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23/06/2022 | FRANCE | N°21/00776

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 23 juin 2022, 21/00776


ARRÊT N° 242



RG N° : N° RG 21/00776 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIH4S







AFFAIRE :



S.C.I. LES BAOBABS prise en la personne de son gérant



C/

S.A.R.L. IMMACTION sur assignation en intervention forcée par acte d'huissier en date du 10 janvier 2022 (à étude)., S.C.P. CASSOU DE SAINT MATHURIN-MEYNARD-DRAPPEAU PASSARIN I ET MAITREHUT La SCP CASSOU DE SAINT-MATHURIN ' MEYNARD ' DRAPPEAU PASSARINI ET MAITREHUT, Notaires Associés, Société civile professionnelle immatriculée au RCS de la ROCHELLE sous le numéro 30

4 829 393 dont le siège social est [Adresse 3] prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité audit siège
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ARRÊT N° 242

RG N° : N° RG 21/00776 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIH4S

AFFAIRE :

S.C.I. LES BAOBABS prise en la personne de son gérant

C/

S.A.R.L. IMMACTION sur assignation en intervention forcée par acte d'huissier en date du 10 janvier 2022 (à étude)., S.C.P. CASSOU DE SAINT MATHURIN-MEYNARD-DRAPPEAU PASSARIN I ET MAITREHUT La SCP CASSOU DE SAINT-MATHURIN ' MEYNARD ' DRAPPEAU PASSARINI ET MAITREHUT, Notaires Associés, Société civile professionnelle immatriculée au RCS de la ROCHELLE sous le numéro 304 829 393 dont le siège social est [Adresse 3] prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité audit siège

MLL/GS

autres demandes relatives à la vente

Grosse délivrée

Me DEBERNARD-DAURIAC, avocat

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU 23 JUIN 2022

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Le vingt trois Juin deux mille vingt deux la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.C.I. LES BAOBABS prise en la personne de son gérant

dont le siège social est sis au [Adresse 1]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

APPELANTE d'un jugement rendu le 11 juillet 2017 par le Tribunal de Grande Instance de LA ROCHELLE

ET :

S.A.R.L. IMMACTION sur assignation en intervention forcée par acte d'huissier en date du 10 janvier 2022 (à étude).

Dont le siège social est sis au [Adresse 2]

défaillante

S.C.P. CASSOU DE SAINT MATHURIN-MEYNARD-DRAPPEAU PASSARIN I ET MAITREHUT La SCP CASSOU DE SAINT-MATHURIN ' MEYNARD ' DRAPPEAU PASSARINI ET MAITREHUT, Notaires Associés, Société civile professionnelle immatriculée au RCS de la ROCHELLE sous le numéro 304 829 393 dont le siège social est [Adresse 3] prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité audit siège

Activité : Notaire, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Agnès DUDOGNON de la SCP DUBOIS DUDOGNON VILLETTE, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEES

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sur renvoi après cassation :

- jugement du 11 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de La Rochelle

- arrêt du 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers

- arrêt du 30 juin 2021par la première chambre civile de la Cour de cassation

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Conformément aux dispositions de l'article 1037-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été fixée à l'audience du 05 mai 2022,la Cour étant composée de Madame Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN Conseillers, assistés de Mme Marie-Laure LOUPY, Greffier. Monsieur Gérard SOURY, Conseiller a été entendu en son rapport, les avocats des parties ont été entendus en leur plaidoirie.

Après quoi, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 23 Juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

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FAITS et PROCÉDURE

Par acte notarié reçu le 22 mai 2008 par Me [G], notaire associé de la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut (le notaire), la société Immaction a vendu à la SCI Les Baobabs un ensemble immobilier situé à [Localité 4] destiné à la réalisation de bureaux destinés à la location pour un prix de 358 800 euros TTC.

