JARRET N° 398
RG N° : N° RG 21/00478 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIGXG
AFFAIRE :
[M] [B] [G]
C/
S.A.S. SOULEYADA représentée par son Président en exercice domicilié de droit audit siège
GS/MLL
demande d'exécution de travaux à la charge du bailleur, ou demande en garantie contre le bailleur
Grosse délivrée
Me COUSIN, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022
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Le trente Novembre deux mille vingt deux la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
[M] [B] [G]
de nationalité française
né le 26 Février 1971 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Mélanie COUSIN de la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE, Me Katy MIRA, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
APPELANT d'un jugement rendu le 15 MARS 2021 par le Tribunal judiciaire de TULLE
ET :
S.A.S. SOULEYADA représentée par son Président en exercice domicilié de droit audit siège
dont le siège social est sis au [Adresse 1]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL CHAGNAUD CHABAUD LAGRANGE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Julie GOMEZ BALAT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me CHABAUD avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Selon avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la Mise en Etat, après renvoi à l'audience du 15 juin 2022, l'affaire a été fixée à celle du 19 Octobre 2022 pour plaidoirie.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Mme Marie-Laure LOUPY, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport, les avocats des parties ont été entendus en leur plaidoirie.
Après quoi, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Gérard SOURY, a rendu compte à la Cour, composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de lui-même et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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FAITS et PROCÉDURE
M. [M] [G], agriculteur, est propriétaire de parcelles de terre sur la commune de [Localité 2] qu'il a données à bail pour vingt ans à la société Souleyada, laquelle s'est engagée à y faire édifier un bâtiment agricole comportant des panneaux photovoltaïques en toiture et destiné à être donné à bail, pour la même durée, à M. [G].
Se plaignant d'infiltrations dans ce bâtiment, M. [G] a assigné la société Souleyada devant le tribunal judiciaire de Tulle en paiement de dommages-intérêts en réparation de son trouble de jouissance sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Par jugement du 15 mars 2021, le tribunal judiciaire a débouté M. [G] de son action faute pour ce dernier de rapporter la preuve de son préjudice.
M. [G] a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
M. [G] conclut à la condamnation de la société Souleyada à lui payer 12 500 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance. Il expose que le bâtiment qu'il a loué à cette société à usage de stockage de céréales n'était pas conforme à sa destination puisque sujet à des infiltrations d'eau.
La société Souleyada conclut à la confirmation du jugement en soutenant que M. [G] ne justifie ni d'une faute contractuelle de sa part ni d'un préjudice.
MOTIFS
L'acte notarié du 14 octobre 2010 portant prêt à usage entre la société Souleyada, prêteur, et M. [G], emprunteur, contient en p. 2 l'engagement de cette société de réaliser, sur le terrain de ce dernier, un bâtiment à usage agricole intégrant sur sa superstructure des panneaux photovoltaïques en vue de la production d'énergie électrique renouvelable, cette construction étant notamment destinée au stockage de paille, foin, fourrage, céréales et à la stabulation d'animaux. Les obligations de la société Souleyada à l'égard du bâtiment, qui devra être édifié conformément aux règles de l'art, sont définies en p. 9 du bail emphytéotique notarié signé le même jour entre les mêmes parties qui précise que cette société 'devra, pendant toute la durée du bail, conserver en bon état d'entretien les constructions et ouvrages édifiés et tous les aménagements qu'elle aura apporté, et effectuer à ses frais et sous sa responsabilité, les réparations de toutes natures de l'ensemble des biens loués.... Il assurera notamment, pendant toute la durée du bail, l'entretien des panneaux photovoltaïques qui assurent, par ailleurs, l'étanchéité de la toiture. À cet égard, il garantira au bailleur (M. [G]) l'étanchéité à la pluie de la toiture à l'exception des écoulements liés à la condensation sur les panneaux et des écoulements liés à l'absence de bardage (ventilation de l'immeuble).'
