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02/05/2024 | FRANCE | N°23/00078

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 02 mai 2024, 23/00078


ARRET N°157



N° RG 23/00078 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BINEJ







AFFAIRE :



E.U.R.L. CASA NOVA Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en

cette qualité audit siège.





C/



Mme [R] [K]









MCS/LLS





Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction








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Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU 02 MAI 2024



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Le DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE la Chambre civile de la cour d'ap...

ARRET N°157

N° RG 23/00078 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BINEJ

AFFAIRE :

E.U.R.L. CASA NOVA Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en

cette qualité audit siège.

C/

Mme [R] [K]

MCS/LLS

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Grosse délivrée aux avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

---==oOo==---

ARRÊT DU 02 MAI 2024

---==oOo==---

Le DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

E.U.R.L. CASA NOVA,

ayant pour adresse [Adresse 2]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d'une décision rendue le 13 DECEMBRE 2022 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE GUERET

ET :

Madame [R] [K]

née le 23 Décembre 1965 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe LEFAURE de la SELAS HADES AVOCATS, avocat au barreau de la CREUSE

INTIMÉE

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 31 Janvier 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Monsieur Philippe VITI, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport. Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Après quoi, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 20 Mars 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 03 Avril 2024, puis au 10 Avril 2024 et au 02 Mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre,de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller et de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

---==oO§Oo==---

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE :

Le 10 juin 2020, Mme [R] [K] a confié à l'EURL CASA NOVA, la construction d'une maison individuelle sur sa parcelle cadastrée [Cadastre 3] à [Localité 5], moyennant la somme de 102 952 euros TTC, dont 8 910 euros de travaux restant à la charge du maître d'ouvrage.

Les travaux devaient débuter au plus tard le 19 février 2021 et durer 14 mois.

Les travaux n'ayant pas été effectués, Mme [K], par acte d'huissier de justice du 16 décembre 2021, a fait assigner l'EURL CASA NOVA devant le Tribunal judiciaire de Guéret aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de bail et d'obtenir la réparation de ses préjudices.

L'EURL CASA NOVA s'est opposée à ces demandes en soutenant ne pas avoir été en mesure de débuter les travaux, Mme [K] n'ayant pas entrepris les travaux de terrassement qu'elle s'était réservés.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Guéret a :

- prononcé la résolution du contrat de construction de maison individuelle signé le 10 juin 2020 entre les parties ;

- condamné l'EURL CASA NOVA à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

* 3 000 euros au titre du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,

* 2 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure

* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil.

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné l'EURL CASA NOVA aux dépens.

Par déclaration du 18 janvier 2023 effectuée dans des conditions de forme et de délai non contestées, l'EURL CASA NOVA a relevé appel total de ce jugement.

L'affaire a été orientée à la mise en état.

*****

Par dernières conclusions signifiées et déposées le 14 septembre 2023, l'EURL CASA NOVA demande à la cour de réformer le jugement et, statuant à nouveau:

à titre principal,

- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes.

à titre subsidiaire,

- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires totalement infondées ;

en tout état de cause,

- condamner Mme [K] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées et déposées le 20 septembre 2023, Mme [R] [K] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a limité le montant des sommes qui lui ont été allouées et, statuant à nouveau sur ces points de :

- condamner l'EURL CASA NOVA à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts 'de droit' à compter de la délivrance de l'assignation initiale du 16 décembre 2021 :

* 172,33 euros au titre des intérêts intercalaires du prêt,

* 3 199,87 euros au titre du coût de l'assurance,

* 10 000 euros pour préjudice économique,

* 6 000 euros au titre des démarches amiables qu'elle a du accomplir,

* 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamner l'EURL CASA NOVA à lui payer une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'appel.

****

La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

La clôture de la procédure a été prononcée le 20 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

* Sur la résolution du contrat de construction de maison individuelle :

Mme [R] [K] sollicite la résolution du contrat de construction de maison individuelle conclu le 10 juin 2020 avec l'EURL CASA NOVA au motif qu'en dépit de multiples relances, le constructeur n'a jamais commencé les moindres travaux et qu'en réalité, il n'avait aucunement l'intention de construire l'immeuble convenu.

En défense, l'EURL CASA NOVA fait valoir, à titre principal que le lot terrassement permettant l'accès au chantier que s'était réservé le maître d'ouvrage n'a pas été exécuté et qu'il constituait une condition suspensive au commencement des travaux de construction.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, le contrat mettait à la charge du client, la réalisation du lot' terrassement '(pages 4 et 6 de la notice descriptive ) travaux évalués à la somme de 2200 € et les conditions générales précisaient (article 2-5) que les travaux ne pourraient recevoir aucun début d'exécution avant que le maître d'ouvrage ait fait exécuter tous les travaux préalables au démarrage du chantier et dont le maître d'ouvrage n'avait pas demandé l'exécution au constructeur.

Cependant, le premier juge a relevé à bon droit au vu de la teneur des réponses du gérant de l'EURL CASA NOVA aux multiples courriels adressés par Mme [R] [K] pour lui demander de débuter les travaux, que cette entreprise n'avait jamais invité le maître d'ouvrage à faire réaliser préalablement les terrassements et ne lui a pas non plus proposé de s'en charger avec un supplément de prix. À aucun moment avant l'introduction de la procédure, elle n'a opposé à Mme [R] [K], l'absence de réalisation du terrassement pour justifier son inaction. De surcroît, le constat d'accord signé par les parties le 6 juillet 2021, devant le conciliateur de justice saisi par Mme [R] [K] ne mentionne pas comme condition préalable à la réalisation de la construction, l'exécution des travaux de terrassement par le maître d'ouvrage

Dans ces conditions, le premier juge a légitimement considéré que ce n'était nullement en raison de la non réalisation du terrassement que le constructeur n'avait pas exécuté le contrat du 10 juin 2021 et qu'en réalité, il s'était désintéressé du chantier et était dès lors malvenu pour justifier sa carence,à opposer ce moyen à Madame [K], qu'il n'avait jamais mise en demeure de procéder, préalablement au commencement des travaux de construction, à l'exécution du lot terrassement.

Par ailleurs, il est établi que cette dernière a rempli les conditions suspensives mises à sa charge : à savoir l'obtention du permis de construire le 21 août 2020, l'obtention du financement bancaire de l'opération le 19 décembre 2020. L'acte d'achat du terrain à bâtir sur lequel devait être implantée la construction est intervenue le 20 janvier 2021.

En exécution du constat d'accord signé le 6 juillet 2021, elle a obtenu le procès-verbal d'affichage du permis de construire qu'elle a adressé à l'EURL CASA NOVA le 8 septembre 2021 par courrier reçu par l'EURL CASA NOVA le 10 septembre 2021( sa pièce 17).

L'EURL CASA NOVA avait pris l'engagement devant le conciliateur de débuter les travaux dès l'obtention du procès-verbal d'affichage purgé de tout recours.

Mise en demeure à nouveau par Mme [R] [K], l'EURL CASA NOVA n'a pas entrepris les travaux.

L'inexécution par le constructeur de ses obligations est caractérisée et revêt un caractère fautif.

Mme [R] [K] est donc fondée à solliciter la résolution du contrat de construction de maison individuelle aux torts exclusifs de l'EURL CASA NOVA sur le fondement des dispositions des articles 1217 et 1224 du Code civil.

La décision du premier juge sera confirmée de ce chef;

* Sur les préjudices de Mme [R] [K] :

Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts soit raison de l'inexécution des obligations soit raison du retard de l'exécution s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Il ressort de l'article 1231-2 du même code que les dommages-intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sauf les exceptions et modifications ci-après.

L'article 1231-3 du code civil dispose que le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus et qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive;

Enfin, l'article 1231-4 dispose que ' dans le cas même où l'inexécution du contrat résulte d'une faute lourde ou dolosive, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution.

L'absence de réalisation de la construction projetée alors même que le maître d'ouvrage avait obtenu les prêts nécessaires pour financer l'opération a entraîné pour Mme [R] [K] divers préjudices indemnisables.

Mme [R] [K] est fondée à réclamer au constructeur le remboursement :

- de la somme de 172, 33€ au titre des intérêts intercalaires réglés en 2021 et 2022 pour les prêts souscrits,

- de la somme de 2357,44 € au titre des assurances réglées en 2021 et 2022 pour les prêts souscrits; Mme [R] [K] sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre dès lors que les sommes portées sur la pièce 20 sont incluses dans celles mentionnées dans sa pièce 23.

Elle sollicite également l'allocation de la somme de 10 000 € pour préjudice économique lié à l'augmentation du coût de la construction entre le 19 février 2021, date programmée pour le début des travaux et la date de souscription d' un nouveau contrat de construction de maison après jugement à intervenir.

Mme [R] [K] n'a pas chiffré précisément le préjudice financier qu'elle va subir ; cependant ce préjudice est incontestable dès lors que les coûts de construction ont augmentéde manière importante ainsi que l'établit l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis 2021 et qu'elle ne pouvait souscrire un nouveau contrat de construction avant d'être déliée judiciairement de celui souscrit auprès de l'EURL CASA NOVA. Ce chef de préjudice incontestable sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme de 7000€.

Elle sollicite également l'allocation d'une somme complémentaire de 6000€ :

- au titre de ses nombreuses démarches amiables pour réaliser l'opération; elle justifie effectivement à ses pièces des nombreux mails et courriers adressés en 2021 et 2002 au constructeur pour le faire réagir, en vain.

- au titre de de la perte de son permis de constuire, qui ne pouvait être prorogé au délà d'août 2023,ce qui la contraindra à redéposer un nouveau permis.

Il lui sera accordé au titre du préjudice résultant du temps perdu et des frais générés par ses démarches amiables ainsi que de la perte de son permis de construire, la somme de 3000€.

Mme [K] sollicite l'indemnisation de frais exposés 'en pure perte' pour la réalisation de l'opération d'acquisition de la parcelle et son financement (négociateur bancaire :1200€ et notaire : 3480€). Or, elle demeure propriétaire du terrain dont elle ne démontre pas que la constructibilité aurait été perdue , s'agissant d'un terrain inclus dans un lotissement. Ces chefs de préjuduce seront rejetés.

Enfin, l'EURL CASA NOVA, par sa défaillance fautive et ses promesses non tenues, a occasionné à Mme [R] [K] un préjudice moral incontestable dans la mesure celle-ci avait choisi cette société pour réaliser son projet de construction et qu'ayant rempli de son côté, les conditions qui lui incombaient, elle aurait dû habiter cet immeuble dans le délai contractuellement convenu (14 mois à compter de l'ouverture du chantier). Elle a tenté de nombreuses démarches auprès de l'entreprise pour l'inciter à exécuter ses obligations en vain. Ce préjudice moral sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 2500€.

* Sur les demandes accessoires :

Succombant en ses prétentions et en son recours, l'EURL CASA NOVA supportera les dépens de première instance et d'appel, ce qui exclut par ailleurs qu' elle puisse bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Il serait, en outre, inéquitable de laisser Mme [R] [K] supporter l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts.

Ainsi, outre la somme déjà allouée par le premier juge, une indemnité supplémentaire de 2500 euros lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour  d'appel statuant publiquement, par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné l'EURL CASA NOVA à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

- 3 000 euros au titre du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,

- 2 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure

Statuant des chefs infirmés,

CONDAMNE l'EURL CASA NOVA à payer à Mme [R] [K], à titre de dommages-intérêts :

- la somme de 2529,77€ au titre de son préjudice matériel,

- la somme de 7000€ au titre du préjudice économique,

- la somme de 3000€ au titre des frais générés par les démarches amiables infructueuses et par la perte du permis de construire

- la somme de 2500€ au titre du préjudice moral,

lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2022,

Y ajoutant,

CONDAMNE l'EURL CASA NOVA à verser à Mme [R] [K] une somme de 2500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

REJETTE les demandes plus amples ou contraires,

DIT que les dépens d'appel seront supportés par l'EURL CASA NOVA.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Laetitia LUZIO SIMOES. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00078
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.00078 ?
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