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29/06/2023 | FRANCE | N°22/00352

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 29 juin 2023, 22/00352


ARRET N° .



N° RG 22/00352 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKQN



AFFAIRE :



M. [C] [O]



C/



S.A.R.L. JVD DECO









GV/MS







Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Grosse délivrée à Me Pauline BOLLARD, Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocats, le 29 juin 2023.





COUR D'APPEL DE LIMOGES

Chambre sociale

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ARRET DU 29 JUIN 2023

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Le VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:



ENTRE :



Monsieur [C] [O]

né le 23 A...

ARRET N° .

N° RG 22/00352 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKQN

AFFAIRE :

M. [C] [O]

C/

S.A.R.L. JVD DECO

GV/MS

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée à Me Pauline BOLLARD, Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocats, le 29 juin 2023.

COUR D'APPEL DE LIMOGES

Chambre sociale

---==oOo==---

ARRET DU 29 JUIN 2023

---===oOo===---

Le VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:

ENTRE :

Monsieur [C] [O]

né le 23 Avril 1961 à MAROC, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pauline BOLLARD de la SELARL SELARL D'AGUESSEAU CONSEIL, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 12 AVRIL 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

S.A.R.L. JVD DECO, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 15 Mai 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2023.

La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 29 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

---==oO§Oo==---

LA COUR

---==oO§Oo==---

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [O] a été engagé par la société JDV DECO à compter du 1er novembre 2016 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de responsable de magasin d'ameublement, statut cadre, pour une durée hebdomadaire de 35 heures, moyennant un salaire de 1 900 € brut par mois et des commissions dépendant du chiffre d'affaires réalisé.

Au mois de mars 2019, la société JDV DECO a été rachetée par la société DONA GROUP. Par suite, le responsable hiérarchique de M. [O] est devenu M. [P] [N]. En outre, le magasin a été restructuré à compter du 1er octobre 2020 afin de commercialiser une nouvelle marque XXL maison.

Dans ce cadre, début septembre 2020, la SARL JDV DECO a proposé à M. [O] une modification de son contrat de travail, modification qu'il n'a pas acceptée.

Une entrevue houleuse a eu lieu le 17 octobre 2020 entre M. [O] et M. [N].

A compter du 19 octobre 2020, M. [O] a été placé en arrêt maladie pour accident du travail.

A l'issue de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a rendu un avis médical d'inaptitude le 21 janvier 2021 avec dispense de reclassement.

Le 28 janvier 2021, la SARL JDV DECO a convoqué M. [O] à un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude, lequel s'est déroulé en son absence le 9 février 2021. Par lettre recommandée avec accusé réception du 22 février 2021, la SARL JDV DECO a notifié à M. [O] son licenciement pour inaptitude d'origine non-professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Par notification du 10 février 2021, la CPAM a refusé la demande de prise en charge de M. [O] au titre d'un accident du travail. La commission de recours amiable de la CPAM a confirmé ce refus par décision du 18 juin 2021.

Parallèlement, par une décision du 11 février 2022, la CPAM a reconnu l'origine professionnelle du 'syndrome anxio-dépressif' du 17 octobre 2020 de M. [O]. Par décision du 31 août 2022, la commission de recours amiable de la CPAM a donné une suite favorable au recours de la SARL JDV DECO contre cette décision.

==0==

M. [C] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges le 27 novembre 2020 aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la SARL JDV DECO, voir dire et juger son inaptitude d'origine professionnelle et condamner la SARL JDV DECO au paiement de différentes indemnités.

Par jugement du 12 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Limoges a :

- dit et jugé recevable et bien fondée la demande de résiliation judiciaire de M. [O] aux torts exclusifs de la société JDV DECO ;

En conséquence,

- condamné la société JDV DECO à verser à M. [O] les sommes de :

* 4 230,39 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 11 531,46 € brut d'indemnité compensatrice de préavis et1 1 53,14 € brut au titre des congés payés afférents,

* 1 000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de santé au travail ;

- dit que ces sommes porteront intérêts de droit aux taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

- débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des dommages-intérêts pour travail dissimulé, ainsi qu'au titre de la reconnaissance du caractère professionnel de l'inaptitude ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté les demandes présentées en ce sens par les parties ;

- condamné la société JDV DECO aux entiers dépens de l'instance ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner au titre de l'article 515 du code de procédure civile l'exécution provisoire pour le surplus des sommes qui n'en sont pas assorties de droit au titre de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des 3 derniers mois de salaires étant de 4 230, 39 €.

