ARRET N° .
N° RG 22/00297 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKK4
AFFAIRE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE LOIRE CENTRE
C/
M. [J] [R]
JP/MS
Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit
Grosse délivrée le 18/01/2023 à
Me SALLE, Me DAURIAC,
Me LEMASSON-DESHOULLIERES, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 18 JANVIER 2023
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Le dix huit Janvier deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE LOIRE CENTRE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pierrick SALLE de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES, Me Laetitia DAURIAC, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 09 FEVRIER 2022 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
Monsieur [J] [R]
né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Hélène LEMASSON-DESHOULLIERES de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de LIMOGES
INTIME
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 28 Novembre 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 18 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 18 mars 2016, M. [R], ayant une activité d'achat-vente de véhicules, a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la Caisse d'épargne Loire-Centre (la Caisse d'épargne).
Par lettre recommandée du 22 novembre 2019, reçue le 28 novembre suivant, la Caisse d'épargne a mis M. [R] en demeure de régulariser le solde débiteur de son compte d'un montant de 12.089,81 euro sous peine de transmission de son dossier au service contentieux pour recouvrement par voie judiciaire, et de clôture de son compte courant et du terminal de paiement électronique à compter du 30 novembre 2019.
Le 18 mars 2020, la Caisse d'épargne a fait assigner M. [R] devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins d'obtenir sa condamnation notamment au paiement d'une somme de 12.308,73 euros, outre intérêts.
Par jugement du 9 février 2022, le tribunal de commerce de Limoges a :
- débouté la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamné la Caisse d'épargne à verser à M. [R] une somme de 1.340,22 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique ;
- débouté M. [R] du surplus de ses demandes ;
- condamné la Caisse d'épargne à verser à M. [R] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Pour se déterminer, le tribunal a retenu, en application de l'article L. 313-12 et D. 314-14-1 du Code Monétaire et Financier, que le compte avait régulièrement fonctionné à découvert sans que le comportement de son titulaire puisse être qualifié de gravement répréhensible et que ce concours consenti à l'entreprise ne pouvait donc pas être interrompu au 30 novembre 2019 sans respecter un délai de préavis de 60 jours à compter de la mise en demeure du 28 novembre 201et, en conséquence, que la clôture abusive du compte a causé un préjudice à M. [R] .
La Caisse d'épargne a interjeté appel de la décision le 14 avril 2022, son recours portant sur l'ensemble des chefs de jugement.
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Aux termes de ses écritures du 17 août 2022, la Caisse d'épargne demande à la cour d' infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau :
- de condamner M. [R] à lui payer la somme de 12 308,73 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2019 jusqu'à parfait paiement ;
- d'ordonner la capitalisation des intérêts ; ;
- de condamner M. [R] à lui payer et porter une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et adjuger à la SCP SOREL & Associés agissant par Maître SALLÉ, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La Caisse d'épargne fait valoir :
- qu'elle n'a consenti aucun concours ou découvert en compte à M. [R] et qu'en l'absence d'un crédit, aucune rupture abusive du compte ne peut lui être reprochée ;
- qu'au surplus, M. [R] ne démontre aucune faute, ni même la réalité du préjudice qu'il allègue;
- que le quantum de sa créance est parfaitement justifié, le montant qu'affiche la pièce n°2 renvoyant uniquement à la situation du compte après transfert technique des sommes dues sur le compte contentieux.
Aux termes de ses écritures du 1er septembre 2022, M. [R] demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement attaqué dans son intégralité ;
- subsidiairement, d'ordonner une compensation pour les sommes éventuellement dues par lui et les dommages-intérêts mis à la charge de la Caisse d'épargne ;
- très subsidiairement , de lui allouer les plus larges délais de paiement en vertu de l'article 1343-5 du code civil ;
- de condamner la Caisse d'épargne au paiement d'une somme de 5.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [R] fait valoir :
- à titre principal, qu'il a fait fonctionner son compte dans les limites d'un découvert tacitement autorisé par la Caisse d'épargne, que la clôture de son compte courant et du TPE ont été réalisés en violation des dispositions légales applicables et que cette faute lui a causé un préjudice d'exploitation certain dont il est fondé à obtenir la réparation
- subsidiairement, que la somme sollicitée par la banque n'est justifiée par aucun élément, le décompte arrêté au 23 janvier 2020 démontrant que le solde du compte arrive à zéro.
