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30/11/2022 | FRANCE | N°21/00904

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 30 novembre 2022, 21/00904


ARRÊT N°



N° RG 21/00904 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIINZ







AFFAIRE :



[T] [A]

C/

Entreprise [O] [W], Entreprise [J] [W]







JPC/TT





Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





































Grosse délivrée le 30/11/2022







COUR D'APPEL DE LIMOGES





CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

-------------





Le trente Novembre deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :



ENTRE :

...

ARRÊT N°

N° RG 21/00904 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIINZ

AFFAIRE :

[T] [A]

C/

Entreprise [O] [W], Entreprise [J] [W]

JPC/TT

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée le 30/11/2022

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

------------

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

-------------

Le trente Novembre deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

[T] [A], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Solange DANCIE de la SCP SCP DEBLOIS DANCIE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d'un jugement rendu le 27 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIMOGES

ET :

Entreprise [O] [W] Inscrit au Registre unique des intermédiaires en assurances sous le numéro 12068400, dont l'adresse est [Adresse 1]

représentée par Me Anthony ZBORALA, avocat au barreau de LIMOGES,

Entreprise [J] [W] Enregistrée au registre unique des intermédiaires en assurances sous le numéro 17004753, dont l'adresse est [Adresse 1]

représentée par Me Anthony ZBORALA, avocat au barreau de LIMOGES,

INTIMEES

---==oO§Oo==---

L'affaire a été fixée à l'audience du 17 Octobre 2022, après ordonnance de clôture rendue le 28 Septembre 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Mme [A] a été engagée en qualité de secrétaire par M. [D], agent général d'assurances (PFA, ATHENA, AGF, puis ALLIANZ) à [Localité 5] (87), dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 02 novembre 1992.

A compter de 2004, Mme [A] a occupé les fonctions de collaboratrice d'agence généraliste.

En 2012, M. [W], agent général ALLIANZ, a repris l'agence ALLIANZ de [Localité 3] et celle de [Localité 5] appartenant à M. [D] ainsi que les contrats de travail des collaborateurs des deux agences.

Le 1er octobre 2017, après que Mme [J] [W] ait obtenu le statut d'Agent Général, les époux [W] ont constitué une société en participation d'exercice conjoint intégrant les agences de [Localité 3], [Localité 5] et [Localité 4].

Mme [A] a fait l'objet d'un arrêt de travail du 10 au 19 avril 2019. Elle a à nouveau été arrêtée à compter du 8 février 2020 et cet arrêt de travail s'est poursuivi jusqu'au jour de son licenciement.

Par lettre recommandée du 29 juin 2020, Mme et M. [W] ont convoqué Mme [A] à un entretien préalable prévu le 15 juillet suivant, en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement avec notification d'une mise à pied à titre conservatoire que la salariée a contesté par courrier du 1er juillet 2020.

Elle a été licenciée pour faute grave le 23 juillet 2020, son employeur lui reprochant :

- d'avoir assuré M. [Z] au lieu et place de son fils, sans qu'aucun des deux ne possède le permis requis ;

- de s'être octroyée des remises commerciales et des bonus clients non autorisés, en violation des règles applicables ;

- d'avoir réalisé de nombreuses prises d'effet de garantie au même client sans la moindre contrepartie financière, en violation des règles applicables.

==oOo==

Par requête en date du 2 octobre 2020, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges de contestations portant sur l'exécution et la rupture de son contrat de travail, ses demandes étant dirigées contre M. [W].

Mme [W] est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 27 septembre 2021, le conseil de prud'hommes de Limoges a :

- donné acte à Mme [W] de ce qu'elle intervient volontairement à la présente procédure en qualité de co-employeur et co-gérante de la SPEC A & C [W] ;

- dit régulier le licenciement de Mme [A] ;

- débouté Mme [A] de sa demande d'indemnité en application de l'article L. 1235-2 du code du travail ;

- dit le motif de licenciement pour faute grave notifié le 23 juillet 2020 réel et sérieux ;

En conséquence, a :

- débouté Mme [A] de ses demandes de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire, indemnitaires de préavis et congés payés afférents, licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté Mme [A] de sa demande au titre de rappel sur complément de salaire (suite à l'arrêt maladie) pour juillet 2020 ;

- débouté Mme [A] de sa demande à titre de provision sur les commissions de décembre 2019 et janvier 2020 ;

- débouté Mme [A] de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance de complément retraite à la suite de la résiliation abusive du contrat conclu par l'employeur initial ;

- condamné M. [W] et Mme [W] au paiement de la somme de 103,80 € à titre de rappel de salaire pour le 10 avril 2019, jour de travail non réglé, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 2 octobre 2020 et à établir et transmettre à Mme [A] le bulletin de salaire conforme à la présente décision ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à astreinte ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur cette condamnation à rappel de salaire par application de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant de 1.851,58 € et qu'il n'y a en l'espèce pas lieu de l'ordonner en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

- dit que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [A] aux entiers dépens ;

- débouté les parties du plus ample ou contraire de leurs demandes.

Mme [A] a interjeté appel de la décision le 25 octobre 2021. Son recours porte sur l'ensemble des chefs de jugement la déboutant de ses demandes ou portant condamnation à son encontre.

==oOo==

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022, Mme [A] demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ses chefs de jugement critiqués ;

- débouter M. [W] de toutes demandes fins et conclusions contraires aux présentes ;

Statuant à nouveau, de :

- déclarer irrégulier son licenciement et condamner M. [W] à verser la somme de 1.850 € en application de l'article L. 1235-2 du code du travail ;

- déclarer prescrites les fautes reprochées en application de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- déclarer sans motif réel et sérieux le licenciement à elle notifié le 23 juillet 2020 pour faute grave, les fautes n'ayant pas été commises et subsidiairement en application de l'article L. 1333-1 in fine du code du travail ;

En conséquence, de :

- condamner M. [W] à lui verser les sommes de :

3.703,16 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 370,31 € brut au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis ;

16.178,52 € net au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

44.500 € net de dommages-intérêts en laissant à charge de l'ex-employeur la CSG RDS due sur cette somme sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

756,07 € brut à titre de rappel sur complément de salaire (suite à arrêt maladie) du 1er mai au 23 juillet 2020, tant au titre de la mise à pied qu'au titre de la période antérieure à compter du 8 mai 2020 compte tenu de ce qu'il a reçu de l'organisme de prévoyance ;

- condamner sous astreinte M. [W] à communiquer l'intégralité des versements des compléments de salaire reçu au titre des prestations prévoyance dues à Mme [A], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner M. [W] à lui verser les sommes de :

200 € brut à titre de provision sur les commissions de décembre 2019 et janvier 2020 ;

2.000 € de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux ;

5.000 € de dommages-intérêts pour perte de chance de complément retraite à la suite de la résiliation abusive du contrat conclu par l'employeur initial ;

- condamner le même à lui verser une indemnité de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner à remettre les bulletins de paie et le certificat de travail rectifiés, ainsi qu'une attestation POLE EMPLOI conforme sous astreinte de 70 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner M. [W] aux intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- le condamner aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

A l'appui de son recours, Mme [A] soutient que son licenciement est irrégulier car l'épouse de M. [W] a assisté à son entretien préalable alors qu'elle n'était pas son employeur puisque la société en participation n'a pas la personnalité juridique et que seul M. [W] était son employeur.

Concernant les motifs de son licenciement, elle fait valoir que ceux-ci sont prescrits et, subsidiairement, elle conteste les griefs retenus à son encontre en faisant valoir qu'ils ne lui sont pas imputables. En conséquence, elle estime avoir été licenciée abusivement en soulignant l'absence de passé disciplinaire durant sa carrière au sein de l'agence pendant plus de 27 ans.

Par ailleurs, elle demande le paiement de la journée du 10 avril 2019, un rappel de complément de salaire pour la période du 1er mai 2020 au 27 juin 2020 et un rappel sur commissions. Enfin, elle estime avoir été victime d'une exécution déloyale du contrat de travail car son employeur a procédé à la résiliation d'un contrat de retraite complémentaire de façon illégale et demande l'indemnisation de son préjudice.

