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30/11/2022 | FRANCE | N°21/00548

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 30 novembre 2022, 21/00548


ARRÊT N°



N° RG 21/00548 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHAU







AFFAIRE :



DEPARTEMENT DE LA CORREZE

C/

[V] [T], S.C.P. LGA, Association UNÉDIC DÉLÉGATION AGS - CGEA DE [Localité 4]







PLP/TT





Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique







































Grosse délivrée le 30/11/2022
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COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

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Le trente Novembre deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la dispo...

ARRÊT N°

N° RG 21/00548 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHAU

AFFAIRE :

DEPARTEMENT DE LA CORREZE

C/

[V] [T], S.C.P. LGA, Association UNÉDIC DÉLÉGATION AGS - CGEA DE [Localité 4]

PLP/TT

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique

Grosse délivrée le 30/11/2022

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

------------

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

-------------

Le trente Novembre deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

DEPARTEMENT DE LA CORREZE collectivité territoriale, SIRET n°221 927 205 00197, représenté par son Président en exercice dûment habilité, domicilié en cette qualité en l'Hôtel du Département, (ci-après désigné : le Conseil Départemental de la Corrèze), dont l'adresse est [Adresse 3]

représentée par Me Didier guy SEBAN de la SCP SEBAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Benoît ROSEIRO, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE d'un jugement rendu le 19 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TULLE

ET :

[V] [T], demeurant [Adresse 2] - France

représenté par Me Olivier LAUDE de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Laetitia ARZEL, avocat au barreau de PARIS

S.C.P. LGA mandataire liquidateur de l'ADDIAM, dont l'adresse est [Adresse 1]

représentée par Me Virginie POUJADE de la SELARL HORIZON CONSEILS, avocat au barreau de BRIVE

Association UNÉDIC DÉLÉGATION AGS - CGEA DE [Localité 4], dont l'adresse est Les [Adresse 6]

représentée par Me Dominique VAL, avocat au barreau de BRIVE

INTIMES

---==oO§Oo==---

L'affaire a été fixée à l'audience du 19 Septembre 2022, après ordonnance de clôture rendue le 07 Septembre 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

L'Agence départementale de Développement des Initiatives Artistiques et de Médiation (l'ADDIAM) est une association de développement des services culturels spécifiquement pour la musique, danse, théâtre, créée en 1985 avec le soutien des collectivités locales et de l'Etat. Il s'agit d'une association conventionnée dont l'essentiel du budget provient de la dotation du Conseil départemental de la Corrèze et du Ministère de la Culture.

M. [T] a été engagé par l'ADDIAM dans le cadre d'un contrat initiative jeune d'une durée de 12 mois à compter du 2 novembre 2009, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2010 en qualité de chargé de mission relation presse.

Par une décision du 4 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Tulle a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de l'association au regard de la déclaration de cessation de paiement déposée par cette dernière.

Parallèlement, le Conseil départemental de la Corrèze n'a pas renouvelé la subvention de fonctionnement pour l'année 2016.

Par un jugement du 13 janvier 2016, la liquidation judiciaire de l'ADDIAM a été prononcée, la SCP [J] [K] [L] [E], aux droits de laquelle vient la SCP LGA, étant désignée en qualité de mandataire liquidateur. Cette dernière a procédé au licenciement de l'ensemble des salariés de l'association.

M. [T] a été convoqué par un courrier du 15 janvier 2016 à un entretien préalable à licenciement devant se dérouler le 25 janvier suivant et, par courrier remis en main propre le même jour, s'est vu notifier son licenciement pour motif économique, avec information concernant une possible adhésion au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) dans un délai de 21 jours courant jusqu'au 15 février 2016.

M. [T] n'a pas adhéré au CSP et son contrat de travail a été définitivement rompu au 27 mars 2016.

Le 8 avril 2016, les relevés des créances salariales ont été publiés.

***

Considérant que la rupture de son contrat de travail était infondée, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Tulle d'une demande reçue le 12 janvier 2017, aux fins d'obtenir notamment sa réintégration au sein des services départementaux, estimant que son contrat de travail devait être repris par cette structure, laquelle poursuivait l'activité anciennement dévolue à l'ADDIAM.

Compte tenu de la procédure collective de l'ADDIAM, le CGEA et le mandataire liquidateuront été régulièrement appelés à la procédure.

Parallèlement, une procédure a été introduite devant le tribunal administratif suite au refus du Conseil départemental de la Corrèze de considérer les salariés de l'ADDIAM comme salariés du département.

Une décision du tribunal de commerce rendue le 12 octobre 2017 a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal administratif, concernant les demandes tendant à voir reconnaître à l'ADDIAM la qualification d'association transparente.

Par une décision du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Limoges a écarté les demandes des salariés et a dit et jugé que l'ADDIAM ne pouvait pas être qualifiée d'association transparente, dans la mesure où elle fonctionnait avec un degré d'autonomie non négligeable à l'égard du Conseil départemental de la Corrèze. Il a en outre renvoyé aux juridictions de l'ordre judiciaire le soin de se prononcer sur la légalité des décisions prises à l'égard des salariés au regard de règles applicables au transfert de contrat de travail prévues aux articles L. 1224-1 et L. 1224-3 du code du travail.

