ARRÊT N°
N° RG 22/00057 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJMS
AFFAIRE :
S.A.S. LYNX SECURITE
C/
[V] [N]
G aux avocats Me Richard DOUDET, Me Philippe HONTAS
PLP/MS
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
------------
ARRÊT DU 15 MARS 2023
-------------
A l'audience publique de la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le quinze Mars deux mille vingt trois a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;
ENTRE :
S.A.S. LYNX SECURITE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Paul GERARDIN, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'un jugement rendu le 11 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIMOGES
ET :
Monsieur [V] [N], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Richard DOUDET de la SELARL SELARL D'AGUESSEAU CONSEIL, avocat au barreau de LIMOGES
INTIME
---==oO§Oo==---
L'affaire a été fixée à l'audience du 23 Janvier 2023, après ordonnance de clôture rendue le 7 décembre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 15 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi.
Au cours de ce délibéré Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendu compte à la cour composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d'elle même.
A l'issue de leur délibéré commun a été rendu à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition au greffe.
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE :
M. [N] a été engagé le 6 janvier 1998 par la société SECURITAS FRANCE dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité sur le site SUPER U [3] de [Localité 4].
Suite à une reprise de marché, son contrat de travail a été transféré à compter du 1er mars 2020 à la société LYNX SÉCURITÉ.
Le 16 octobre 2020, le salarié a été convoqué par son employeur afin de lui signifier sa mise à pied conservatoire et sa convocation à un entretien préalable.
L'entretien préalable s'est tenu le 27 octobre 2020 et le salarié s'est vu notifier son licenciement pour fautes graves par un courrier recommandé du 3 novembre 2020 aux motifs suivants :
- comportement jugé inacceptable par l'employeur ;
- propos dénigrant à l'égard de la société ;
- propos injurieux à l'encontre de son responsable ;
- insultes à adressées à l'un de ses collègues.
***
Contestant son licenciement, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges par une demande reçue le 11 décembre 2020.
Par jugement du 11 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Limoges, estimant que les griefs formulés dans la lettre de licenciement étaient vagues, imprécis et non circonstanciés, a :
- constaté l'absence de faute grave et réelle et sérieuse commise par M. [N] ;
- dit que le licenciement de M. [N] est sans cause réelle et sérieuse ;
- fixé le salaire brut de M. [N] à 2 002,82 € ;
En conséquence, a :
- condamné la société LYNX SÉCURITÉ à payer à M. [N] les sommes de :
* 25 000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 11 015,56 € d'indemnité légale de licenciement ;
* 4 005,64 € brut d'indemnité compensatrice de préavis ;
* 400,56 € brut au titre des congés payés afférents ;
* 714,16 € brut au titre de la retenue sur salaire pour mise à pied conservatoire ;
* 71,16 € brut au titre des congés payés afférents ;
* 5 000 € de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
- dit que les intérêts au taux légal courront sur ces sommes à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- condamné la société LYNX SÉCURITÉ à établir et transmettre à M. [N], bulletin de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi et solde de tout compte conformes au présent jugement sous astreinte de 5 € par jour et par document à compter du 21ème jour suivant la notification du présent jugement et pendant trois mois ; le Conseil s'en réservant l'éventuelle liquidation ;
- ordonné l'exécution provisoire sur l'ensemble du présent jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile ;
- condamné la société LYNX SÉCURITÉ à payer à M. [N] la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société LYNX SÉCURITÉ aux dépens ;
- débouté les parties du plus ample ou contraire de leurs demandes.
La société LYNX SÉCURITÉ a interjeté appel de la décision le 27 janvier 2022.
Aux termes de ses écritures du 22 novembre 2022, la société LYNX SÉCURITÉ demande à la cour de :
- réformer intégralement le jugement dont appel ;
- juger que les demandes de M. [N] sont irrecevables et mal fondées ;
- juger que M. [N] se doit d'évaluer chaque poste de sa demande soumise à précompte ou à prélèvement en brut, soit d'expliciter de manière détaillée son calcul en net, mais dans ce cas en mentionnant les taux et plafonds en vigueur afférents à ces cotisations et prélèvements lors des périodes de travail donnant lieu aux rappels sollicités et qu'en cas de refus de l'intéressé de chiffrer précisément ses demandes, ses demandes seront jugées irrecevables et au surplus, mal fondées ;
- juger l'ensemble des demandes formées par M. [N] mal fondées ;
- condamner M. [N] à lui verser la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Cette société expose d'abord que le salarié doit nécessairement évaluer chaque poste de sa demande soumis à précompte ou à prélèvement en brut, soit expliquer de manière détaillée son calcul en net, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.