Aux termes de leurs écritures du 13 septembre 2022, M. [W] et Mme [W] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, de :

- leur donner acte qu'ils reconnaissent devoir verser à Mme [A] la somme de 1.406,76 € brut au titre du maintien de salaire pour la période du 8 mai au 22 juillet 2020 ;

- rejeter l'ensemble des autres demandes et prétentions formulées par Mme [A] ;

- condamner Mme [A] à leur verser la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A titre liminaire, M. [W] et Mme [W] contestent tout burn-out ainsi que la prétendue surcharge de travail ou dégradation des conditions de travail de la salariée, celle-ci ne s'étant jamais plainte et tentant seulement de se défendre face aux graves manquements dont elle s'est rendue coupable dans l'exercice de ses fonctions.

Ils font valoir que le licenciement était régulier dans la mesure où, concernant la présence de Mme [W] à l'entretien, la situation de co-emploi entre deux agents généraux individuels était de nature à s'appliquer.

Sur le fond, ils soutiennent que le licenciement de Mme [A] est fondé au regard de la gravité des fautes qu'elle a commises qui ne permettait pas de maintenir la relation contractuelle. Ils font valoir que les fautes de la salariée n'ont été découvertes qu'en raison de la présence de Mme [G] qui l'a remplacée pendant son arrêt maladie et qu'ainsi, celles-ci ne sont pas prescrites.

Enfin, concernant les autres demandes, ils soutiennent qu'elles ne sont fondées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

Dans une note en délibéré autorisée, Mme [W] indique à la cour que M. [W] lui a versé la somme brute de 1.406,76 € et nette de 1.189,97 € le 29 septembre 2022 somme représentant les indemnités journalières complémentaires maladie du 8 mai 2020 au 22 juillet 2020.

SUR CE,

Sur le licenciement :

- Sur la régularité de la procédure de licenciement :

Il résulte des articles 1871 et 1872-1 du code civil que la société en participation n'est pas une personne morale et que chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers.

Il s'ensuit que le contrat de travail existant entre M. [W] et Mme [A] à la suite de son transfert résultant du rachat par le premier de l'agence de M. [D], n'a pas été transféré à la société en participation créée par M. et Mme [W].

L'article 13 des statuts de cette société prévoit que chacun des agents généraux d'assurance associés est gérant de la société et que, dans les rapports entre associés, les actes passés par le gérant devront recueillir l'autorisation préalable de ceux-ci, notamment, pour le licenciement du personnel.

Il s'ensuit que même si le contrat de travail demeurait conclu avec M. [W], le licenciement de Mme [A] était soumis à l'approbation de Mme [W]. Dans ces conditions, M. [W] a pu régulièrement être assisté de la gérante associée de la société en participation lors de l'entretien préalable au licenciement de la salariée. La procédure est donc régulière.

- Sur la prescription :

L'article L. 1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il est constant que le point de départ du délai de prescription des faits fautifs correspond à la date à laquelle l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

En l'espèce, la procédure disciplinaire a été mise en 'uvre le 29 juin 2020 par l'envoi de la convocation à l'entretien préalable. Les griefs reprochés dans la lettre de licenciement doivent donc avoir été connus de l'employeur au plus tard le 29 avril 2020.

S'agissant du premier grief relatif au contrat d'assurance de M. [Z], l'employeur produit le courrier électronique que sa collaboratrice lui a adressé le 30 juin 2020 pour lui signaler les erreurs contenues dans ce contrat d'assurance conclu le 14 juin 2019.

La date de découverte de grief est contestée par la salariée qui relève que ce courrier électronique est postérieur à la convocation à l'entretien préalable. Toutefois, son contenu n'est pas contesté et celui-ci fait apparaître que M. [Z] s'est présenté à l'agence le 4 juin 2020 pour assurer la nouvelle motocross de son fils. Il s'ensuit que l'employeur a nécessairement eu connaissance du grief postérieurement 4 juin 2020 et qu'en conséquence, ce grief n'est pas prescrit.