Par jugement du 19 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Tulle a :

ln limine litis :

- constaté la forclusion tendant à la fixation au passif de l'ADDIAM d'une créance de 576,27 € au titre d'un reliquat de l'indemnité de licenciement ;

- constaté que les causes du sursis à statuer prononcé le 12 octobre 2017 ont cessé ;

- débouté le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de la fin de non recevoir qu'il soulève sur le fondement du principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui' ;

A titre principal, a :

- constaté que l'ADDIAM était une entité économique autonome ;

- constaté que le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE a repris l'activité de l'ADDIAM ;

- dit que le contrat de travail de M. [T] s'est trouvé de plein droit transféré au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE ;

- dit que le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE doit proposer à M. [T] un contrat de droit public ;

- dit que le licenciement pour motif économique à l'encontre de M. [T] est privé d'effet ;

- condamné le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à verser à M. [T] les sommes suivantes :

* 119.257,55 € correspondant aux salaires de février 2016 au 21 mai 2021 moins le montant des salaires perçus ;

* 14.719,67 € au titre des congés payés sur les salaires dus ;

* 2.500 € de dommages-intérêts pour préjudice subi ;

- débouté M. [T] de sa demande de 576,27 € brut au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement ;

- ordonné au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de remettre à M. [T] les bulletins de paie correspondants, sous astreinte journalière définitive de 100 € à compter du prononcé du jugement soit le 19 mai 2021, le Conseil se réservant le droit de liquider cette astreinte ;

- débouté le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de l'ensemble des demandes qu'il forme dès lors que le Conseil a jugé que le contrat de travail de M. [T] a été transféré de plein droit au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE ;

- débouté M. [T] dans sa demande de 5.000 € à verser par Maître [K], mandataire liquidateur, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de sa demande de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile par M. [T] ;

- condamné le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à verser au mandataire liquidateur de l'association ADDIAM la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Maître [K], ès qualités, de sa demande de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à verser par M. [T] ;

- dit que l'AGS-CGEA de [Localité 4] est mis hors de cause ;

- condamné M. [T] à rembourser la somme de 14.910,20 € à l'AGS-CGEA de [Localité 4] ;

- rappelé que l'article R. 1454-28 du code du travail dispose que l'exécution provisoire est de droit sur la remise des documents et les condamnations de nature salariale dans la limite de neuf mois de salaire et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2.344,16 € ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sur les autres condamnations ;

- rappelé que les intérêts au taux légal prévus par l'article 1153 du code civil commencent à courir à compter de la présentation au défendeur de la lettre recommandée avec accusé de réception de la première convocation, soit à compter du 17 janvier 2017, pour les créances de nature salariale, et à compter de la présente décision pour les créances de nature indemnitaire ;

- condamné le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE aux entiers dépens.

Le Conseil départemental de la Corrèze a interjeté appel de la décision le 18 juin 2021. Son recours porte sur l'ensemble des chefs de jugement, sauf en ses dispositions prises in limine litis, à l'exception du chef de jugement l'ayant débouté de la fin de non recevoir, ainsi que des chefs de jugement ayant débouté M. [T] et Maître [K], ès qualités, de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce que le CGEA de [Localité 4] a été mis hors de cause et en ce que M. [T] a été condamnée à rembourser au CGEA de [Localité 4] la somme de 14.910,20 €.

Par jugement du 23 juin 2021 rendu sur requête en rectification d'erreur matérielle, le conseil de prud'hommes de Tulle a :

- reçu la requête en rectification d'erreur matérielle ;

- l'a déclarée bien fondée et y a fait droit ;

- constaté que le jugement dont la minute porte le n° 25/2021 est entaché d'une erreur matérielle ;

Ordonné la rectification de l'erreur matérielle dudit jugement comme suit :

- remplace en page 13 la somme de 30.901,21 € par la somme de 99.585,44 € perçue au titre des salaires de remplacement ainsi que la somme dont devra s'acquitter le CONSEIL DEPARTEMENTAL au titre des rappels de salaires, 41.227,64 € au lieu 109.911,87 € ;

- rectifie le dispositif en page 16, dernier paragraphe, dans lequel le Conseil :

'condamne le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à verser à M. [T] les sommes suivantes : 41.127,64 € correspondant au titre de rappels de salaires de février 2016 au 21 mai 2021 moins le montant des salaires perçus' ;

- débouté M. [T] de sa demande de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile faite dans le rejet du recours de rectification d'erreur matérielle ;

- dit que la présente décision sera mentionnée sur la minute et les expéditions du jugement rectifie.

***

Aux termes de ses écritures du 17 mars 2022, le Conseil départemental de la Corrèze demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel selon sa version rectifiée du 23 juin 2021, en ce qu'il ne l'a pas condamné à verser une somme de 2.500 € à M. [T], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Pour le reste :

- d'infirmer le jugement attaqué ;

Rejugeant, de :

- dire irrecevables les demandes de M. [T] formulées en violation avec l'interdiction de se contredire au préjudice d'autrui ;

- dire que M. [T] ne démontre nullement l'existence d'un transfert d'entité économique autonome ;

- dire que le contrat de travail de M. [T] ne lui a pas été transféré de plein droit ;

- débouter, en conséquence, M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause, de :

- débouter M. [T] de ses demandes fondées sur un prétendu préjudice moral en l'absence de toute démonstration de ce préjudice ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire, le Conseil départemental de la Corrèze demande à la cour de faire droit à sa fin de non-recevoir issue de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, ce que M. [T] a fait en fondant certaines de ses demandes sur l'existence d'une association transparente et d'autres sur le principe du transfert automatique des contrats de travail en cas de transfert d'une entité économique indépendante.

