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29/06/2022 | FRANCE | N°20/00644

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 29 juin 2022, 20/00644


ARRET N° .



N° RG 20/00644 - N° Portalis DBV6-V-B7E-BIEPL







AFFAIRE :



Mme [E] [H]



C/



S.C.P. [P] [J] la SCP [P] [J], prise en la personne de son représentant légal, Maître [P] [J].









GV/MS





Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail











Grosse délivrée à Me Abel-henri PLEINEVERT, Me Laurence DUMONT, avocats,









COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE



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ARRÊT DU 29 JUIN 2022



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Le vingt neuf Juin deux mille vingt deux la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu...

ARRET N° .

N° RG 20/00644 - N° Portalis DBV6-V-B7E-BIEPL

AFFAIRE :

Mme [E] [H]

C/

S.C.P. [P] [J] la SCP [P] [J], prise en la personne de son représentant légal, Maître [P] [J].

GV/MS

Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail

Grosse délivrée à Me Abel-henri PLEINEVERT, Me Laurence DUMONT, avocats,

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

---==oOo==---

ARRÊT DU 29 JUIN 2022

---==oOo==---

Le vingt neuf Juin deux mille vingt deux la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Madame [E] [H]

née le 17 Avril 1955 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Karine BERTHON de la SELARL AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES, Me Laurence DUMONT, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d'une décision rendue le 20 OCTOBRE 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

S.C.P. [P] [J] la SCP [M] [J], prise en la personne de son représentant légal, Maître [P] [J]., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Abel-henri PLEINEVERT de la SCP PLEINEVERT DOMINIQUE PLEINEVERT ABEL-HENRI, avocat au barreau de LIMOGES, Me HUBERT DE FREMONT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 Mai 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, et Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exercant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistés de

Monsieur Claude FERLIN, Greffier, ont tenu seuls l'audience au cours de laquelle Madame Johanne PERRIER a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 29 Juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat à durée déterminée à temps partiel en date du 12 février 2003, Mme [E] [H] a été engagée jusqu'au 28 mai 2003 en qualité d'assistante par la SCP LEBRETON-[J], aux droits de laquelle vient la SCP [P] [J], mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.

Puis, la relation contractuelle s'est poursuivie sous la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 21 mai 2003, Mme [H] étant toujours employée en qualité d'assistante.

Le contrat est soumis à la convention collective nationale du personnel des administrateurs et des mandataires judiciaires en date du 20 décembre 2007 modifiée (IDCC 2706).

Le 31 mai 2017, Mme [H] a fait valoir ses droits à la retraite.

Le 12 juin suivant, elle a être embauchée par la SCP PONROY, également mandataire judiciaire, suivant contrat à durée déterminée à temps partiel en qualité de chef de service, statut cadre, niveau 2.

==0==

Par courrier en date du 19 juillet 2017, Mme [H] a demandé à la SCP [P] [J] le paiement de rappels de salaires notamment au titre d'une réévaluation de sa classification et de la réalisation d'heures supplémentaires, le tout pour un montant total de 48 314,20 €.

Faute de réponse, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges le 9 octobre 2019. En application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile, la cour d'appel de Bourges a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Limoges par arrêt du 11 janvier 2019.

Par jugement du 20 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Limoges a :

- débouté Mme [H] de l'ensemble de sa demande au titre de la reconnaissance du statut cadre et des conséquences en rappels de salaires, d'indemnité de départ en retraite et prime de vacances ;

- condamné la SCP [J] à payer à Mme [H] au titre des heures supplémentaires les sommes suivantes :

* 339,40 € brut au titre des heures supplémentaires pour les années 2015 et 2016,

* 33,94 € brut au titre des congés payés afférents,

* 22,62 € brut au titre des 13èmes mois des années 2015 et 2016 ;

- ordonné la remise des bulletins de paie et documents légaux conformes au jugement sans qu'il y ait lieu à astreinte pour ce faire ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, la moyenne des salaires étant de 2 520 € ;

- débouté Mme [H] de sa demande de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail ;

- débouté les parties de leurs prétentions concernant l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Mme [H] a interjeté appel de ce jugement le 9 novembre 2020.

