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23/05/2024 | FRANCE | N°23/00247

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 23 mai 2024, 23/00247


ARRET N° 188



N° RG 23/00247 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BINYA



AFFAIRE :



S.A.S. GRENKE LOCATION agissant par son Président

C/

Mme [R] [N] épouse [K]

S.A.R.L. ABC TELEPHONIE ET INFORMATIQUE









GS/LM







Demande en nullité d'un contrat de prestation de services



















Grosse délivrée aux avocats





COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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AR

RET DU 23 MAI 2024

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Le VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :



ENTRE :



S.A.S. GRENKE LOCATION agissant par son Président, demeurant [Ad...

ARRET N° 188

N° RG 23/00247 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BINYA

AFFAIRE :

S.A.S. GRENKE LOCATION agissant par son Président

C/

Mme [R] [N] épouse [K]

S.A.R.L. ABC TELEPHONIE ET INFORMATIQUE

GS/LM

Demande en nullité d'un contrat de prestation de services

Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

---==oOo==---

ARRET DU 23 MAI 2024

---===oOo===---

Le VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.A.S. GRENKE LOCATION agissant par son Président, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laurence DUMONT, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d'une décision rendue le 23 JANVIER 2023 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LIMOGES

ET :

Madame [R] [N] épouse [K]

née le 03 Février 1951 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES

S.A.R.L. ABC TELEPHONIE ET INFORMATIQUE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL SELARL LX LIMOGES, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEES

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 21 Mars 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 mars 2024.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 23 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

---==oO§Oo==---

LA COUR

FAITS et PROCÉDURE

Le 11 mars 2020, Mme [R] [K], médecin ophtalmologiste, a sur la base d'une 'offre actualisation forfait' qui lui avait été faite par la société ABC téléphonie et informatique (la société ABC), signé électroniquement un bon de commande portant sur une installation de téléphonie. Le matériel a été loué par Mme [K] auprès de la société Grenke location (la société Grenke) suivant contrat de location du 2 juin 2020.

Le 14 avril 2020, Mme [K] a signé électroniquement un bon de commande d'une 'baie de brassage' et d'un 'câblage réseau LAN'. Le matériel nécessaire a été loué par Mme [K] auprès de la société Grenke suivant contrat de location du 5 mai 2020.

Insatisfaite par cette installation qui n'offrait pas les avantages, notamment financiers, mentionnés dans l'offre qu'elle avait reçue, Mme [K] a assigné les 7 et 13 septembre 2021, les sociétés ABC et Grenke devant le tribunal judiciaire de Limoges aux fins d'annulation des bons de commande des 11 mars et 14 avril 2020 sur le fondement du dol et paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Par jugement du 23 janvier 2023, le tribunal judiciaire a notamment:

- prononcé l'annulation pour dol des contrats conclus entre Mme [K] et la société ABC les 11 mars et 14 avril 2020,

- constaté, par voie de conséquence, la caducité des contrats de location du matériel conclus avec la société Grenke,

- dit que la société Grenke devra récupérer à ses frais le matériel loué,

- rejeté la demande de dommages-intérêts de Mme [K] faute de démonstration d'un préjudice.

La société Grenke a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

La société Grenke conclut à la nullité du jugement, le premier juge ayant constaté la caducité des contrats de location, au motif pris de l'interdépendance des contrats, alors qu'il n'était saisi d'aucune demande en ce sens, au surplus sans avoir invité les parties à formuler leurs observations sur ces points. Cette société demande que la prétention formée par Mme [K] en cause d'appel tendant à voir prononcer la caducité des contrats de location soit déclarée irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle conclut au rejet de cette prétention, la location du matériel étant autonome par rapport aux contrats signés avec la société ABC. Elle réclame reconventionnellement la condamnation de Mme [K] à lui payer les sommes dues consécutivement à la résiliation anticipée des locations. Très subsidiairement, pour le cas où la caducité des contrats de location était prononcée, elle demande la condamnation de la société ABC à l'indemniser de son préjudice.

