ARRET N° .
N° RG 21/00934 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIIRL
AFFAIRE :
S.A.S. 3 PRODUCTIONS 'LE KOMPLEX' placée en redressement judiciaire par jugement en date du 18 décembre 2019
C/
Mme [C] [X] épouse [T]
Maître [R] [G]
, Me [I] [U] notaire, membre de la SCP GUILLAUMOND - MULLER - [U]
, S.C.I. [Localité 17],
S.E.L.A.R.L. GLADEL Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la « SAS 3 PRODUCTIONS 'LE KOMPLEX' », S.C.P. BTSG Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « SAS 3 PRODUCTIONS 'LE KOMPLEX' »
JPC/MS
Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente
Grosse délivrée à Me Hubert-antoine DASSE, Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, Me Aminata SISSOKO, Me Elvina JEANJON, avocats,
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 30 MARS 2023
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Le trente Mars deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A.S. 3 PRODUCTIONS 'LE KOMPLEX' placée en redressement judiciaire par jugement en date du 18 décembre 2019, demeurant [Adresse 19]
représentée par Me Elvina JEANJON, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 09 SEPTEMBRE 2021 par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LIMOGES
ET :
Madame [C] [X] épouse [T] à l'égard de laquelle une ordonnance de MEE a été rendue le 21 septembre 2022 déclarant irrecevables les conclusions et les pièces communiquées par Mme [T] et Maître [R] [G]
née le 26 Octobre 1968 à [Localité 18], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Aminata SISSOKO, avocat au barreau de LIMOGES
Maître [R] [G] à l'égard duquel une ordonnance de MEE a été rendue le 21 septembre 2022 déclarant irrecevables les conclusions et les pièces communiquées par Mme [T] et Maître [R] [G]
, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
Maître [I] [U] notaire, membre de la SCP GUILLAUMOND - MULLER - [U]
né le 10 Mars 1961 à [Localité 16], demeurant [Adresse 9]
représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES
S.C.I. [Localité 17], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Hubert-antoine DASSE, avocat au barreau de LIMOGES
S.E.L.A.R.L. GLADEL Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la « SAS 3 PRODUCTIONS 'LE KOMPLEX' », demeurant [Adresse 8]
défaillante régulièrement assignée par exploit d'huissier en date du 14 décembre 2021 à personne
S.C.P. BTSG Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « SAS 3 PRODUCTIONS 'LE KOMPLEX' », demeurant [Adresse 3]
défaillante régulièrement assignée par exploit d'huissier en date du 22 décembre 2021 à personne.
INTIMES
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 13 Février 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
La SCI [Localité 17] était propriétaire d'un ensemble immobilier d'une superficie totale de 1,56 ha, situé à [Localité 15] (87), comprenant un bâtiment composé de deux parties et un parking. Le bâtiment d'une superficie de 2120 m² est à usage de bars, discothèque, spectacle, petite restauration, snack, location de salles.
Par contrat du 29 avril 2015, la SCI [Localité 17] a donné le bâtiment et le parking à bail commercial à la société 3 Productions moyennant un loyer mensuel de 3 000 € HT.
Le 2 août 2016, le local commercial a été l'objet d'un incendie qui a endommagé une partie des locaux et entraîné la fermeture de l'établissement.
Par acte authentique reçu les 26 et 27 juin 2017, par Me [G], notaire, avec le concours de Me [U], notaire, la SCI [Localité 17] a vendu cet ensemble immobilier à Mme [T].
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Par acte d'huissier en date du 28 septembre 2018, la société 3 Productions a fait assigner la SCI [Localité 17], Mme [T], Me [G], notaire, et Me [U], notaire, devant le tribunal de grande instance de Limoges, aux fins d'obtenir la nullité du contrat de vente conclu entre la SCI [Localité 17] et Mme [T] et de voir ordonner la réalisation de la vente à son profit.