M. [O] a interjeté appel de ce jugement le 9 mai 2022.

==0==

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 23 janvier 2023, M. [C] [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé recevable et bien fondée sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société JDV DECO et toutes les conséquences de droit afférentes, ainsi que condamné la société JDV DECO à des dommages-intérêts au titre de l'obligation de sécurité de résultat ;

- le réformer en ce qu'il a débouté du surplus de ses demandes et limité les sommes allouées ;

Statuant à nouveau,

- juger que son inaptitude est d'origine professionnelle et lui faire produire toutes les conséquences de droit afférentes ;

- condamner la société JDV DECO à lui verser les sommes de :

* 8 133 € net au titre du rappel du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

* 29 000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 000 € en réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'obligation de sécurité,

* 27 020,07 € brut au titre des heures supplémentaires accomplies entre le 23 novembre 2017 et le 17 octobre 2020, outre 2 702 € au titre des congés payés ;

- juger que la société JDV DECO s'est rendue coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité, M. [O] ayant accompli une prestation de travail pendant son activité partielle ;

- condamner la société JDV DECO à lui verser la somme de 34 595 € net à titre d'indemnité pour travail dissimulé (6 mois de salaire) ;

- condamner la même à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- condamner la société JDV DECO à lui verser les intérêts à taux légal sur les sommes d'argent à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

M. [O] fonde sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SARL JDV DECO en ce qu'elle :

- a exercé sur lui des pressions et menaces avec un comportement déloyal, pour l'obliger à signer un avenant à son contrat de travail moins favorable, notamment lors de l'entretien du 17 octobre 2020 ;

- l'a contraint à travailler en violation du dispositif d'activité partielle ;

- lui a fait réaliser des heures supplémentaires non réglées.

Il demande en outre de dire que son inaptitude est d'origine professionnelle, ce qui ne s'oppose pas à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Le caractère professionnel de l'inaptitude résulte du choc psychologique subi, causé par le comportement de l'employeur lors de l'entretien du 17 octobre 2020, ce qui a eu des répercussions sur son état de santé.

Il demande en outre réparation au titre de la rupture de son contrat de travail, du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ainsi qu'au titre du travail dissimulé.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 22 septembre 2022, la société JDV DECO demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fait droit aux demandes de M. [O], l'a déboutée de ses demandes et est entré en voie de condamnation à son encontre ;

- le confirmer en ce qu'il a débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes au titre des heures supplémentaires, au titre des dommages-intérêts pour travail dissimulé et au titre de la reconnaissance du caractère professionnel de l'inaptitude ;

Statuant à nouveau,

- fixer le salaire de référence à la somme de 4 194,78€ ;

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [O] au paiement de la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société JDV DECO conteste l'ensemble des griefs avancés par M. [O] à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, que ce soit les prétendues pressions et menaces, l'affirmation selon laquelle il aurait été contraint de travailler en activité partielle ou la réalisation d'heures supplémentaires non réglées.

De même, la SARL JDV DECO conteste être à l'origine d'un quelconque travail dissimulé ou d'avoir manqué à son obligation de sécurité.

Enfin, selon elle, la demande de M. [O] tendant à faire produire à son licenciement les effets d'un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ne peut pas être cumulée avec la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la demande de reconnaissance du caractère professionnel ne pouvant être que subsidiaire. En tout état de cause, l'inaptitude de M. [O] est d'origine non professionnelle.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2023.

SUR CE,

I Sur le bien-fondé de la demande de M. [O] en résiliation judiciaire de son contrat travail aux torts de son employeur

M. [O] doit rapporter la preuve de manquements commis par son employeur d'une gravité telle qu'ils ont empêché la poursuite de son contrat de travail.

