ARRET N° .
N° RG 21/00579 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHFB
AFFAIRE :
S.A.R.L. GARAGE [K] représentant légal Monsieur [P] [K]
C/
Société AUTO1 EUROPEAN CARS B.V. Société de droit néerlandais dont le siège social est situé [Adresse 4], dont l'établissement en France est situé [Adresse 2]
PLP/MS
Autres demandes relatives à la vente
Grosse délivrée à Me Damien VERGER, Me Julien NOGARET , avocats,
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 29 JUIN 2022
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Le vingt neuf Juin deux mille vingt deux la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A.R.L. GARAGE [K] représentant légal Monsieur [P] [K], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Julien NOGARET de la SELARL NOGARET & LAINE, avocat au barreau de SAINTES
APPELANTE d'une décision rendue le 31 MAI 2021 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
Société AUTO1 EUROPEAN CARS B.V. Société de droit néerlandais dont le siège social est situé [Adresse 4], dont l'établissement en France est situé [Adresse 2], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Damien VERGER, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 Mai 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, et Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire excerçant des fonctions juridictionnelles, assistés de Monsieur Claude FERLIN, Greffier, on tenu seuls l'audience au cours de laquelle Monsieur Pierre Louis PUGNET a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 29 Juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, de Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
La société GARAGE [K] exerce une activité de concessionnaire et garage automobile.
La société AUTO1 GROUP OPERATIONS SE est une société allemande à la tête d'un groupe spécialisé dans le secteur automobile, le groupe AUTO1. Elle est à l'origine d'une plateforme de rachat de véhicule d'occasion et a plusieurs filiales en Europe, dont la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV.
Pour chaque véhicule lui appartenant et étant destiné à la vente, la société met à disposition une fiche descriptive desdits véhicules basée sur le résultat de l'évaluation en ligne et les informations communiqués par la clientèle. Les véhicules sont vendus ' enl'état '.
Le 25 mars 2019, la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV a cédé le véhicule PEUGEOT 207 1.4 Urban (2008), immatriculée [Immatriculation 3] à la société GARAGE [K] moyennant le paiement d'un prix de 4 697 € et ce, après avoir acquis ledit véhicule auprès d'un client particulier le 19 mars 2019. La transaction avec la société GARAGE [K] s'est effectuée par l'intermédiaire du site internet www.auto1.com, site réservé exclusivement aux professionnels.
Par la suite, la société GARAGE [K] a formé une réclamation auprès de la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV, indiquant notamment que le véhicule litigieux aurait été endommagé préalablement à la vente.
Par l'intermédiaire de sa protection juridique, elle a également fait diligenter une expertise qui s'est déroulée le 11 juin 2019 dans ses locaux en présence de représentants des deux sociétés. Aux termes de son rapport d'expertise du 3 juillet 2019, l'expert a indiqué que l'origine des désordres était une 'mauvaise réparation suite à un ou plusieurs choses antérieures' et conclu que le véhicule était affecté de vices cachés.
Suivant lettre de son Conseil en date du 10 février 2020, la société GARAGE [K] a vainement mis en demeure la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV d'avoir à récupérer le véhicule litigieux à ses frais, ainsi qu'à lui verser la somme de 4 697 € en restitution du prix de vente.
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Par exploit d'huissier du 11 août 2020, la société GARAGE [K] a fait assigner la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins de voir notamment constater le défaut de conformité du véhicule litigieux est antérieur à la vente et qu'il est imputable à la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV qui a dès lors manqué à son obligation de délivrance conforme, avec pour conséquence la résolution de la vente et l'indemnisation des préjudices en découlant.
Cette dernière a soulevé une exception d'incompétence territoriale sur le fondement d'une clause attributive de compétence incluse dans les conditions générales de vente.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce de Limoges a :
- déclaré les conditions générales de vente de la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV inopposables à la société GARAGE [K] ;
- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV ;
En conséquence :
- s'est déclaré territorialement compétent pour connaître du présent litige ;
Et, en premier ressort, a :
- débouté la société GARAGE [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamné la société GARAGE [K] à verser à la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La société GARAGE [K] a interjeté appel de la décision le 30 juin 2021. Son recours porte sur l'ensemble des chefs de jugement l'ayant débouté de ses demandes et portant condamnation à son encontre.