Concernant le licenciement pour faute grave, elle soutient que celui-ci est bien fondé au regard de la réalité de l'ensemble des griefs formulés, la lettre de licenciement faisant bien état de faits précis et vérifiables, l'employeur contestant en outre l'absence de datation des griefs, indiquant que la plupart d'entre eux le sont.
A titre subsidiaire, la société LYNX SÉCURITÉ expose que le licenciement de M. [N] est, à tout le moins, fondé sur une cause réelle et sérieuse.
A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que l'indemnisation sollicitée doit nécessairement être limitée dans son quantum, contestant en outre les conditions prétendument brutales et vexatoires du licenciement, de même que la réalité du préjudice allégué par le salarié.
Aux termes de ses écritures du 5 décembre 2022, M. [N] demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et comme étant brutal et vexatoire, ainsi qu'en ce qu'il a fixé le salaire de référence à la somme de 2 002,85 € brut ;
- le réformer en ce qu'il a limité le montant des sommes allouées au titre du caractère réel et sérieux du licenciement ainsi que son caractère vexatoire, ainsi qu'en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes ;
Statuant à nouveau, de :
- condamner la société LYNX Sécurité à lui verser les sommes de :
* 33 047,02 € net d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 13 686,14 € net d'indemnité légale de licenciement ;
* 4 005,70 € brut d'indemnité compensatrice de préavis, outre 400,57 € brut de congés payés ;
* 714,16 € brut au titre de la période de mise à pied conservatoire injustifiée outre 71,16 € brut de congés payés afférents ;
* 10 000 € net de dommages-intérêts au titre du caractère brutal de la rupture ;
- condamner la même à lui remettre ses documents de fin de contrat modifiés sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir ;
- condamner la société LYNX SÉCURITÉ à verser les intérêts à taux légal sur les sommes d'argent à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;
- condamner la même à lui verser la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il conteste l'existence d'une quelconque faute, a fortiori grave, soutenant que son licenciement est privé de tout caractère réel et sérieux. De plus, il précise que les griefs formulés dans la lettre de licenciement, dont certains auraient court depuis un certain temps, s'opposant donc à la gravité qui doit justifier le départ immédiat du salarié de l'entreprise dans le cas d'une faute grave, tout comme l'entretien informel du 19 septembre 2020 mentionné par l'employeur. Dès lors, il fait valoir que rien ne justifiait sa mise à pied.
En outre, M. [N] indique avoir été licencié dans des circonstances brutales et vexatoire, la situation le fondant à obtenir réparation du préjudice subi.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
1/ Sur la rupture du contrat de travail :
Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (article L 1232-1 du code du travail).
La faute grave, selon une jurisprudence constante, est celle qui autorise le licenciement pour motif disciplinaire en raison d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations du travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien d'un salarié dans l'entreprise.
C'est à l'employeur, qui invoque l'existence d'une faute grave, d'en rapporter la preuve.
C'est au regard des motifs énoncés dans la lettre de licenciement que s'apprécie son bien fondé.
M. [V] [N] a été licenciée pour faute grave pour avoir tenu des propos dénigrants à l'encontre de son employeur, des propos injurieux et insultants à l'encontre de sa hiérarchie et de ses collègues et avoir eu des comportements déloyaux ayant affecté son équipe de travail.
Les termes de la lettre de licenciement sont ainsi reproduits :
' Dans le cadre d'une reprise de marché, en date du 1er mars 2020, vous avez accepté le transfert de votre contrat de travail auprès de notre société. Nous sommes par conséquent devenu votre employeur à cette date.
Cependant nous déplorons de votre part, depuis un certain temps déjà, un comportement totalement inacceptable remonté par plusieurs collaborateurs et par votre responsable de secteur Monsieur [O] [U].
Ainsi, à plusieurs reprises et en dernier lieu les 10 et 16 octobre dernier, vous avez dénigré notre société, traitant votre employeur de « boîte de merde », ou encore en indiquant que notre société était de la 'merde' cela alors même que vous étiez en poste, sur le site de notre client revêtant la tenue professionnelle siglée LYNX. Plusieurs personnes dont vos collègues vous ont entendu.
Vous avez également tenu des propos injurieux à l'encontre de votre Responsable Monsieur [U] [O] en le surnommant « le gros Sabourdy » lorsque vous parlez de lui. Rappelons qu'il s'agit de votre supérieur hiérarchique. Ces propos, encore une fois, ont été tenus sur votre lieu de travail alors que vous étiez en poste en tenue professionnelle.
