ARRET N° 82
N° RG 22/00102 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJRU
AFFAIRE :
S.A. MMA IARD,
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
C/
M. [K] [R] décédé le 19 septembre 2021
Mme [Z] [M],
S.A.S. SAULNIER [G] ET ASSOCIES ès qualité de liquidateur judiciaire de M. [K] [R] suivant Jugement du Tribunal de Commerce de GUERET du 19.11.2013
Grosse délivrée aux avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARRET DU 02 MARS 2023
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Le DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. MMA IARD, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTES d'une décision rendue le 14 décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de GUÉRET
ET :
Monsieur [K] [R] décédé le 19 septembre 2021
Désistement d'appel partiel formalisé par la SA MMA IARD et par la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, suite au décès de Monsieur [K] [R] et de la renonciation expresse des appelantes à mettre en cause les ayants droit de ce dernier, par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 18 mai 2022
né le 09 Mai 1962 à [Localité 7] (23), ayant demeuré [Adresse 6]
Madame [Z] [M]
née le 26 Juin 1959 à [Localité 5] (88), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Richard LAURENT de la SCP LAURENT - ANCIENNEMENT PEKLE-LAURENT, avocat au barreau de CREUSE
S.A.S. SAULNIER [G] ET ASSOCIES ès qualité de liquidateur judiciaire de M. [K] [R] suivant Jugement du Tribunal de Commerce de GUERET du 19.11.2013, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Muriel NOUGUES, avocat au barreau de CREUSE
INTIMES
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 05 Janvier 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2022.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, Greffier. A cette audience, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Par jugement en date du 19 novembre 2013, le Tribunal de Grande Instance de GUERET a propncé la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R], agriculteur, et désigné en qualité de mandataire liquidateur la SCP BRO-PONROY .
Dès le 12 mai 2014, la SCP BRO-PONROY s'est adressée à Maître [Z] [M] Notaire à [Localité 4] pour lui faire procéder à une estimation des biens propres et indivis dépendant du patrimoine de Monsieur [K] [R], tout en attirant son attention :
- sur le fait que l'estimation devait être réalisée dans un court délai
- sur le fait que la recherche d'acquéreur devait débuter sans délai .
Après avoir informé Maître [Z] [M] par courrier du 5 juin 2014 que la procédure collective concernant Monsieur [K] [R] pourrait être clôturée sans avoir à réaliser l'actif immobilier, et lui avoir demandé de suspendre les opérations suivantes d'estimation et de recherche d'acquéreur, la SCP BRO-PONROY a établi un nouveau décompte daté du 16 octobre 2014 faisant apparaître que le passif admis à hauteur de la somme de 23.384,74 € ne pouvait être entièrement apuré par la réalisation des actifs mobiliers, dont la vente du cheptel réalisée pour un montant de 16.000 €, et qu'il subsistait une somme de l'ordre de 8000 € à payer .
Ayant appris qu'en 2015, Monsieur [K] [R] d'une part avait reçu la somme de 44.542,23 € au titre du règlement de la succession de ses parents opéré par Maître [Z] [M], d'autre part avait employé ladite somme pour procéder au rachat de l'un desdits biens successoraux, la SCP [G] a par acte d'huissier en date du 18 janvier 2018, assigné la SCP [Z] [M] devant le Tribunal de Grande Instance de GUERET , à l'effet :
- de voir dire qu'elle a commis une faute en versant à Monsieur [K] [R] la somme de
44.542,23 € au mépris des règles de la procédue collective
- de la voir condamner
* à lui verser l'intégralité de ladite somme de 44.542,23 € dans l'attente de la détermination exacte du montant nécessaire au règlement intégral du passif et des frais de justice et de procédure, outre une indemnité de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
* à supporter les entiers dépens.
Par acte d'huissier en date du 20 décembre 2018, Monsieur [K] [R] a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de GUERET Maître [Z] [M], ainsi que son mandataire liquidateur Maître [T] [G], pour :
- voir constater la faute professionnelle de Maître [Z] [M], et la voir condamner à lui verser la somme de 40.000 € en réparation de son préjudice matériel, outre celle de 2500 € en réparation de son préjudice moral
- voir déclarer le jugement à intervenir opposable à son liquidateur Maître [G] .
