ARRÊT N°
N° RG 21/00864 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIII7
AFFAIRE :
[L] [I] épouse [P], [R] [P]
C/
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN
JP/TT
Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule
Grosse délivrée le 30/11/2022
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022
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Le trente Novembre deux mille vingt deux, la Chambre Economique et Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
[L] [I] épouse [P], demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Virginie POUJADE de la SELARL HORIZON CONSEILS, avocat au barreau de BRIVE
[R] [P], demeurant [Adresse 9]
représenté par Me Virginie POUJADE de la SELARL HORIZON CONSEILS, avocat au barreau de BRIVE
APPELANTS d'un jugement rendu le 03 Septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de BRIVE LA GAILLARDE
ET :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN, dont l'adresse est [Adresse 4]
représentée par Me Antoine LAMAGAT, avocat au barreau de BRIVE
INTIMEE
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L'affaire a été fixée à l'audience du 04 Octobre 2022, après ordonnance de clôture rendue le 07 Septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Après quoi, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi.
Au cours de ce délibéré Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendue compte à la cour composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d'elle-même.
A l'issue de leur délibéré commun a été rendu à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition au greffe.
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
M. [R] [P] et son épouse Mme [L] [P] ont été associés au sein de la société Menuiserie [P], dont M. [R] [P] a été le dirigeant.
Par actes sous seing privés du 16 novembre 2007, la Caisse d'épargne et de prévoyance d'Auvergne et du Limousin (la Caisse d'épargne) a accordé à la société Menuiserie [P] un prêt n°7251364 d'un montant de 42.200 euros porteur d'intérêt au taux de 6,64%, ainsi qu'un prêt n°7251365 d'un montant de 257.800 euros, porteur d'intérêt au taux hors assurance et frais de 4,50% l'an, destinés le premier à l'acquisition d'un terrain et le second à la construction d'un bâtiment industriel.
Ces prêts ont été garantis, outre par la SACCEF, par une inscription d'hypothèque sur le terrain financé et par l'engagement de caution de M. [O], troisième associé de la société emprunteuse, par les cautionnements solidaires et personnels de M. [R] [P] et de Mme [L] [P] à hauteur pour chacun des sommes de 54.860 euros au titre du prêt n°7251364 et de 335.140 euros au titre du prêt n°7251365.
Par un jugement du 20 octobre 2015, le tribunal de commerce de Brive la Gaillarde a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Menuiserie [P], procédure qui a ensuite été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 30 janvier 2018, la SCP Pimouguet-Leuret- Devos -Bot étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par courrier recommandé du 7 février 2018, la Caisse d'épargne a régulièrement déclaré sa créance et, par deux autres lettres recommandées du même jour, elle a informé M. et Mme [P] en leur qualité de caution solidaire de la société Menuiserie [P] de la déchéance du terme du contrat de prêt et les a sommés de procéder au paiement des sommes dues à ce titre. Elle a parallèlement actionné la garantie de la SA Compagnie européenne de garanties et cautions, venant aux droits de la SACCEF, qui lui a réglé le 30 avril 2018 la somme 30.596,02 euros au titre du prêt n°7251364 et celle de 194.844,64 euros au titre du prêt n°7251365.
Le 30 octobre 2019, la Caisse d'épargne a fait assigner M. et Mme [P] devant le tribunal de commerce de Brive la Gaillarde aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à lui payer, au titre du solde du prêt n°7251365, la somme restant due de 36.595,97 euros avec intérêts au taux de 4,5 % l'an à compter du 1er février 2018.
M. [R] [P] faisant valoir que, s'il avait bien daté et signé son engagement de caution, il n'en avait pas lui-même rédigé la mention manuscrite obligatoire, a obtenu par une ordonnance du 12 juin 2020 la désignation de Mme [K] en qualité d'expert, laquelle, dans son rapport déposé le 23 octobre 2020 , a conclu à une mention manuscrite de l'acte de cautionnement non rédigée de la main du souscripteur.
Par jugement du 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Brive la Gaillarde a :
- condamné solidairement les époux [P] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 36.595,97 euros augmentée des intérêts au taux de 4,5% par an à compter du 1er février 2018 ;
- a ordonné la capitalisation annuelle de intérêts ;
- a condamné in solidum les époux [P] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Le 11 octobre 2021, les époux [P] ont relevé appel de ce jugement.
