ARRÊT N° .
N° RG 21/00625 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHKI
AFFAIRE :
S.A.R.L. LEADER PUBLICITE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social.
C/
[M] [W] épouse [E]
JP/MLM
Licenciement
G à Me Dounies et Me Deleage, le 29/6/22
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 29 JUIN 2022
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A l'audience publique de la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le vingt neuf Juin deux mille vingt deux a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;
ENTRE :
S.A.R.L. LEADER PUBLICITE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social., dont le siège social est Lieu-dit [Localité 3] - [Localité 1]
représentée par Me Amandine DOUNIES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'un jugement rendu le 17 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BRIVE LA GAILLARDE
ET :
Madame [M] [W] épouse [E], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Franck DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE
INTIMEE
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L'affaire a été fixée à l'audience du 17 Mai 2022, après ordonnance de clôture rendue le 13 avril 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre et Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, assistés de Monsieur Claude FERLIN, Greffier, ont tenu seuls l'audience au cours de laquelle Madame Johanne PERRIER, magistrat rapporteur, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur PUGNET, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 29 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi.
Au cours de ce délibéré Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendu compte à la cour composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d'elle-même.
A l'issue de leur délibéré commun a été rendu à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition au greffe.
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [E] a été engagée à compter du 2 mai 2017 en qualité de responsable des ventes par la société Leader Publicité d'abord dans le cadre du contrat à durée déterminée, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à temps complet.
Les conditions de sa rémunération ont prévu un salaire de base de 1.920 euros pour 151,67 heures mensuelles de travail, un commissionnement de 5% du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au-delà de 15.000 euros par mois et un commissionnement de 2% sur le chiffre d'affaires des commerciaux.
Le 05 novembre 2018, Mme [E] a notifié à son employeur sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail. Le 9 novembre 2018, l'employeur a établi un solde de tout compte et un dernier bulletin de salaire pour un montant de 465,55 euros.
Le 24 décembre 2018, Mme [E] a contesté par courrier recommandé son solde de tout compte et sollicité une régularisation à hauteur de la somme de 4.975,42 euros.
La société Leader Publicité n'ayant pas répondu à sa demande, le 16 juin 2020 Mme [E] en a saisi le conseil de prud'hommes de Brive-la-Gaillarde qui, par jugement du 17 juin 2021 qualifié rendu par défaut et en premier ressort :
- a condamné la société Leader Publicité à lui payer les sommes de :
37,37 euros au titre du solde du salaire du mois d'octobre 2018 ;
340,91 euros au titre du solde des commissions sur ventes du mois de septembre 2018 ;
4 597,14 euros au titre du solde des commissions de 2% des commerciaux de mai 2017 à octobre 2018 ;
- a condamné la société Leader Publicité au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Le 09 juillet 2011, la société Leader Publicité a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures du 23 mars 2022 auxquelles il est renvoyé, la société Leader Publicité demande à la cour de réformer la décision dont appel et, statuant à nouveau :
- de débouter Mme [E] de toutes ses demandes ;
- d'accueillir sa demande reconventionnelle ;
- de condamner Mme [E] à lui payer une somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'une somme de 20.000 euros de dommages-intérêts pour manquements à son obligation de loyauté et non-respect des clauses de son contrat de travail, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Leader Publicité fait valoir :
- que Mme [E] n'a jamais réalisé un chiffre d'affaires de 15.000 euros par mois, seul à même de déclencher le versement d'une commission et que les bons de commandes ou le tableau récapitulatif qu'elle produit, portant sur des commandes qui n'ont pas été conclues par son intermédiaire, ne peuvent étayer ses prétentions ;
- que la salariée a manqué à son obligation de loyauté en s'absentant sans justificatif le 8 juillet 2018, en ne récupérant pas le courrier recommandé qu'elle lui a adressé et en démarchant certains de ses clients pour le compte de son nouvel employeur.
Aux termes de ses dernières écritures du 21 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé, Mme [E] demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et de condamner la société Leader Publicité à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme [E] fait valoir qu'elle est donc fondée à obtenir le paiement de la part variable de sa rémunération pour laquelle elle apporte toutes les preuves nécessaires, mais également de son salaire de base, le bulletin de salaire du mois d'octobre faisant état d'une somme nette de 1 509,16 euros alors que seul un chèque de 1 471,79 euros lui a été transmis.
Elle conteste par ailleurs les griefs que la société Leader Publicité formule à son encontre, en faisant valoir qu'aucune clause de non-concurrence n'a été prévue dans son contrat, qu'elle n'a pas détourné de clientèle pour le compte de son nouvel employeur, et qu'elle n'a fait usage de documents de la société que dans le cadre de sa défense dans la procédure en cours.
Enfin, elle soutient que c'est l'employeur qui s'est comporté de façon déloyale en ayant une attitude harcelante à son égard.
SUR CE,
Le jugement dont appel a été indûment qualifié rendu par défaut et en premier ressort alors que la demande de Mme [E] étant supérieure à 4.000 euros, taux du dernier ressort jusqu'au 1er septembre 2020, et la société Leader Publicité, non comparante, ayant été régulièrement convoquée devant le conseil de prud'hommes par lettre recommandée dont elle a accusé de réception, il s'est agi d'un jugement réputé contradictoire.
Sur le salaire d'octobre 2018 :
Mme [E] fait valoir qu'elle a perçu par chèque une somme de 1.471,79 euros alors que le bulletin de salaire fait état d'une somme nette due de 1.509,16 euros.