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Aux termes de ses écritures du 8 avril 2021, la société GARAGE [K] demande à la cour de :
- réformer le jugement dont appel en ses chefs critiqués ;
- le confirmer en ce qu'il a déclaré inopposables les conditions générales de vente de la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV et rejeté l'exception d'incompétence soulevée ;
Et, statuant à nouveau sur le fond, de :
- constater que le défaut de conformité du véhicule de marque PEUGEOT modèle 207 1.4 Urban immatriculé [Immatriculation 3] affectait le véhicule antérieurement à la vente du 25 mars 2019 conclue entre elle et la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV ;
- constater que la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV a manqué à son obligation de délivrance conforme du véhicule de marque PEUGEOT modèle 207 1.4 Urban immatriculé [Immatriculation 3] ;
- constater que ce défaut de conformité est imputable à la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV ;
En conséquence, de :
- prononcer la résolution de la vente du véhicule de marque PEUGEOT modèle 207 1.4 Urban immatriculé [Immatriculation 3] conclue entre elle et la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV, avec toutes ses conséquences de droit ;
- condamner la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV à lui verser la somme de 4 697 € TTC en restitution du prix ;
- condamner la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV à récupérer le véhicule de marque PEUGEOT modèle 207 1.4 Urban immatriculé [Immatriculation 3] actuellement immobilisé au [Adresse 1] (87) par tout moyen et à ses frais, ce après remboursement intégral du prix de vente ;
- condamner la même au versement de la somme de 891,13 € TTC à son profit en réparation du préjudice financier découlant des réparations effectuées avant découverte des désordres affectant le véhicule de marque PEUGEOT modèle 207 1.4 Urban immatriculé [Immatriculation 3] ;
- condamner la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV au versement de la somme de 10 000 € TTC à son profit en réparation du préjudice financier découlant de l'immobilisation en ses locaux du véhicule de marque PEUGEOT modèle 207 1.4 Urban immatriculé [Immatriculation 3] ;
- débouter la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV de l'ensemble de ses prétentions ;
En tout état de cause, de :
- condamner la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société GARAGE [K] soutient être fondée à obtenir la résolution de la vente ainsi que la réparation de son préjudice en ce que la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme. En effet, elle expose que l'expertise amiable qu'elle présente est, en plus d'être contradictoire, tout à fait probante, le véhicule ayant manifestement été accidenté contrairement aux indications portées sur la facture et la société n'ayant jamais contesté les défauts constatés. Par ailleurs, elle soutient que les clauses d'exonération contenues dans les conditions générales de vente ne peuvent lui être opposées en ce qu'elle n'en a pas eu connaissance, ni ne les a acceptées au moment de la vente pour laquelle elle rappelle qu'à ce stade de la transaction, l'acquéreur n'a en outre aucun moyen de s'assurer de la réalité des caractéristiques présentées. Enfin, elle précise que le choix de fonder son action sur une absence de délivrance conforme et non sur les vices cachés lui appartient, aucune une confusion entre la nature du désordre retenue par l'expert et le fondement juridique choisi ne pouvant être faite, les régimes juridiques et en particulier probatoire divergeant profondément.
Aux termes de ses écritures du 26 avril 2022, la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV demande à la cour de :
- débouter la société GARAGE [K] de l'ensemble de ses prétentions ;
- confirmer le jugement dont appel ;
- condamner la société GARAGE [K] à lui verser la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires.
La société AUTO1 EUROPEAN CARS BV conteste le caractère probant de l'expertise amiable dont la société GARAGE [K] tente de se prévaloir, notamment en raison du risque de subjectivité de l'expert mandaté et rémunéré par l'assurance de cette dernière, mais également du caractère particulièrement lacunaire du rapport. En tout état de cause, elle indique que l'expert n'a révélé aucune non-conformité ni fait état d'un quelconque accident.
Ainsi la société intimée indique n'avoir manqué à aucune de ses obligations contractuelles, que cela soit celle de délivrance conforme ou d'un bien dépourvu de vice caché, et rappelle que ses véhicules sont vendus aux professionnels tels que la société GARAGE [K] 'en l'état' et sans garantie, ce dont ils sont parfaitement informés et à quoi ils consentent expressément. En effet, elle précise que l'acheteur professionnel qu'est sa co-contractante était en mesure d'apprécier la qualité et la pertinence des informations portées à sa connaissance, la société GARAGE [K] ayant en outre consenti au mode d'achat en ligne qui ne l'a d'ailleurs absolument pas privée de sa faculté de contrôler la situation du véhicule dès la réception. Enfin, elle conteste l'existence d'un dol ou de manoeuvres dolosives de sa part, n'ayant pas eu connaissance du caractère prétendument accidenté du véhicule litigieux.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
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MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exception d'incompétence :
En cause d'appel la société AUTO1 EUROPEAN CARS BV a renoncé à soutenir l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée en première instance.