Le 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Limoges a placé la société 3 Productions en redressement judiciaire et a désigné la SCP BTSG² en qualité de mandataire judiciaire.
Le 19 février 2020, le tribunal de commerce a ordonné la poursuite de la période d'observation et désigné la SELARL Gladel & Associés (la SELARL Gladel) en qualité d'administrateur judiciaire.
Le 21 juillet 2021, il a homologué le plan de continuation présenté par la société 3 Productions et a nommé la SELARL Gladel en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
La SCP BTSG² et la SELARL Gladel sont intervenues ès qualités à la procédure pendante devant la juridiction civile.
Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Limoges, a :
- débouté la société 3 Productions, la SELARL Gladel et la SCP BTSG², toutes deux ès qualités, de l'intégralité de leurs demandes ;
- condamné la société 3 Productions à payer à Mme [T] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société 3 Productions, la SELARL Gladel et la SCP BTSG², toutes deux ès qualités, à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :
1 500 € à la SCI [Localité 17] ;
1 500 € à Me [U] ;
1 500 € à Me [G] ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la société 3 Productions, la SELARL Gladel et la SCP BTSG², toutes deux ès qualités, aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Dauriac, avocat associé de la SCP Dauriac Pauliat-defaye Boucherle Magne.
La société 3 Productions a interjeté appel de la décision le 4 novembre 2021. Son recours porte sur l'ensemble des chefs du jugement.
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Par conclusions notifiées par voie électronique janvier 2022, la société 3 Productions demande à la cour de :
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer le caractère d'ordre public des dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce sur le droit de préférence du locataire commercial ;
A titre principal :
- annuler la vente passée le 26 et 27 juin 2017 entre la SCI [Localité 17], vendeur, et Mme [T] concernant l'immeuble ainsi désigné : 'Ensemble immobilier situé lieu-dit [Localité 17], cadastré section BK à [Localité 15], parcelles n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 14]" ;
- ordonner la restitution de l'immeuble et du prix de la vente précitée ;
- ordonner, à titre de garantie à son profit, le séquestre de la restitution du prix de vente dans l'attente de la décision définitive qui sera rendue dans l'affaire enrôlée sous le n° RG 18/00043 devant le tribunal de Limoges portant sur la réduction du loyer suite à la destruction partielle des locaux ;
- ordonner la publication l'arrêt à intervenir au service chargé de la publicité foncière de la situation de l'immeuble conformément à l'article 28 du décret 55-22 du 4 janvier 1955 modifié par l'ordonnance n°2010-638 du 10 juin 2010 ;
- indiquer dans son arrêt le montant des droits d'enregistrement, la date de versement et le service les ayant reçus lors de la vente dont l'annulation est poursuivie ;
- décider qu'elle sera substituée à Mme [T] dans la vente de ce même immeuble ;
- ordonner la réalisation de la vente de l'immeuble en cause à son profit devant tel notaire qu'elle désignera et cela dans les deux mois de la décision à intervenir ;
- assortir cette décision d'une astreinte à la charge du vendeur d'un montant de 2 000 € par jour de retard ;
- juger qu'en raison de l'annulation de la vente, il n'y a pas lieu à paiement entre elle et Mme [T] au titre des loyers depuis la vente de l'immeuble ;
- condamner en conséquence Mme [T] à lui restituer tous les loyers perçus depuis la date de la vente, outre les intérêts au taux légal à compter de chaque paiement de loyer ;
À titre subsidiaire, si l'annulation de la vente n'était pas décidée, de :
- condamner, in solidum, la SCP [G] et La SCP Stéphane Guillaumond ' Agnès Muller ' [I] [U], en leur qualité de notaires instrumentaires de la vente, la SCI [Localité 17] en sa qualité de vendeur et Mme [T] en sa qualité d'acheteur à lui verser la somme de 50 000 € en réparation du préjudice subi ;
- condamner les mêmes à lui verser chacun la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
A l'appui de son recours, elle soutient qu'elle aurait dû bénéficier du droit de préférence prévu à l'article L. 145-46-1 du code de commerce et ce d'autant que le vendeur et l'acquéreur étaient informés de sa volonté d'acquérir les lieux donnés à bail. Elle ajoute que ce droit de préférence est d'ordre public.