1) Sur les pressions et menaces reprochées à l'employeur

La SARL JDV DECO a proposé à M. [O] un avenant à son contrat de travail aux termes duquel la rémunération était modifiée, passant de :

- 1900 € brut par mois 'plus une commission sur le chiffre d'affaire général du magasin de 0.50 %. Si l'objectif mensuel est dépassé mais inférieur à 10 % la commission passe à 0.70 % sur le chiffre d'affaire général du magasin, si supérieur à 10 % la commission passe à 1.1 %, au-delà de 20 % la commission sera de 1.6 %', aux termes du contrat initial ;

- pour passer à 'un fixe mensuel brut de 3250 €...plus une commission sur le chiffre d'affaire général TTC du magasin de 0.70 % hors taxes éco-mobilier et livraison'.

En conséquence, la part fixe du salaire devenait plus avantageuse, mais la commission l'était moins en cas de performance sur le chiffre d'affaires.

En tout état de cause, M. [O] n'a pas accepté de signer cet avenant, ce qui était son droit.

S'il soutient qu'il a fait l'objet, dès avant l'entretien du 17 octobre 2020, de pressions et de menaces quotidiennes de M. [N] à son égard en vue d'obtenir la signature de cet avenant ou à défaut son départ, il n'en rapporte aucunement la preuve.

- Il est constant que le 17 octobre 2020, M. [N] et M. [O] ont eu un entretien houleux.

Cet entretien a été informel puisque M. [O] a indiqué à l'agent assermenté de la CPAM le 6 janvier 2021 que c'est en passant devant le bureau de M. [N] à 9 heures 25 pour le saluer que celui-ci lui a dit 'J'ai des choses à vous dire'.

M. [O] a également indiqué à cet agent que M. [N] lui aurait dit, en lui reprochant de ne pas savoir fixer d'objectifs aux vendeurs : 'J'en ai marre de votre gueule. Il s'est levé de son bureau et s'est collé contre moi en essayant de m'impressionner, puis il m'a asséné : 'Vous êtes un minable, une femmelette', il m'a traité d'incompétent et de 'fonctionnaire avec un salaire de ministre''. Pour moi, cela vient du fait que j'ai refusé de signer un avenant à mon contrat le 09/09/2020".

M. [N] a reconnu dans un SMS adressé à M. [O] en date du 19 octobre 2020 que l'entretien a été difficile : 'donc voilà je voulais savoir comment ça se passait, comment ça allait, combien de temps vous étiez arrêté, j'espère que ce n'est pas un peu nos prises de bec entre guillemets...mais bon après c'est juste pour avancer... n'hésitez pas à me parler de toute façon moi la porte est ouverte même si je suis un sanguin, je suis un sanguin deux minutes vous me connaissez, après voilà y a pas de soucis. Voilà portez-vous bien...'.

Mais, devant l'agent assermenté de la CPAM le 8 janvier 2021, M. [N] a déclaré qu'il niait en bloc de tel propos, ce qu'il maintient. Il lui a indiqué que M. [O] avait des difficultés à s'adapter à la gestion de la nouvelle enseigne. Le 17 octobre 2020, sur la demande de M. [O] qui lui demandait quelle était sa fonction, il lui a présenté sa fiche de poste et la situation s'est envenimée, les deux protagonistes s'étant mis à hurler.

Cette fiche de poste de 'DIRECTEUR/RESPONSABLE DE MAGASIN' comporte un aspect général sur les missions d'un tel responsable, mais elle concerne précisément M. [O] pour les remarques qui font suite à la description des missions générales.

Or, ces remarques font état de différents problèmes ou directives (par exemple : '- 45 % de chiffre en 15 jours, quel plan de redressement est établi '' Ou 'Raccompagner les clients même s'il n'y a pas eu de vente').

En revanche, la remarque : 'Il faut agir plus rapidement être dynamique avoir de l'énergie il y a trop de choses à faire à gérer pour se permettre d'avoir 2 de tension ou passer 1 heure ou il faudrait 15 minutes' est inapproprié. Néanmoins, elle ne constitue pas une faute de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

En ce qui concerne les insultes ci-dessus énoncées reprochées à M. [N], aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer qu'il ait tenu de tels propos.