SUR CE,
L'article L. 313-12 du code monétaire et financier dispose que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur une notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours et qui ne peut, sous peine de nullité de la rupture, être inférieur à soixante jours ; que le non respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit.
En l'espèce, lors de l'ouverture du compte en mars 2016, la Caisse d'épargne n'a consenti aucune autorisation de découvert à M. [R] mais ce dernier soutient que, nonobstant cette absence d'autorisation expresse, la Caisse d'épargne a accepté que son compte fonctionne habituellement en situation débitrice, de sorte qu'il est fondé à lui reprocher un non-respect des dispositions précitées.
Toutefois, lors de l'ouverture du compte, M. [R] a bénéficié de la mise à disposition d'une carte 'Gold Businness' à débit différé, rattachée à ce compte et dont les utilisations, ne devant pas dépasser un plafond de 9.000 euros sur 30 jours glissants, ont été prévues pour être débitées le 04 du mois suivant et l'examen du fonctionnement du compte démontre qu'entre novembre 2016 et septembre 2019, les situations débitrices du compte, presqu'exclusivement liées aux opérations de la carte à débit différé, ont toutes été immédiatement ou très rapidement régularisées, du moins jusqu'en octobre 2019 ainsi que cela apparaît dans le tableau ci-dessous:
Situation débitrice du compte
(dates et montants)
Régularisation
(dates et montant)
4 mai 2016 : 200,40 euros
04 mai 2016 : remise d'un chèque de 1020 euros
04 novembre 2016 : 505,47 euros
04 novembre 2016 : virement de 2.500 euros
04 mars 2017 : 614,53 euros
04 mars 2017 : remise d'un chèque de 895 euros
05 juin 2017 : 340,79 euros
06 juin 2017 : remise d'un chèque de 3.860 euros
04août 2017 : 129,96 euros
04 août 2017 : remise d'un chèque de 2.386 euros
04 septembre 2017 : 2.254,12 euros
05septembre 2017 : remise d'un chèque de 2.598 euros
04 octobre 2017 : 1.433,10 euros
05 octobre 2017 : virement de 1.450 euros
09 novembre 2017 : 231,11 euros
09 novembre 2017 : remise d'u chèque de 600 euros
04 janvier 2018 : 1.128,03 euros
04 janvier 2018 : remise d'un chèque de 2.719 euros
06 février 2018 : 1.862,71 euros
06 février 2018 : remise d'un chèque de 1.830 euros
14 février 2018 : 284,36 euros
16 février 2018 : remise d'un chèque de 2.953 euros
04 avril 2018 : 4.899,48
04avril 2018 : remise d'un chèque de 1.215 euros
06 avril 2018 : remise d'un chèque de 1.760 euros
07 avril 2018 : remise d'un chèque de 2.270 euros
05 juin 2018 : 5.814,03 euros
05 juin 2018 : remise d'un chèque de 3.271,19 euros
14 juin 2018 : paiement CB de 6.200 euros
04 juillet 2018 : 1.560,62 euros
04 juillet 2018 : paiement CB de 2.5000 euros
23 juillet 2018 : 301,15 euros
23 juillet 2018 : vireme,t de 400 euros
04 août 2018 : 2.670,88 euros
04 août 2018 : paiement CB de 6.300 euros
11 août 2018 : 126,36 euros
14 août 2018 :remise d'un chèque de 730 euros
04 septembre 2018 : 5.445,08 euros
04 septembre 2018 : paiement CB 4.000 euros
04 septembre 2018 : remise d'un chèque de 4.017,18 euros
24 septembre 2018 : 110,86 euros
28 septembre 2018 : deux virements de 670 euros
04 octobre 2018 : 4.365,83 euros
04 octobre 2018 ; paiement CB de 4.500 euros
05 novembre 2018 : 976,72 euros
05 novembre 2018 ; paiement CB de 5.600 euros
04 décembre 2018 : 3.163,63 euros
04 décembre 2018 : paiement CB de 3.500 euros
17 décembre 2018 : 189,45 euros
17 décembre 2018 : virement de 426,76 euros
04 janvier 2019 : 2.805,75 euros
04 janvier 2019 : remise d'un chèque de 1.000 euros
