ARRET N° .
N° RG 22/00235 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKCV
AFFAIRE :
M. [H] [Y]
C/
S.A.S. LES SAVEURS D'ANTOINE
JPC/MS
Demande de résiliation ou de résolution judiciaire du contat de travail formée par un salarié
Grosse délivrée à Me Richard DOUDET, Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocats,
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 30 MARS 2023
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Le trente Mars deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur [H] [Y]
né le 18 Décembre 1964 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Richard DOUDET de la SELARL SELARL D'AGUESSEAU CONSEIL, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANT d'une décision rendue le 14 FEVRIER 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES
ET :
S.A.S. LES SAVEURS D'ANTOINE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 13 Février 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
La société Sélection Alimentaire Française (la SAF) était spécialisée dans la distribution de charcuterie et de produits traiteurs.
Le 14 septembre 1987, elle a engagé M. [Y] en qualité d'attaché commercial dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Son salaire contient une part variable calculée sur le chiffre d'affaire réalisé par le salarié.
Le 28 juin 2012, la société SAF a été rachetée par le groupe Pomona et elle est devenue la société Les Saveurs d'Antoine - SAF.
Le 02 janvier 2014, la transmission de l'ensemble du patrimoine de l'entreprise au groupe a eu lieu, en ce compris le contrat de travail de M. [Y]. Un avenant contenant différentes modifications sera régularisé à cette occasion.
Au 1er janvier 2020, l'entreprise a minoré de 2 % la base de calcul de la part variable de la rémunération des salariés de l'entreprise. Ainsi, la base de calcul de cette partie de la rémunération du salarié est passée de 96 % du chiffre d'affaires à 94 %. Cette minoration a par la suite été supprimée au début de l'année 2021.
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Par requête en date du 16 octobre 2020, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur en raison d'une modification unilatérale de son contrat de travail.
Par jugement du 14 février 2022, le conseil de prud'hommes de Limoges, a :
1- constaté l'exécution déloyale et la modification unilatérale du contrat de travail par la société Les Saveurs d'Antoine ;
2- condamné la société Les Saveurs d'Antoine à verser à M. [Y] la somme de 2 500 € en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat de travail ;
3- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Y] aux torts exclusifs de l'employeur ;
4- débouté M. [Y] de sa demande sur le manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles rendant impossible la poursuite du contrat de travail ;
5- condamné la société Les Saveurs d'Antoine à verser à M. [Y] la somme de 600 € au titre de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
6- débouté les parties sur surplus de leurs demandes.
M. [Y] a interjeté appel de la décision le 25 mars 2022. Son recours porte sur les chefs de jugement n° 2, 3, 4 et 6
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Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2022, M. [Y] demande à la cour, à titre principal, de :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, débouté de sa demande sur le manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles rendant impossible la poursuite du contrat de travail ainsi que du surplus de ses demandes ;
A titre subsidiaire, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu une exécution déloyale du contrat de travail par la société Les Saveurs d'Antoine et condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le réformer en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts pour exécution déloyale à la somme de 2 500 € ; Statuant à nouveau, de :
- juger que la société Les Saveurs d'Antoine a déloyalement exécuté le contrat de travail et l'a modifié unilatéralement ;
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à compter de la décision à intervenir ;
- dire que la rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme étant intervenue en raison d'un manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles rendant impossible la poursuite du contrat de travail ;
- condamner la société Les Saveurs d'Antoine à lui verser les sommes de :
98 000 € net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
53 083,47 € net d'indemnité légale de licenciement à parfaire en fonction de la date du délibéré ;
9 828 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 982,80 € brut de congés payés afférents ;
25 000 € net en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat de travail ;
- condamner la société Les Saveurs d'Antoine à lui remettre ses documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir ;
- condamner la même à lui verser les intérêts à taux légal sur les sommes d'argent à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- condamner la société Les Saveurs d'Antoine à lui verser la somme de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A l'appui de son recours, [Y] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en faisant valoir que l'employeur a manqué gravement à ses obligations en modifiant unilatéralement son contrat de travail et en omettant de l'exécuter de bonne foi. Outre la diminution de salaire imposé par l'employeur, il invoque l'interdiction qui lui a été faite démarcher de nouveaux clients et la dégradation volontaire de ses conditions de travail
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2022, la société Les Saveurs d'Antoine demande à la cour de :
- débouter M. [Y] de son appel ;
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses demandes ;
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et en ce qu'il l'a condamné à régler à M. [Y] la somme de 2 500 € de ce chef outre 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau, de :
- dire que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail le liant au salarié ;
- dire qu'aucune somme ne peut, dès lors, être due à ce dernier à ce titre ;
En tout état de cause, de :
- débouter intégralement M. [Y] de ses demandes, fins et précessions ;
- le condamner à lui régler la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle s'oppose à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en faisant valoir qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations et que les allégations du salarié ne sont pas fondées. Ainsi, elle explique que la diminution de l'assiette de calcul des commissions était une mesure spécifique, temporaire, générale et non discriminatoire, prise le temps d'un retour à une situation normale au regard de la diminution du cours de la matière première utilisée.