En effet, M. [H] a déclaré à l'agent assermenté de la CPAM qu'il était présent dans le bureau le 17 octobre 2022 lorsque l'entretien entre M. [O] et M. [N] a eu lieu. Il a vu M. [N] tendre une feuille de papier (la fiche de poste) à M. [O]. Ce dernier 'd'habitude posé est sorti de ses gonds et a parlé de déclaration de guerre...C'était un échange assez vif. Monsieur [N] lui a dit de se calmer et Monsieur [O] s'est excusé'.

M. [H] ajoute qu'à aucun moment, il n'a entendu M. [N] proféré des insultes ou intimidation à l'endroit de M. [O]. Même si ce dernier a porté plainte contre M. [H] le 3 février 2021 pour fausse attestation, aucun élément n'est produit sur la suite donnée à cette plainte.

Si M. [O] produit des SMS en date des 21, 26, 28 octobre et 23 novembre 2020 selon lesquels M. [H] s'est plaint à lui d'un supérieur hiérarchique, il s'agissait en réalité de M. [S] [B] puisqu'il parle d'un '[S]'. En tout état de cause, ce SMS ne démontre pas que M. [N] ait insulté M. [O] lors de l'entretien du 17 octobre 2020.

En ce qui concerne les SMS des 18 octobre 2020 et 7 novembre 2020 aux termes desquels la salariée Mme [T] [Y] prend des nouvelles de M. [O], suite à son arrêt de travail, il ne peut en être tiré aucune conclusion sur le comportement de M. [N] à l'égard de M. [O] lors de l'entretien du 17 octobre 2020.

Par ailleurs, M. [S] [B] a contesté devant l'agent assermenté de la CPAM avoir indiqué à Mme [T] [Y] : 'j'ai mal pour [C] parce qu'il a été humilié'.

Enfin, le constat d'huissier du 23 février 2021 diligenté à la requête de M. [F] [V], ancien salarié de la société JDV, portant sur l'enregistrement audio d'un entretien du 12 février 2020 ayant eu lieu entre lui-même et M. [N] sur l'exécution de son contrat de travail, ne peut pas être pris en compte, car M. [V] a été licencié pour faute grave. De plus, l'enregistrement a eu lieu à l'insu de M. [N]. En tout état de cause, les relations qui ont existé entre M. [V] et M. [N] ne peuvent pas être ipso facto transposées à l'égard de M. [O].

En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que M. [O] ne rapporte pas la preuve d'avoir subi des pressions, menaces, insultes par M. [N] le 17 octobre 2020 ni auparavant.

Le contrat de travail ne peut donc pas être résilié judiciairement de ce chef.

2) Sur le travail de M. [O] pendant la période d'activité partielle de mars 2020 à mai 2020

Il ressort des bulletins de salaire de M. [O] et il n'est pas contesté par la SARL JDV DECO que ce dernier a été en activité partielle du 16 mars 2020 au 31 mai 2020.

Il justifie néanmoins avoir été présent au magasin en mai 2020 par des attestations de clients qui lui ont passé commande. Sont produits également des bons de commande entre le 13 mai 2020 et le 30 mai 2020 portant la mention : 'CONSEILLER [C]'.

Néanmoins, la résiliation judiciaire du contrat de travail suppose des manquements de l'employeur qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail. Or, M. [O] a continué à travailler sans difficulté après le mois de mai 2020. Ce moyen ne peut donc pas justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

3) Sur la réalisation d'heures supplémentaires impayées

Comme indiqué ci-dessus, la résiliation judiciaire du contrat de travail suppose des manquements de l'employeur qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail. Or, si M. [O] a effectué des heures supplémentaires non payées, cela n'a pas rendu impossible la poursuite de son contrat de travail, ce d'autant plus qu'il n'a émis aucune réclamation à ce titre.

Le résiliation judiciaire ne peut donc pas davantage être prononcée de ce chef.

Au total, M. [O] doit être débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes en paiement afférentes.

