a informée que Mme [P] ne serait plus son interlocutrice sur le dispositif de formation pour lequel elles intervenaient ensemble depuis de nombreuses années, cette disposition relève du pouvoir de direction de l'employeur.
Au total, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que les faits relevés à l'encontre de l'INFA ne sont pas suffisamment graves pour justifier une prise d'acte de la rupture à ses torts. En outre, ils ne rendaient nullement impossible la poursuite du contrat de travail. Ce d'autant plus que Mme [P] n'a pas alerté son employeur au sujet des mails non transmis et a pris directement acte de la rupture le 26 novembre 2021.
Par ailleurs, il convient de noter que dans sa lettre du 5 novembre 2021, le conseil de Mme [P] avait indiqué à l'INFA que : 'Madame [H] [P] m'a indiqué que depuis le non-renouvellement de certains marchés suite à des appels d'offres auxquels la FONDATION INFA n'a pas été en capacité de soumissionner compte tenu de sa situation de redressement judiciaire, son poste de travail avait été progressivement vidé de sa substance, et que suite à une réorganisation des services, il lui était désormais demandé de transférer le reste de son activité au Service développement situé à [Localité 4]'.
Il s'en évince que Mme [P] se plaignait que son poste avait été vidé de sa substance, non pas en raison d'une mise à l'écart par son employeur, mais en raison des difficultés financières anciennes de l'INFA, son activité allant être transférée à [Localité 4].
D'ailleurs, Mme [P] a anticipé ces difficultés car elle a signé un contrat de travail à durée déterminé à temps complet avec la mission locale de l'arrondissement de [Localité 5] dés le 13 décembre 2021 pour une durée de six mois en qualité de chargée de projet. Ce contrat a été renouvelé par avenant du 16 juin 2022 jusqu'au 12 juin 2023.
La prise d'acte de Mme [P] doit donc s'analyser comme une démission. Elle doit donc être déboutée de sa demande tendant à voir dire et juger que sa prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes en paiement subséquentes.
Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
- Sur la demande de Mme [P] de communication par l'INFA de l'attestation à la formation de formateur multimodal
Début octobre 2021, Mme [P] a suivi une formation diligentée par 'le Campus Digital'de formateur multimodal.
Il appartient à Mme [P] de solliciter auprès de cet organisme délivrance de cette attestation.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
- Sur la rectification du certificat de travail de Mme [P] et de l'attestation Pôle Emploi
Les dispositions du jugement à ce titre seront confirmées, des omissions apparaissant sur chacun de ces documents.
- Sur la demande reconventionnelle de l'INFA en paiement du préavis
La prise d'acte de Mme [P] s'analysant comme une démission, elle aurait dû effectuer un préavis d'une durée de deux mois.
Elle a quitté son poste le 12 décembre 2021. C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes l'a condamnée à payer à l'INFA la somme de 3 193,42 € brut correspondant à la période de préavis non exécuté.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [P] succombant à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens avec bénéfice de distraction au profit de Maître Philippe Chabaud, avocat.
Il est équitable de débouter chacune des parties de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Brive le 15 juin 2023 ;
DEBOUTE chacune des parties de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [H] [N] épouse [P] aux dépens avec bénéfice de distraction au profit de Maître Philippe Chabaud, avocat.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.