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Aux termes de leurs dernières écritures du 19 août 2022, auxquelles il est renvoyé, M. [R] [P] et Mme [L] [P] demandent à la cour :
' in limine litis, de dire la Caisse d'épargne irrecevable en sa demande tendant à voir déclarer prescrites les contestations soulevées par eux, portant sur la nullité de leurs engagements respectifs de caution de la société Menuiserie [P], moins de cinq années s'étant écoulées entre la date de mise à exécution de leurs engagements de caution et leur contestation ;
' à titre principal, de réformer le jugement attaqué en tous ses chefs de jugement et, statuant à nouveau :
- de constater la nullité de l'acte de cautionnement en date du 16 novembre 2007 d'un montant de 335.140 euros à l'égard de M. [R] [P] et de débouter, en conséquence, la Caisse d'épargne de l'intégralité de ses et prétentions à l'encontre de ce dernier ;
- de constater l'existence d'une erreur sur l'étendue des garanties ayant vicié le consentement de Mme [L] [P], et de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement en date du 16 novembre 2007 d'un montant de 335.140 euros à l'égard de cette dernière ;
' à titre subsidiaire :
- de constater la disproportion manifeste de l'acte de cautionnement litigieux à l'égard des époux [P] sur le fondement des articles L. 314-18 et L. 332-1 du code de la consommation ;
- d'en prononcer la déchéance ;
- de dire que la responsabilité délictuelle de la Caisse d'épargne est engagée ;
- de condamner la Caisse d'épargne à leur verser la somme de 36.595,97 euros au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil ;
- de dire qu'il y aura lieu à compensation ;
' à titre très subsidiaire :
- de leur accorder un échelonnement des sommes dues ;
- de leur accorder un taux réduit pour les sommes reportées ;
' en tout état de cause :
- de condamner la Caisse d'épargne à leur payer la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.
M. et Mme [P] font valoir :
- s'agissant de leur demande en nullité des actes de cautionnement, que la Caisse d'épargne fixe à tort le point de départ de la prescription à la date de l'engagement de caution alors que le délai de la prescription quinquennale n'a commencé à courir que par la mise en demeure du 7 février 2018 et a été interrompu par l'assignation en justice ;
- que c'est à tort que le tribunal de commerce a retenu, au mépris du droit de la preuve, une intention frauduleuse de la part de M. [R] [P] lors de la rédaction de la mention manuscrite prévue à peine de nullité de l'acte ;
- que, par la 'théorie des dominos', la nullité de l'engagement de caution de M. [R] [P] entraîne, par la disparition d'une condition déterminante de son propre engagement, celui de Mme [L] [P] pour vice du consentement;
- que la qualité de caution avertie ne peut être reconnue à M. [R] [P] puisque le simple fait d'être dirigeant ne peut y suffire ;
- que leurs engagements de caution sont manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine que ce soit au moment de leur conclusion ou lorsqu'ils ont été appelés à ce titre ;
- que Mme [P] est fondée à engager la responsabilité de la banque au titre d'une perte de chance de ne pas contracter compte tenu de la situation du débiteur principal qui aurait dû conduire à la dissuader de souscrire son engagement.
Aux termes de ses dernieres écritures du 15 mars 2022 auxquelles il est renvoyé, la Caisse d'épargne demande à la cour :
- de déclarer prescrite toutes les contestations soulevées par les époux [P] portant sur leurs engagements respectifs de caution ;
- de les débouter intégralement de leurs demandes ;
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;
- de condamner in solidum les époux [P] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La Caisse d'épargne fait valoir en réplique :
- qu'en application de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, les époux [P] sont prescrits à remettre en cause la validité de leurs engagements souscrits le 16 novembre 2007 ou à vouloir engager sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde ;
- qu'au regard de la qualité de caution avertie de M. [P], celui-ci a incontestablement eu connaissance de la portée de son engagement avant de signer et il s'est abstenu de rédiger lui-même la mention manuscrite qu'à la seule fin de rechercher la nullité de l'acte ;
- que la théorie des dominos ne peut trouver à s'appliquer puisque l'engagement des époux [P] qui sont mariés sous le régime de la communauté, a reposé sur un même patrimoine et l'éventuelle nullité de l'engagement de M. [P] n'a pu constituer une erreur sur l'étendue des garanties fournies par Mme [L] [P] ;
- que les engagements des époux [P] n'ont en rien été disproportionnés à leurs biens et revenus, que cela soit au moment de leur souscription ou de leur mise en exécution.