S'agissant du second grief relatif à la remise commerciale irrégulière que Mme [A] s'est attribuée, l'employeur fait valoir qu'il a découvert les faits lorsque cette dernière a souhaité réactiver un contrat d'assurance automobile pour une remise en circulation au 1er juillet 2020. L'employeur produit la copie d'un courrier électronique faisant apparaître que Mme [A] a contesté le montant de la prime concernant la remise en circulation d'un véhicule de marque Citroën type C4 le 26 juin 2020. La découverte du second grief est donc nécessairement postérieure à cette date. Le fait fautif n'est donc pas prescrit.

Il est également reproché à Mme [A] d'avoir fait profiter de telles remises commerciales à des clients dont M. [S] mais l'employeur ne fournit aucun élément permettant d'établir la date à laquelle il a eu connaissance de ces irrégularités. La lettre de licenciement fait état d'une découverte le 3 juillet 2020 s'agissant de ces dossiers mais l'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir la réalité de la date à laquelle les faits ont été découverts. Ce grief est donc prescrit.

Enfin, s'agissant du grief relatif aux prises d'effet de garantie irrégulières. L'employeur produit des captures d'écran établissant la pratique selon laquelle, chaque année pendant la période estivale, Mme [A] faisait bénéficier à M. [N] de la procédure de prises d'effet de garantie ce qui lui permettait de bénéficier gratuitement de l'assurance de sa caravane ainsi que le montre l'offre d'assurances établie le 25 juin 2020 par la remplaçante de Mme [A]. La pratique irrégulière mise en 'uvre par la salariée a donc été découverte au plus tôt le 25 juin 2020 à l'occasion du réexamen du dossier de cet assuré. Ce grief n'est donc pas prescrit.

- Sur la faute grave :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Par ailleurs, il est constant que lorsque les erreurs commises par le salarié ne relèvent pas d'une mauvaise volonté, mais de son insuffisance professionnelle, elles ne peuvent constituer une faute grave le privant du préavis et de l'indemnité de licenciement

En l'espèce, dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à son salarié divers griefs qui seront examinés successivement.

1. Sur le 1er grief

L'employeur reproche à Mme [A] d'avoir établi un contrat d'assurance moto au nom de M. [M] [Z] alors qu'il s'agissait de la motocross de son fils et qu'il ne souhaitait assurer que celui-ci.

M. [Z] atteste avoir sollicité en juin 2019 l'assurance d'une motocross 450 cm3 de marque Kawasaki type trial, cross, enduro au profit de son fils [V], mineur pour être né le 7 juillet 2003, en précisant que ce dernier en était le seul conducteur et que lui-même n'était pas titulaire du permis de conduire exigé pour la conduite de cette catégorie de véhicule.

Il convient de relever qu'il est possible de piloter une moto sans permis de conduire dans le cadre d'une pratique sportive sur un terrain ayant reçu une autorisation préalable. Ni le témoin, ni les parties n'apportent de précisions sur ce point qui demeure la seule explication plausible au regard de l'âge du conducteur et des caractéristiques du véhicule.

La copie du permis de conduire de M. [M] [Z] permet de constater que celui-ci n'est pas titulaire du permis de conduire permettant la conduite de cette catégorie de véhicule et qu'il ne dispose que du permis A1.

Le contrat d'assurance produit par l'employeur fait apparaître que Mme [A] l'a établi au nom du père du mineur avec la mention selon laquelle « le véhicule assuré n'est pas conduit habituellement par des personnes âgées de moins de 45 ans ». Cette clause excluait de fait le fils de M. [Z] ce qui pouvait avoir des conséquences dramatiques pour lui.

Par ailleurs, la date de délivrance du permis de conduire de l'assuré est mentionnée dans le contrat ce qui signifie que Mme [A] a été en possession de ce document et, pour autant, elle n'a pas contrôlé que l'assuré était titulaire du permis de conduire correspondant au véhicule assuré.

2. Sur le 2ème grief

L'employeur reproche à Mme [A] d'avoir bénéficié de conditions tarifaires très avantageuses sur cette prime d'assurance eu égard à sa qualité de collaboratrice puisqu'elle a bénéficié d'une remise commerciale exceptionnelle de 55 % sur ses primes globales d'assurance automobile, après s'être octroyée une remise supplémentaire de 40 % à laquelle les collaborateurs n'avaient pas droit. Il lui est également reproché d'avoir fait bénéficier de ces avantages à ses enfants.