==0==

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 22 novembre 2021, Mme [E] [H] demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle relève du statut de cadre, niveau II ;

En conséquence :

- condamner la SCP [J] à lui verser les sommes de :

* 25 329,64 € à titre de rappel de salaires pour la période du 1er septembre 2014 au 30 avril 2017  et 2 532,96 € au titre des congés payés afférents ;

- condamner la SCP [J] à lui verser les sommes de :

* 12 072,94 € au titre des heures supplémentaires réalisées pour la période du 1er septembre 2014 au 30 avril 2017 et 1 207,29 € au titre des congés payés afférents,

* 1 006,07€ au titre de la régularisation du treizième mois sur les heures supplémentaires réalisées pour la période du 1er septembre 2014 au 30 avril 2017,

* 4 515,36 € au titre de la régularisation de l'indemnité de départ en retraite,

* 2 974,16 € au titre de la prime de vacances,

* 15 000 € de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail ;

- condamner la même à lui remettre dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, l'ensemble de ses fiches de paie et de ses documents de fin de contrat conformes audit jugement et ce, sous astreinte de 30 € par jour passé ce délai ;

- dire que la cour se réservera la compétence pour la liquidation de l'astreinte ;

- condamner la SCP [J] à lui verser la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire pour laquelle elle ne serait pas de droit.

Mme [H] soutient qu'en application de la convention collective, les missions qu'elle exerçait au sein de la SCP [P] [J] correspondait à la classification cadre de la filière technique au regard de son autonomie, de ses qualités techniques et de sa capacité d'initiative. Ainsi, elle assurait de manière constante les fonctions du mandataire et en partie du comptable.

Concernant les heures supplémentaires, elle indique en avoir réalisées de manière régulière, afin de mener à bien l'ensemble des nombreuses tâches qui lui étaient confiées.

Dès lors, elle estime que l'employeur n'a pas loyalement exécuté le contrat et qu'il doit donc l'indemniser du préjudice subi à ce titre.

Enfin, Mme [H] expose que cette régularisation doit nécessairement emporter celle du 13ème mois, de la prime de vacances ainsi que de l'indemnité de départ en retraite.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 2 novembre 2021, la SCP [P] [J] demande à la cour :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande tendant à se voir reconnaître le statut cadre ainsi que des conséquences découlant d'une telle demande ;

- l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [H] les sommes de 339,40 € au titre des heures supplémentaires et 33,94 € au titre des congés payés afférents, outre 22,62 € au titre du 13ème mois pour les années 2015 et 2016 et a ordonné la remise de documents conformes ;

En conséquence,

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamner au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avec exécution provisoire, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les éventuels dépens d'exécution ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande tendant à se voir reconnaître le statut cadre et des conséquences découlant d'une telle demande, ainsi que sur le quantum des heures supplémentaires accordées outre les congés payés afférents ;

A défaut et à titre infiniment subsidiaire,

- limiter les rappels de salaires à la somme de 8 894,30 € ;

- réduire dans de plus justes proportions le quantum des dommages-intérêts ;

- dire que les sommes éventuellement fixées sont brutes de charges, cotisations sociales et d'impositions.

La SCP [P] [J] soutient que Mme [H], assistante, ne peut pas prétendre à la classification de cadre. En effet, si elle était, en de rares occasions, amenée à exercer certaines fonctions dévolues au mandataire ou au comptable, elle n'avait aucune autonomie et ne supervisait aucune équipe.

En outre, concernant les heures supplémentaires réclamées, Mme [H] ne justifie d'aucun accord de son employeur pour leur accomplissement qui n'était pas nécessaire. De plus, elles ont fait l'objet systématiquement d'une récupération.

En découle le rejet des demandes de 13ème mois, de prime de retraite et de prime de vacances.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2022.

SUR CE,

- Sur la demande de Mme [H] tendant à la requalification de son emploi au statut cadre

Conclu au motif d'une surcharge de travail occasionnée par la démarche qualité entreprise, le contrat de travail à durée déterminée de Mme [H] en date du 12 février 2003 mentionne en son paragraphe 3 'Nature qualification de l'emploi' qu'elle est engagée en qualité d'assistante pour exercer les missions suivantes :

''Répartition des fonds en fonction des ordres de privilèges, procédures d'ordre, redditions des comptes, taxes

'Traitement du courrier et rédaction de rapport

'Vérification des créances déclarées, dépôt du passif, suivi des contestations de créances

'Cession d'actifs et opérations subséquentes'.