Il résulte de ces stipulations claires et précises que l'étanchéité du bâtiment à l'eau de pluie constitue une caractéristique essentielle de cette construction, ce qui apparaît d'autant plus une évidence qu'elle est notamment destinée au stockage de paille, foin, fourrage, céréales et à la stabulation d'animaux.
Le 21 septembre 2017, M. [G] a régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur Groupama, en se plaignant d'importantes infiltrations d'eaux pluviales en toiture du bâtiment, depuis la construction de celui-ci, qui s'aggravent avec le temps, au point de compromettre la destination de cet immeuble, sans qu'une solution ait pu être trouvée auprès de la société Souleyada malgré ses démarches.
M. [G] produit un courrier daté du 21 mars 2014 qui lui a été adressé par la société Souleyada dans lequel cette entreprise reconnaît l'existence d'infiltrations affectant ses constructions, s'excusant à cette occasion des désagréments subis de ce chef, et l'invitant à faire constater ce désordre, à ses frais, par Me [O] [V], huissier de justice, 'afin de nous permettre de démontrer sans aucun doute possible leur réalité'.
M. [G] n'a pas déféré à cette demande mais Me [O] [V] a tout de même dressé, avec l'accord de M. [G], un procès-verbal de constat le 4 mars 2014 à la demande de la société Souleyada qui fait état de 'deux traces d'humidité au sol'.
La réalité des désordres affectant le bâtiment utilisé par M. [G] est expressément admise par la société Souleyada qui, dans un courrier du 27 février 2015 adressé à celui-ci, impute les infiltrations à des fautes de conception et d'exécution commises par le constructeur de l'ouvrage et lui demande de lui faire parvenir un récapitulatif précis des pertes subies, aux fins d'indemnisation.
En tout état de cause, la réalité du désordre en toiture lors des épisodes pluvieux est attestée par divers témoins de M. [G] (cf notamment M. [Z] [Y] pour la période 2012 à 2013, M. [N] [J] et M. [W] [D] pour la période 2012 à 2019).
Il s'ensuit que la société Souleyada a manqué à son obligation contractuelle stipulée dans le bail emphytéotique d'assurer l'étanchéité du bâtiment et que sa responsabilité se trouve engagée à l'égard de M. [G] à ce titre.
Pour réclamer une indemnité de 12 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance consécutif à la faute contractuelle de la société Souleyada, M. [G] se fonde sur les indemnisations qui ont été allouées à des agriculteurs à l'occasion de dossiers similaires les ayant opposés à la même société.
Cette approche ne saurait être suivie car en contradiction avec le principe de l'indemnisation qui suppose une évaluation 'in concreto' du préjudice subi par la victime d'un dommage.
La société Souleyada affirme qu'elle a fait procéder à des réparations sur la toiture du bâtiment pour remédier aux infiltrations.
M. [G] a expressément reconnu, lors de la réunion d'expertise judiciaire du 18 décembre 2014, que la toiture du bâtiment a fait l'objet d'une réparation, sans précision exacte de la date, tout en déplorant la persistance des infiltrations dont deux témoins (M. [N] [J] et M. [W] [D]) attestent la réalité lors des épisodes pluvieux jusqu'en 2019. Surtout, M. [G] a reconnu devant l'expert judiciaire que ce désordre ne lui a causé aucun préjudice d'exploitation.
Le préjudice de jouissance se limite donc aux seules contraintes et désagréments liées à quelques infiltrations d'eau lors d'épisodes pluvieux en toiture d'un bâtiment agricole à usage d'entrepôt et de stockage sur une période de neuf années et sera réparé par l'allocation à M. [G] d'une somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement rendu le 15 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Tulle;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Souleyada à payer à M. [M] [G]:
- 7 000 euros en réparation du trouble de jouissance;
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la société Souleyada aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Marie-Laure LOUPY. Corinne BALIAN.