Par ailleurs, elle conteste que le droit de préférence puisse être écarté au motif que l'assiette de la vente est différente de celle du bail, différence qu'elle conteste par ailleurs.
Elle conteste le protocole d'accord selon lequel elle a renoncé à ce droit en faisant valoir que son gérant n'en est pas le signataire.
En conséquence, elle estime que la nullité de la vente doit être prononcée et qu'elle doit substituer Mme [T] dans cette vente.
Subsidiairement, elle invoque le non-respect de la promesse unilatérale de vente donnée par la SCI et la mauvaise foi de Mme [T] qui justifie en tout état de cause cette nullité.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2022, la SCI [Localité 17] demande à la cour de :
- débouter la société 3 Productions de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
En toute hypothèse, de :
- condamner solidairement Me [G] et Me [U] à la garantir et relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
- condamner la société 3 Productions à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Elle s'oppose à la demande d'annulation de la vente en faisant valoir que la société 3 Productions était parfaitement informée des conditions de vente et a renoncé expressément à son droit de préemption. Par ailleurs, elle soutient que le droit de préemption n'était pas applicable à la vente litigieuse dans la mesure où celui-ci ne s'applique pas en cas de cession globale d'un immeuble qui ne comprend qu'un seul local commercial puisqu'il porterait atteinte au droit de propriété et doit donc être interprété strictement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 avril 2022, Me [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel ;
- juger que la société 3 Productions est défaillante dans la démonstration d'une faute de sa part, directement génératrice pour elle d'un préjudice indemnisable ;
- débouter la société 3 Productions de l'intégralité de ses prétentions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;
- débouter la SCI [Localité 17] de sa demande de garantie ;
- condamner la société 3 Productions, ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me DAURIAC, avocat postulant, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il soutient que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une faute qui lui soit imputable et qui soit directement génératrice pour elle d'un préjudice indemnisable.
Il ajoute qu'aux termes du bail, les parties ont indiqué vouloir déroger aux dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, le bailleur étant donc dispensé des notifications prévues et le locataire renonçant expressément à tout droit de préférence en cas de vente des locaux, cette clause étant parfaitement valable. Il fait état d'un protocole d'accord du 15 décembre 2016 aux termes duquel M. [M], gérant de la société 3 Productions, a confirmé qu'il ne souhaitait pas exercer son droit de préférence suite à la proposition de vente faite par la SCI [Localité 17] le 24 octobre 2016.
La SARL Gladel et la SCP BTSG² n'ont pas constitué avocat.
Par ordonnance du 21 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et les pièces communiquées par Mme [T] et Me [G], en application des dispositions des articles 909 et 911 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
SUR CE,
Sur la demande d'annulation de la vente :
- Sur le non-respect du droit de préférence du preneur :
L'article L.145-6-1 alinéa 1er du code du commerce, dans sa version en vigueur au jour de la vente, prévoit : « Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. »
Le dernier aliéna de cet article précise : « Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.»
En l'espèce, l'acte de vente litigieux, en date des 26 et 27 juin 2017, mentionne que la SCI [Localité 17] a cédé à Mme [T] un ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 15] (87) au lieu-dit [Localité 17] cadastré :
- section BK n° [Cadastre 5] d'une contenance de 30a61ca
- section BK n° [Cadastre 6] d'une contenance de 78a96ca
- section BK n° [Cadastre 10] d'une contenance de 06a40ca
- section BK n° [Cadastre 11] d'une contenance de 01a05ca
- section BK n° [Cadastre 12] d'une contenance de 12a79ca
- section BK n° [Cadastre 14] d'une contenance de 74a70ca
soit une superficie totale de 2ha04a51ca.