Le Conseil départemental de la Corrèze soutient que rien ne justifiait un transfert du contrat de travail en l'absence de transfert ou de reprise d'activité d'une entité économique autonome, les conditions d'application des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail n'étant pas réunies. Ainsi, il explique que l'arrêt du subventionnement ne peut en rien être considéré comme un transfert d'élément propre à caractériser le transfert de l'activité, aucun élément corporel ou incorporel n'ayant été transféré. Dès lors, le Conseil départemental de la Corrèze fait valoir que rien ne justifie les demandes indemnitaires en lien. Il indique qu'il en va de même sur les demandes au titre d'un prétendu préjudice moral en l'absence de justification de la part de M. [T].

Aux termes de ses écritures du 24 novembre 2021, le CGEA de [Localité 4] demande à la cour :

A titre principal, de :

- rejeter l'appel interjeté par le département ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* dit que le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE devait reprendre son contrat de travail par application de l'article L. 1224-3 du code du travail ;

* l'a mis purement et simplement hors de cause ;

* ordonné le remboursement par M. [T] à son profit de l'ensemble des sommes par lui avancées à savoir 14.910,20 € ;

- dire que dans le cadre des articles L. 625-3 et L. 641-14 (LJ) du code de commerce, l'action du salarié ne peut avoir d'autre objet que l'inscription sur le relevé des créances salariales objet du litige et que par suite aucune condamnation ne peut intervenir contre lui ;

- dire que M. [T] peut seulement demander que la somme qui lui serait éventuellement allouée soit inscrite sur l'état des créances en fonction du caractère de celle-ci, la décision étant alors déclarée commune et opposable au CGEA dans les limites de sa garantie ;

- dire que dans l'hypothèse où l'action des salariés pourrait être accueillie, celle-ci, toutes créances avancées pour le compte des salariés, relèverait au vu de l'article D. 3253-5 du code du travail de l'application du plafond 6 pour chacun d'eux ;

A titre subsidiaire, s'il était fait droit à l'appel principal du département, de :

- dire que dans le cadre des articles L. 625-3 et L. 641-14 (LJ) du code de commerce, l'action du salarié ne peut avoir d'autre objet que l'inscription sur le relevé des créances salariales objet du litige et que par suite aucune condamnation ne peut intervenir contre lui ;

- dire que M. [T] peut seulement demander que la somme qui serait éventuellement allouée soit inscrite sur l'état des créances en fonction du caractère de celle-ci, la décision étant alors déclarée commune et opposable au CGEA dans les limites de sa garantie ;

- dire que dans l'hypothèse où l'action de la salariée pourrait être accueillie, celle-ci, toutes créances avancées pour le compte des salariés, relèverait au vu de l'article D. 3253-5 du code du travail de l'application du plafond 6 ;

- débouter le salarié de ses demandes, le mandataire liquidateur ayant procédé à la procédure de licenciement dans des conditions régulières ;

Subsidiairement sur ce point, de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclarée forclose les demandes au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- en tout état de cause, débouter le salarié de ses demandes au titre du préavis et des congés payés y afférant ;

- débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts faute de démontrer l'existence d'un préjudice effectif ;

- si le licenciement était qualifié sans cause réelle ni sérieuse faute de recherche de reclassement suffisante, limiter à 6 mois de salaires le montant des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués ;

- rejeter toute demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- dire que les sommes sollicitées au titre du préjudice moral, de l'astreinte, des intérêts à taux légal et de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens n'entrent pas dans le cadre de la garantie légale du CGEA ;

- condamner la partie succombante à lui verser une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CGEA de [Localité 4] indique qu'aucune condamnation ne peut être directement prononcée à son encontre, précisant que sa garantie est limitée conformément aux dispositions des articles L. 3253-8, L. 3253-13, L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 et suivants du code du travail, indiquant également que le plafond applicable à l'égard de M. [T] est le plafond 6.

A titre liminaire sur le fond, le CGEA indique avoir déjà fait des avances à hauteur de 14.910,20 € pour M. [T] dans le cadre de son licenciement économique.

A titre principal, il demande à être mis hors de cause, le salarié ayant dirigé ses demandes à titre principal contre le DEPARTEMENT DE LA CORREZE, non concerné par la liquidation de l'association ADDIAM, M. [T] devant en tout état de cause voir le transfert de son contrat de travail reconnu.

A titre reconventionnel, le CGEA sollicite le remboursement par M. [T] des sommes qu'il a été amené à lui avancer, le salarié devant être rempli de ses droits par les sommes que devra lui verser le DEPARTEMENT DE LA CORREZE.

Subsidiairement, si le transfert du contrat ne devait pas être reconnu, le CGEA, sans contester le principe de sa garantie, indique qu'il ne pourra être fait droit à une partie des sommes sollicités par M. [T] à titre indemnitaire faute d'apporter des éléments à même de justifier ses demandes (défaut de recherche de reclassement par le mandataire). Concernant l'indemnité de préavis et congés payés afférents, le CGEA fait valoir que la demande est frappée de forclusion et qu'elle ne peut en tout état de cause prospérer au fond, M. [T] ayant déjà été rempli dans ses droits à ce titre en ayant adhéré au CSP, le motif économique du licenciement n'ayant en outre pas fait l'objet d'une contestation.