- que Mme [L] [P] n'est pas fondée à invoquer une perte de chance de ne pas contracter, et qu'elle ne démontre pas l'existence d'un quelconque préjudice.
- que rien ne justifie d'accorder aux débiteurs un échelonnement des paiements.
SUR CE,
Sur la nullité des actes de cautionnement :
L'article 1185 du code civil, issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dispose que l'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution. Ce texte n'a fait que consacrer en droit positif la perpétuité de l'exception de nullité antérieurement dégagée par la jurisprudence et autorisant le défendeur à une action, pour faire obstacle à une demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté et aux fins d'obtenir le rejet des prétentions du demandeur à cette action se fondant sur cet acte, de se prévaloir de sa nullité.
C'est par une mise en demeure en date du 07 février 2018 que la Caisse d'épargne a pour la première fois poursuivi à l'encontre de M. [R] [P] et de Mme [L] [P] l'exécution de leurs actes de cautionnement solidaire pour le remboursement des prêts consentis à la société Menuiserie [P] et ces actes n'ont reçu aucune exécution antérieurement à l'action en paiement de la Caisse d'épargne introduite le 03 octobre 2019.
M. [R] [P] et Mme [L] [P] sont donc recevables à en soulever la nullité par voie d'exception.
S'agissant du cautionnement apporté par M. [R] [P], il est acquis aux débats, au vu des conclusions non discutées du rapport de Mme [K], expert en écritures, en date du 23 octobre 2020, que la mention manuscrite prescrite à peine de nullité de l'acte par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 et applicables à l'espèce, n'a pas été rédigée de la main de M. [R] [P] qui a cependant complété de sa main la mention 'Nom et qualité du signataire' par les termes '[P] [R], gérant' et il y a apposé sa signature.
La comparaison des écritures figurant sur l'acte de cautionnement de M. [R] [P] (pièce n°5 de la Caisse d'épargne) et celui en même date du 16 novembre 2007 de M.[U] [O], qui exerçait un emploi de contremaître auprès de la société Menuiserie [P] (pièce n°3 des époux [P]) permet de dire avec certitude, compte tenu de la parfaite similitude des caractères, que la mention manuscrite litigieuse a été écrite de la main de ce dernier qui a également apporté sa caution à la société Menuiserie [P] .
Par ailleurs, au dessus du texte reprenant les dispositions des articles précités L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation pour être recopiées par la caution, il a été clairement rappelé à celle-ci que l'intégralité de ce texte devait être recopié de sa main avant signature.
En matière contractuelle, il pèse à l'encontre de toutes les parties une obligation de loyauté et de sincérité. En faisant rédiger cette mention manuscrite obligatoire par son subordonné alors qu'il lui était expressément et clairement rappelé qu'il devait personnellement en être le scripteur, M. [R] [P], qui ne pouvait ignorer les effets à attacher à un tel fait juridique, a agi dans le but d'échapper à son engagement et ayant sciemment, en ne se conformant pas à une exigence légale, détourné le formalisme de protection dont il se prévaut désormais pour faire échec à la demande en paiement de la Caisse d'épargne, il a commis une faute intentionnelle l'empêchant d'invoquer la nullité de son engagement (cf en ce sens Com.05 mai 2021 n° 19-21.468 P.).
Cette décision rend sans objet la demande en nullité de son acte de cautionnement formée par Mme [L] [P] sur le seul fondement de 'la théorie des dominos'.
Sur la disproportion des engagement de cautions :
Aux termes de l'ancien article L.341-4 du code de la consommation alors applicable, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La question de la proportionnalité revient à répondre à celle de la solvabilité de la caution et à rechercher si elle est ou non en capacité de répondre à son obligation.
En l'espèce, cette proportionnalité doit être recherchée non en considération du seul prêt n°7251365 ainsi que le voudrait la Caisse d'épargne, mais en considération des deux prêts n°7251364 et n°7251365 qui ont été consentis concomitamment le 16 novembre 2007 à la société Menuiserie [P] en vue d'une opération immobilière unique et qui ont été garantis tout aussi concomitamment à cette même date par les engagements de caution des époux [P].
Les époux [P] soutiennent que ces engagements de caution qu'ils ont souscrit à concurrence des somme de 54.860 euros au titre du prêt n°7251364 et de 335.140 euros au titre du prêt n°7251365 - soit pour un montant total de 390.000 euros - étaient, lors de leurs conclusions, manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus.