Elle estime ne pas avoir commis de faute en réaffectant certains clients à d'autres salariés car une telle mesure est prévue par le contrat de travail. Enfin, elle conteste avoir fait interdiction à son salarié de démarcher de nouveaux clients. Elle estime avoir exécuté de bonne foi le contrat de travail.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
SUR CE,
Sur la demande de résiliation du contrat de travail :
Il résulte des dispositions de l'article 1224 du Code civil que la résiliation du contrat peut résulter d'une décision de justice en cas d'inexécution suffisamment grave.
Par ailleurs, l'article 1104 du même code prévoit que les contrats doivent être exécutés de bonne foi.
- Sur la modification unilatérale du contrat de travail :
Il est constant que la rémunération constitue un élément essentiel du contrat de travail et que celle-ci ne peut être modifiée par l'employeur sans l'accord préalable du salarié.
En l'espèce, il est constant que la rémunération de M. [Y] est constituée d'une part fixe et d'une part variable, cette dernière étant calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé par le salarié.
Les modalités de calcul de la part variable du salaire telles que fixées dans le contrat de travail conclu le 14 septembre 1987 ont été modifiées à l'occasion de la signature de l'avenant du 2 janvier 2014 qui a eu pour conséquence de limiter la base de calcul de la part variable à 96 % du chiffre d'affaires hors taxes encaissé au cours du mois précédent. Précédemment, ce calcul était effectué à partir de la totalité du chiffre d'affaires réalisé.
Il est constant qu'au début de l'année 2020, l'employeur a modifié la base de calcul de la part variable en la limitant à 94 % du chiffre d'affaires. Il n'a pas été établi d'avenant au contrat de travail.
M. [Y] conteste avoir donné son accord. Il convient d'observer qu'il a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette modification de son contrat de travail le 16 octobre 2020 et que l'employeur n'a mis fin à cette réduction de salaire qu'au début de l'année 2021.
L'employeur produit des témoignages de salariés qui attestent de la mise en 'uvre par ses soins d'une réunion d'information au cours de laquelle, il a expliqué les conséquences financières de la crise porcine à l'origine d'une hausse du cours du porc et de ses conséquences sur la masse salariale.
L'existence d'une telle réunion et l'absence de réaction immédiate du salarié ne permettent pas de considérer que celui-ci a accepté la modification de son contrat de travail.
Par ailleurs, l'employeur, même s'il a été confronté à une situation économique exceptionnelle, ne peut unilatéralement imposer une modification, fut-elle temporaire, d'un élément essentiel du contrat de travail.
Au regard de ces éléments, il apparaît que l'employeur a manqué à ses obligations.
Il résulte des pièces produites par M. [Y] que celui-ci a réalisé au cours de l'année 2020 un chiffre d'affaires d'un montant de 1'265'487 €. La réduction de la base de calcul de 96 % à 94 % se traduit par un écart de 25'309,74 € qui a une incidence sur la tranche la plus haute du barème de calcul pour laquelle est appliqué un taux de 5 %. Cela représente une perte de rémunération annuelle de 1 265,49 €, soit une baisse de 2 % de la rémunération (M. [Y] a perçu 60'024,91 € brut au titre de l'année 2020).