07 janvier 2019 : paiement CB de 3.300 euros
04 février 2019 ; 3.395,25 euros
05février 2019 : paiement CB de 2.000 euros
09 février 2019 : paiement CB de 1.500 euros
19 février 2019 : paiement CB de 500 euros
10 mai 2019 : 195,04 euros
15 mai 2019 : paiement CB de 1.500 euros
25 juin 2019 : 66,36 euros
25 juin 2019 : deux dépôt d'espèces pour 950 euros
04 juillet 2019 : 10.173,33 euros
04 juillet 2019 : deux paiements CB pour 5.000 euros
17 juillet 2019 : virement de 2.000 euros
17 juillet 2019 : remise d'un chèque de 2.500 euros
03 août 2019 : paiement CB de 1.800 euros
05 août 2019 : 6.587,23 euros
05 août 2019 : paiement CB de 3.200 euros
06 août 2019 : deux paiements CB de 4.000 euros et 800 euros
30 août 2019 : 221,63 euros
03 septembre 2019 : paiement CB de 5.000 euros
04 octobre 2019 : 8.553,43 euros
Pas de régularisation
04 novembre 2019 : 12.142,87 euros
26 novembre 2019 : virement de BPCE assurances de 1.220 euros
27 décembre 2019 : virement au service contentieux de la somme débitrice de 10.968,51 euros
23 janvier 2020 : virement au service contentieux d'une somme débitrice complémentaire de 1.340,22 euros
Il ne peut dès lors être retenu que la Caisse d'épargne, qui a mis M. [R] en demeure de régulariser la situation de son compte par courrier recommandé dont il a accusé réception le 28 novembre 2019, lui aurait même tacitement consenti un concours financier pour une durée indéterminée, de sorte que les dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ne lui ont pas été applicables.
Le jugement dont appel sera donc infirmé, notamment en ce qu'il a fait droit la demande non fondée de M. [R] en paiement de dommages et intérêts.
C'est ensuite par un raisonnement des plus spécieux que M. [R], mettant en avant la situation du compte au 23 janvier 2020 et occultant donc le transfert du solde débiteur du compte au service contentieux de l'établissement bancaire, vient soutenir qu'il ne reste devoir aucune somme.
En revanche et faute pour la Caisse d'épargne de justifier des sommes portées au débit du compte de 300 euros pour non-restitution du terminal de paiement électronique, de 696 euros pour résiliation anticipée de ce terminal de paiement électronique, de 289,96 euros au titre d'intérêts débiteurs non conventionnellement prévus et de 54,36 euros au titre de commissions postérieures à la fermeture du compte,
sa créance doit être ramenée à la somme de10.968,51 euros.
En conséquence, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Limoges, M. [R] sera condamné à payer à la Caisse d'épargne ladite somme de 10.968,51 euros, laquelle est porteuse d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 novembre 2019, capitalisables annuellement à compter de ce jour.
Si, en application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut accorder dans la limite de deux années un délai de paiement au débiteur, M. [R] , qui a d'ores et déjà bénéficié d'un délai de trois années, ne donne aucune indication sur sa situation actuelle de ressources et charges ; cette demande ne peut qu'être rejetée.
M. [R] ,qui succombe, doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR,
Statuant par décision Contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 09 février 2022 ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE M. [J] [R] à payer à la Caisse d'épargne Loire-Centre la somme de 10.968,51 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 novembre 2019, capitalisables annuellement à compter de ce jour ;
CONDAMNE M. [J] [R] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.