Lorsque, comme en l'espèce, le cautionnement a été souscrit par deux époux mariés sous le régime légal de la communauté, la proportionnalité de leur engagement doit s'apprécier au regard de leur patrimoine global, comprenant tant les biens propres que les biens communs, et des revenus et charges du ménage et il appartient aux époux [P] de faire la preuve de la disproportion alléguée.
La Caisse d'épargne ne justifie pas s'être renseignée, lors de la conclusions de leurs engagements, sur la situation des époux [P], la seule 'fiche confidentielle caution' produite et signée des deux époux lui étant postérieure de quatre années comme étant en date du 16 novembre 2011 (l'authenticité de cette date se vérifie par la mention d'un capital restant dû de 46.194 euros au titre d'un prêt qui leur a été consenti par la Caisse d'épargne le 17 février 2005 pour un montant de 61.000 euros et par le tableau d'amortissement dudit prêt produit par les époux [P] en pièce n°24).
Il sera observé à cet égard que si la banque doit effectivement se renseigner sur la solvabilité de la caution, un manquement de sa part à cette obligation n'est pas sanctionné par la nullité du cautionnement et ne peut générer que des dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à cette faute dans le cadre d'une demande qui n'est pas formée en l'espèce. De plus et antérieurement au recueil des engagements de caution, lors de l'établissement le 07 juillet 2007 du dossier client de la société Menuiserie [P], son dirigeant M. [R] [P] avait fait état auprès de la Caisse d'épargne d'un patrimoine immobilier composé de l'immeuble constituant la résidence du ménage et d'un immeuble locatif valorisés respectivement à 200.000 et 90.000 euros (cf pièce n°24 de la banque).
Selon la fiche de renseignements établie en 2011 que les époux [P] ont co-signée, ils étaient, au jour de la conclusion des actes en novembre 2007, à la tête d'un patrimoine immobilier commun qu'ils évaluaient alors à 350.000 euros et que ce patrimoine immobilier était composé :
- de leur résidence familiale, sise à [Localité 11], acquise le 1er octobre 1990 et estimée par eux en 2011 à cette même valeur de 200.000 euros déclarée à la Caisse d'épargne en juillet 2007 lors de l'établissement du dossier client de la société Menuiserie [P] ;
- d'un immeuble locatif, sis [Adresse 7] à [Localité 10], acquis le 04 janvier 2005 au prix de 61.000 euros, estimé en 2011 à cette même valeur de 90.000 euros déjà déclarée en juillet 2007 lors de l'établissement du dossier client de la société Menuiserie [P] ; si ce bien, grevé d'une inscription hypothécaire de la Banque populaire, a été vendu par acte du 04 mai 2018 au prix réduit de 70.000 euros, c'est la valeur de 90.000 euros telle que déclarée en 2007 par M. [R] [P], président de la société, qui doit être retenue comme ayant été prise en considération par la Caisse d'épargne lors des engagements de caution;
- d'un local professionnel loué à la société Menuiserie [P], situé [Adresse 8], acquis le 1er octobre 1996, évalué en 2011 à 60.000 euros.
Par ailleurs, selon les pièces qu'il produit sous les n°24 et 38, M. [R] [P] détenait également des droit propres :
- en pleine propriété, sur un bâtiment avec remise attenante et local à usage de bureau sis [Adresse 1], cadastré XY n°[Cadastre 2], acquis de son père le 29 septembre 1988 au prix de 110.000 francs et qu'il a réalisé le 12 mars 2021 au prix de 30.000 euros ;
- en pleine propriété sur des terrains situés sur la commune de Saint Germain Lavolps, cadastrés B[Cadastre 2], B[Cadastre 3] et C[Cadastre 5] et suivants, acquis les 23 mars 1987, 24 novembre 1989 et 31 janvier 1990 pour une valeur totale, au jour des acquisitions, de 28.598 euros ;
- de droits en nue-propriété et en indivision acquis en novembre 2004 sur un immeuble situé à [V], cadastré XY n°[Cadastre 6], pour une valeur de 10.000 euros.
M. [R] [P] ne donne pas d'actualisation des terrains acquis entre 1987 et 1990, mais dont la valorisation n'a pu que s'accroître sensiblement au cours des dix sept années qui ont suivi.
En conséquence, le patrimoine immobilier des époux [P] peut être retenu comme ayant représenté en 2007 une valeur minimale de 420.000 euros.