Soutenant que son projet n'était pas réalisable par suite d'un défaut d'autorisation préalable à la vente imputable à la société Immaction, la SCI a, par acte du 20 janvier 2015, assigné le notaire devant le tribunal de grande instance de La Rochelle en réparation de son préjudice en lui reprochant d'avoir manqué à ses obligations professionnelles.

Le 27 octobre 2015, la SCI a appelé en cause la société Immaction pour la voir condamner, in solidum avec le notaire, à réparer son préjudice financier.

En défense, le notaire a notamment opposé la prescription de l'action de la SCI sur le fondement de l'article 2224 du code civil.

Par jugement du 11 juillet 2017, le tribunal de grande instance a notamment:

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la SCI,

- rejeté la demande du notaire en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La SCI a relevé appel et, par arrêt du 10 septembre 2019, la cour d'appel de Poitiers a réformé le jugement, mais seulement pour déclarer recevable comme non prescrite l'action de la SCI en tant que dirigée contre le notaire, puis, statuant sur cette action, elle a débouté cette société après avoir retenu que son inertie était constitutive d'une faute rompant tout lien causal entre les préjudices allégués et les fautes imputées au notaire.

La SCI a formé un pourvoi et, par arrêt du 30 juin 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la SCI à l'encontre du notaire, pour défaut de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240 du code civil. L'arrêt de cassation énonce que la faute de la SCI ne peut exonérer le notaire que si celle-ci est la cause exclusive du dommage, condition d'exclusivité qui fait défaut en l'espèce puisque la cour d'appel a constaté une faute à la charge du notaire.

Les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Limoges.

Par ordonnance du 30 mars 2022, le conseiller de la mise en état a débouté le notaire de son incident de caducité fondé sur l'article 1037-1 du code de procédure civile et déclaré valable la déclaration de saisine formée le 6 septembre 2021 par la SCI.

MOYENS et PRÉTENTIONS

La SCI conclut à la recevabilité de son action indemnitaire et à la condamnation du notaire à lui payer:

- 1 360 429,91 euros en réparation de son préjudice financier,

- 921 000 euros HT au titre de la perte d'exploitation,

- 45 985 euros HT au titre des huisseries,

- 30 000 euros HT au titre des travaux de mise en conformité,

ces condamnations portant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et le prix de vente ou d'estimation de l'immeuble devant venir en déduction des sommes dues.

La SCI soutient que le notaire a manqué à ses obligations professionnelles en omettant de s'enquérir et de vérifier la réunion des conditions légales indispensables à la réalisation du son projet immobilier, et donc à l'efficacité de son acte, engageant ainsi sa responsabilité délictuelle.

Le notaire conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement déclarant irrecevable comme prescrite l'action de la SCI. Subsidiairement, il conclut au rejet des demandes indemnitaires de la SCI en l'absence de démonstration d'une faute à l'origine des préjudices dont l'indemnisation est réclamée. Très subsidiairement, il demande à être garanti de toutes condamnations par la société Immaction. Reconventionnellement, le notaire demande des dommages-intérêts pour procédure abusive.

La société Immaction, appelée en cause, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action de la SCI, opposée par le notaire.

L'arrêt de cassation du 30 juin 2021 ne casse l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers que de manière partielle, seulement en sa disposition rejetant, après examen au fond, les demandes indemnitaires formées par la SCI à l'encontre du notaire. La portée de cette cassation ne s'étend donc pas au chef de décision par lequel la cour d'appel de Poitiers a déclaré recevable, comme non prescrite, l'action indemnitaire de la SCI dirigée contre le notaire. Il s'ensuit que cette décision de recevabilité de la cour d'appel de Poitiers est désormais définitive et ne peut être remise en cause par le notaire à l'occasion de la présente instance sur renvoi de cassation.

Sur la responsabilité du notaire.

La SCI a acquis l'ensemble immobilier auprès de la société Immaction dans le cadre de son projet d'aménagement comprenant la réalisation de seize bureaux destinés à la location, cette opération s'inscrivant dans un cadre juridique régi par les dispositions du code de l'urbanisme qui imposent notamment le recours à un permis d'aménagement.