Aux termes de ses écritures du 19 novembre 2021, la SCP LGA, ès qualités, demande à la cour :

- de rejeter l'appel comme étant infondé ou irrecevable ;

- en conséquence, débouter le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;

En tout état de cause, de :

- condamner le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ;

- dire que la décision à intervenir sera opposable à l'AGS CGEA de [Localité 4].

Concernant les demandes relatives aux créances salariales, le liquidateur fait valoir, in limine litis, qu'elles sont forcloses, les délais étant strictement encadrés, celui de deux mois postérieurement à la publicité dans un journal d'annonces légales étant dépassé et aucune demande de relevé de forclusion n'ayant été formalisée par une saisine du conseil de prud'hommes dans le délai de droit commun de six mois.

A titre principal, le mandataire liquidateur expose que M. [T] devait bénéficier de la reprise de son contrat par le Conseil départemental, en application de la législation relative au transfert de contrat de travail en cas de transfert d'une unité économique comme cela a été le cas en l'espèce, la décision du tribunal administratif étant sans effet sur la réalité de la situation. Ainsi, il indique que l'activité de l'ADDIAM n'était rien d'autre qu'une des missions d'une collectivité locale territoriale dont l'exécution avait été transférée à cette association dont la disparition n'a pas entraîné celle de l'activité en question.

A titre subsidiaire, si le transfert de contrat ne devait pas être reconnu, le liquidateur soutient avoir rempli l'obligation de reclassement lui incombant, comme le démontrent les correspondances du 22 janvier 2016, l'usage de la notion de groupe dans le milieu associatif faite par le salarié étant erronée, l'appréciation devant être faite de manière objective.

A titre très subsidiaire, le liquidateur indique que, si la cour devait retenir la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne pourrait être fait droit aux demandes indemnitaires de M. [T].

Aux termes de ses écritures du 5 septembre 2022, M. [T] demande à la cour :

A titre principal, de :

- débouter le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de son appel principal ;

- confirmer, en conséquence, le jugement rectifié en ce qu'il a :

* constaté que les causes du sursis à statuer prononcé le 12 octobre 2017 ont cessé ;

* débouté le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de la fin de non-recevoir qu'il soulève sur le fondement du principe selon lequel 'Nul ne peut se contredire au détriment d'autrui' ;

* constaté que l'ADDIAM était une entité économique autonome ;

* constaté que le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE a repris l'activité de l'ADDIAM ;

* dit que son contrat de travail s'est trouvé de plein droit transféré au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE ;

* dit que le CONSEIL DEPARTEMENTAL doit lui proposer un contrat de droit public ;

* dit et jugé que le licenciement pour motif économique à son encontre est privé d'effet ;

* condamné le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à lui verser, à titre de rappel de salaire, les salaires de février 2016 au 19 mai 2021, moins le montant des salaires par lui perçus au cours de cette même période, outre les congés payés sur les salaires dus ;

* ordonné au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de lui remettre les bulletins de paie correspondant, sous astreinte journalière définitive de 100 € à compter du prononcer le jugement ;

* débouté le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de l'ensemble des demandes qu'il a formées dès lors que le conseil de prud'hommes a jugé que son contrat de travail lui avait été transféré de plein droit ;

* débouter le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE de sa demande de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* dit que l'AGS-CGEA est mise hors de cause ;

* rappelé que les intérêts au taux légal prévus par l'article 1153 du code civil commencent à courir à compter de la présentation au défendeur de la lettre recommandée avec accusé de réception de la première convocation, soit à compter du 17/01/2017, pour les créances de nature salariale, et à compter de la présente décision pour les créances de nature indemnitaire ;

* condamné le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE aux entiers dépens ;

- fixer le montant des condamnations devant être mises à la charge du CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE comme suit : 

* rappel des salaires de la date du licenciement à la date de l'arrêt, ou, dans l'hypothèse où elle interviendrait avant l'arrêt, la date à laquelle le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE lui proposera un contrat de droit public : une somme arrêtée au 31 juillet 2022 à 180.828,50 € brut (à parfaire) ; et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour considérerait qu'il convient de déduire du montant des rappels de salaires les revenus de remplacement par elle perçus depuis le 25 février 2016, une somme arrêtée au 31 juillet 2022 à 47.773,97 € brut (à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir) ;

* au titre des congés payés afférents : 18.082,85 € bruts (à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir) ;

A titre incident :

d'infirmer le jugement rectifié en ses chefs critiqués ;

Statuant à nouveau, de :

- condamner le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à lui payer une somme de 30.000 € au titre du préjudice moral par elle subi ;

- débouter le CGEA de ses demandes à son encontre ;

- en tant que de besoin, condamner le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à payer au CGEA la somme de 19.812,89 € ;

- condamner le même à lui payer une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ferait droit à l'appel principal et infirmerait le jugement en ce qu'il a jugé que son contrat de travail avait fait l'objet d'un transfert au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE, de :

- dire que l'ADDIAM appartenait à la Fédération Nationale 'Arts Vivants et Départements' ;

- dire que Maître [K] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'ADDIAM n'a pas respecté l'obligation de reclassement imposée par l'article L. 1233-4 du code du travail ;

- dire, en conséquence, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- infirmer le jugement rectifié en ce qu'il a :

* constaté la forclusion tendant à la fixation au passif de l'ADDIAM des créances d'indemnité compensatrice de préavis, soit 4.485 € brut et de congés payés sur préavis, soit 448,50 € brut ;

* déclaré ses demandes tendant à la fixation de ces créances au passif de l'ADDIAM ;

- rejeter la fin de non-recevoir fondée sur l'article L. 625-1 du code de commerce soulevée par Maître [K], ès qualités ;

- fixer au passif de l'ADDIAM les créances suivantes :

* 4.485 € brut d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 448,50 € brut de congés payés sur préavis ;

* 60.000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 30.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi ;

- dire que la garantie légale du CGEA est due et qu'il appartiendra au CGEA de faire l'avance au liquidateur des sommes dues aux salariés dans la limite du plafond 6 au sens de l'article D. 3253-5 du code du travail ;

- débouter le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE, Maître [K] et le CGEA de [Localité 4] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions sur ce point ;

En tout état de cause :

- d'ordonner la remise par le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE ou, le cas échéant, par Maître

[K], ès qualités, des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt rendu, sous astreinte journalière définitive de 100 € à compter du jugement ;

- condamner le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE à lui verser une somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

- condamner Maître [K] à lui verser une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

- dire l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA de [Localité 4].

M. [T] soutient que son contrat de travail a fait l'objet d'un transfert de plein droit au CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE, ce dernier devant nécessairement voir rejeter sa fin de non-recevoir fondée sur l'estoppel, en ce qu'il fait une mauvaise interprétation du principe et présente les faits de manière erronée. Ainsi, il expose qu'en l'espèce, l'entité économique a bien fait l'objet d'un transfert au cessionnaire entité de droit public le fondant à voir reconnaître l'application de l'article L.1224-1 du code du travail et le transfert de plein droit de son contrat. En ce sens, il précise que l'ADDIAM était une entité économique autonome, reprise à l'identique par le CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA CORREZE sans altération de son identité, l'activité étant poursuivie avec les mêmes méthodes et moyens d'exploitation, son licenciement économique étant ainsi nécessairement privé d'effet.

A titre subsidiaire, si le transfert ne devait pas être reconnu, il fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, faute pour le liquidateur d'avoir satisfait à son obligation de reclassement. En effet, il explique que l'association appartenait à la fédération nationale 'arts vivants et départements' et que le liquidateur c'est malgré tout abstenu de rechercher une solution de reclassement au sein de cette fédération comme il devait le faire. En tout état de cause, et au delà des conséquences indemnitaires issues de la requalification du licenciement, M. [T] indique avoir subi un préjudice moral important du fait des

circonstances vexatoires dans lesquelles son licenciement est intervenu, le montant devant nécessairement être réévalué.

Enfin, à titre incident, M. [T] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 14.910,20 € au CGEA.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

1/ Sur la fin de non-recevoir tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui

Le Département de la Corrèze soulève cette fin de non-recevoir en faisant valoir que M. [T] a brutalement varié dans son argumentation. Lors de sa demande de réintégration du 21 juillet 2016 et sa saisine initiale auprès du juge administratif le 25 novembre 2016, il fondait ses prétentions sur l'absence d'existence propre de l'Association ADDIAM, comme étant une « émanation directe du Conseil départemental » qui « ne constituait pas en effet un organisme autonome » de sorte que le véritable employeur avait toujours été le Département, alors qu'il a ensuite prétendu, devant le conseil de prud'hommes, qu'il y avait eu transfert d'une entité autonome au Département et qu'il fallait donc faire application de l'article L.1224-3 du Code du travail.

Si la règle, inspirée du droit anglais (estoppel), selon laquelle une partie ne doit pas adopter un comportement contraire à son attitude antérieure pour nuire à autrui, a été érigée en principe général par la Cour de cassation le 20 septembre 2011 pour sanctionner un manque de loyauté processuelle des parties, il ne saurait empêcher une partie de présenter ses prétentions sur différents fondements, en les déclinant à titre principal et subsidiaire. Il n'existe aucune déloyauté envers son contradicteur à présenter plusieurs argumentations au soutien de ses demandes.

En l'occurrence M. [T] a contesté son licenciement en exposant que son contrat de travail avait été transféré de plein droit de l'ADDIAM au Département de la Corrèze et il sollicitait sa réintégration dans les effectifs de cette collectivité territoriale ainsi que le rappel de ses salaires depuis son licenciement. Il faisait valoir que l'ADDIAM était en réalité une association transparente, donc un service du département et, subsidiairement, que le transfert de son contrat de travail était intervenu automatiquement s'agissant d'une antenne autonome destinée à mettre en 'uvre la politique culturelle du département.

Dans la mesure où le tribunal administratif de Limoges a jugé qu'elle disposait d'une certaine « autonomie dans la gestion de ses missions et des personnels qu'elle employait directement » M. [T] a délaissé, dans le contentieux prud'homal, l'argumentation fondée sur la notion d'association transparente.

