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02/05/2024 | FRANCE | N°23/00621

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 02 mai 2024, 23/00621


ARRET N° 155



N° RG 23/00621 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPOP







AFFAIRE :



Mme [Y] [D]



C/



Etablissement Public FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME









MCS/LLS





Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière

































Grosse délivrée aux avocats

COUR D'

APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU 02 MAI 2024



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Le DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :





ENTRE :



Madame [Y]...

ARRET N° 155

N° RG 23/00621 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPOP

AFFAIRE :

Mme [Y] [D]

C/

Etablissement Public FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME

MCS/LLS

Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière

Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

---==oOo==---

ARRÊT DU 02 MAI 2024

---==oOo==---

Le DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Madame [Y] [D]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patricia CHARMEY, avocat au barreau de TULLE substitué par Me Benjamin KOHLER, avocat au barreau de LIMOGES

bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C87085.2023.004620 du 24/07/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges

APPELANTE d'une décision rendue le 18 JUILLET 2023 par le JUGE DE L'EXECUTION DE TULLE

ET :

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME, ayant pour adresse [Adresse 4]

représentée par Me Christine MARCHE de la SELARL MARCHE CAETANO, avocat au barreau de TULLE substituée par Me Mylène ORLIAGUET, avocat au barreau de TULLE

INTIMÉ

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation à bref délai du Président de chambre, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 Janvier 2024 en application de l'article 905 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Monsieur Philippe VITI, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport. Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Après quoi, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 13 Mars 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 27 Mars 2024, puis au 10 Avril 2024 et au 02 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre,de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller et de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

---==oO§Oo==---

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE:

Par acte de commissaire de justice du 12 décembre 2022, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions( FGV) a fait procéder à la saisie des sommes déposées sur les comptes ouverts dans les livres de la Caisse d'Epargne par Mme [Y] [D], et ce en vertu d'un arrêt criminel du 25 mars 2021et d'un arrêt rendu sur intérêts civils le 15 avril 2021 par la cour d'assises des mineurs du Lot, ainsi que d'une décision de la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI)du tribunal judiciaire d'Agen du 7 février 2022 aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 94 088, 08 euros en principal, intérêts et frais. Le FGV a exposé être subrogé en application de l'article 706-11 du code de procédure pénale, dans les droits des consorts [W] -[I], auxquels il a versé les indemnités qui leur ont été allouées par décision de la CIVI.

La saisie, qui s'est révélée fructueuse à hauteur de 4 593,16 euros, fraction insaisissable non déduite, a été dénoncée à Mme [D] le 16 décembre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 15 février 2023, Mme [D] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Tulle aux fins essentielles de :

- voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution au motif que les sommes déposées sur son compte bancaire étaient insaisissables,

- voir condamner le FGV à lui payer la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Par jugement contradictoire du 18 juillet 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Tulle a :

- déclaré la contestation de Mme [Y] [D] recevable comme ayant été intentée dans le délai prévu par l'article R211-11 du code des proécures civiles d'exécution,

- rejeté la demande de Mme [D] aux fins de mainlevée de la saisie-attribution ;

- rejeté sa demande de dommages-intérêts ;

- l'a condamnée à verser au Fonds de garantie des victimes la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par déclaration du 7 août 2023 effectuée dans des conditions de forme et de délai non contestées, Mme [D] a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré sa contestation recevable.

L'affaire a été orientée à bref délai.

*****

Par conclusions signifiées et déposées le 18 septembre 2023, Mme [Y] [D] demande à la cour de réformer le jugement et, statuant à nouveau:

- d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par le FGV à son encontre ;

- de le condamner à lui verser les sommes suivantes :

* 500 euros à titre de réparation de son préjudice moral,

* 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

* les entiers dépens.

Par conclusions signifiées et déposées le 17 octobre 2023, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions( FGV) demande à la cour de confirmer le jugement, et de condamner Mme [D] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens d'appel avec distraction au profit de son conseil.

MOTIFS DE LA DECISION:

* Sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution :

Elle n'est pas contestée en cause d'appel ; la disposition du jugement querellé déclarant recevable la contestation de Mme [Y] [D] est définitive.

* Sur le bien-fondé de la contestation :

Reprenant l'argumentation développée dans le premier juge, Mme [Y] [D] soutient que le compte bancaire sur lequel a été pratiquée la saisie-attribution est crédité de sommes insaisissables constituées de son allocation adulte handicapée. Elle produit en cause d'appel le relevé de son compte bancaire ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne sous le numéro [XXXXXXXXXX03].

Il est constant que l'allocation adulte handicapée constitue une prestation insaisissable en application des dispositions de l'article L821-5 du code de la sécurité sociale sauf dans deux cas : pour le paiement des frais d'entretien de la personne handicapée et pour le recouvrement des créances mentionnées aux articles L581-1 et L581-3 du même code ; ces hypothèses ne correspondent pas à la situation de l'espèce.

Par ailleurs, en vertu de l'article L112-2, 3° du code des procédures civiles d'exécution, ne peuvent être saisies les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie.

L'article 112-4 du même code dispose que les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables dans les conditions prévues par décret en conseil d'État et l'article R112-5 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que lorsqu'un compte est crédité du montant des créances insaisissables en tout ou partie, l'insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte.

Il incombe au débiteur saisi de démontrer que les sommes dont son compte bancaire est crédité ont la nature de créances insaisissables.

