ARRET N° .
N° RG 22/00684 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIL5I
AFFAIRE :
M. [Y] [I]
C/
S.A.S.U. STEF LOGISTIQUE MIDI-PYRENNEES LIMOUSIN
JPC/MS
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Grosse délivrée à Me Stéphane LEPLAIDEUR, Me Franck DELEAGE, avocats, le 01-06-23.
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre sociale
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ARRET DU 01 JUIN 2023
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Le PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre économique et sociale a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:
ENTRE :
Monsieur [Y] [I], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Franck DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE
APPELANT d'une décision rendue le 29 AOUT 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BRIVE LA GAILLARDE
ET :
S.A.S.U. STEF LOGISTIQUE MIDI-PYRENNEES LIMOUSIN, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 03 Avril 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 01 mars 2023.
La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 01 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
M. [I] a été engagé par la société Lachaise le 28 novembre 1983 en qualité d'ouvrier magasinier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Le 1er octobre 2002, son contrat de travail a été transféré à la société STEF Logistique Midi-Pyrénées Limousin (la société STEF).
Le 13 novembre 2015, M. [I] a été victime d'un accident de trajet et a fait l'objet d'un arrêt de travail. A la suite de cet accident, il a été reconnu travailleur handicapé le 7 juillet 2016. Ce statut a été renouvelé à compter du 13 septembre 2018.
Il a été victime d'un accident du travail le 19 novembre 2020.
Le 7 décembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de cet accident et l'a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le 26 janvier 2021, à l'occasion d'une visite de préreprise, le médecin du travail a établi une fiche de recommandations mentionnant, notamment, la nécessité de procéder à des aménagements et à l'adaptation de son poste de travail. Il a indiqué qu'une reprise était envisageable le 1er février suivant à son poste habituel.
Le 23 janvier 2021, son médecin traitant lui a prescrit, sur le fondement de l'article L. 433-1 du code de la sécurité sociale, un travail léger pour raison médicale pour la période du 1er février au 28 février 2021.
À l'issue de la visite de reprise du 2 février 2021, le médecin du travail l'a déclaré temporairement apte au poste de cariste occasionnel et d'agent d'entretien sans soulèvement manuel de charges. Il a émis une contre-indication temporaire au travail en hauteur y compris sur nacelle. Il a mentionné que le salarié devait faire l'objet d'un nouvel examen dans le délai d'un mois.
Le 3 février 2021, la caisse primaire d'assurance maladie a émis un avis favorable à la demande de reprise d'un travail léger à compter du 1er février.
M. [I] a repris le travail à temps plein en contradiction avec l'avis du médecin traitant.
Le 8 mars 2021, le médecin du travail a renvoyé le salarié vers son médecin traitant pour un arrêt de travail en indiquant qu'il envisageait de le déclarer inapte à son poste. Il était également mentionné que le salarié se plaignait de vertiges très gênants pour réaliser les tâches demandées.
Le jour même, son médecin traitant a prolongé l'arrêt de travail fondé sur l'accident du travail du 19 novembre 2020.
M. [I] a été déclaré inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise le 3 mai 2021 et le médecin du travail a mentionné que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de l'entreprise.
Le 12 mai 2021, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement. L'entretien a eu lieu le 25 mai suivant et, le 1er juin 2021, il a été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Le 19 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze a rejeté sa demande d'indemnisation temporaire d'inaptitude au motif que les éléments en sa possession ne lui permettaient pas de conclure à l'existence d'un lien entre l'inaptitude prononcée par le médecin du travail et l'accident du 19 novembre 2020.
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Par requête enregistrée le 12 octobre 2021, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Brive-La-Gaillarde afin de faire reconnaître l'origine professionnelle de son inaptitude et obtenir les indemnités de rupture en lien avec cette inaptitude.
Par un jugement du 29 août 2022, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement pour inaptitude est d'origine non professionnelle ;
- débouté M. [I] de toutes ses demandes ;
- condamné M. [I] à payer à la société STEF la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [I] aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution du présent jugement.