Vous avez tenu ces propos de manière qu'ils soient entendus par vos collègues, cela visant à décrédibiliser votre supérieur au sein de l'équipe.
Vous vous êtes également permis d'insulter un de vos collègues de travail, le traitant de « gros porc » et de « sale anglais ». Vous avez volontairement mis ce salarié à l'écart. Ce dernier a dû se tourner vers son Responsable afin de pouvoir continuer à travailler dans un climat normal et sain.
Vos propos et votre attitude à l'égard de vos collègues sont inadmissibles.
Nous constatant que par votre attitude vous avez volontairement crée un climat délétère au sein de l'équipe ».
La poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur pour caractériser la faute grave à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés.
1/ Sur le dénigrement de l'employeur
Aux termes de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Cette bonne foi est exigée aussi bien de la part de l'employeur que du salarié.
L'employeur de M. [N], la SAS LYNX SÉCURITÉ, lui reproche de l'avoir dénigrée à plusieurs reprises et en dernier lieu les 10 et 16 octobre dernier en la traitant de « boîte de merde », ou encore en indiquant que cette société 'était de la merde'.
La prescription qui résulte des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail, selon lesquelles aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance n'est pas opposable en l'espèce, dès lors que c'est le 16 octobre 2020 que M. [N] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable, et qu'il a été licencié pour faute grave le 3 novembre 2020.
M. [N]conteste fermement l'intégralité des faits qui lui sont reprochés, y compris le dénigrement de l'entreprise. Il affirme être un salarié exemplaire qui pendant plus de 22 ans a toujours mis un point d'honneur à exécuter correctement son travail. Il dit que son professionnalisme était apprécié tant par ses supérieurs que par ses collègues de travail.
Pour justifier de la réalité du dénigrement qu'il invoque l'employeur produit plusieurs attestations.
M. [K] [F], agent de sécurité, atteste, dans les formes légales ; 'ce jour, vendredi le 16 octobre, je passais devant le poiteau.J'ai surpris M. [N]avec une hôtesse d 'accueil (Laeticia) critiquais ouvertement la société Lynx en disant que c 'était une boîte de merde....qu 'ils vont pas me faire un deuxième trou du cul... ''.
M. [N] invoque une tolérance « un certain temps » de ce comportement par son employeur, depuis au moins le 15 août 2020, ce qui serait incompatible avec la qualification de faute grave. Il excipe d'un mail adressé par M. [D], responsable du site de [3], à M. [O] dans lequel il indique que M. [N] passe son temps à discuter avec les hôtesses de caisse, a critiqué ses collègues et dénigré la société: « Cet agent ne cesse de critiquer certains collègues ouvertement devant le Client qui à ce sujet me fait part en souriant « qu'il sait faire la part des choses » et se rend bien compte du travail fourni sur site. Monsieur [N] a un effet négatif sur tous les points de vue et il nuit au bon déroulement de la prestation. Je demande à ce que cet agent ne fasse plus parti de l'effectif du Site. Nous en avons discuté avec Mlle [J] et M. [P] qui sont du même avis.'
En premier lieu il ne s'agit pas tant d'un dénigrement de l'employeur que d'une critique de collègues. D'autre part l'article L 1332-4 du code du travail précité, ne fait pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois, dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai. C'est précisément cette réitération du dénigrement de son employeur durant ce délai qui est reprochée à M. [N]. Il s'agit de faits distincts, quoique de même nature. Aucune prescription de son action ne peut donc lui être efficacement reprochée.
Par ailleurs des faits dont l'employeur pouvait considérer qu'ils ne méritaient pas une sanction disciplinaire à leur date de commission, n'interdisent pas à l'employeur de considérer qu'ils accentuent la gravité des faits similaires commis ultérieurement.
En l'occurrence, indépendamment de l'appréciation de la gravité de la faute, il n'existe aucune raison de mettre en cause la réalité du dénigrement de son employeur par M. [N] telle qu'elle est restituée par M. [F].
M. [N] considère qu'il est matériellement impossible qu'il ait été l'auteur de ce dénigrement le 16 octobre 2020, dans la mesure où il a été mis à pied le jour même à peine une heure après avoir embauché à 14 heures et il invoque l'attestation de Mme [E] [S] [W], hôtesse d'accueil au sein du supermarché SUPER U [3].