Son contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 mai 2003 prévoit en son article 3 un même engagement en qualité d'assistante, les mêmes missions, avec au surplus:

''Analyse des documents comptables transmis,

'Clôture des dossiers,

et plus généralement toutes tâches relevant des mandats confiés par les juridictions au mandataire de justice, celles-ci pouvant évoluer notamment suite à des interventions législatives ou réglementaires'.

Néanmoins, il convient de prendre en compte les fonctions réellement exercées par la salariée pour déterminer sa classification selon la convention collective applicable.

L'article 20 de la convention collective nationale du personnel des administrateurs et des mandataires judiciaires en date du 20 décembre 2007 IDCC 2706 prévoit une classification en quatre filières :

'administrative

'technique

'collaborateurs

'stagiaires.

Ces filières sont subdivisées en niveaux en fonction de la qualification du salarié.

Les parties s'accordent sur la classification de l'emploi de Mme [H] dans la filière technique, mais, cette dernière revendique le statut cadre de niveau 1 dans cette filière, alors que la SCP [P] [J] admet seulement le niveau technicien T 4b TAM niveau 2, ce qui a été retenu par le conseil de prud'hommes.

Le cadre technique de niveau 1 est défini de la façon suivante dans la convention collective : 'Le cadre gère de façon autonome les dossiers qui lui sont confiés, sous la responsabilité d'un professionnel ; le cadre gère son activité en fonction d'objectifs négociés ; il assure le suivi technique des membres de son équipe'.

Le niveau technicien TAM T 4b niveau 2 est défini de la façon suivante : 'Technicien idem TAM niveau 1 + peut occasionnellement remplacer un cadre ou un collaborateur pour une mission définie', le niveau 1 correspondant à : 'Travaux techniques complexes, connaissances pratiques et théoriques approfondies Susceptible de piloter un programme de travail'.

En conséquence, pour bénéficier du statut cadre, Mme [H] doit rapporter la preuve que, non seulement elle disposait d'une compétence technique approfondie, mais encore d'une large autonomie dans l'exécution de son travail, réalisé en fonction d'objectifs négociés, en assurant le suivi d'une équipe.

Or, s'il n'est ni contesté ni contestable que, titulaire d'un DUT Finances-Comptabilité, elle assumait des travaux techniques complexes nécessitant des connaissances pratiques et théoriques approfondies, comme elle le soutient et tel que cela ressort des missions énoncées à son contrat de travail (cf ci-dessus),

elle doit rapporter la preuve qu'elle agissait en totale autonomie en fonction d'objectifs négociés et qu'elle assurait le suivi technique d'une équipe.

- Or, concernant l'autonomie dans l'exercice de son activité, si la fiche de poste de Mme [H] fait état de la nécessité de compétences techniques approfondies pour accomplir les missions de :

-vérification des passifs

-gestion des actifs immobiliers

-procédures d'ordre,

il est également mentionné dans cette fiche qu'elle était assistante et rattachée à Maître [J] au niveau fonctionnel.

Elle travaillait donc sous le contrôle du mandataire judiciaire.

En outre, contrairement à ce qu'elle prétend, elle n'assumait pas les fonctions de mandataire ou d'administrateur judiciaire, ni les fonctions de comptable.

D'ailleurs, son contrat de travail à durée déterminée du 21 mai 2003 mentionne qu'elle a été embauchée 'pour assurer certaines fonctions habituellement dévolues à ces deux personnes [le responsable qualité, M. [B], comptable, et le mandataire judiciaire]'. Elle ne peut donc pas se prévaloir de cette mention pour dire qu'elle assumait quotidiennement et en intégralité les missions du mandataire judiciaire et du comptable. M. [B], comptable, a d'ailleurs attesté ne pas avoir le statut de cadre au sein de la SCP [P] [J], ce qui est corroboré par sa fiche de paie de juin 2017.