L'employeur ne produit aucun élément permettant d'établir que les enfants de Mme [A] ont bénéficié de remises tarifaires indues. En revanche, il produit une capture d'écran faisant apparaître les caractéristiques du contrat d'assurance conducteur de la salariée, laquelle permet de constater que celle-ci a bénéficié, d'une part, d'une remise de 55 % en sa qualité de collaboratrice et, d'autre part, d'une remise de 40 % en sa qualité de cliente.

Selon la documentation remise par l'employeur, la remise de 40 % qui seule est contestée, correspond à un avantage client standard de 10 % que l'employeur ne remet pas en cause et à l'application de l'avantage Bonus Client qui est calculé en fonction du niveau d'encaissement global des primes d'assurance.

Mme [A] a appliqué à son propre contrat un avantage Bonus Client de 30 % alors que celui-ci est réservé aux assurés versant plus de 30.000 € de primes d'assurance ce qui n'était pas son cas. Elle s'est donc octroyée à l'insu de son employeur le droit de bénéficier d'une réduction sans remplir les conditions.

Il importe peu que l'employeur n'ait pas calculé le montant des primes d'assurance qu'elle aurait dû payer dès lors que l'importance du préjudice est indifférente pour apprécier la faute commise par la salariée, laquelle caractérise un manque de probité et un manque de loyauté à l'égard de l'employeur.

Le grief est donc établi.

3. Sur le 3ème grief

L'employeur reproche à Mme [A] d'avoir réalisé de nombreuses prises d'effet de garantie en faveur du même client sans contrepartie financière, en violation des règles applicables.

Les données figurant sur les captures d'écran produites par l'employeur permettent d'établir que la technique dite de la prise d'effet de garantie permet de différer la formation du contrat d'assurance jusqu'à sa régularisation et donc de ne pas y donner suite le cas échéant.

Mme [C], collaboratrice, atteste que cette technique n'est utilisée que « dans l'attente des pièces nécessaires à la finalisation du contrat et peut être annulé au plus tard dans les 7 jours pour un motif valable (ex : véhicule non acheté par l'assuré) ». Certes, ce témoignage émane d'un collaborateur de l'employeur mais il ne fait que préciser les éléments que la cour a pu déduire des captures d'écran. Il y a donc pas lieu de l'écarter.

Les pièces produites par l'employeur permettent de constater que M. [N] a bénéficié de prises d'effet de garantie « gratuites » depuis 2013, pour garantir le risque lié à sa caravane au lieu de conclure un véritable contrat d'assurance incluant le paiement de cotisations, pour les périodes suivantes :

- du 2 juillet 2013 au 11 septembre 2013 ;

- du 2 octobre 2013 au 6 novembre 2013 ;

- du 23 mai 2014 au 16 septembre 2014 ;

- du 17 juin 2016 au 24 août 2016 ;

- du 11 juillet 2017 au 5 août 2017 ;

Dans une attestation régulière en la forme, M. [N] indique avoir bénéficié depuis au moins 20 ans d'une « garantie gratuite » pour sa caravane. Il évoque un geste commercial du prédécesseur de M. [W].

Dans le cas de M. [N], il est manifeste que cette technique a été utilisée pour lui éviter de conclure chaque année un contrat d'assurance et donc de payer des primes et que le contrat aurait été régularisé en cas de sinistre. Il s'agit donc d'un détournement de procédure à des fins commerciales.

Il résulte de ces éléments que Mme [A] a poursuivi une pratique mise en place par le prédécesseur de son employeur actuel et elle ne rapporte pas la preuve d'en avoir informé ce dernier.

Le grief est donc établi.

* * *

Les deux premiers griefs rendaient impossibles le maintien du contrat de travail pendant la durée du préavis dans la mesure où ils portaient irrémédiablement atteinte à la confiance que l'employeur avait pu placer en sa collaboratrice puisque l'un des manquements aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour l'enfant mineur d'un assuré tandis que le second caractérise un manque de probité et un manque de loyauté envers l'employeur.