II Sur l'origine de l'inaptitude de M. [O]

Il est constant que le juge prud'homal n'est pas lié par les décisions des organismes de sécurité sociale en matière de reconnaissance d'accident du travail et/ou de maladie professionnelle, décisions qui en l'espèce ont rejeté la reconnaissance de la qualification d'accident du travail et de maladie professionnelle concernant M. [O].

Néanmoins, aucun élément ne permet de dire que les circonstances dans lesquelles est intervenu l'entretien du 17 octobre 2020 aient pu conduire à l'inaptitude de M. [O], comme il le prétend, pas plus que ses conditions de travail. En effet, les griefs allégués contre M. [N] à ce titre ne sont pas établis et les éléments médicaux que produit M. [O] ne sont pas suffisants pour caractériser une inaptitude d'origine professionnelle. Ils relatent les dires de M. [O] et ils sont, pour la plupart, datés de février 2021, soit à une date éloignée de la date du 17 octobre 2020.

M. [O] doit donc être débouté de demande tendant à voir juger que son inaptitude est d'origine professionnelle, ainsi que de ses demande en paiement à ce titre.

III Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires

L'article L 3171-4 du code du travail dispose qu''En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.

Dans un arrêt de principe du 18 mars 2020 n° 18-10.919 et dans un arrêt n° 17-31.046 du 27 janvier 2021 le reprenant, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué dans les termes suivants :

'Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant'.

M. [O] ne présente aucun décompte précis des heures supplémentaires qu'il dit avoir réalisées.

Il produit seulement à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires quatre attestations de personnes (un ancien salarié livreur-vendeur sous CDD de trois mois, un stagiaire et sa mère, un électricien) indiquant qu'il était présent à l'ouverture et à la fermeture du magasin, ainsi que deux attestations, une de M. [F] [V] ancien salarié licencié et une de M. [W] [I], intervenant extérieur, indiquant que, non seulement il était présent à l'ouverture et à la fermeture du magasin, mais que sa pause méridienne de deux heures a été réduite à une heure en mars 2019, suite à l'arrivée de M. [N].

Mme [E] [A], gérante de la SARL JDV DECO du 1er septembre 2006 au 15 mars 2019, atteste également que M. [O] travaillait du lundi au samedi de 9 heures 30 à 12 heures et de 14 heures à 19 heures 30, soit 40 heures par semaine. Mais son attestation ne respecte pas les formes légales de l'article 202 du code de procédure civile.

Ainsi, au vu de ces éléments, il convient de considérer que les éléments produits par M. [O] ne sont pas suffisamment précis pour permettre à la SARL JDV DECO d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, ce d'autant plus que M. [O], cadre, bénéficiait d'une large autonomie dans l'organisation de son temps de travail. De plus, il n'a jamais émis la moindre réclamation à ce titre et ses bulletins de salaire font apparaître ponctuellement le paiement d'heures supplémentaires.

En conséquence, M. [O] doit être débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

IV Sur le travail dissimulé

La qualification de travail dissimulé suppose, en application des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, une intention de dissimulation de la part de l'employeur qui n'est pas ici caractérisée. Notamment, il n'est pas démontré que la SARL JDV DECO ait donné injonction à M. [O] de travailler pendant la période d'activité partielle.

M. [O] doit donc être débouté de sa demande en paiement à ce titre. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

V Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Au vu des éléments ci-dessus énoncés, aucun manquement à l'obligation de sécurité commis par la SARL JDV DECO n'est caractérisé.

M. [O] doit donc être débouté de sa demande en paiement à ce titre. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

M. [O] étant débouté de l'ensemble de ses demandes, il n'y a pas lieu à fixation de son salaire de référence à la somme de 4 194,78 €, comme la SARL JDV DECO le demande.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [O] succombant à l'instance, il doit être condamné aux dépens.

Il est équitable de débouter chacune des partie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Limoges le 12 avril 2022,

sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [C] [O] de l'ensemble de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des dommages-intérêts pour travail dissimulé et au titre de la reconnaissance du caractère professionnel de l'inaptitude,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE M. [C] [O] de l'ensemble de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] [O] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00352
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.00352 ?
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