De même, les mentions du contrat travail à durée indéterminée en date du 21 mai 2003 selon lesquelles elle a été recrutée en raison de sa qualification comptable et de son ancienneté ne permettent pas de dire, comme elle le prétend, qu'elle effectuait le travail du mandataire ou du comptable. En effet, il est clairement et seulement stipulé qu'elle a été recrutée par la SCP LEBRETON-[J] 'pour étoffer son effectif afin de maintenir une qualité de traitement des mandats qui lui sont confiés par les tribunaux', ce qui correspond en conséquence seulement à une aide et non au recrutement d'un nouveau mandataire ou comptable.

En outre, s'il est mentionné dans le cadre de ses missions : 'Et plus généralement toutes tâches relevant des mandats confiés par les juridictions au mandataire de justice, celles-ci pouvant évoluer notamment suite à des interventions législatives ou réglementaires', cela ne signifie pas qu'elle ait eu la responsabilité et la qualification d'un mandataire judiciaire. En effet, elle devait seulement assumer, sous le contrôle d'un supérieur hiérarchique, certaines missions relevant du mandataire judiciaire.

D'ailleurs, les attestations de Mmes [R] épouse [T] et [Z] épouse [K], collègues de Mme [H], indiquent que cette dernière, comme elles, n'agissait que sous les instructions de Maître [J] qui signait tous les courriers. Mme [H] n'avait donc pas de capacité d'initiative et les responsabilités inhérentes au statut de cadre. En outre, selon ces attestations et celle de M. [B], le comptable, elle n'était pas polyvalente, n'exécutant que les missions ressortant de la vérification des passifs et des ventes immobilières.

De même, ces personnes attestent que Maître [J] se rendait lui-même à toutes les audiences, sauf à de rares exceptions. Il ressort en effet des pièces produites (cf relevé d'audiences de 2014 à 2017) que si Mme [H] a pu se rendre à des audiences, cela n'était qu'à titre de remplacement ponctuel de Maître [J] pour des dossiers simples. Le mandataire judiciaire doit en effet s'efforcer d'assister personnellement aux audiences (article 511-6 des règles professionnelles des administrateurs et mandataires judiciaires définies par le conseil national).

En tout état de cause, au niveau 2, le'Technicien [idem TAM niveau 1 +] peut occasionnellement remplacer un cadre ou un collaborateur pour une mission définie'. En conséquence, le fait que Mme [H] ait remplacé Maître [J] pour représenter la SCP [P] [J] à certaines audiences ne suffit pas à caractériser une qualification de cadre.

Enfin, Mme [H] avait un emploi du temps très balisé aux termes de son contrat travail du 21 mai 2003 :

'Lundi, mardi, jeudi et vendredi : 8 heures à 12 heures & 14 heures à 18 heures

Mercredi : 8 heures à 11 heures'.

Il en était de même en ce qui concerne le contrat de travail à durée déterminée du 12 février 2003, Mme [H] n'étant employée que le mercredi.

Elle ne pouvait donc pas organiser son emploi du temps de façon autonome comme un cadre.

En conséquence, elle ne démontre pas avoir exécuter son contrat de travail en autonomie.

- En outre, selon la convention collective, 'le cadre gère son activité en fonction d'objectifs négociés'.

Ainsi, il s'organise de façon autonome, charge seulement à lui de remplir les objectifs.

Or, Mme [H] ne détermine aucunement les objectifs négociés ou assignés qu'elle aurait dû atteindre. Par exemple, remplir telle mission précise dans sa globalité ou traiter un nombre de dossiers déterminés.

Elle ne remplit donc pas ce critère.

- Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme [H] assurait le suivi technique d'une équipe. À ce titre elle ne peut pas se prévaloir du nombre peu important de salariés employés par l'étude puisque deux collègues et le comptable ont attesté dans le dossier, soit trois personnes. En outre, elle ne démontre aucunement avoir eu une capacité de commandement à leur égard ou à l'égard d'autres salariés.

En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que Mme [H] ne peut pas prétendre à la classification cadre technique niveau 1 et a fortiori niveau 2.

Les missions qu'elle a réellement exercées correspondent à la classification technicien TAM niveau 2.

Sa rémunération figurant sur son bulletin de salaire de mai 2017 à hauteur de 2 648,08 € doit être rapprochée de celle prévue par l'avenant n° 13 du 29 octobre 2015 relatif aux salaires minima pour l'année 2016 pour un technicien de niveau T4B à hauteur de 2 500 € brut par mois. En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande en rappel de salaires au titre d'une classification de cadre.

- Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L 3171-4 du code du travail, 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.

Dans un arrêt n° 17-31.046 27 du 27 janvier 2021, la Cour de cassation a statué dans les termes suivants :

'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant'.

Les heures supplémentaires doivent avoir été accomplies à la demande de l'employeur, ou rendues nécessaires par les conditions d'organisation de l'entreprise (Cass. soc., 20 févr. 2013, n° 11-28.811 : JurisData n° 2013-002726). L'employeur doit donc avoir, au moins implicitement, donné son accord au dépassement d'horaire (Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 10-21.750 : JurisData n° 2012-001437).

Le contrat travail de Mme [H] en date du 21 mai 2003 prévoit une durée de travail hebdomadaire de 35 heures selon les horaires suivants :

- lundi, mardi, jeudi et vendredi : 8 heures à 12 heures et 14 heures à 18 heures

- mercredi : 8 heures à 11 heures.

Il convient de considérer que la SCP [P] [J] a implicitement donné son accord à Mme [H] pour qu'elle réalise des heures supplémentaires lorsqu'elle restait au bureau au delà de ces horaires.

'Au titre de l'année 2014

Mme [H] produit un descriptif et un décompte sous forme de tableau des heures de travail réalisées par elle du 25 août au 31 décembre 2014, selon lequel elle terminait systématiquement à 19 heures. Ce tableau fait état de 60 heures et 45 minutes d'heures supplémentaires travaillées, après déduction de 8 heures de récupération.

Néanmoins, elle ne produit comme éléments objectifs venant corroborer ce décompte émanant d'elle-même, que trois mails professionnels adressés par elle le 6 janvier 2014 à 18 heures 29, le 23 janvier 2014 à 19 heures 57 et le 3 novembre 2014 à 19 heures 05.Il convient donc de considérer que ces seules pièces ne sont pas suffisantes pour corroborer le décompte.

De plus, il est peu probable que Mme [H] terminait son travail toujours précisément à la même heure le soir, soit 19 heures.

Elle doit donc être déboutée de sa demande d'heures supplémentaires au titre de l'année 2014.

'Au titre de l'année 2015

Mme [H] produit un descriptif et un décompte sous forme de tableau des heures de travail réalisées par elle entre le 5 janvier 2015 et le 31 décembre 2015, selon lequel elle a réalisé 216 heures supplémentaires, dont à déduire 60 heures de récupération, soit un solde de 149 heures supplémentaires. Selon ce tableau, elle quittait le travail en général vers 19 heures 15.

Elle produit à l'appui de ce décompte une copie d'écran d'ordinateur selon lequel entre janvier 2015 et novembre 2015, trois documents ont été enregistrés au-delà de 18 heures 30 (19 janvier, 2 juillet et 3 novembre 2015) et deux documents le mercredi 16 septembre 2015 dans l'après-midi.

Elle produit également trois pouvoirs donnés à elle par Maître [J] afin de le représenter aux audiences du juge-commissaire les mercredis :

-14 janvier 2015 sans précision de l'heure,

-15 avril 2015 à 14 heures 15,

-24 juin 2015 sans précision de l'heure.

Mme [H] admettant avoir bénéficié de 60 heures de récupération en 2015, il convient de considérer qu'elle ne produit pas d'éléments suffisamment précis et concordants permettant de faire droit à sa demande en paiement d'heures supplémentaires. Elle sera donc déboutée de sa demande présentée à ce titre.

'Au titre de l'année 2016

Mme [H] produit un descriptif et un décompte sous forme de tableau des heures de travail réalisées par elle entre le 4 janvier 2016 et le 30 décembre 2016, selon lequel elle a réalisé 165 heures et 15 minutes supplémentaires, dont à déduire 51 heures de récupération, soit un solde de 114 heures et 15 minutes supplémentaires. Selon ce tableau, elle quittait le travail régulièrement au delà de 19 heures.