La société ABC, appelante incidente, conclut au rejet des demandes de Mme [K] en soutenant l'absence de dol.

Mme [K] conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, en cas de validité des contrats de location, elle demande à être relevée indemne par la société ABC de toutes condamnations prononcées au profit de la société Grenke. En tout état de cause, elle sollicite le remboursement des mensualités qu'elle a payées pour une installation qui n'a jamais été opérationnelle.

MOTIFS

Sur la nullité des contrats conclus les 11 mars et 14 avril 2020 entre Mme [K] et la société ABC.

Mme [K] fonde sa demande d'annulation de ces contrats sur le dol commis par la société ABC.

C'est au terme d'une exacte analyse des éléments de fait et de preuve versés aux débats, et par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte, que les premiers juges ont retenu que l'offre 'actualisation forfait' faite par la société ABC à Mme [K] le 11 mars 2020 était mensongère, en particulier sur deux éléments ayant déterminé le consentement de cette dernière:

- d'abord, la simplicité administrative annoncée était illusoire puisqu'au lieu de la facturation unique mentionnée dans l'offre, Mme [K] était destinataire de trois factures, l'une pour la location du matériel téléphonique, une autre pour la location de la baie de brassage, présentée comme indispensable, et la troisième pour l'abonnement auprès d'un opérateur de téléphonie qui s'est révélé être une entité distincte de la société ABC,

- ensuite, les conditions financières de l'offre de téléphonie faisant état d'un coût mensuel de 272,28 euros HT par mois, soit une économie de 28% qui a déterminé le consentement de Mme [K], se sont avérées mensongères puisque, depuis la location de la 'baie de brassage' et le câblage de son réseau, celle-ci supporte un coût mensuel de 533,73 euros HT, sensiblement supérieur au coût mensuel de son ancien opérateur 'Orange' qui s'élevait à 183 euros TTC.

En sa qualité de professionnelle de la téléphonie, la société ABC ne pouvait ignorer que les conditions, notamment tarifaires, de son offre ne pouvaient être tenues. C'est donc de manière délibérée qu'elle a présenté une offre trompeuse à Mme [K].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que le consentement de Mme [K] avait été vicié par l'offre mensongère de la société ABC et qu'il a annulé les contrats conclus les 11 mars et 14 avril 2020 pour dol.

Sur la caducité des contrats de location de matériels souscrits les 5 mai et 2 juin 2020 par Mme [K] auprès de la société Grenke.

Devant le tribunal judiciaire, Mme [K] n'a pas remis en cause la validité des contrats de location de matériels conclus les 5 mai et 2 juin 2020 avec la société Grenke. Elle n'a formulé aucune demande à l'encontre de la société Grenke, ses prétentions étant exclusivement dirigées à l'encontre de la société ABC dont elle demandait qu'elle soit notamment condamnée à la garantir des sommes dues à la société Grenke au titre des loyers.

Le tribunal judiciaire ne pouvait donc, sans méconnaître les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, constater la caducité des contrats de location au motif pris de l'interdépendance des relations contractuelles, alors qu'il n'était saisi d'aucune demande en ce sens, au surplus sans recueillir préalablement les observations des parties sur ce point, au mépris des exigences de l'article 16 du même code. Il s'ensuit que les chefs de décision constatant la caducité des contrats de location, après avoir retenu leur interdépendance avec les contrats de téléphonie et condamnant la société Grenke à récupérer à ses frais le matériel loué, seront annulés.

En cause d'appel, Mme [K], qui conclut à la confirmation du jugement, formule, de fait, une demande tendant à voir constater la caducité des contrats de location.

Cette demande est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, comme formée pour la première fois en cause d'appel par Mme [K] qui ne formulait aucune prétention à l'encontre de la société Grenke en première instance, aucun fait nouveau n'étant survenu dans le litige qui pourrait justifier cette demande nouvelle.

Sur les demandes reconventionnelles en paiement formées par la société Grenke à l'encontre de Mme [K].