En définitive M. [T] a toujours contesté son licenciement et considéré que le Département devait assumer cette mesure, soit parce que son ancien employeur, l'ADDIAM, devait être considérée comme une association transparente, soit parce que son contrat de travail lui avait été automatiquement transféré.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette fin de non-recevoir soulevé par le Département de la Corrèze.

2/ Sur le transfert de plein droit du contrat de travail de M. [T] au Département de la Corrèze

Aux termes de l'article L 1224-1 du Code du Travail (ancien article L.122-12) 'Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.'

Il est également précisé par l'article L.1224-3 du même code, que lorsqu'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

La Cour de Cassation a posé comme principe que les articles 1er et 3 de la directive du 14 février 1977 du Conseil des Communautés Européennes et L.1224-1 du Code du Travail s'appliquaient, même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise (Cass Ass Plén, 16 mars 1990, n°89-45.730).

Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de cassation que la mise en 'uvre de l'article L.1224-1 du code du travail, en cas de modification de la situation juridique de l'employeur est soumise à deux conditions :

- l'existence d'une entité économique autonome, ce qui correspond à un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

- le maintien de l'identité et la poursuite de l'activité de l'entité économique.

En l'occurrence, le Département de la Corrèze ne conteste pas le fait que l'ADDIAM constituait une entité économique autonome comme l'a considéré le tribunal administratif de Limoges dans sa décision du 31 janvier 2019. En revanche il fait valoir l'absence de transfert de toute son activité, de son personnel et de ses moyens.

2/1 : Sur la reprise ou poursuite de l'activité autonome par le Département de la Corrèze :

L'association ADDIAM a été créée et déclarée en Préfecture le 18 mars 1985 avec pour but, selon ses statuts, « de coordonner les activités et les projets de ses membres, d'harmoniser leurs moyens, d'encourager la formation, de susciter le développement des activités musicales déjà existantes et de favoriser toute nouvelles initiatives pouvant contribuer à l'élargissement de la vie musicale et chorégraphique dans le Département. ».

Aux termes d'une modification statutaire intervenue le 1er décembre 2014, son objet social a notamment été présenté dans ces termes :

« L'ADDIAM contribue à l'éducation artistique et culturelle en Corrèze, à l'accompagnement des pratiques amateurs et au développement des publics et de fait à la création et au brassage culturel par des actions :

- d'information et d'observation

- d'expertise et de conseil

- de médiation et de mise en réseau

- de production

- de diffusion

- et de professionnalisation

Elle joue un rôle majeur pour le développement des Arts Vivants sur le Département. »

Une convention bipartite signée entre le Département de la Corrèze et l'ADDIAM le 5 juin 2015, mentionne que cette association a été créée avec l'appui du Département et de l'Etat et en concertation avec les milieux de la Musique et de la Danse, qu'elle est un outil de développement musical, chorégraphique, théâtral, cinématographique et des Arts Vivants plus largement et qu'elle assure, à destination de ces différents secteurs, une mission permanente de service auprès des publics, en partenariat avec le Département et l'Etat, et en relation avec les échelons interdépartemental et régional.

Ce document recense ensuite les cinq missions de l'ADDIAM qu'il qualifie de « FONDAMENTALES ». Pour apprécier la réalité de ces activités par le Département, il est nécessaire d'y procéder de manière concrète, en les énumérant.

1/ Information/Expertise/ Médiation :

Il n'est pas contesté que ces différentes activités n'ont pas été reprises par le Département.

2/ Portail-site web-RIC :

Il n'est pas contesté que ces différentes activités n'ont pas été reprises par le Département

3/ Instruction des dossiers Musique, Danse, Théâtre, Cinéma et Arts Plastiques pour le Conseil culturel départemental :

Cette activité a été reprise mais de manière limitée et partielle. L'instruction technique des dossiers de demande de subvention étaient examinés par le Conseil culturel départemental. Or ce Conseil culturel n'existe plus et les subventions sont attribuées, directement par l'assemblée délibérante.

4/ Cellule départementale de conseil en technique de spectacles et ingénierie de projets.

Cette activité a été modifiée.

5/ Schéma départemental des Enseignements Artistiques, Musique-Danse-Théâtre.

Cette activité n'a pas été reprise s'agissant de la Danse et du Théâtre et a été modifiée pour les autres enseignements.

Si l'ADDIAM jouait un rôle important en tant qu'opérateur pour la mise en place du Schéma Départemental des Enseignements Artistiques Musique-Danse-Théâtre, dont l'établissement relève de la compétence du Département, dès le 25 mars 2016, le président du Conseil départemental annonçait une nouvelle politique culturelle pour la Corrèze en indiquant qu'il était temps pour le Conseil départemental de passer d'une politique de subventions à une politique culturelle en l'adaptant aux attentes du public corrézien et des demandes des acteurs culturels. Il précisait que le Département s'appuierait sur les compétences obligatoires du Conseil départemental mais également sur la mise en 'uvre des compétences optionnelles

et que de nouvelle actions allaient enrichir l'action du Département dans le but de soutenir la vie associative culturelle du territoire. L'innovation « phare » de ce projet qualifié d' « ambitieux » concernait les Actions Culturelles des Territoires (A.C.T). En 2017 c'est une enveloppe d'un montant total de 303.100 € qui a été répartie à ce titre entre les cinq bassins de [Localité 5], de [Localité 8], de [Localité 9], de la Dordogne et de la Haute-Corrèze, alors que les structures qui composaient le Schéma départemental des enseignements artistiques ont été accompagnées pour un montant total de 402.440 €.