Après dissolution de la SCP [Z] [M] prononcée par arrêté du 5 août 2019, la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES intervenant en lieu et place de la SCP [G] es- qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], a fait délivrer à Madame [Z] [M] une assignation aux fins d'intervention forcée devant le Tribunal Judiciaire de GUERET par acte d'huissier du 25 février 2020 .
Par jugement du 14 décembre 2021 rendu après jonction des trois instances respectivement initiées par la SCP [G], par Monsieur [K] [R] et par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES, le Tribunal Judiciaire de GUERET a :
- déclaré irrecevable l'action engagée le 20 décembre 2018 par Monsieur [K] [R] à l'encontre de Madame [Z] [M]
- débouté la SCP SAULNIER-[G] et ASSOCIES de ses demandes à l'encontre de Madame [Z] [M]
- condamné les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer à la SCP SAULNIER-[G] et ASSOCIES, en sa qualité de mandaire liquidateur de Monsieur [K] [R]
* la somme de 44.542,23 € à charge pour elle de restituer le solde aux défenderesses, si la liquidation s'avérait bénéficiaire
* la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- ordonné l'exécution provisoire desdites dispositions, et condamné les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à supporter les dépens .
Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 8 février 2022, la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ont interjeté appel de ce jugement, en intimant la SAS SAULNIER-[G] ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], Monsieur [K] [R], ainsi que Madame [Z] [M] .
La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 23 novembre 2022 rendue après que les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES se soient désistées de leur appel à l'égard de Monsieur [K] [R], par suite du décès de ce dernier survenu le 19 septembre 2021 .
Prétentions des parties
Dans le dernier état de leurs conclusions en date du 3 mai 2022, la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES demandent en substance à la Cour :
- d'infirmer le jugement de condamantion rendu à leur encontre le 14 décembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de GUERET
- statuant nouveau,
* à titre principal, de débouter la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES, ès-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [K] [R], de l'ensemble de ses demandes, et ce en l'absence de justification d'un quelconque préjudice occasionné à la liquidation judiciaire de ce dernier par les manquements reprochés à Madame [Z] [M]
* à titre subsidiaire, de juger que leur condamnation ne pourrait s'élever qu'à hauteur de la somme de 4122,74 €
- en toute hypothèse,
* de rejeter toutes demandes contraires
* de condamner la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES, ès-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [K] [R], au paiement d'une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions datées du 18 juillet 2022, Madame [Z] [M] demande en substance à la Cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de mandaire liquidateur de Monsieur [K] [R], de ses demandes dirigées à son encontre
- d'infirmer ledit jugement pour le surplus, et statuant à nouveau
* à titre principal, de juger qu'elle n'a commis aucune faute au préjudice de la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R], de nature à engager sa responsabilité civile profesionnelle, et en conséquence de débouter la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de mandaire liquidateur de Monsieur [K] [R], de l'ensemble de ses demandes
* à titre subsidiaire, de juger que la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de mandaire liquidateur de Monsieur [K] [R], ne justifie tout au plus que d'un passif d'un montant de 4122,74 € arrêté au 25 juilletr 2018, et en conséquence de condamner la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à la garantir à hauteur de la somme maximale de 4122,74 € et de toutes sommes supplémentaires qui seraient mises à sa charge
- en tout état de cause, de condamner la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [K] [R], à lui verser la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel .
Dans ses dernières conclusions datées du 10 octobre 2022, la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES intervenant en lieu et place de la SCP [G] ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], demande en substance à la Cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre de Madame [Z] [M]
- statuant à nouveau sur ce point, de condamner Madame [Z] [M] in solidum avec ses assureurs, à lui verser ès-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [K] [R], la somme de 44.542,23 € à charge pour elle de restituer le solde aux appelantes, si la liquidation s'avérait bénéficiaire, outre la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à lui payer en sa qualité de mandaire liquidateur de Monsieur [K] [R], la somme de 44.542,23 € à charge pour elle de restitution du solde, si la liquidation s'avérait bénéficiaire, outre la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- de débouter Madame [Z] [M], la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de l'intégralité de leurs demandes
- de condamner in solidum Madame [Z] [M], la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à lui verser ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R] la somme de 5500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION :
Le litige soumis à la Cour concerne la recevabilité et le bien-fondé de l'action en responsabilité civile exercée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], à l'encontre de Madame [Z] [M] en sa qualité de notaire associé de la SCP [Z] [M] .