En réalité cette personne explique qu'elle a pris son poste à 14h à l'accueil du Super U [Localité 4] [3] alors que M. [N] était à son poste au 'pointeau' et qu'elle a eu des échanges avec lui, y compris pour lui demander de surveiller la borne de jeu. Il n'est cependant pas démontré que durant cette heure M. [N] a été accaparé par Mme [W] au point d'avoir été dans l'impossibilité de prononcer les paroles rapportées par M. [F] sans qu'elle les entende. De même son témoignage ne permet pas d'exclure la présence de M. [O] lequel a informé M. [A], à 16h27 (en réponse à son courriel envoyé à 16h21), qu'il avait notifié verbalement à M. [N] sa mise à pied à titre conservatoire, à 15h00. Cette affirmation n'est pas démenti par un message de M. [D] à M. [O], envoyé à 15h38 pour rappeler le comportement antérieur de M. [N], mentionner d'autres faits de même nature survenus le matin et lui dire qu'il était juge des suites à donner une nouvelle fois à ces comportements contraires aux valeurs de leur société. Ces faits étaient similaires mais distincts de ceux du début de l'après-midi évoqués par M. [F].
Il sera en outre constaté que dans ses conclusions de première instance M. [N], après avoir évoqué le témoignage de Mme [W], reconnaissait qu'il avait pu avoir des échanges vifs avec son supérieur ainsi que son collègue de travail, tout en les expliquant par le climat délétère dans lequel il évoluait. Il reconnaît donc leur présence.
L'établissement par M. [F] de son attestation le jour-même des faits relatés ne caractérise pas son caractère mensonger.
Mme [C] [J], agent de sécurité, atteste quant à elle avoir vu,le 17 octobre 2020, M. [N] « Se moquer littéralement et ouvertement de notre société LYNX en disant à M. [Y] [H], je cite « vivement qu 'on change de société c 'est de la merde ''.
L'absence de témoignage du personnel du magasin et de la personne citée, qui peut souhaiter ne pas être impliquée dans un conflit qui ne le concerne pas directement, ne suffit pas à lui faire perdre sa valeur.
M. [O], chef d'exploitation, rapporte, notamment, que M. [N] ' disait à qui veut l 'entendre que la société LYNX été une boîte de merde, une boîte LOW COST et que nous ne lui ferrions pas un deuxième trou du cul'.
M. [N] allègue mais ne prouve pas l'existence d'un acharnement contre sa personne de la part de M. [O] depuis son arrivée au mois de mars 2020. Ses affectations au 'pointeau' qui est le point de passage à l'entrée des magasins, dont se plaint M. [N] est conforme aux fonctions d'un agent de sécurité et il ne démontre pas qu'elles étaient anormales.
Compte tenu de l'ensemble de ces attestations, il y a lieu de considérer que le dénigrement de son employeur par M. [N] est établi les 16 et 17 octobre 2020, dans les termes rapportés par les auteurs des attestations et qu'il s'agissait d'une réitération de faits de cette nature. Toutefois l'imprécision des attestations à cet égard et l'absence de témoignages de tiers ne permettent pas de considérer que ce dénigrement a été entendu par d'autres que les salariés de la société LYNX SECURITE.
2/ Sur les propos injurieux à l'égard de la hiérarchie
M. [U] [O], le responsable secteur direct de M. [N] atteste : « A plusieurs reprises, j'ai été victime d'insultes sur mon physique ; Je cite « le gros con est parti ou encore l'autre bon à rien, de toutes façons [c 'est] un gros porc... ''.
Toutefois aucun témoin confirme avoir entendu M. [N] proférer de telles insultes.
Les termes utilisés par M. [D], le responsable de la sécurité du site de [3], selon lesquels M. [N] appelait M. [O] 'le gros [O]' restent très imprécis, n'évoquent ni les circonstances ni la date à laquelle ces paroles auraient été prononcées et ne sont pas retranscrits dans une attestation.
Le doute devant profiter au salarié, la réalité des propos injurieux tenus par M. [N] à l'égard de sa hiérarchie ne peut pas être considérée comme avérée.
3/ Sur les propos injurieux à l'égard de ses collègues
M. [I], agent de sécurité de nationalité anglaise, a rédigé une attestation, en joignant la copie de son passeport, mais sans la rédiger de manière manuscrite et en omettant d'indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice.