Cette convention bipartite énumérait ensuite 17 actions spécifiques de l'ADDIAM dont 12 n'ont pas été reprises par le Département. Parmi celles-ci le festival de [Localité 7] dont l'ADDIAM prenait en charge la programmation « Musiques Actuelles, Opéra, la Direction technique, l'accueil des artistes et la gestion des cuisiniers de la cantine du festival ». Le Département n'organise plus le festival de musique de [Localité 7] et utilise seulement le site du château de [Localité 7], sa propriété depuis 1965, qu'il loue à des intervenants extérieurs, pour accueillir toutes sortes de manifestations. Le nom « Festival de [Localité 7] » a d'ailleurs été abandonné par le département, marquant ainsi les changements de politique culturelle et de programmation. Il est donc inexact d'affirmer, comme le fait M. [T] , que le Festival de [Localité 7], rebaptisé « O Grand R », a bien été maintenu au titre de l'année 2016, avec les mêmes prestataires techniques.

Ainsi, il apparaît que de nombreuses activités que prenait en charge l'ADDIAM n'ont pas été reprises par le Département ou l'ont été avec de substantielles modifications.

Par ailleurs, aux termes des statuts les membres fondateurs de l'association étaient certes issus du Département mais également de l'Etat, de la Région et selon les statuts modifiés le 1er décembre 2014 les membres actifs étaient les acteurs culturels et représentants du secteur culturel de la Corrèze ainsi que le représentant du Conseil régional du Limousin et le représentant des communes de la Corrèze.

De même, le Conseil d'administration se composait de trente membres d'horizons divers :

- dix membres de droit issus de l'Etat et du Département de la Corrèze,

- dix-huit représentants du monde culturel,

- un représentant de la Région,

- un représentant des communes

Les missions de l'ADDIAM, ne résultaient donc pas exclusivement de la politique menée par les représentants du Département.

La compétence des salariés de l'ADDIAM et l'importance de leur mission, reconnues publiquement par les élus du Département de la Corrèze, n'est pas en cause. Les déclarations de ces derniers visant à les valoriser, dans une situation effectivement délicate pour eux en raison de la perspective du dépôt de bilan, ne sauraient prévaloir sur la réalité des faits.

En définitive, il doit être constaté que c'est à tort que M. [T] affirme qu'il est indéniable que les missions de l'ADDIAM ont été reprises et poursuivies à l'identique par le Conseil Départemental de la Corrèze. Plusieurs importantes missions n'ont pas été reprises et de nombreuses autres ont été reprises mais modifiées.

2/2 : Sur le transfert d'éléments corporels et incorporels :

L'ADDIAM disposait d'actifs nécessaires à l'accomplissement de sa mission (matériel de bureau, informatique, véhicule, mobilier, instrument de musique) qu'elle a intégralement conservés.

Il n'y a eu aucun transfert des moyens d'exploitation ou d'éléments nécessaires au fonctionnement de l'entité, dont une partie provenait d'une mise à disposition de la part du Département.

2/3 : Sur le transfert de personnel spécifique :

Le personnel de l'association était affecté à l'ensemble des activités de cette association. Il n'y a pas eu de personnel spécialement affecté aux reliquats d'activités reprises au sein du Département. Le service Culture et Patrimoine, ne résulte pas d'un recrutement de personnel mais d'une nouvelle organisation opérationnelle du Département destinée à contribuer à l'élaboration de la nouvelle politique culturelle départementale et à accompagner la politique de réhabilitation et d'animation du patrimoine. La seule exception est constituée par la reprise d'une salariée qui était en contrat d'avenir.

2/4 : Sur les ressources de l'ADDIAM :

Si l'ADDIAM bénéficiait d'importantes subventions de la part du Département, il existait d'autres financeurs, à savoir l'Etat et la Région, mais aussi les usagers de ses différentes offres culturelles.

Il est inexact d'affirmer, comme le fait M. [T], qu'au final, le Conseil Départemental de la Corrèze a contribué, directement et indirectement, à plus de 80% des ressources de l'ADDIAM, sauf à méconnaître la liberté décisionnelle de l'Etat et de la Région.

En réalité, entre 2009 et 2015 le Département de la Corrèze a apporté son concours financier aux activités de l'ADDIAM à hauteur de 45% en moyenne du budget de l'association. Il est passé de 242.000 € en 2009 à 388.000 € en 2015 alors que les autres produits liées aux activités propre à l'ADDIAM diminuaient progressivement pour passer de 337.132 € à 84.245 €.

Certaines activités de l'ADDIAM qui profitaient du financement émanant du Département ou d'autres financeurs n'ont pas été reprises par le Département de la Corrèze comme cela a été précédemment relevé.