Le bail commercial du 29 avril 2015 dont est titulaire la société 3 Productions désigne l'immeuble donné à bail comme un ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 15] (87) au lieu-dit [Localité 17], consistant en un bâtiment et les terrains autour, figurant au cadastre de la commune sous les références :
- section BK n° [Cadastre 6] d'une contenance de 78a96ca
- section BK n° [Cadastre 7] d'une contenance de 77a84ca
L'acte de vente indique qu'aux termes d'un acte reçu le 19 décembre 2003, la parcelle BK n°[Cadastre 7] a fait l'objet d'une division ayant conduit à la création des parcelles BK n°[Cadastre 13] et [Cadastre 14].
Il apparaît donc que le bail porte sur une partie de l'ensemble immobilier vendu à savoir les parcelles BK n°[Cadastre 6] et [Cadastre 14].
Par ailleurs, le fait que les témoignages produits par la société 3 Productions tendent à démontrer qu'elle a utilisé dans le cadre de son exploitation la totalité de l'ensemble immobilier ne saurait avoir pour effet d'étendre l'assiette du bail puisqu'en réalité, elle était occupante sans droit ni titre du surplus de l'ensemble immobilier.
Les pièces produites par les parties montrent que l'ensemble immobilier constitue une unité de sorte que l'application du droit de préférence prévu par l'article précité aura pour conséquence d'étendre ce droit au-delà de l'assiette du bail, ce qui constitue une atteinte au droit de propriété de la SCI [Localité 17].
Le dernier alinéa de l'article L.145-6-1 qui est d'ordre public, prévoit un certain nombre d'exceptions parmi lesquels ne figure pas l'hypothèse d'un bail commercial unique portant sur une partie d'un ensemble immobilier.
Toutefois, ce droit de préférence que le législateur a entendu limiter au bien objet du bail commercial ne saurait permettre de porter atteinte au droit de propriété de la SCI [Localité 17] qui bénéficie d'une valeur constitutionnelle et qui, à ce titre, prime sur un droit d'ordre public.
En conséquence, il apparaît que, comme l'ont retenu les premiers juges, le droit de préemption de l'article L.145-6-1 ne s'appliquait pas à la vente litigieuse.
- Sur le non-respect de la promesse unilatérale :
Selon l'article 1124 du code civil :
« La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul. »
En l'espèce, par courrier du 24 octobre 2016, la SCI [Localité 17] répondant à l'offre d'achat du gérant de la société 3 Productions, lui a adressé une double proposition de vente de l'ensemble immobilier dans lequel est exploitée la discothèque LE KOMPLEX :
- Une première proposition valable jusqu'au 31 décembre 2016, pour 105 000€, outre les deux licences IV et le matériel, pour un total de 145 000 € ;
- Une seconde proposition à compter du 1er janvier 2017, pour 150 000€, outre les deux licences IV et le matériel pour un total de 190 000 €.
Le 30 novembre 20165, la SCI a adressé la même proposition de vente à la SCI [T].
La société 3 Productions ne justifie pas avoir levé l'option concernant la première proposition avant le 31 décembre 2016. Celle-ci est donc devenue caduque.
La demande d'annulation pour violation de la promesse unilatérale de vente ne doit donc être examinée qu'au regard de la seconde proposition.
La SCI [Localité 17] fait valoir que la société 3 Productions n'a jamais répondu à cette offre, ce qui n'est pas contesté. Même si cette dernière ne le dit pas expressément, elle ne conteste pas les affirmations de Me [U], selon lesquelles, elle n'a pas obtenu le financement.
La vente conclue entre la SCI [Localité 17] et Mme [T] a été établie les 26 et 27 juin 2017, soit plus de 8 mois après la promesse du 24 octobre 2016.
Il n'est pas précisé dans la seconde option, le temps laissé au bénéficiaire pour opter mais à défaut de fixation d'un délai, la promesse ne devait être maintenue que pendant une durée raisonnable, ce qui a été le cas en l'espèce.