- Sur le retrait de certains clients :
Le contrat de travail de M. [Y] précise que l'employeur se réserve la possibilité de modifier la clientèle qui sera attribuée au salarié « en fonction des besoins de la bonne organisation de la société ». L'avenant du 2 janvier 2014 a complété cette disposition en précisant que l'employeur se réserve la possibilité, en fonction notamment des nécessités de l'organisation commerciale, de modifier les secteurs, l'affectation territoriale ne constituant pas un élément essentiel du contrat de travail.
Il résulte donc des stipulations contractuelles que l'attribution de la clientèle à un salarié n'est pas définitive et que l'employeur peut décider unilatéralement de retirer tel ou tel client du portefeuille de son commercial à la condition que ce choix soit fondé sur des besoins en lien avec la bonne organisation de l'entreprise.
M. [Y] conteste la décision de son employeur de lui retirer cinq de ses plus gros clients en faisant valoir qu'il a agi ainsi parce qu'il estimait qu'il percevait un salaire trop élevé. Dans ses conclusions, le salarié ne désigne pas expressément les clients qui lui ont été retirés mais il n'est pas contesté qu'il s'agit de clients relevant de son portefeuille grandes et moyennes surfaces.
Les données produites par l'employeur permettent de constater que le chiffre d'affaires de M. [Y] concernant ces cinq supermarchés a connu une baisse de 17,9 % entre 2015 et 2019 inclus. Toutefois, comme le souligne le salarié, les documents produits par l'employeur ne sont pas représentatifs de ses performances pendant de nombreuses années. En effet, tout abord, ce document compare le chiffre d'affaires réalisées du 1er juin au 31 décembre 2015 à celui réalisé au cours de la même période en 2019. Il s'agit de données certes comparables mais qui sont établies sur une partie seulement de l'année. Ensuite, il n'est donné aucune indication sur l'évolution du chiffre d'affaires en 2016, 2017 et 2018. Il n'est donc pas établi que la dégradation des résultats s'est inscrite dans la durée, celle-ci pouvant être conjoncturelle.
Enfin, il convient de relever que s'il existe une baisse globale de 17,9 %, parmi les cinq supermarchés, deux d'entre eux lui ont été retirés alors que l'évolution du chiffre d'affaires était en augmentation de 38 % pour l'un et de 45 % pour l'autre.
L'employeur produit également les résultats obtenus par le commercial auquel il a attribué ces cinq supermarchés. Il apparaît que celui-ci a obtenu de meilleurs résultats en 2020 que ceux de M. [Y] en 2019. Pour autant, dès lors que les résultats des années 2016 à 2018 inclus ne sont pas produits, rien n'indique que M. [Y] était devenu moins performant et qu'il aurait été incapable de faire progresser son chiffre d'affaires en 2020 à l'instar de son collègue.
Par ailleurs, M. [B], directeur d'exploitation, a décidé de suivre personnellement le client Carrefour Contact retirant ainsi ce client du portefeuille de M. [Y] sans fournir la moindre explication.
Au regard de ces éléments, il n'est pas établi que la modification de la clientèle attribuée à M. [Y] était justifiée par la nécessité de réorganiser l'attribution de la clientèle au sein de la société et, dans ces conditions, l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.
- Sur l'interdiction de démarcher certains clients :
L'employeur reconnaît s'être opposé au démarchage de certains clients afin de ne pas se mettre en concurrence avec d'autres sociétés du même groupe.
Il ne résulte pas des éléments produits que les deux entreprises disposaient d'une autonomie stratégique à l'égard du groupe de sorte que le droit des ententes n'est pas applicable aux accords conclus entre les sociétés du groupe.
M. [Y] n'est donc pas fondé à reprocher à son employeur de s'être opposé au démarchage de clients dans le but de ne pas se mettre en concurrence une autre société du groupe Pomona.