Il s'avère que le notaire était informé de ce projet d'aménagement dès le compromis de vente signé le 23 janvier 2008 en son étude -avant même l'autorisation de division foncière donnée par la mairie de [Localité 4] à la société Immaction le 31 janvier 2008- puisque cet acte précise en p. 5 que, dans les rapports avec la société Immaction venderesse, la SCI 'devra s'engager à effectuer les travaux nécessaires dans le délai imparti au vendeur (4 ans à compter du 14 septembre 2007) pour construire en vertu de l'engagement pris par lui dans l'acte reçu par le notaire associé soussigné le 14 septembre 2007, sauf bénéfice éventuel de la prorogation automatique d'un an'.

Même si la portée de cet engagement se limite aux relations de la SCI avec la société Immaction dont elle a repris le projet d'aménagement, il incombait au notaire, tenu de conseiller les deux parties et d'assurer l'efficacité de son acte, de procéder à toutes les vérifications et investigations utiles, particulièrement au regard des exigences du code de l'urbanisme qu'il ne peut prétendre ignorer en sa qualité de professionnel du droit ayant qualité d'officier public et ministériel, et notamment de l'article 442-13 de ce code qui subordonne à une autorisation administrative la vente anticipée par un lotisseur de son lot, avant l'exécution de tout ou partie des travaux.

Ce n'est qu'après s'être assuré du respect des exigences légales et, en cas de difficulté, avoir expressément mis en garde les parties sur les risques encourus que le notaire pouvait, sans engager sa responsabilité, procéder à la réitération authentique de la vente, laquelle est intervenue en l'espèce le 22 mai 2008.

Or, à cette dernière date, les éléments factuels du dossier révèlent que la vente ne pouvait être efficacement réitérée au regard du but poursuivi par la SCI puisque son projet d'aménagement du lot acquis ne pouvait être mené à bien d'un point de vue administratif. En effet, ce n'est que le 12 mars 2009, soit près d'un an après la régularisation définitive de la vente au profit de la SCI, que la société Immaction a déposé une demande de permis d'aménager qui lui a été finalement accordée par la marie de [Localité 4] le 8 octobre 2009. La SCI, qui avait sollicité un permis de construire le 16 octobre 2009, s'est vue opposer un refus par la mairie notamment au regard:

- du défaut de justificatif d'achèvement des travaux de desserte,

- de l'absence de décision administrative autorisant la société Immaction à vendre le lot immobilier par anticipation, avant la fin des travaux d'aménagement (courriers de la mairie des 22 mars et 9 avril 2010).

En l'absence de toute régularisation de la part de la société Immaction, la mairie a pris un arrêté du 6 avril 2010 portant refus du permis de construire sollicité par la SCI.

Une nouvelle demande de permis de construire a été déposée par la SCI le 12 novembre 2010 qui a également fait l'objet d'un rejet de la part de la mairie le 30 août 2011 au motif que l'attestation d'achèvement des travaux établie par la société Immaction le 29 avril 2011 - au demeurant mensongère puisqu'il résulte du propre courrier de la société Immaction du 25 juillet 2013 que ces travaux n'étaient toujours pas achevés à cette dernière date- ne lui avait pas été transmise dans les trois mois de sa demande du 22 novembre 2010.

En l'état de cette situation administrative, le projet immobilier de la SCI n'a pu être mené à terme.

En négligeant de s'enquérir sur la situation juridique exacte du bien immobilier vendu, notamment au regard des règles d'urbanisme applicables au projet de la SCI et plus particulièrement de vérifier -au besoin par une demande de justificatifs- si la société Immaction était autorisée par l'autorité administrative compétente à vendre ce bien par anticipation, avant la fin des travaux d'aménagement, le notaire a manqué à ses devoirs professionnels qui lui imposaient d'informer et de conseiller de manière complète et précise les parties, lesquelles étaient fondées à attendre de lui un acte de vente présentant toute garantie d'efficacité au regard de leurs objectifs respectifs.