Au surplus, il incombe à la société 3 Productions de rapporter la preuve que Mme [T] avait connaissance de la promesse unilatérale de vente, ce qu'elle ne fait pas.
En effet, si dans ses conclusions de première instance, Mme [T] a pu écrire : « La société 3 Productions, peu de temps après l'incendie, a exprimé son souhait auprès du bailleur de racheter l'intégralité du ténement immobilier sur lequel étaient situés les locaux commerciaux exploités par la société 3 Productions ainsi que les licences de débit de boisson et le matériel », il se déduit simplement de ses écritures qu'elle savait que le preneur avait fait une offre d'achat au propriétaire mais il ne peut en être déduit que, par ailleurs, elle avait connaissance de la promesse unilatérale de vente du 24 octobre 2016.
Les courriers électroniques invoqués par la société 3 Productions ne permettent pas davantage d'établir cette preuve puisque l'échange du 2 février 2017 a pour objet la transmission d'informations concernant les entreprises en difficulté et Mme [T] met en garde le gérant de la société 3 Productions contre le risque de tout perdre, ce qui est manifestement très éloigné des conseils évoqués par cette dernière concernant la recherche d'un financement pour lever l'option de la promesse de vente.
Il en est de même des courriers électroniques constituant la pièce 22 de l'appelante dont l'objet est intitulé « factures matériel et autres Komplex » et qui ne comporte aucune indication concernant l'aide alléguée.
Enfin, il ne peut être déduit de la mauvaise foi de Mme [T] relevée par différentes juridictions dans des litiges opposant cette dernière à la société 3 Productions, qu'elle avait connaissance de la promesse litigieuse.
Au regard de ces éléments, il n'est pas établi que le contrat de vente a été établi en violation de la promesse unilatérale de vente du 24 octobre 2016 et que Mme [T] avait connaissance de l'existence de cette promesse de vente.
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La décision des premiers juges sera donc confirmée en ce qu'ils ont débouté la société 3 Productions de sa demande d'annulation de la vente des 26 et 27 juin 2017.
Sur la responsabilité des notaires rédacteurs de l'acte de vente :
Il a été jugé que les dispositions de l'article L.145-6-1 du code de commerce n'étaient pas applicables en l'espèce. La société 3 Productions n'est donc pas fondée rechercher la responsabilité des notaires rédacteurs de l'acte de vente.
La décision des premiers juges sera donc confirmée en ce qu'ils ont débouté la société 3 Productions de ce chef de demande.
Sur la responsabilité de la SCI [Localité 17] et de Mme [T] :
La société 3 Productions reproche à la SCI [Localité 17] et Mme [T] de ne pas avoir respecté son droit de préférence. Il a cependant été jugé ci-dessus que celui-ci n'était pas applicable à la vente litigieuse. Il s'ensuit que la décision des premiers juges doit être confirmée en ce qu'ils ont débouté l'appelante de ce chef de demande.
Sur les autres demandes :
A la suite de la présente procédure, la SCI [Localité 17] et Me [U] ont exposé des frais non compris dans les dépens. L'équité commande de les en indemniser. La société 3 Productions sera condamnée à leur payer la somme de 1 500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Limoges en date du 09 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Condamne la société 3 Productions aux dépens de l'appel et à payer à la SCI [Localité 17] et à Me [U] la somme de 1 500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
EN L'EMPÊCHEMENT LÉGITIME DU PRÉSIDENT, CET ARRÊT A ÉTÉ SIGNÉ PAR MONSIEUR LE CONSEILLER JEAN-PIERRE COLOMER, MAGISTRAT LE PLUS ANCIEN QUI A SIÈGÉ A L'AUDIENCE DE PLAIDOIRIE ET PARTICIPÉ AU DÉLIBÉRÉ.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
Sophie MAILLANT. Jean-Pierre COLOMER