- Sur la dégradation volontaire des conditions de travail de M. [Y] :
M. [Y] prétend s'être senti mis à l'écart mais il ne produit aucun élément de nature à étayer cette affirmation.
Par ailleurs, il ne peut être sérieusement discuté que le retrait de certains clients a eu pour conséquence de contraindre le salarié à compléter son portefeuille clients afin de maintenir sa rémunération. Compte tenu du poids de la part variable à sa rémunération, le manquement de l'employeur retenu ci-dessus a généré inutilement du stress et de l'inquiétude à son salarié, dégradant ainsi ces conditions de travail.
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Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la multiplication des manquements de l'employeur à ses obligations, sur une courte période, avec une incidence sur les conditions de travail, caractérise une inexécution suffisamment grave de ses obligations pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts au. La décision des premiers juges sera donc infirmée de ce chef.
Sur les conséquences de la résiliation du contrat de travail :
M. [Y] a été engagé le 14 septembre 1987 et son contrat de travail a pris fin à la date de la présente décision (30 mars 2023).
Au moment de la rupture du contrat, M. [Y] disposait d'une ancienneté de 35 ans et 6 mois. Il n'est pas contesté que son salaire de référence s'élève à 4 914 € bruts.
Il est fondé à réclamer le paiement de l'indemnité légale de licenciement ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents. La SAF sera donc condamnée à lui payer la somme de 53 083,47 € brut au titre de l'indemnité légale de licenciement ainsi que celles de 9 828 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 982,80 € brut au titre des congés payés y afférents.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (plus de dix salariés), des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération versée, de son âge (58 ans), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 68 796 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'exécution déloyale du contrat de travail a causé un préjudice moral au salarié, distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail. En effet, M. [Y] s'est vu retirer certains clients de son portefeuille de manière péremptoire, sans recevoir d'explications susceptibles de justifier la décision de l'employeur. En revanche, aussi douloureux qu'ait pu être le deuil auquel il a été confronté, le fait qu'il ait ressenti un manque de compassion de la part de son employeur avec lequel il était en litige, ne peut être utilement invoqué et dès lors qu'il n'est pas établi que l'employeur a eu, à cette occasion, une attitude vexatoire. En revanche, doit être pris en compte la perte de rémunération évoquée ci-dessus.
Au regard de ces éléments, le préjudice distinct subi par M. [Y] sera évalué à la somme de 2 500 € la décision des premiers juges sera donc confirmée par substitution de motifs.
Les condamnations ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020, date de saisine du conseil de prud'hommes.
Sur les autres demandes :
La SAF sera condamnée à remettre au salarié les documents de fin de contrat sous astreinte telle que précisée dans le dispositif de la présente décision afin d'en assurer la bonne exécution.
A la suite de la présente procédure, M. [Y] a exposé des frais non compris dans les dépens. L'équité commande de l'en indemniser. La SAF sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Limoges en date du 14 février 2022 en ses dispositions ayant :
- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Y] aux torts exclusifs de l'employeur ;
- débouté M. [Y] de sa demande sur le manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles rendant impossible la poursuite du contrat de travail ;
Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation du contrat de travail de M. [Y] aux torts de l'employeur ;
Condamne en conséquence la société Les Saveurs d'Antoine à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
9 828 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 982,80 € brut au titre des congés payés y afférents ;
53 083,47 € brut au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
68 796 € de dommages et intérêts au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Dit que les condamnations ci-dessus ainsi que celle confirmée concernant les dommages et intérêts alloués au titre du préjudice distinct porteront intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020 ;
Condamne la société Les Saveurs d'Antoine à remettre à M. [Y] les documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du 10 ème jour suivant la notification de la présente décision ;
Condamne la société Les saveurs d'Antoine aux dépens de l'appel et à payer à M. [Y] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
EN L'EMPÊCHEMENT LÉGITIME DU PRÉSIDENT, CET ARRÊT A ÉTÉ SIGNÉ PAR MONSIEUR LE CONSEILLER JEAN-PIERRE COLOMER, MAGISTRAT LE PLUS ANCIEN QUI A SIÈGÉ A L'AUDIENCE DE PLAIDOIRIE ET PARTICIPÉ AU DÉLIBÉRÉ.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
Sophie MAILLANT. Jean-Pierre COLOMER