Pour corroborer ce tableau, elle produit une copie d'écran d'ordinateur faisant état des heures d'enregistrement de documents, régulièrement au-delà de 18 heures, ainsi que le mercredi après-midi, entre février et décembre 2016. Or, les heures d'enregistrement correspondent exactement aux heures auxquelles Mme [H] a quitté son poste de travail selon le tableau ci-dessus énoncé.

Elle produit également des pouvoirs donnés par Maître [J] à elle-même pour les audiences devant le juge commissaire des 17 février 2016, 18 mai 2016 et 14 septembre 2016, ces dates étant des mercredis après-midi.

La SCP [P] [J] ne démontre pas que Mme [H] aurait récupéré l'intégralité des heures supplémentaires travaillées. Les seules pièces qu'elle produit à cet effet : note manuscrite 'CONGÉS CD' en 2011 et 2012, mail du 18 mai 2015 et calendrier de 2017 annoté, étant manifestement insuffisantes pour ce faire.

Ainsi, au vu de ces éléments, il convient de considérer que Mme [H] a réalisé des heures élémentaires.

Néanmoins, selon ses fiches de paye de 2016, son salaire horaire brut s'élevait à 17,2015 €. Le taux horaire majoré brut est donc de 21,5018 € à 25 % pour 105 heures et 25,8022 € à 50 % pour 9 heures.

Ainsi, elle est bien fondée à réclamer la seule somme de 2 489,92 € brut, outre la somme de 248,99 € brut au titre des congés payés afférents.

Il convient en conséquence de condamner la SCP [P] [J] à lui payer le montant de ces sommes.

- Au titre de l'année 2017

Mme [H] produit un descriptif et un décompte sous forme de tableau des heures de travail réalisées par elle entre le 2 janvier 2017 et le 31 mai 2017, selon lequel elle a réalisé 99 heures et 30 minutes d'heures supplémentaires, dont à déduire 8 heures de récupération, soit un solde de 91 heures et 30 minutes supplémentaires. Selon ce tableau, elle quittait le travail quasi-systématiquement au-delà de 18 heures et régulièrement au-delà de 19 heures.

Pour corroborer ce tableau, elle produit une copie d'écran d'ordinateur faisant état d'heures d'enregistrement de documents, régulièrement au-delà de 18 heures, ainsi que le mercredi après-midi, entre janvier et mai 2017. Or, les heures d'enregistrement correspondent exactement aux heures auxquelles Mme [H] a quitté son poste de travail selon le tableau ci-dessus énoncé.

Elle produit également des mails adressés au-delà de 19 heures à partir de sa boîte professionnelle en mars, avril et mai 2017.

La SCP [P] [J] n'apporte pas aux débats d'éléments contraires, alors qu'il lui appartient de contrôler le temps de travail de sa salariée.

En conséquence, c'est à juste titre que Mme [H] réclame le paiement d'heures supplémentaires.

Néanmoins, ses fiches de paye 2017 font état d'un salaire horaire brut de 17,4595€.

En conséquence, comptabilisant 83 heures et 50 minutes majorées de 25 % et 8 heures majorées de 50 %, elle a droit au paiement de :

-83,50 heures x 21,824375 € = 1 822,3353 €

-8 heures x 26,18925 € = 209,514 €

soit un total de 2 031,85 € brut, outre la somme de 203,18 € brut au titre des congés payés afférents.

Il convient en conséquence de condamner la SCP [P] [J] à lui payer le montant de ces sommes.

- Sur le 13ème mois

Selon l'article 22 de la convention collective nationale du personnel des administrateurs et des mandataires judiciaires :

'Il est alloué à tout le personnel sans aucune exception un 13e mois.

Celui-ci est versé avec le salaire du mois de décembre de chaque année, sauf accord particulier entre l'employeur et le salarié.

Le 13e mois est au moins égal au salaire mensuel le plus favorable de l'année civile, hors rémunérations exceptionnelles.

En cas de mode de rémunération variable, le 13e mois est égal à la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois, hors rémunérations exceptionnelles et 13e mois.

En cas d'embauche ou de sortie des effectifs en cours d'année, le 13e mois est calculé prorata temporis.

Les absences pour accident du travail ou congé maternité et paternité seront considérées comme temps de travail effectif pour l'attribution de la gratification annuelle.

Ce 13e mois n'entre pas dans l'assiette de calcul des congés payés'.