Au regard de la nature de ces manquements, les difficultés de santé invoquées par la salariée, tout comme les reproches faits à son employeur de ne pas avoir été suffisamment présent au sein de l'agence, ne sont pas de nature à faire disparaître leur gravité.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont débouté la salariée de sa contestation de son licenciement pour faute grave.

Sur le rappel de complément de salaire

Dans le cadre d'une note en délibérée autorisée, Mme [A] a reconnu avoir perçu de son employeur la somme réclamée à ce titre. Dès lors que cette dernière ne peut modifier ses prétentions postérieurement l'ordonnance de clôture, il y a lieu de constater que la demande est devenue sans objet.

Sur la demande en paiement d'une provision sur les commissions de décembre 2019 et de janvier 2020

L'examen des bulletins de salaire de Mme [A] fait apparaître qu'elle ne percevait pas systématiquement chaque mois des commissions. Elle ne rapporte pas la preuve que des commissions restent dues au titre des mois de décembre 2019 et janvier 2020. La décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Sur la demande dommages intérêts pour remise tardive des documents sociaux

L'article L.1234-19 du code du travail prévoit qu'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire.

En l'espèce, Mme [A] a été licenciée le 23 juillet 2020 et les documents sociaux lui ont été adressés le 18 août 2020 après mise en demeure.

Les documents ont été remis moins d'un mois après le licenciement. Ce délai apparaît raisonnable et, dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'employeur a manqué à son obligation. La décision des premiers juges sera confirmée.

Sur la demande relative à la résiliation du contrat de prévoyance

Mme [A] bénéficiait d'un contrat d'assurance collective lui assurant la possibilité de constituer un supplément de retraite par capitalisation conclu le 1er janvier 2004 par son employeur de l'époque M. [D].

Dans un courrier électronique du 15 septembre 2016, produit par Mme [A], M. [W] interroge les services de la société ALLIANZ au sujet de ce contrat en indiquant : « j'ai besoin de votre aide sur le contrat en référence : il s'agit d'un contrat fait par mon prédécesseur au profit des collaboratrices de l'agence, contrat dont j'ignorais l'existence jusqu'à aujourd'hui ; ni ALLIANZ, ni mon prédécesseur ne m'en ont parlé en 2012 ».

En réponse, le service concerné a répondu à M. [W] que le contrat avait été résilié à effet du 31 décembre 2012, la demande de résiliation est donc intervenue la même année que la cession de l'agence.

Cet échange permet de présumer que M. [W] n'est pas responsable de cette résiliation et il convient de constater que Mme [A] ne rapporte pas la preuve contraire. La décision des premiers juges sera donc confirmée en ce qu'ils ont débouté cette dernière de ce chef de demande.

Sur les autres demandes

A la suite de la présente procédure, M. [W] a exposé des frais non compris dans les dépens. L'équité commande de l'en indemniser. Mme [A] sera condamnée à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de condamner Mme [A] à payer à Mme [W] une somme au titre des frais non compris dans les dépens dès lors que la première n'a formulé aucune demande à l'encontre de la seconde.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONSTATE que les demandes suivantes présentées par Mme [A] sont devenues sans objet :

- condamner M. [W] à verser à Mme [A] la somme de 756,07 € brut à titre de rappel sur complément de salaire (suite à arrêt maladie) du 1er mai au 23 juillet 2020 tant au titre de la mise à pied qu'au titre de la période antérieure à compter du 8 mai 2020 compte tenu de ce qu'il a reçu de l'organisme de prévoyance ;

- condamner sous astreinte M. [W] à communiquer l'intégralité des versements des compléments de salaire reçu au titre des prestations prévoyance dues à Mme [A], sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Limoges en date du 27 septembre 2021 pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

DECLARE prescrits les faits relatifs à des remises commerciales irrégulières à des clients de l'agence ;

CONDAMNE Mme [A] aux dépens de l'appel et à payer à M. [W] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

DEBOUTE Mme [W] de sa demande en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Line MALLEVERGNE Pierre-Louis PUGNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00904
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;21.00904 ?
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