I) Sur la recevabilité et le bien-fondé de l'action en responsabilité civile exercée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], à l'encontre de Madame [Z] [M] en sa qualité de notaire associé de la SCP [Z] [M] :
A titre liminaire, il convient de préciser que la responsabilité civile de Madame [Z] [M] est recherchée, et ce :
- en son ancienne qualité de notaire associé
- au titre de son intervention dans la passation de deux actes conclus avec la participation personnelle de Monsieur [K] [R], et ce postérieurement à sa mise en liquidation judiciaire prononcée par
jugement du Tribunal de Grande Instance de GUERET du 19 novembre 2013, à savoir un acte de vente dressé le 12 mars 2015 suivi d'un acte constitutif d'un compromis de vente établi le même jour .
A) sur la recevabilité de l'action en responsabilité civile exercée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], à l'encontre de Madame [Z] [M] :
Il est constant en l'espèce que Madame [Z] [M] a exercé sa profession de notaire au sein d'une SCP, à savoir la SCP [Z] [M], avant que cette dernière ne fasse l'objet d'une dissolution prononcée suivant arrêté du 5 août 2019, par suite du retrait de l'intéressée .
Comme tout notaire ayant exercé sa fonction au sein d'une société civile professionnelle titulaire d'un office de notaire, Madame [Z] [M] doit répondre des fautes qu'elle a personnellement commises dans l'exercice desdites fonctions, et ce :
- y compris après la dissolution de ladite SCP
- dans les limites de la prescription de l'action en responsabilité civile extra-contractuelle enfermée dans un délai de dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation .
Au vu de ces divers éléments et en l'absence d'extinction pour cause de prescription de l'action en responsabilité civile extra-contractuelle exercée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], il y a lieu de considérer que Madame [Z] [M] doit répondre à titre personnel des divers manquements qu'elle peut avoir commis dans le cadre de son ancienne activité professionnelle de Notaire, et ce notamment au titre de ladite action en responsabilité .
Le jugement querellé sera donc réformé en ce sens .
B) sur le bien-fondé de l'action en responsabilité civile exercée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], à l'encontre de Madame [Z] [M] :
Pour prospérer en son action en responsabilité, il incombe à la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], de rapporter la preuve d'une faute notariale qui soit imputable à Madame [Z] [M], et qui soit génératrice d'un préjudice indemnisable .
1) sur l'existence d'une faute notariale qui soit imputable à Madame [Z] [M]
De l'examen du dossier, il ressort que Madame [Z] [M] a établi en son ancienne qualité de Notaire Associé de la SCP [Z] [M], l'acte authentique du 12 mars 2015 ayant eu pour effet de céder à Monsieur [L] [N] la propriété de divers biens immobiliers appartenant indivisément à Monsieur [K] [R], ainsi qu'à ses deux frères [J] et [H] [R], et ce moyennant le prix de 146.284,66 €, sachant :
- que Monsieur [K] [R] était présent lors de la passation de cette vente immobilière
- que celui-ci s'est vu remettre par Maître [Z] [M], en sa qualité de notaire instrumentaire, la somme de 44.542,23 € correspondant à la quote-part de ses droits indivis dans le produit de la vente des immeubles successoraux ainsi cédés à Monsieur [L] [N]
- que le même jour, a été rédigé par Madame [Z] [M] en sa même qualité de Notaire Associé, un compromis de vente par l'effet duquel Monsieur [K] [R] a acquis de Monsieur [L] [N] une partie des biens indivis racheté par ce dernier, et ce moyennant le prix de 40.000 €
- que lors de la rédaction de ces deux actes datés du 12 mars 2015, Maître [Z] [M] connaissait l'existence de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de Monsieur [K] [R], pour avoir été informée de la mise en oeuvre d'une telle procédure au moyen d'un premier courrier qu'elle s'est vu adresser le 12 mai 2014 par la SCP BRO-PONROY en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R] agriculteur, et ce à l'effet de la mandater pour lui faire procéder à une estimation des biens propres et indivis dépendant du patrimoine de ce débiteur .