M. [I] a fait appel de la décision le 12 septembre 2022. Son recours porte sur l'ensemble des chefs de jugement.
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Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2023, M. [I] demande à la cour de réformer en tous points le jugement dont appel et, statuant à nouveau, de :
- juger que son inaptitude déterminée en date du 3 mai 2021 a une origine professionnelle ;
- condamner la société STEF à lui payer :
23 880,62 € de complément sur d'indemnité spéciale de licenciement ;
3 795,08 € d'indemnité compensatrice de préavis et 379,51 € de congés payés sur préavis ;
- juger que la société STEF n'a pas respecté la procédure de licenciement pour les salariés inaptes d'origine professionnelle en omettant d'informer le salarié de l'impossibilité de reclassement avant l'engagement de la procédure, et ce alors même qu'elle a consulté le CSE ;
- condamner la société STEF à lui payer la somme de 1 897,54 € de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure ;
- ordonner la remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation pôle emploi conformes aux condamnations prononcées sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement ;
- condamner la société STEF à lui régler la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- juger que toutes les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et ordonner la capitalisation des intérêts échus ;
- condamner la STEF aux entiers dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution.
A l'appui de son recours, il soutient que son inaptitude a une origine professionnelle dans la mesure où il existe un lien de causalité, fût-il partiel, entre l'inaptitude déclarée le 3 mai 2021 et l'accident du travail du 19 novembre 2020. Il ajoute que l'employeur avait connaissance de ce lien de causalité au jour du licenciement.
Aux termes de ses écritures du 13 février 2023, la société STEF demande à la cour, à titre principal, de :
- juger l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel ;
Ou, a minima, de :
- juger que la portée de l'effet dévolutif est limitée à la possibilité pour la cour de confirmer le jugement et confirmer le jugement critiqué dans toutes ses dispositions ;
Subsidiairement, de :
- confirmer le jugement dont appel en tous points ;
En tout état de cause, de :
- condamner M. [I] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et dans le cadre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient, à titre principal, que la déclaration d'appel de M. [I] n'a aucun effet dévolutif, ou que celui-ci est, à tout le moins, limité à la possibilité de confirmer le jugement. En effet, elle fait valoir que la déclaration d'appel n'en précise pas l'objet, à savoir l'infirmation ou la réformation du jugement.
A titre subsidiaire, elle conclut que le licenciement de M. [I] est bien fondé sur une inaptitude d'origine non professionnelle et que ce dernier ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre son inaptitude et l'accident du 19 novembre 2020. Elle ajoute qu'en tout état de cause, elle ignorait que l'inaptitude avait une origine professionnelle au moment du licenciement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
SUR CE,
Sur la saisine de la cour d'appel :
L'article 542 du code de procédure civile prévoit que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
Par ailleurs, l'article 562 du code de procédure civile précise d'une part que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et, d'autre part, que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Enfin, l'article 901 du même code relatif au contenu de la déclaration d'appel, impose à son auteur, à peine de nullité, de mentionner « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible».
En l'espèce, la déclaration d'appel est rédigée en ces termes :
« Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que le cph de Brive a : DIT que le licenciement pour inaptitude est d'origine non professionnelle, qu'il DEBOUTE Monsieur [I] de toutes ses demandes, qu'il CONDAMNE Monsieur [I] à payer à Société STEF Logistique Midi Pyrénées Limousin la somme 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et qu'il CONDAMNE Monsieur [I] aux entiers et dépends y compris les frais éventuels d'exécution du présent jugement. »
Les chefs du jugement critiqués sont clairement énoncés et il se déduit de sa formulation que l'appel tend à la réformation du jugement puisque si l'appel tend à l'annulation du jugement, l'indication des chefs du jugement est inutile selon l'article 901 du code de procédure civile. En outre, il convient de rappeler que la réformation et l'infirmation sont des notions voisines puisque la première est une forme de la seconde.