S'il est établi que Mme [Y] [D] est bénéficiaire de l'AAH créditée mensuellement sur son compte, l'examen de l'historique dudit compte pour la période du 15 janvier 2021 au 27 décembre 2022 révèle qu'il a été crédité antérieurement à la saisie-attribution, d'autres sommes dont elle ne démontre pas le caractère insaisissable.

Ainsi, le 2 mars 2022, son compte a été crédité de remise de chèques pour un montant global de 1454 € ; en outre, elle a procédé sur son compte de dépôt à 7 versements de 200 € (1400 €) entre le 7 mars 2022 et le 8 novembre 2022, de sorte qu'une somme totale de 2854 € a été créditée sur son compte dont elle n'a pas précisé l'origine, de sorte qu'elle ne peut affirmer que son compte bancaire n'est créditeur que de prestations insaisissables.

À la date de la saisie-attribution le 12 décembre 2022, la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin, tiers saisi, a précisé au commissaire de justice, que le compte de sa cliente présentait au 12 décembre 2022, un solde s'élevant à la somme de 4593,16 €.

Selon l'article L162-1 du code des procédures civiles d'exécution, 'lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, celui-ci est tenu de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie. Dans le délai de 15 jours ouvrables qui suit la saisie et pendant lesquelles les sommes laissées aux comptes sont indisponibles, ce solde peut être affecté à l'avantage au préjudice du saisissant par les opérations énumérées par le présent 'article dès lors qu'il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie.... Le solde saisi attribué n' est diminué par ces éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement.'

En l'espèce, la cour ne dispose d'aucun document émanant du tiers saisi établissant la variation du solde de 4593,16€, étant observé que si le relevé de compte produit par la débitrice en cause d'appel mentionne à la date du 13 décembre 2022 , 'saisie-attribution' en débit, avec l'indication d'une somme de 3994,62 €, il est mentionné à la suite de ce débit, diverses opérations pour un montant total de 600,99 €, inscrites également au débit du compte en date des 15 décembre 2022, 20 décembre 2022 et 27 décembre 2022, soit pour des dates postérieures à la saisie-attribution.

Le solde du compte déclaré par le tiers saisi au commissaire de justice le 12 décembre 2022 (4593,16€) sera donc seul retenu.

Il sera rappelé que lorsque les sommes insaisissables versées sur un compte proviennent de créances à échéance périodique, l'insaisissabilité ne porte pas seulement sur le dernier versement effectué mais sur l'ensemble des fonds insaisissables cumulés ; cependant, si l'insaisissabilité porte donc sur la totalité du solde créditeur du compte, encore faut-il que le compte soit exclusivement alimenté de créances insaisissables, sachant que c'est au débiteur saisi d'apporter la preuve de la prétendue insaisissabilité des sommes saisies (en ce sens, Cass. com., 17 mars 2004, pourvoi n° 01-15.218), (en ce sens Cour de cassation, 2e civ 14-10-2004).

En l'espèce, le compte de Mme [Y] [D] a été crédité par une somme totale de 2854 € dont elle n'a pas précisé l'origine, de sorte qu'elle ne peut affirmer que son compte bancaire n'est créditeur que de prestations insaisissables et elle ne peut soutenir utilement que l'insaisissabilité porte sur la totalité du solde créditeur.

Dans ces conditions, la contestation de Mme [Y] [D] sera partiellement accueillie en ce que la saisie-attribution pratiquée le 12 décembre 2022 sera limitée à la somme de 1739,16 € (4593,16€- 2854€).

Mme [Y] [D] sera déboutée du surplus de sa contestation et la saisie-attribution sera donc validée à concurrence de la somme de 1739,16€.

* Sur les demandes accessoires :

La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de Mme [Y] [D] sera rejetée, dès lors que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGV) a pratiqué la mesure d'exécution dans l'ignorance du caractère partiellement insaisissable des sommes dont était crédité le compte de l'appelante.

Le premier juge, qui a débouté Mme [Y] [D] de sa contestation au motif justifié qu'elle ne démontrait pas que son compte bancaire était crédité de sommes exclusivement insaisissables, l'a condamnée à payer au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGV) une somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'allocation de cette somme au créancier sera confirmée.

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGV) sera débouté en cause d'appel de sa demande complémentaire à ce titre et Mme [Y] [D] bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale sera également déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Les dépens de première instance seront laissés à la charge de Mme [Y] [D] et chacune des parties, succombant partiellement supportera la charge des dépens d'appel par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

La Cour  d'appel statuant publiquement, par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME les dispositions critiquées du jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

- débouté Mme [Y] [D] de sa demande en dommages-intérêts,

- l'a condamnée à payer au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGV), la somme de 800 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens de première instance,

Statuant de nouveau,

DÉCLARE partiellement fondée la contestation de Mme [Y] [D],

LIMITE les effets de la saisie-attribution pratiquée le 12 décembre 2022 sur le compte bancaire de Mme [Y] [D] ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin sous le numéro [XXXXXXXXXX03] à hauteur de la somme de 1739,16 €, et la valide pour ce montant,

DÉBOUTE Mme [Y] [D] du surplus de sa contestation,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

REJETTE les demandes plus amples ou contraires,

DIT que chaque partie supportera les dépens d'appel par elles exposés.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Laetitia LUZIO SIMOES. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00621
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.00621 ?
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