Mme [K] ayant cessé de régler les loyers convenus dans les deux contrats de location, la société Grenke, après lui avoir adressé deux courriers recommandés datés du 17 janvier 2022 (un courrier par contrat) la mettant en demeure de régulariser l'arriéré impayé, qui sont restés infructueux, lui a signifié, le 25 février 2022, la résiliation anticipée des locations tout en lui réclamant:

- le paiement des sommes restant dues (loyers échus impayés, indemnité contractuelle de résiliation, pénalité, intérêts et frais de recouvrement), conformément aux articles 8 et 10 des contrats,

- la restitution du matériel loué, conformément à l'article 11 des contrats.

La créance de la société Grenke consécutive à la résiliation anticipée des contrats de location s'établit aux montant suivants:

- 11 534,39 euros au titre du contrat du 5 mai 2020, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points (article 8 du contrat) sur la somme de 10 609,14 euros à compter du 25 février 2022, date de la mise en demeure de payer,

- 10 583,49 euros au titre du contrat du 2 juin 2020,avec intérêts au taux légal majoré de cinq points (article 8 du contrat) sur la somme de 9 742 euros à compter du 25 février 2022, date de la mise en demeure de payer.

Mme [K] sera condamnée à payer les sommes précitées à la société Grenke.

Mme [K] sera également condamnée à restituer les matériels loués à la société Grenke, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette décision d'une astreinte.

Sur le recours en garantie formé par Mme [K] à l'encontre de la société ABC.

L'offre mensongère de la société ABC a déterminé Mme [K] à contracter avec cette société, mais aussi à souscrire les locations du matériel nécessaire auprès de la société Grenke, tout cela pour une installation qui ne répondait pas aux attentes convenues. Il s'ensuit que le recours en garantie formé par Mme [K] à l'encontre de la société ABC apparaît fondé et que cette société sera condamnée:

- à rembourser à Mme [K] les loyers versés à la société Grenke, soit un montant non contesté de 9 487 euros,

- à relever indemne Mme [K] des condamnations précédemment prononcées contre elle au profit de la société Grenke au titre de la résiliation anticipée des deux contrats de location.

PAR CES MOTIFS

La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu le 23 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Limoges, mais seulement en ses dispositions:

- prononçant l'annulation pour dol des contrats de fourniture et d'installation de matériels téléphoniques souscrits les 11 mars 2020 et 14 avril 2020 par Mme [R] [K] auprès de la société ABC téléphonie et informatique;

- condamnant la société ABC téléphonie et informatique à payer à Mme [R] [K] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamnant la société ABC téléphonie et informatique aux dépens;

Le RÉFORME pour le surplus et statuant à nouveau,

DÉCLARE irrecevable la demande de Mme [R] [K] tendant à voir constater la caducité des contrats de location de matériels qu'elle a souscrits auprès de la société Grenke location les 5 mai 2020 et 2 juin 2020;

CONDAMNE Mme [R] [K] à payer à la société Grenke location:

- 11 534,39 euros au titre du contrat du 5 mai 2020, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 10 609,14 euros à compter du 25 février 2022, date de la mise en demeure de payer,

- 10 583,49 euros au titre du contrat du 2 juin 2020,avec intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 9 742 euros à compter du 25 février 2022, date de la mise en demeure de payer;

CONDAMNE la société ABC téléphonie et informatique à relever indemne Mme [R] [K] des condamnations précitées prononcées à l'encontre de celle-ci au profit de la société Grenke location;

CONDAMNE la société ABC téléphonie et informatique à payer à Mme [R] [K] la somme de 9 487 euros correspondant aux loyers versés par elle à la société Grenke location;

DIT que Mme [R] [K] devra restituer à la société Grenke location le matériel loué, à savoir:

- au titre du contrat de location du 5 mai 2020: une baie de brassage et son câblage,

- au titre du contrat de location du 2 juin 2020: un serveur + postes ;

CONDAMNE la société ABC téléphonie et informatique à payer à Mme [R] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'équité, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Grenke location ;

CONDAMNE la société ABC téléphonie et informatique aux dépens et DIT qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00247
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.00247 ?
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