De ces observations, il s'évince que lors de la passation des deux actes établis par ses soins le 12 mars 2015, Madame [Z] [M] ne pouvait ignorer que par l'effet de la liquidation judiciaire dont faisait l'objet Monsieur [K] [R] :
- ce dernier était dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens
- les droits et actions de Monsieur [K] [R] concernant son patrimoine devaient être exercés par son liquidateur, pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, sachant que le contenu du courrier établi le 5 juin 2014 par la SCP BRO-PONROY ès-qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R], à l'attention de Maître [Z] [M] Notaire, ne pouvait valoir dérogation à ce principe du dessaisissement du débiteur et de son incapacité à réaliser toute opération ou tout acte ayant un caractère patrimonial, dès lors que ce courrier avait pour seule finalité de voir suspendre les diligences précédemment confiées à Maître [Z] [M] ( à savoir estimation des biens appartenant à Monsieur [K] [R] et recherche d'acquéreur ), et ce dans le contexte d'une possible clôture de la procédure de liquidation judiciaire envisagée en ces termes dépourvus de toute ambiguïté ' Maître, après réexamen du dossier, je constate que la procédure pourrait être clôturée sans avoir à réaliser l'actif immobilier. En conséquence, je vous prie de bien vouloir suspendre les opérations suivantes : estimation, recherche d'acquéreur '.
En acceptant d'établir les deux actes conclus le 12 mars 2015 au nom de Monsieur [K] [R], en ses qualités respectives de vendeur s'agissant de la vente immobilière passée avec Monsieur [L] [N] acquéreur, et d'acquéreur s'agissant du rachat par Monsieur [K] [R] de l'un des immeubles nouvellement acquis par Monsieur [L] [N], Maître [Z] [M] :
- a apporté son concours à la passation d'actes à l'efficacité juridique sérieusement contestable
- a contrevenu à son obligation de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'elle rédige, et ce en vertu du devoir de conseil pesant sur les notaires .
De tels agissements sont constitutifs d'une faute notariale qui est de nature à engager la responsabilité civile de Madame [Z] [M].
2) sur l'existence d'un préjudice indemnisable en lien avec la faute notariale commise par Madame [Z] [M] :
A cet égard, il y a lieu :
- à titre liminaire, de rappeler qu'il incombe au demandeur à l'action en responsabilité de rapporter la preuve du préjudice qu'il invoque, sachant que pour être réparable, le dommage doit être certain et actuel, c'est à dire d'ores et déjà constitué
- à l'examen du dossier
* de constater que pour la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES agissant ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], le préjudice occasionné à la liquidation judiciaire s'analyse en une perte de chance qu'elle veut voir valoriser à la somme de 44.542,23 € versée à Monsieur [K] [R] en exécution de la vente immobilière conclue le 12 mars 2015 avec Monsieur [L] [N]
* de retenir que le compromis de vente conclu le 12 mars 2015 entre Monsieur [L] [N] en sa qualité de vendeur et Monsieur [K] [R] en sa qualité d'acquéreur, réitéré par acte authentique dressé le 5 mai 2015 par Maître [Z] [M], a permis à ce dernier de réinvestir la somme de 44.542,23 € qu'il venait de percevoir au titre de la quote-part de ses droits indivis dans le produit de la vente immobilière consentie à Monsieur [L] [N], en acquérant la propriété d'une maison à usage d'habitation avec granges attenantes et terrain située à [Localité 7] ( Creuse ), et ce moyennant le prix principal de 40.000 € payé comptant le jour de la signature de l'acte authentique
* de considérer que le remploi de la somme de 44.542,23 € dans l'acquisition immobilière ainsi faite par Monsieur [K] [R] a eu pour effet de rendre indisponibles les fonds correspondants, et par voie de conséquence de priver la liquidation judiciaire de la possibilité de recouvrer le montant du passif résiduel par prélèvement sur les fonds dont s'agit .