En manquant à cette obligation, le notaire a commis une faute de nature délictuelle qui est à l'origine exclusive du dommage subi par la SCI qui s'est trouvée dans l'impossibilité de mener à bien son projet immobilier.

Le notaire ne saurait, en effet, se prévaloir d'une inertie fautive de la part de la SCI qui aurait notamment tardé à solliciter un permis de construire, alors que cette société se trouvait tributaire des propres difficultés rencontrées par la société Immaction qui était dans l'incapacité de justifier d'une autorisation administrative de vente du lot immobilier par anticipation et qui ne lui a adressé une attestation d'achèvement des travaux -au demeurant mensongère- que le 29 avril 2011.

Le notaire n'est pas davantage fondé à se prévaloir des irrégularités imputables à la société Immaction alors qu'en sa qualité d'officier public et ministériel il lui incombait d'informer et de conseiller y compris la société Immaction -venderesse-qui n'est pas une professionnelle du droit, sur les règles spécifiques du code de l'urbanisme applicables en l'espèce afin d'assurer l'efficacité de l'acte de vente du lot immobilier.

L'exécution de ses obligations de vérification et de conseil l'aurait nécessairement conduit à déceler le défaut d'autorisation administrative de vente du lot immobilier par anticipation tout comme l'absence d'attestation d'achèvement des travaux, ce qui lui aurait permis de mettre en garde les deux parties sur les difficultés constatées et notamment le risque d'impossibilité de mener à bien le projet immobilier de la SCI au regard des dispositions du code de l'urbanisme et de donner ainsi à cette société la possibilité, pour ce juste motif, de renoncer à l'achat de ce bien. Certes, il s'avère que la société Immaction a rédigé une attestation mensongère d'achèvement des travaux le 29 avril 2011 mais cette faute, postérieure de près de trois années à la vente du lot immobilier, apparaît sans lien avec le préjudice subi par la SCI qui trouve exclusivement son origine dans le défaut d'efficacité de l'acte notarié du 22 mai 2008. Le notaire sera donc débouté de son action en garantie dirigée à l'encontre de la société Immaction.

Enfin, le notaire ne saurait se prévaloir de la modification du plan de prévention des risques technologiques sur la zone d'emplacement du lot immobilier, qui interdit tous projets nouveaux, cette modification, intervenue en 2013, étant de cinq années postérieure à la vente.

Le notaire apparaît donc exclusivement responsable du préjudice subi par la SCI.

Sur la réparation du préjudice de la SCI.

La SCI chiffre son préjudice comme suit:

- 1 360 429,91 euros en réparation de son préjudice financier,

- 921 000 euros HT au titre de la perte d'exploitation,

- 45 985 euros HT au titre des huisseries,

- 30 000 euros HT au titre des travaux de mise en conformité

1) Les frais d'huisserie.

Au soutien de sa demande d'indemnisation de ce chef, la SCI verse aux débats un simple devis de l'entreprise PMA en date du 18 juillet 2011 pour le montant de 45 985 euros HT. Ce devis ne fait la preuve ni de la réalisation des travaux prévus ni du versement effectif de la somme précitée par la SCI. En tout état de cause, à la date de ce devis - 18 juillet 2011- la SCI n'ignorait pas que son projet immobilier était compromis et, si elle a engagé des frais d'huisserie, c'est en parfaite connaissance de cause, en sorte que ces dépenses doivent rester à sa charge.

2) Les travaux de mise en conformité.