Toutefois elle est datée du 25/10/2020 signée, manuscritement, et son auteur précise qu'il connait les dispositions de l'article 441-7 du code pénal réprimant l'établissement d'attestation faisant état de faits matériellement inexacts et les sancitons encourues. Elle est suffisamment détaillée. La cour considère qu'elle présente des garanties suffisantes pour emporter la conviction.
M. [I], s'adresse au responsable d'exploitation de la société LYNX pour l'alerter sur le comportement de M. [N] pour l'informer que depuis qu'il travaille sur le site de [3] il fait l'objet de sa part de « propos discriminatoires concernant ma corpulence et sur le fait que de nationalité anglaise, je ne maitrise pas complètement la langue française, ses moqueries sont incessantes à mon sujet... pas une seule fois M. [N] ne l'a dit bonjour et aucun dialogue de sa part n'est possible...a plusieurs reprises j'ai été insulté de sa part de « gros porc et de sale anglais, de bon à rien que je ne sers à rien ».
Ces insultes à l'égard de M. [I] sont confirmées par M. [O] dans son attestation.
Il convient d'en constater la réalité à l'égard d'un seul collègue de travail.
4/ Sur les comportements déloyaux ayant affecté l'équipe de travail
M. [D], informe notamment M. [O], dans un courriel précédemment retranscrit, du 15 août 2020, que M. [N] ne cesse de critiquer certains de ses collègues ouvertement devant le client,qu'il a un effet négatif sur tous les points de vue et qu'il nuit au bon déroulement de la prestation, souhaitant qu'il ne fasse plus partie de l'effectif du site.
M. [H] [P], chef d'équipe sécurité, atteste dans les formes légales, que M. [N] rapportait systématiquement tout ce qui concernait la société LYNX et le service sécurité aux hôtesses de caisse et à l'accueil du magasin SUPER U.
M. [I] atteste que M. [N] racontait des mensonges sur l'équipe et sa vie aux caissières, que son comportement était contraire au bon fonctionnement du travail et à l'ambiance du site, qu'à un moment donné il a failli partir du site à cause de cet agent.
Mme [J] atteste qu'en exécution de ses fonctions de SSIAP 2 pendant ses vacations elle donnait des consignes à M. [N] que ce dernier n'appliquait pas et qu'il se permettait d'être arrogant envers elle.
M. [O] atteste que M. [N] avait des problèmes de comportement avec ses collègues de travail, qu'il se permettait de raconter au client tout ce qui se passait dans l'équipe ce qui créait de ' la discorde dans le bon fonctionnement de celle-ci '.
Pour sa défense M. [N] produit diverses attestations.
Celles de Mrs [Z] et [X] émanent d'anciens collègues, inconnus de la SAS LYNX SECURITE qui n'étaient plus présents dans l'entreprise et sur le site au moment des faits. Elles ne sont donc pas de nature à démentir les faits invoqués par la société LYNX.
Les attestations de Mmes [T], [R] et [L], émanent de caissières étrangères à l'effectif de la SAS LYNX SECURITE, avec lesquelles M. [N] passait beaucoup de temps à discuter. Elles vantent sa compétence en tant qu'agent de sécurité, laquelle n'est pas en cause, mais n'apportent aucun élément sur ses relations avec sa hiérarchie et ses collègues de travail. Elles sont inefficaces à contredire les faits invoqués dans la lettre de licenciement.
5/ Synthèse sur les conditions de la rupture du contrat de travail
A l'examen de l'ensemble des pièces produites, doivent être considérés comme justifiés les griefs reprochés à M. [N] d'avoir dénigré, de manière réitérée, son employeur devant ses collègues de travail, d'avoir proféré des injures à l'encontre d'un collègue de travail et d'avoir critiqué ses collègues de travail auprès des clients de l'employeur, faisant preuve de déloyauté envers eux et son employeur. Cet ensemble de faits a perturbé les relations de travail et créé un climat délétère au sein de l'équipe.
Si ces fautes ne rendaient pas impossible le maintien de M. [N] dans l'entreprise et ne pouvaient justifier un licenciement pour faute grave, il doit être considéré qu'elles constituaient une cause réelle et sérieuse de son licenciement.
Le jugement déféré sera réformé en conséquence.
6/ Sur l'indemnisation du licenciement de M. [N]
6/1 Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents
M. [N] sollicite la somme de 4.005,70 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, calculé sur une durée de 2 mois sur la base de la moyenne des 12 derniers mois de salaires.