Dans ses conclusions d'appel, ce fait n'appelle pas la moindre critique de la part de la société Leader Publicité et, au vu des pièces produites par Mme [E] justifiant de sa réclamation, le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.
Sur les ventes réalisées en septembre 2018 :
Mme [E] soutient avoir réalisé au cours de ce mois des ventes pour un montant hors taxes de 21.818,38 euros, soit supérieur à 15.000 euros de 6.818,38 euros lui ouvrant droit à commissions pour un montant de 340,91 euros.
Parmi les pièces qu'elle produit sous les n° 8 à 8-5, les quatre figurant sous les n°8, 8-3,8-4 et 8-5 peuvent, par comparaison des écritures et des signatures, être identifiées comme correspondant à des ventes qu'elle a réalisées courant septembre 2018 pour un montant hors taxes de 15.818,38 euros ; en outre la société Leader Publicité produit en pièce n°6 un écrit de ce magasin démontrant que c'est bien Mme [E] qui a eu comme client le magasin But de Tulle, de sorte qu'elle est fondée à soutenir que les marchés correspondant à ses pièces n° 8-1 et 8-2, d'un montant de 6.000 euros, ont également été passés par son intermédiaire en septembre 2018.
Son droit à une commission de 5% sur la somme de 6.818,38 euros excédant celle de 15.000 euros est donc établi et le jugement dont appel sera également confirmé de ce chef.
Sur le chiffre d'affaires des commerciaux :
Mme [E] fait valoir que le total des chiffres d'affaires des commerciaux sur la période du 03 mai 2017 au 19 octobre 2018 ressort à la somme hors taxes de 229.857,02 euros et qu'il est indifférent à cet égard que les ventes aient été réalisées par M. [X] [C], gérant de la société, par Mme [S] [C], embauchée le 1er avril 2017 comme responsable commerciale ou encore par M. [H] [C], embauché en qualité de commercial le 1er mars 2012.
Le contrat de travail, en ce qu'il a prévu la perception par Mme [E] d'une commission de 2% sur le chiffre d'affaires des commerciaux n'a comporté aucune exclusion quant à l'identité des personnes par l'intermédiaire des quelles ce chiffre d'affaires a été réalisé et c'est sans fondement que la société Leader Publicité entend exclure de ce droit à commissions notamment celui correspondant au chiffre d'affaires qui a été réalisé par M. [H] [C] qui s'était constitué depuis 2012 un portefeuille clientèle important.
Les pièces produites par Mme [E] sous les n°7 et 8-6 à 8-48, faisant état d'un chiffre d'affaires réalisé par les commerciaux pour un montant de 229.857,02 euros entre le 05 mai 2017, date de son embauche, au 19 octobre 2018, ne sont pas sujettes à autre critique, et le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Leader Publicité à lui payer à ce titre la somme de 4.597,14 euros correspondant à une commission de 2%.
Sur l'obligation de loyauté :
L'article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; lorsque le contrat de travail est rompu, le salarié n'est plus, en principe, tenu à une obligation de loyauté envers l'employeur et il retrouve toute liberté quant à ses propos et sa possibilité de travailler chez un concurrent de son précédent employeur.
Toutefois, même en l'absence d'une clause expresse de non-concurrence obligeant le salarié à ne pas exercer, pour le compte d'un nouvel employeur, une activité similaire à celle qu'il a exercée auprès de son précédent employeur, il doit s'abstenir d'actes de concurrence déloyale, tel un détournement de clientèle.
La société Leader Publicité fait la preuve que, par un courriel du 27 décembre 2018, Mme [E] a averti le client But de Tulle qu'elle avait quitté la société Leader Publicité et qu'il pouvait la retrouver au sein de la société Scandere, son nouvel employeur ; la société Leader Publicité est fondée à lui reprocher cet acte de concurrence déloyale.
En outre, si, par son contrat de travail, Mme [E] s'est interdit de faire usage de fichiers d'informations appartenant à la société Leader Publicité, que ce soit pour une utilisation personnelle ou non, il ne peut lui être reproché d'avoir, dans le strict exercice de sa défense dans le cadre de la présente procédure devant le conseil de prud'hommes puis devant la cour d'appel, fait usage des documents portant sur le chiffre d'affaires des commerciaux et dont elle a pu avoir connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. La société Leader Publicité n'est pas fondée en ce grief.
Enfin, le fait que Mme [E] se soit absentée de son travail le 08 juillet 2018 en prévenant son employeur le matin même mais sans avoir justifié de l'empêchement d'ordre personnel qu'elle a allégué pour n'avoir pas retiré le pli recommandé de la société Leader Publicité lui demandant de fournir ce justificatif, ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté ; il appartenait tout au plus à l'employeur d'en tirer toute conséquence de droit sur le plan disciplinaire, ce dont il s'est abstenu.
En conséquence, pour le seul fait retenu contre Mme [E] et en l'absence de démonstration par la société Leader Publicité de la perte de clientèle en lien avec les agissements de Mme [E], celle-ci sera tenue de lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 1 euro.
Sur les autres demandes :
Le jugement dont appel étant confirmé et la société Leader Publicité s'étant abstenue de se présenter devant le conseil de prud'hommes, elle est des plus malvenues à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Elle doit en revanche être tenue aux dépens de l'appel et à verser à Mme [E] une somme complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Brive la Gaillarde en date du 17 juin 2021 ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [M] [W] épouse [E] à verser à la société Leader Publicité la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société Leader Publicité aux dépens de l'appel et à verser à Mme [M] [W] épouse [E] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET