ARRET N° 78
N° RG 22/00866 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMTT
AFFAIRE :
ONIAM Pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
C/
Société [3]
CB/LM
Autres demandes contre un organisme
Grosse délivrée à
aux avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARRET DU 02 MARS 2023
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Le DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
ONIAM Pris en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 22 JUILLET 2022 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BRIVE
ET :
Société [3] immatriculée à l'INSEE sous le n° SIRET [N° SIREN/SIRET 2], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant ordonnance du premier président du 7 décembre 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 02 Février 2023.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. À cette audience, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 Mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Le 16 novembre 2017, Madame [Y] [C] subissait une intervention chirurgicale pratiquée par le Docteur [D] [U] gynécologue obstétricien assuré auprès de la Société [3], sachant que suite à cette opération ayant consisté en hystérectomie coelio-préparée, la patiente a souffert de violentes douleurs abdominales ayant justifié qu'elle bénéficie d'une nouvelle intervention chirurgicale réalisée par le Docteur [L] urologue, ayant consisté en une réimplatation urétéro-vésicale droite .
C'est dans ce contexte :
- que Madame [Y] [C] a saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation ( CCI ) du Limousin d'une demande d'indemnisation, sachant que ladite commission
* a désigné les Docteurs [S] et [X] en qualité d'experts
* au vu du rapport déposé par ces derniers le 13 février 2019, a considéré que la responsabiblité du Docteur [D] [U] était engagée, et que l'indemnisation du préjudice de Madame [Y] [C] incombait à ce dernier ainsi qu'à son assureur, la [3]
* a invité la [3] à faire offre d'indemnisation à Madame [Y] [C] dans les quatre mois de la réception de son avis
- que parallèlement à cette procédure amiable, Madame [Y] [C] a saisi le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de BRIVE d'une demande d'expertise, sachant
* que par ordonnance du 19 juillet 2018, a été désigné en qualité d'expert le Docteur [B] gynécologue, avec une mission habituelle
* qu'aux termes de son rapport déposé le 20 décembre 2018, l'expert judiciaire estimait que la lésion de l'uretère s'expliquait par la survenue d'un accident médical non fautif, à l'exclusion de toute faute médicale imputable au chirurgien [U] .
En l'absence de proposition d'indemnisation de la part de la [3], Madame [Y] [C] a saisi l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Latrogènes et des Infections Nosocomiales- ONIAM d'une demande de substitution à l'assureur défaillant conformément aux dispositions de l'article L 1142-15 du Code de la Santé Publique, sachant que l'ONIAM :
- a transmis une offre d'indemnisation à la patiente, et s'est également acquitté des frais d'expertise à hauteur de 1741.96 €
- a successivent émis deux titres exécutoires à l'encontre de la [3], et que
* le 24 septembre 2019 pour un montant de 1741,96 €, au titre des frais de l'expertise amiable réalisée par les Docteurs [S] et [X]
* le 9 juillet 2020 pour un montant de 10.103,56 €, au titre de l'indemnisation allouée à Madame [Y] [C] en subsitution de la [3] .
C'est dans ces circonstances que la [3] a sollicité l'annulation des deux titres exécutoires pris à son encontre, et ce en saisissant le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE de deux assignations au fond délivrées à l'encontre de l'ONIAM :
- par acte d'huissier en date du 10 janvier 2020, à l'effet d'obtenir l'annulation du titre exécutoire N° 1759, bordereau N° 1256 du 24 septembre 2019, émis à son encontre pour un montant de 1741,96 € par le Directeur de l'ONIAM, sachant que cette instance a donné lieu à un incident de mise en état initié par l'ONIAM à l'effet de contester la compétence territoriale du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE, ayant débouché sur une ordonnance du 25 mars 2021 aux termes de laquelle le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'ONIAM, et déclaré le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE territorialement compétent pour connaître de ladite action
- par acte d'huissier du 20 octobre 2021, à l'effet d'obtenir l'annulation du titre exécutoire N° 886, bordereau N° 89 du 9 juillet 2020, émis à son encontre pour un montant de 10.103,56 €, par le Directeur de l'ONIAM, sachant que par décision du 3 décembre 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances au fond opposant la [3] à l'ONIAM.
Suivant jugement du 22 juillet 2022, le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE a notamment constaté l'incompétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE au profit du juge de l'exécution dudit tribunal.
Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 1er décembre 2022, l'ONIAM a interjeté appel de ce jugement.
Suivant requête en date du 30 novembre 2022 assortie de conclusions d'appelant, L'ONIAM a sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe la Société [3], pour demander à la Cour :
- de réformer le jugement du 22 juillet 2022 en ce qu'il a constaté l'incompétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE au profit du juge de l'exécution dudit tribunal
- statuant à nouveau, de retenir la compétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE pour statuer sur la contestation des titres émis à l'encontre de la [3], et de condamner la partie succombante aux entiers dépens de l'instance.