2/5 : Conclusion :

En définitive, le Département, qui a subventionné les activités de l'ADDIAM à hauteur de 45% en moyenne du budget de l'association au cours des sept dernières années, n'a repris qu'une partie de ses activités, sans aucun transfert de ses moyens d'exploitation et sans affecter un personnel spécifique aux reliquats d'activités reprises au sein du Département.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome et qu'en conséquence il ne peut être considéré que le contrat de travail de M. [T] a été transféré de plein droit au sein du Département de la Corrèze.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

L'équité ne justifie pas de la condamner à verser au Département de la Corrèze une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

3/ Sur le respect par le liquidateur judiciaire de l'ADDIAM de l'obligation de reclassement imposée par l'article L. 1233-4 du Code du travail

M. [T] demande à la Cour de juger que Maître [K], en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'ADDIAM, n'a pas respecté son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement est mécaniquement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il sollicite en conséquence de fixer au passif de l'ADDIAM, sa créance de dommages et intérêts qu'elle évalue à la somme de 60.000 €.

M. [T] souligne que l'ADDIAM faisait en effet partie d'une fédération nationale « Arts Vivants et Départements », fédération regroupant des organismes départementaux de développement des arts vivants, et considère que Maître [K], ès qualités, a manqué à son obligation en se dispensant de rechercher une solution de reclassement au sein de cette fédération.

L'article L.3253-8 alinéa 2 du Code du travail précise que la couverture de la garantie des AGS tendant à la rupture du contrat de travail est enfermée dans un délai de 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire de l'entité.

Durant ce court délai, le liquidateur doit exécuter son obligation de recherches de reclassement définie par l'article L1233-4 du code du travail, dans sa version applicable aux faits en cause, et qui consiste à rechercher le reclassement de l'intéressé sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

C'est à juste titre que Maître [K], ès qualités, fait valoir qu'il s'agit d'une obligation de moyens et non de résultat, dont l'appréciation de son respect doit se faire en considération des difficultés temporelles et des diligences accomplies par le Mandataire Liquidateur.

En l'occurrence, concomitamment à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, le Mandataire liquidateur a recherché à procéder au reclassement des salariés de l'ADDIAM auprès de plusieurs entités comme le démontre les différentes correspondances du 22 janvier 2016 à l'attention du Département de la Corrèze (deux correspondances), de la Commune de [Localité 8], du Conseil Régional, et de la Chambre de Commerce et de l'industrie ;

Par ailleurs, l'existence d'une Fédération à laquelle a adhéré une association n'entraîne pas en soi la constitution d'un groupe au sens des dispositions de l'article L1233-4 dans lequel devrait être systématiquement recherché le reclassement d'un salarié licencié pour un motif économique (Cass soc 11 février 2015 n°13-23573).

En l'occurrence, l'objet social de l'association de la fédération nationale « Arts Vivants et Départements » est de : « rassembler les structures adhérentes afin de créer un réseau d'échanges ; être une instance de réflexion et d'analyse ; être une force de propositions, un outil d'accompagnement et de formation ; faire connaître et mettre en valeur les politiques départementales de développement des arts vivants ; représenter ses membres au niveau national ; »

Ainsi cette Fédération nationale a pour but d'être l'interlocuteur dans le domaine des arts vivants auprès des pouvoirs étatiques et une instance de réflexion sur la politique culturelle à mener. En raison de cette différence d'activité on ne peut donc pas considérer cette dernière comme un groupe au sens de l'article L1233-4 du code du travail.

En définitive, compte tenu des diligences effectuées par la SCP [J] ' [K]- [L]-[E] auprès des différentes collectivités territoriales, réitérées pour ce qui concerne le Département de la Corrèze, et auprès de la Chambre de commerce, et eu égard à la nature différente de l'activité exercées par la Fédération nationale, il y a lieu de considérer que la SCP [J] ' [K]- [L]-[E] a exécuté son obligation de recherches de reclassement de bonne foi et avec loyauté, dans le respect de la procédure imposée.

Le licenciement de M. [T] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la procédure était régulière et il n'est nullement démontré l'existence de circonstances particulières vexatoires dans lesquelles il serait intervenu. M. [T] sera en conséquence débouté de toutes ses demandes indemnitaires.

4/ Sur les demandes annexes

M. [T] n'obtient pas gain de cause mais la faiblesse de ses ressources au regard de celles des autres parties, dans un litige lié à son licenciement, justifie de laisser chaque partie supporter ses dépens de première instance et d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de le condamner à verser aux autres parties une indemnité au titre des frais irrépétibles et aucune somme ne sera allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Tulle le 19 mai 2021, sauf en ce qu'il a constaté que les causes du sursis à statuer prononcé le 12 octobre 2017 avaient cessé, en ce qu'il a débouté le Conseil départemental de la Corrèze (lire le Département) de la fin de non-recevoir qu'il soulevait sur le fondement du principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », et en ce qu'il a débouté M. [T], le Département de la Corrèze et Maître [K], ès qualités, de leurs demandes en paiement présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

JUGE que le contrat de travail de Monsieur [V] [T] n'a pas été transféré de plein droit au sein du Département de la Corrèze ;

D''BOUTE M. [T] de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre du Département de la Corrèze ;

JUGE que le mandataire liquidateur de l'association ADDIAM Corrèze n'a pas commis de manquements à son obligation de reclassement ;

D''BOUTE M. [T] de ses demandes présentées sur le fondement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

LAISSE chaque partie supporter ses dépens de première instance et d'appel ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

D''BOUTE les parties de leur demande en paiement d'une indemnité ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Line MALLEVERGNE Pierre-Louis PUGNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00548
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;21.00548 ?
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