Mme [L] [P] était par ailleurs titulaire auprès du Crédit agricole d'un contrat d'assurance vie Predige d'un capital de 8.231,87 euros au 31 décembre 2006, d'un livret d'épargne populaire de 1.915 euros au 05 novembre 2007 et d'une épargne salariale de 10.947,15 euros au 17 avril 2007 .
Leur patrimoine immobilier et mobilier représentait donc, lors de la conclusion des engagements de caution, une valeur minimale de 440.00 euros.
Les époux [P] déclaraient en 2011 deux prêts, dont celui de 61.000 euros contracté en 2005 pour l'achat de l'immeuble de rapport de [V] et un autre de 20.000 euros, venant à échéance en 2019 et sur lequel il restait dû un capital de 16.166,59 euros ; ils s'abstiennent toutefois de produire ce dernier acte de prêt ou son tableau d'amortissement et, en l'absence de ce moyen de preuve, il ne peut être retenu que ce prêt de 20.000 euros était déjà en cours au 16 novembre 2007.
En conséquence, après imputation de l'encours de 55.586,19 euros au 15 novembre 2007 au titre du seul prêt de 61.000 euros, leur patrimoine immobilier et mobilier représentait une valeur nette de l'ordre de 384.000 euros.
S'agissant de leurs revenus, les époux [P], qui ont deux enfants à charge, ont disposé pour l'année 2007 d'un revenu net fiscal de 44.033 euros, dont 15.000 euros au titre du salaire de M. [R] [P], 21.968 euros au titre du salaire de Mme [L] [P] et 7.045 euros au titre des revenus fonciers nets.
Ils ne produisent aucune pièce relative à des prêts à la consommation dont ils font état dans leurs écritures et il ne peut en être tenu compte, comme il ne peut être tenu compte des engagements de caution qu'ils ont souscrits postérieurement à celui pour lesquels ils sont recherchés, soit :
- celui souscrit par eux le 23 octobre 2014 en garantie d'une ouverture de crédit en compte consentie à la société Menuiserie [P] par la banque CIC ;
- celui souscrit par eux le 13 novembre 2014 en garantie d'un prêt de 30.000 euros consenti à la société Menuiserie [P] par le Crédit agricole.
Au vu de ces éléments, les engagements de caution souscrits par eux deux le 16 novembre 2007 à hauteur de la somme globale de 390.000 euros n'apparaissent pas comme ayant été, au jour de leurs conclusions, manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus.
Ceci étant dit, il n'y a pas lieu à rechercher si, au moment où ils sont actionnés par la Caisse d'épargne, ils sont ou non en mesure de faire face à l'intégralité de leurs obligations.
Sur l'action en paiement :
En conséquence et en l'absence de toute critique quant au montant de la créance de la Caisse d'épargne, le jugement dont appel mérite confirmation en ce qu'il a solidairement condamné les époux [P] à lui payer la somme de 36.595,97 euros avec intérêts au taux de 4,5% l'an à compter du 1er février 2018, capitalisables annuellement à compter de ce même jugement.
Les époux [P] ont à ce jour et depuis l'introduction de l'instance en octobre 2019 déjà bénéficié des plus larges délais de paiement et leur demande en échelonnement de la dette est à écarter.
Sur l'action en responsabilité engagée par Mme [L] [P] :
Seule Mme [L] [P], qui réclame des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 36.595,97 euros, met en cause un manquement de la Caisse d'épargne à son devoir de mise en garde pour ne pas l'avoir alertée sur la situation de la société Menuiserie [P] qui, selon elle, aurait dû la conduire à la dissuader de souscrire son engagement.
Toutefois, aucun élément ne permet de retenir que la situation économique de la société Menuiserie [P] présentait une certaine fragilité en fin d'année 2007, étant observé que ses besoins en trésorerie sont apparus en 2014, ainsi que le révèlent les encours obtenus auprès de la Banque CIC et du Crédit agricole, et que son placement en redressement judiciaire est intervenu huit années plus tard par jugement du 20 octobre 2015.
Le jugement dont appel sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] [P] de cette demande
Sur les frais et dépens :
Les époux [P], qui succombent en leur appel, doivent en supporter les entiers dépens.
L'équité ne commande pas, en cause d'appel, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Brive la Gaillarde en date du 03 septembre 2021 ;
CONDAMNE in solidum M. [R] [P] et Mme [L] [P] aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Line MALLEVERGNE Pierre-Louis PUGNET