Par voie de conclusions déposées le 24 janvier 2023, la Société [3] demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a constaté l'incompétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE au profit du juge de l'exécution dudit tribunal
- statuant à nouveau, de juger le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE matériellement compétent pour statuer sur les demandes d'annulation et de décharge par elle formulées à l'encontre des deux titres exécutoires du 24 septembre 2019 et du 9 juillet 2020 émis contre elle par le Directeur de l'ONIAM pour un montant total de 11.845,52 €, et de condamner la partie succombante aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION :
La question soumise à la Cour concerne la détermination de la juridiction ayant compétence pour connaître des demandes présentées par la Société [3], dans le cadre des deux instances au fond par elle engagées devant le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE à l'encontre de l'ONIAM, avant d'être jointes par décision du 3 décembre 2021.
1) Sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître des demandes présentées par la [3] à l'encontre de l'ONIAM par voie d'assignation saisissant le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE :
À titre liminaire, il y a lieu d'observer :
- que la question de la compétence territoriale a été tranchée par une ordonnance du 25 mars 2021 aux termes de laquelle le juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'ONIAM, et déclaré le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE territorialement compétent pour connaître de l'action initiée par la [3] au moyen de la première assignation délivrée le 10 janvier 2020
- que les parties s'accordent pour reconnaître que le litige les opposant relève de la compétence de la juridiction judiciaire, et pouvoir retenir la compétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE, contrairement à la solution retenue par la décision querellée en faveur de la compétence du Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE .
De l'examen du dossier, il ressort que la [3] poursuit l'annulation des deux titres exécutoires émis à son encontre pour un montant respectif de 1741,96 € (titre exécutoire émis le 24 septembre 2019) et de 10.103,56 € (titre exécutoire émis le 9 juillet 2020) :
- non pas pour des questions de régularité formelle
- mais pour des motifs ayant trait à la genèse des sommes visées dans les deux titres exécutoires litigieux, en ce que lesdites sommes trouvent leur origine dans la faute médicale retenue à l'encontre du Docteur [U] aux termes de l'expertise amiable réalisée par les Docteurs [S] et [X], faute médicale ayant conduit l'ONIAM d'une part à régler les frais afférents à ladite expertise, et d'autre part à verser à la patiente Madame [Y] [C] la somme de 10.103,56 € à titre d'indemnisation de son préjudice, et ce en subsitution de la [3] qui contestait la responsabilité de son assuré.
De ces observations, il s'évince que le litige opposant la [3] à l'ONIAM a trait au fondement même des titres exécutoires susvisés, de sorte qu'il relève de la compétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE, à l'exclusion de la compétence matérielle du juge de l'exécution, et ce :
- contrairement à la solution adoptée part le premier juge
- en ce que l'annulation des deux titres exécutoires telle que poursuivie par la [3] est constitutive d'une contestation soulevée à titre principal, aux fins de remise en cause de la validité de ces titres et des obligations qu'ils énoncent, alors que le juge de l'exécution qui aux termes de l'article L 213-6 du Code de l'Organisation Judiciaire connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires, ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion de contestation portant sur les mesures d'exécution forcée engagées ou opérées sur le fondement de ce titre, ce qui implique qu'il ne peut statuer sur les difficultés relatives aux titres exécutoires qu'à titre incident
- en ce que la contestation soulevée en l'espèce par la [3] à l'encontre des deux titres exécutoires émis contre elle par le Directeur de l'ONIAM, a été élevée en l'absence de toute mesure d'exécution forcée relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution.
En conséquence, il convient :
- de réformer le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE en ce qu'il a constaté l'incompétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE au profit du juge de l'exécution dudit tribunal
- statuant à nouveau, de retenir la compétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE pour statuer sur la demande de la [3] aux fins d'annulation des deux titres exécutoires émis à son encontre par le Directeur de l'ONIAM pour un montant total de 11.845,52 €.
2) Sur des dépens :
Il y a lieu de décider que les dépens de première instance et d'appel suivront le sort de ceux de l'instance au fond dont aura à connaître le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE, jugé compétent pour trancher le litige opposant la [3] à l'ONIAM.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Déclare recevable l'appel interjeté par l'ONIAM ;
Réforme le jugement rendu le 22 juillet 2022 par le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE en ce qu'il a constaté l'incompétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE au profit du juge de l'exécution dudit tribunal ;
Statuant à nouveau,
Retient la compétence matérielle du Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE pour statuer sur la demande de la [3] aux fins d'annulation des deux titres exécutoires émis à son encontre par le Directeur de l'ONIAM pour un montant total de 11.845,52 € ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel suivront le sort de ceux de l'instance au fond dont aura à connaître le Tribunal Judiciaire de BRIVE-LA-GAILLARDE, jugé compétent pour trancher le litige opposant la [3] à l'ONIAM .
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,
Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.