En conséquence, il y a lieu de constater que la cour est régulièrement saisie. Le moyen sera donc rejeté.
Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude :
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie, et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Il est par ailleurs constant que la prise en charge par la sécurité sociale de l'arrêt de travail au titre des accidents du travail n'est qu'un élément de preuve parmi d'autres laissé à l'appréciation des juges du fond du lien de causalité entre l'arrêt de travail et un accident du travail.
En l'espèce, M. [I] a été victime d'un accident le 19 novembre 2020. Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze au titre de la législation sur les accidents du travail. Le certificat médical initial fait état de contusions cervicale et mandibulaire suite à un choc latéral et il est noté l'absence de fracture.
À la suite de cet accident, le salarié a bénéficié d'un arrêt de travail qui a été renouvelé jusqu'au 31 janvier 2021. À compter du 1er février, il a bénéficié de la prescription d'un travail léger pour raison médicale sur le fondement de l'article L.433-1 du code de la sécurité sociale.
Cet article prévoit qu'une indemnité journalière est servie en cas de délivrance par le médecin traitant d'un certificat autorisant un travail aménagé ou à temps partiel, si ce travail est reconnu par le médecin-conseil de la caisse primaire comme de nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure.
Il s'agissait donc pour le médecin traitant une reprise du travail à temps partiel. Cette prescription n'a pas été respectée.
Le 8 mars 2021, le médecin traitant a mis fin à la prescription de travail léger et a prolongé l'arrêt de travail initial du salarié. Le même jour, dans un courrier adressé au médecin traitant, le médecin-conseil mentionne que le salarié se plaint de vertiges.
Les blessures subies par M. [I] et leurs conséquences ne sont pas documentées. Les pièces produites par les parties n'apportent guère d'informations sur ce point. Ainsi, il n'est versé aux débats que le descriptif des lésions constatées le 19 novembre 2020 et aucun élément n'est produit pour expliquer, sur le plan médical, la prolongation des arrêts de travail et l'absence de consolidation des lésions jusqu'à la déclaration d'inaptitude. Les vertiges sont évoqués pour la première fois dans le certificat médical du 8 mars 2021 et aucun élément objectif d'ordre médical ne permet de conclure qu'ils sont en lien, même partiel, avec l'accident du travail.
Au surplus, il convient de constater que le 19 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de faire droit à la demande d'indemnisation temporaire d'inaptitude présentée par M. [I] aux motifs qu'aucun élément en sa possession de lui permettait de conclure à l'existence d'un lien entre l'inaptitude prononcée par le médecin du travail et l'accident du 19 novembre 2020.
Au regard de ces éléments, il apparaît que M. [I] ne rapporte pas la preuve que l'inaptitude ayant conduit à son licenciement a une origine professionnelle. Il ne peut donc prétendre à la majoration des indemnisations prévues en cas d'inaptitude d'origine professionnelle. De même, il n'est pas fondé à soulever le non-respect de la procédure applicable au licenciement pour inaptitude de cette nature.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges.
Sur les autres demandes :
A la suite de la présente procédure, la société STEF a exposé des frais non compris dans les dépens. L'équité commande de l'en indemniser. M. [I] sera condamné à lui payer la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Brive-La-Gaillarde en date du 29 août 2022 en ses dispositions soumises à la cour ;
Condamne M. [I] aux dépens de l'appel et à payer à la société STEF Logistique la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
EN L'EMPÊCHEMENT LÉGITIME DU PRÉSIDENT, CET ARRÊT A ÉTÉ SIGNÉ PAR MONSIEUR LE CONSEILLER JEAN-PIERRE COLOMER, MAGISTRAT LE PLUS ANCIEN QUI A SIÈGÉ A L'AUDIENCE DE PLAIDOIRIE ET PARTICIPÉ AU DÉLIBÉRÉ.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
Sophie MAILLANT. Jean-Pierre COLOMER