Mme [H] a donc droit aux sommes de :

-207,49 € brut correspondant au 1/12ème de 2 489,92 €, montant des heures supplémentaires réalisées en 2016

-169,32 € brut correspondant au 1/12ème de 2 031,85 €, montant des heures supplémentaires réalisées en 2017.

Il convient en conséquence de condamner la SCP [P] [J] à lui payer le montant de ces sommes.

- Sur l'indemnité de départ à la retraite

L'article 15-4 alinea 3 de la convention collective stipule :

'Retraite

En cas de départ volontaire à l'âge de la retraite ou de mise à la retraite dans les conditions légales, le salarié perçoit une indemnité de fin de carrière dont le montant s'établit comme suit :

Ancienneté dans l'étude arrêtée à la date de la notification de la retraite Indemnité

$gt; 2 ans 1/10 de mois par année depuis la première

$gt; 4 ans + 1/15 de mois au-delà de 4 ans

$gt; 10 ans + 1/15 de mois au-delà de 10 ans

$gt; 15 ans + 1/15 de mois au-delà de 15 ans

$gt; 20 ans + 1/15 de mois au-delà de 20 ans

Pas de plafond'.

Il convient de calculer le montant de prime de retraite sur le montant non pris en compte par la SCP [P] [J] soit sur les sommes de :

-heures supplémentaires :

- 2 489,92 € et 248,99 € en 2016

- 2 031,85 € et 203,18 € en 2017

-13ème mois :

- 207,49 € en 2016

- 169,32 € en 2017,

soit un total de 5 350,75 € sur deux années et une moyenne de 222,94 € par mois.

Mme [H] avait une ancienneté de 14 ans et 4 mois à la date de la rupture du contrat.

Le calcul doit donc s'opérer de la façon suivante :

' 222,94 € / 10 x 14 = 312,12 €

' 222,94 € /15 x 10 = 148,63 €

' 222,94 € /15 x 6 = 89,17 €

' 222,94 € /15 x 2 = 29,72 €

soit un total de 579,64 € brut à rajouter à la somme de 8 902,30 € déjà versée au titre de la prime de retraite.

'Sur la demande au titre de la prime de vacances

Mme [H] formule cette demande en la corrélant à son changement de statut (cadre). Sa demande de reclassification en position cadre n'ayant pas abouti, elle doit être déboutée de sa demande en paiement de la prime de vacances.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat travail

Au vu de la solution du litige, aucune exécution de mauvaise foi du contrat de travail de Mme [H] n'est établie à l'encontre de la SCP [P] [J].

Mme [H] doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts présentée à ce titre.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chacune des parties sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et conservera la charge de ses propres dépens.

---==oO§Oo==---

PAR CES MOTIFS

---==oO§Oo==---

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Limoges le 20 octobre 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

-condamné la SCP [P] [J] à payer à Mme [E] [H] au titre des heures supplémentaires les sommes suivantes :

* 339,40 € brut pour les heures supplémentaires pour les années 2015 et 2016,

* 33,94 € brut au titre des congés payés afférents,

* 22,62 € brut au titre des 13èmes mois des années 2015 et 2016 

-rejeté la demande en paiement de Mme [E] [H] d'heures supplémentaires et 13ème mois sur l'année 2017 ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE Mme [E] [H] de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires effectuées en 2015 et au titre du 13èmes mois de l'année 2015;

CONDAMNE la SCP [P] [J] à payer à Mme [E] [H] les sommes de :

-2 489,92 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées en 2016 outre la somme de 248,99 € brut au titre des congés payés afférents,

-2 031,85 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017 outre la somme de 203,18 € brut au titre des congés payés afférents,

-207,49 € brut au titre du 13ème mois sur les heures supplémentaires effectuées en 2016,

-169,32 € brut au titre du 13ème mois sur les heures supplémentaires effectuées en 2017 ;

Y ajoutant :

- CONDAMNE la SCP [P] [J] à payer à Mme [E] [H] la somme de 579,64 € brut au titre de la régularisation de la prime de retraite ;

- DEBOUTE Mme [E] [H] de sa demande en paiement au titre de la prime de vacances ;

DÉBOUTE chacune des parties de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT ET JUGE que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00644
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;20.00644 ?
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