Ces divers éléments sont caractéristiques de la perte pour la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R], d'une chance sérieuse de pouvoir percevoir sans délai les fonds nécessaires à l'extinction du passif généré par ce dernier, sachant que cette perte de chance est constitutive d'un préjudice indemnisable, et ce :
- nonobstant l'absence d'appauvrissement de Monsieur [K] [R]
- indépendamment de l'issue de la procédure de saisie immobilière engagée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES agissant ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], à l'effet de poursuivre la vente forcée de l'immeuble dernièrement acquis par Monsieur [K] [R] avec le concours de Maître [Z] [M], en ce que le recours à cette mesure de saisie immobilière ne trouve de justification s'agissant de son utilité, que dans la faute notariale ayant consisté pour Maître [Z] [M] à avoir ignorer l'incidence de la mesure de dessaisissement qui frappait Monsieur [K] [R], en ayant permis à ce dernier de passer librement un acte de vente d'immeubles indivis, suivi d'un acte d'acquisition d'un bien immobilier, en totale méconnaissance des pouvoirs dévolus au liquidateur, seul habilité à exercer les droits et actions du débiteur faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.
La perte de chance ainsi causée à la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R], par la faute notariale imputable à Madame [Z] [M], sera équitablement réparée par l'allocation d'une somme de 6 000 €, indemnisation :
- qui tient compte du montant du passif à apurer, lequel en l'état des éléments et des explications fournis par les partie, oscille
* entre la somme de 9 700 € telle que ressortissant des courriers établis les 30 novembre 2016 et 10 février 2017 par la SCP [G] en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], à l'attention respective de Maître Corinne JOUHANNEAU Conseil de ce dernier, et de Maître [Z] [M]
* et la somme de 4 122,74 € à laquelle Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES chiffrent le montant du passif restant à acquitter par Monsieur [K] [R], et ce au vu du relevé de compte édité au nom de ce dernier au titre de la période comprise entre le 27 novembre 2013 et le 1er juillet 2018
- qui est à la mesure de la chance perdue et de la privation pour la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R] de la possibilité d'obtenir rapidement les fonds nécessaires à l'extinction du passif généré par ce dernier, sans être exposée à de réels aléas .
Au vu de ces divers éléments, il convient :
- de condamner in solidum Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, à verser à la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], la somme de 6000 € en réparation du préjudice occasionné à la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R] par la faute notariale commise par Madame [Z] [M]
- de réformer en ce sens le jugement critiqué .
II) Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :
L'équité commande de ne pas laisser à la charge de la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en première instance comme en cause d'appel pour voir engager la responsabilité civile de Madame [Z] [M], et obtenir réparation du préjudice causé à la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R], de sorte :
- que sera confirmée l'indemnité de 2 000 € qu'elle s'est vu allouer par le premier juge, sauf à prononcer une condamnation in solidum de Madame [Z] [M] et de ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, au paiement de ladite somme
- que Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES seront condamnés in solidum à verser à la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], une indemnité supplémentaire de 1500 € pour ses frais irrépétibles d'appel .
Pour avoir succombé en cause d'appel dans leur contestation de l'action en responsabilité et en garantie exercée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES seront condamnés in solidum à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, ce qui exclut par ailleurs qu'ils puissent bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Déclare recevables l'appel interjeté par la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, et l'appel incident formé par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R] ;
Vu le décès de Monsieur [K] [R] survenu le 19 septembre 2021, constate que les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES se sont désistées de leur appel à l'égard de ce dernier ;
Confirme le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de GUERET en ce qu'il a alloué à la SCP SAUNIER-[G] devenue la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES agissant ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, sauf à condamner in solidum Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, au paiement de ladite somme ;
Réforme ledit jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Dit que Madame [Z] [M] doit répondre à titre personnel des divers manquements qu'elle peut avoir commis dans le cadre de son ancienne activité professionnelle de Notaire, et ce notamment au titre de l'action en responsabilité exercée par la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R] ;
Dit que Madame [Z] [M] a commis une faute notariale de nature à engager sa responsabilité civile ;
Dit que la faute notariale commise par Madame [Z] [M] a causé à la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R] un préjudice constitutif d'une perte de chance ;
Condamne in solidum Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, à verser à la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R], la somme de 6000 € en réparation du préjudice occasionné à la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [R] par la faute notariale commise par Madame [Z] [M] ;
Condamne in solidum Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à verser à la SAS SAULNIER-[G] et ASSOCIES ès-qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [R],la somme de 1500 € pour ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne in solidum Madame [Z] [M] et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel .
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,
Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.