En réalité ce salaire de référence n'est pas cette moyenne mais le salaire et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnités de congés payés comprise (article L 1234-5 du code du travail). Il s'agit donc de la rémunération brute du salarié, pas théorique, mais celle qu'il aurait touchée s'il avait travaillé. Toutefois en l'occurrence si le salaire de base mensuel brut de M. [N] s'élevait à 1 666,40 euros, il convient d'ajouter les primes d'ancienneté et d'habillage ainsi que les sommes qu'il percevait régulièrement au titre des heures supplémentaires, des heures de nuit et de travail le dimanche.
Compte tenu des bulletins de paie produits le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il fixé à la somme de 4 005,64 € l'indemnité due au titre des 2 mois de préavis et à 400,56€ celle due par l'employeur au titre des congés payés y afférents.
6/2 Sur l'indemnité légale de licenciement
M. [N] sollicite la réformation du jugement et l'allocation d'une somme de 13.686,14 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement sur la base d'une rémunération moyenne des 12 derniers mois de 2 002,85 € brut.
La SAS LYNX SECURITE ne procède à aucune rectification du calcul de cette somme sauf à conclure qu'elle est mal fondée et à préciser que M. [N] ne peut pas demander une indemnité de licenciement calculée en net.
La nature de l'indemnité de licenciement (article L1234-9 du code du travail), à l'opposé de celle du préavis, ne constitue pas un salaire différé ou capitalisé mais une indemnisation forfaitaire compensatrice du préjudice subi par le salarié du fait du caractère injustifié de la perte d'emploi.
Si son calcul s'effectue en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail, son régime est celui des dommages et intérêts, en principe non assujettie en matière de sécurité sociale mais aussi exclue de l'assiette de l'impôt sur le revenu, sauf application d'un plafond défini à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Cette question est toutefois étrangère au débat qui oppose les parties. Il appartient à la Cour de fixer purement et simplement le montant de l'indemnité de licenciement, sans apporter d'autres précisions.
M. [N] disposait de 21 années et 10 mois complets d'anciénneté lorsqu'il a été licencié.
Le jugement sera réformé pour voir fixer à la somme de 12 907, 06 € le montant de cette indemnité.
6/3 Sur la retenue sur salaire pour mise à pied conservatoire
C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné l'employeur à payer à M. [N] la somme de 714,16 € brut sur son salaire du mois d'octobre qui lui avait été retirée au titre de sa mise à pied conservatoire injustifiée, outre celle de 71,16 € au titre des congés payés afférents.
6/4 Sur le caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de travail
M. [N] soutient que son licenciement serait brutal et vexatoire et sollicite à ce titre 10 000 € nets de dommages et intérêts.
Cependant la société LYNX SECURITE n'a fait qu'user de son droit en engageant une procédure de licenciement à son encontre fondée sur une cause réelle et sérieuse et M. [N] ne démontre pas l'existence d'une circonstance particulière de nature à établir le caractère vexatoire des conditions dans lesquelles il a été licencié.
Il sera donc débouté de ce chef de demande.
6/5 Sur le cours des intérêts
La société LYNX SECURITE demande à la cour de juger mal fondé M. [N] en sa demande d'application d'intérêts de retard à compter de la date de sa saisine.
Lorsqu'un salarié assigne en justice son employeur en réclamation d'une indemnité légale, conventionnelle ou contractuelle de licenciement, les intérêts des sommes accordées courent du jour de la demande et non de la date de la décision. En effet, il s'agit du recouvrement d'une créance et non de la fixation de dommages-intérêts (Soc. 19 juin 2002, N° 00-42.945).
Le jugement doit être confirmé de ce chef.
7/ Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société LYNX SECURITE, qui n'obtient pas gain de cause, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande de la condamner à verser à M. [V] [N] une indemnité de 1 500 €, au titre de ses frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement déféré rendu le 11 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes de Limoges sauf en ce qu'il dit que le licenciement de M. [V] [N] était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société LYNX SECURITE à payer à M. [N] les sommes de 25 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 11 015,56 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, et 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
L'INFIRME de ces chefs ;
Statuant à nouveau ;
DECLARE que le licenciement de M. [V] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse non sur une faute grave ;
DEBOUTE M. [N] de ses demandes en paiement d'indemnités au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une rupture brutale et vexatoire du contrat de travail ;
CONDAMNE la société LYNX SECURITE à verser à M. [V] [N] la somme de 12 907, 06 € à titre d'indemnité de licenciement ;
CONDAMNE la société LYNX SECURITE aux dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société LYNX SECURITE à verser à M. [V] [N] une indemnité de 1 500 € ;
LA GREFFIERE, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET