ARRÊT N° 78
N° RG 22/00815 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMNW
AFFAIRE :
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège de la société.
C/
M. [Y] [X] [K]
JP/MS
Cautionnement - Recours de la caution contre le débiteur principal ou contre une autre caution
Grosse délivrée à Me Christophe DURAND-MARQUET, Me Laetitia DAURIAC, le 04 avril 2024.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 04 AVRIL 2024
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Le quatre avril deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège de la société., demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 10 OCTOBRE 2022 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LIMOGES
ET :
Monsieur [Y] [X] [K]
né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/001013 du 07/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
INTIME
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 06 Février 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 décembre 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Johanne PERRIER, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 21 Mars 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
La mise à disposition de cette décision a été prorogée au 04 avril 2024, les avocats des parties en ayant été régulièrement informés.
Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Valérie CHAUMOND, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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M.[K], exerçant une activité d'infirmier libéral, a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 27 avril 2016 du tribunal de grande instance, aujourd'hui tribunal judiciaire de Limoges, publié au BODACC le 26 mai 2016.
La Compagnie européenne de garanties et de cautions - CGEC - qui s'était portée cation solidaire de M.[K] pour la totalité d'un prêt immobilier consenti par la Banque poulaire Aquitaine Centre Atlantique, a été actionnée en vue du remboursment de ce prêt; la CGEC a déclaré sa créance à la procédure collective et, par une ordonnance du juge commissaire du 08 janvier 2018, celle-ci été définitivement admise pour un montant de 137.049,50 euros.
Dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, la CGEC a reçu un paiement partiel de 71.259,37 euros .
Par jugement du 13 juin 2018, le tribunal a prononcé la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif, ce jugement a été publié au BODACC les 15 et 16 août 2018 et la CGEC en a ultérieurement été informée par courrier du liquidateur du 12 avril 2021.
Par requête du 17 mai 2021, la CGEC, au visa des articles L.643.11. II et R.643-20 du code du commerce, a sollicité du président du tribunal judiciaire de Limoges une ordonnance portant injonction à M.[K] de lui payer la somme de 74.015,24 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,90% à compter du 05 mai 2016, date du paiement à la la Banque poulaire Aquitaine Centre Atlantique.
Bien que la requête de la CGEC ait été présentée au président du tribunal judiciaire, le tribunal, par un jugement rendu le 10 octobre 2022 en formation collégiale et statuant en matière de procédure collective, a déclaré irrecevable pour cause de prescription la demande de la CGEC tendant à obtenir un titre exécutoire à l'encontre e M.[K] et a condamné la CGEC à payer à M.[K] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour se déterminer, le tribunal a retenu que la CGEC ne justifiait pas avoir elle-même déclaré sa créance à la procédure collective et que le délai de prescription de deux ans de l'article L. 218-2 du code de la consommation applicable à M.[K], qui a la qualité de consommateur, avait commencé à courir le 31 mai 2016.
Le 15 novembre 2022, la CGEC a relevé appel de ce jugement et, par une ordonnance en date du 22 février 2023, le conseiller de la mise en état , rejetant la demande de M.[K], a dit la CGEC recevable en cet appel.
Par ses conclusions déposées le 15 février 2023 et auxquelles il est renvoyé, la CGEC demande à la cour :
' a titre principal :
- d'annuler en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
- d'évoquer le fond du litige,
- de donner injonction à M.[K] d'avoir à lui payer la somme de 73.954,59euros avec intérêts au taux contractuel de 1,90% jusqu'à parfait paiement ;
' à titre subsidiaire :
- de reformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et, statuant à nouveau, de donner injonction à M.[K] d'avoir à lui payer la somme de 74.015,24 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,90% jusqu'à parfait paiement ;
' en tout état de cause :
- de condamner M.[K] à lui régler la somme dernier 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions déposées le 12 mai 2023 et auxquelles il est renvoyé, M.[K] demande à la cour :
' a titre principal de confirmer le jugement dont appel ;
' à titre subsidiaire :
- de dire que seule la somme de 56.743,32 euros pourrait être mise à sa charge ;
- de reporter le paiement de cette somme pdt un délai de deux ans en application de l'article 1343-5-1 du code civil ;
' en tout état de cause, de condamner la CGEC à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 06 décembre 2023 et postérieurement à cette clôture, de nouvelles conclusion ont été déposées par la CGEC le 12 janvier 2024 et par M.[K] le 29 janvier 2024.
Par ses conclusions du 12 janvier 2024, la CGEC a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, demande à laquelle M.[K] s'est opposée par des écritures du 29 janvier 2024.
SUR CE,
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, lequel renvoie à l'article 803 du même code, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
M.[K] fait valoir à juste titre que les conclusions déposées le 12 janvier 2024 par la CGEC l'ont été en réplique à ses conclusions au fond du 12 mai 2023, soit neuf mois après, et plus d'un mois après l'ordonnance de clôture en date du 06 octobre 2023 et sans que la CGEC ne puisse justifier d'une cause grave ayant fait obstacle au dépôt de ces conclusions avant l'ordonnance de clôture.
La demande de la CGEC en révocation de l'ordonnance de clôture sera donc rejetée.
Sur la demande en annulation du jugement dont appel pour excès de pouvoir :
Il est acquis en l'espèce, et contrairement à ce qui a pu être retenu par le jugement attaqué, que la créance de la CGEC a été définitivement admise à la procédure collective par une ordonnance du juge commissaire à la liquidation judiciaire de M.[K] en date du 08 janvier 2018.
Il résulte de la combinaison des articles L. 643-11-II et R. 643-20 du code du commerce que la caution, qui a payé en lieu et place du débiteur et dont la créance a été admise, peut recouvrer son droit de poursuite individuelle après le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif après avoir obtenu, par ordonnance du président du tribunal rendue sur requête, le débiteur entendu ou appelé et visant l'admission définitive de la créance et le jugement de clôture pour insuffisance d'actif, un titre exécutoire portant injonction de payer.
L'article R 643-20 du code du commerce précise que, lorsque la créance a été admise, le président du tribunal qui a ouvert la procédure est compétent et que, lorsque la créance n'a pas été vérifiée, la compétence du tribunal est déterminée selon les règles du droit commun.
Le tribunal judiciaire statuant en matière de procédure collective, même à admettre ainsi qu'il l'a fait par erreur que la créance de la CGEC n'avait pas été définitivement admise à la procédure collective à la liquidation judiciaire de M.[K], n'avait donc pas le pouvoir juridictionnel pour statuer sur la demande de la CGEC et le jugement dont appel doit donc être annulé pour excès de pouvoir .
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
Par exception à la règle posée par l'article 562 du code de procédure civile selon lequel a dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, la dévolution pour le tout ne peut toutefois s'opérer si, comme en l'espèce, le premier juge n'a pas été valablement saisi. Mais il existe une exception à cette exception lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, tant l'appelant que l'intimé ont conclu au fond devant la cour d'appel.
Il convient donc de dire que la cour est en mesure de statuer sur la demande formée par la CGEC et ce d'autant que l''article R 643-20 du code du commerce précise que la procédure de l'injonction de payer prévue aux articles 1405 et suivants du code de procédure civile n'est pas applicable à l'espèce et que l'ordonnance qui aurait due être rendue par le président du tribunal de commerce aurait été susceptible d'un recours en appel dans les conditions de forme et de délai de droit commun.
Sur la prescription opposée à la CGEC :
Afin de faire échec à l'action de la CGEC, M.[K] soulève la fin de non-recevoir fondée sur la prescription biennale tirée de l'article L 218-2 du code de la consommation.
Il est de jurisprudence constante que l'établissement financier qui se porte caution d'emprunteurs d'un crédit immobilier exécute un service financier et qu'ainsi et contrairement aux autres formes de cautionnements, ce professionnel est soumis à la prescription des deux ans de l'article L.218-2 du code de la consommation pour agir en remboursement des sommes versées.
Le point de départ de cette prescription de deux ans doit ici et en principe être fixé à la date de publication au BODACC du jugement ayant prononcé la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif, ainsi rendu opposable à la CGEC.
Il est acquis aux débats que, dans son édition des 15 et 16 août 2018, a été publiée au BODACC l'annonce d'un jugement de clôture pour insuffisance de d'actif rendu par le tribunal de grande instance de Limoges concernant '[K], LÀ onard, [X]' et la CGEC fait valoir que l'irrégularité affectant le prénom de M.[K] a été telle qu'elle a été insuffisante à assurer l'information des tiers et qu'elle équivaut à une absence d''information, de sorte que le délai de prescription n'a pu commencé à courir le 16 août 2018.
Toutefois, la seule erreur manifeste d'impression liée au traitement informatique de l'information a porté, non sur le nom de M.[K], mais sur son prénom mentionné comme étant 'LÀ onard' au lieu de '[Y]', et elle ne dispensait aucunement la CGEC, particulièrement avertie en la matière, de consulter plus amplement l'annonce d'autant que celle-ci faisait expressément référence au jugement d'ouverture de la procédure publié le 26 mai 2016.
Il y a lieu en conséquence de retenir que cette publication a été suffisante pour assurer l'information de la CGEC qui n'a présenté sa requête au président du tribunal de commerce que le 17 mai 2021, soit hors le délai de deux ans ayant commencé à courir le 16 août 2018,.
Elle sera donc dite irrecevable en sa demande.
Sur les frais et dépens :
La CGEC qui succombe doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel et il est de l'équité de la condamner à payer à M.[K] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR,
Statuant par décision Contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Annule le jugement du tribunal judiciaire de Limoges en date du 10 octobre 2022 ;
Evoquant et statuant à nouveau,
Dit la Compagnie européenne de garanties et de cautions irrecevable en son recours contre M.[Y] [K] ;
Condamne la Compagnie européenne de garanties et de cautions aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la Compagnie européenne de garanties et de cautions à payer à M.[Y] [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Mandana SAFI. Pierre-Louis PUGNET.