Au soutien de sa demande d'indemnisation de ce chef, la SCI verse aux débats une attestation non datée de Mme [S] [Z], architecte, par laquelle celle-ci indique que le prix de l'aménagement de la salle de confinement nécessité par le plan de prévention des risques technologiques, dépense non prévue à l'origine, s'élève à environ 30 000 euros HT. Cette simple attestation ne fait la preuve ni de la réalisation des travaux de mise en conformité, ni du paiement effectif du prix précité par la SCI. La demande de ce chef sera rejetée.

3) Le préjudice financier et la perte d'exploitation.

Au rang de son préjudice financier, la SCI fait valoir qu'elle a dû rembourser les apports de deux de ses associés, M. [N] pour 100 000 euros et l'entreprise EG 17 pour 39 000 euros.

La SCI ne rapporte cependant pas la preuve du remboursement qu'elle allègue. Sa demande de ce chef sera donc rejetée.

Le SCI demande également le remboursement de ses frais d'avocats exposés à l'occasion de différents procès.

Il s'agit là de frais irrépétibles sur lesquels il a été ou il sera statué dans le cadre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le cadre du financement de son projet immobilier, la SCI a souscrit auprès du Crédit agricole un prêt d'un montant de 795 000 euros qui a été totalement libéré, étant ici rappelé que le prix d'acquisition du lot immobilier s'élève à 358 800 euros TTC.

Même en déduisant la valeur de cet immeuble -dont la SCI reste propriétaire-, il n'en demeure pas moins que le versement, par le notaire, d'une indemnité correspondant aux sommes dues en vertu de cet emprunt conduirait à faire bénéficier la SCI d'un enrichissement, en contradiction avec le principe de l'indemnisation.

En tout état de cause, il s'avère que l'indemnisation de la SCI, y compris en ce qui concerne la perte d'exploitation, ne peut prospérer que sur le fondement de la perte de chance. En effet, la faute du notaire, qui consiste, ainsi que précédemment retenu, à un manquement à ses devoirs de vérification, de conseil et de mise en garde, a privé la SCI de la possibilité de renoncer à son acquisition du lot immobilier ou d'acquérir celui-ci à des conditions -notamment financières- différentes. Il s'ensuit que ce préjudice s'analyse en une perte de chance. Or, la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande sur ce fondement juridique.

Sur la demande reconventionnelle du notaire en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La faute délictuelle du notaire étant établie, cette demande ne peut qu'être rejetée.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'arrêt rendu le 30 juin 2021 par la première chambre civile de la Cour de cassation;

CONSTATE que l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Poitiers a, par une disposition devenue définitive infirmant sur ce point le jugement rendu le 11 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de La Rochelle, déclaré recevable l'action indemnitaire formée par la SCI Les Baobabs à l'encontre de la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut, notaire;

DÉCLARE, en conséquence, irrecevable la fin de non recevoir de la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut, notaire, tirée de la prescription de l'action indemnitaire formée par la SCI Le Baobabs à son encontre;

Statuant au fond sur cette action indemnitaire;

DÉCLARE la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut, notaire, exclusivement responsable, sur le fondement délictuel, du préjudice subi par la SCI Les Baobabs consécutivement à la vente immobilière du 22 mai 2008;

DIT que le préjudice subi par la SCI Les Baobabs s'analyse en une perte de chance et constate que cette société n'a formulé aucune demande indemnitaire sur ce fondement;

REJETTE les demandes indemnitaires formées par la SCI Les Baobabs à l'encontre de la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut, notaire, au titre de frais d'huisserie, de travaux de mise en conformité, de remboursement d'apports d'associés et d'honoraires d'avocats;

DÉBOUTE la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut, notaire, de son action en garantie dirigée à l'encontre de la société Immaction;

REJETTE la demande de la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut, notaire, en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Vu l'équité, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

DIT qu'il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel et que ceux-ci seront supportés par la SCP Cassou de Saint Mathurin, Meinard, Passarini et Maitrehut, notaire, d'une part et par la SCI les Baobabs, d'autre part.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,

Marie-Laure LOUPY. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00776
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.00776 ?
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