Sur le fond :
La SARL GARAGE [K] sollicite la résolution de la vente le véhicule PEUGEOT 207 1.4 Urban ainsi que la réparation de son préjudice sur le fondement des articles 1231-1 et 1603 du Code civil, celui de l'absence de délivrance conforme de la chose, précisant que cette action lui permettait, contrairement à celle engagée sur le fondement des vices cachés, de réclamer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier.
La preuve de la non-conformité à la commande du matériel livré incombe à l'acquéreur.
Pour établir l'existence d'un défaut de conformité la société GARAGE [K] se fonde sur le rapport
d'expertise amiable réalisé par le Cabinet AUTO EXPERTISE LIMOUSIN, mandaté par sa protection juridique mais dont les opérations se sont déroulées en présence de toutes les parties, notamment de M. [Z], en tant que représentant du service qualité de la société AUTO1 EUROPEAN CAR B.V, et de M. [K] en qualité de gérant de la SARL GARAGE [K].
En l'occurrence les constatations du rapport d'expertise amiable, évoquent, à titre de légendes de chaque photographie, 'façade avant en fibre ne correspond pas au type du véhicule' 'le radiateur d'eau est maintenu sur sa partie supérieure par une vis tôle' 'défaut de réparation sur le longeron AVD ainsi que la tôle d'allonge de joue d'aile AVD', ' Tôle de support phare AVD : mauvaise soudure' ' Longeron AVD chauffé au chalumeau pour redressage et corrodé à l'intérieur' ' Point de soudure entre longeron AVD partie AR et tablier déchiré' ' joue d'aile AVG et son renfort sont mal soudés'.
Ce rapport d'expertise extra-judiciaire, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, constitue un mode de preuve admissible et ne peut être écarté au seul motif que la mesure n'a pas été réalisée contradictoirement. Mais il doit être conforté par d'autres éléments de preuve. Cette solution jurisprudentielle a été étendue à l'expertise non judiciaire réalisée en présence de l'ensemble des parties ( 2e Civ., 13septembre 2018, pourvoi n° 17-20.099 ; 3e Civ., 14 mai 2020 pourvoi n° 19-16.278). Ainsi la Cour de cassation ne fait pas du caractère contradictoire de l'expertise amiable un critère suffisant pour retenir, de manière exclusive, les constatations de l'expert amiable.
Il sera en premier lieu constaté que les mentions de l'expertise exploitées par l'appelante ne sont que de succinctes légendes de photographies, manquant de clarté au point qu'on ne sait parfois s'il s'agit de l'énumération de défauts distincts ou du même défaut photographié différemment ( longeron AVD). Ces incertitude et confusion sont entretenues par l'absence de toute description détaillée de chaque défaut et de toute explication ou précision apportée sur les défauts constatés, en particulier sur leur origine et leur ancienneté, au moins par rapport à la vente.
Par ailleurs aucun élément extérieur à ce rapport d'expertise amiable susceptible de confirmer l'existence de ces défauts et d'éclairer la juridiction sur leurs caractéristiques n'est produit par la SARL GARAGE [K].
Dès lors il ne peut être établi que ce véhicule était atteint d'un vice caché au moment de la vente, ni qu'il avait été accidenté ou mal réparé, ni qu'il présentait des défauts aux caractéristiques établies.
En l'absence de tout autre anomalie alléguée et démontrée, alors que la société AUTO1 EUROPEAN CAR B.V ne s'est jamais engagée contractuellement sur l'état du véhicule qui avait été mis en circulation plus de 10 ans auparavant et qui était vendu ' en l'état entre professionnels, sans garantie', que la facture précisait qu'il était ' non accidenté d'après la déclaration du dernier propriétaire' ce qui n'engageait pas le vendeur, négociant et non réparateur de véhicules, il n'apparaît pas que le défaut de délivrance soit constitué. C'est de manière justifiée que les premiers juges ont débouté la société GARAGE [K] de l'ensemble de ses demandes.
Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
La société GARAGE [K], qui succombe dans toutes ses prétentions, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel mais l'équité commande de rejeter la demande en paiement présentée à son encontre par la société AUTO1 EUROPEAN CAR B.V.
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PAR CES MOTIFS
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La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE la société AUTO1 EUROPEAN CAR B.V aux dépens de la procédure d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes en paiement présentées par les parties ;
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.