La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2022 | FRANCE | N°20/00789

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 23 juin 2022, 20/00789


ARRÊT N° 240



RG N° : N° RG 20/00789 - N° Portalis DBV6-V-B7E-BIE6U







AFFAIRE :



[O] [A] en son nom propre et es qualité de représentant légale de [J] [K] née le [Date naissance 13]/2005, [C] [K] née le [Date naissance 3]/2009, [R] [K] né le [Date naissance 3]/2009, [Y] [K] né le [Date naissance 10]/2011, tous de nationalité française, nés à [Localité 19] et demeurant [Adresse 15]., [N] [K] En son nom propre et es qualité de représentant légal des enfants mineurs : [J] [K] née le [Date naissance 13]/2005, [C] [K] né

e le [Date naissance 3]/2009, [R] [K] né le [Date naissance 3]/2009, [Y] [K] née le [Date naissance 10]/2011, tous de...

ARRÊT N° 240

RG N° : N° RG 20/00789 - N° Portalis DBV6-V-B7E-BIE6U

AFFAIRE :

[O] [A] en son nom propre et es qualité de représentant légale de [J] [K] née le [Date naissance 13]/2005, [C] [K] née le [Date naissance 3]/2009, [R] [K] né le [Date naissance 3]/2009, [Y] [K] né le [Date naissance 10]/2011, tous de nationalité française, nés à [Localité 19] et demeurant [Adresse 15]., [N] [K] En son nom propre et es qualité de représentant légal des enfants mineurs : [J] [K] née le [Date naissance 13]/2005, [C] [K] née le [Date naissance 3]/2009, [R] [K] né le [Date naissance 3]/2009, [Y] [K] née le [Date naissance 10]/2011, tous de nationalité française et nés à [Localité 19], demeurant [Adresse 15], [U] [K], [RE] [K], [U] [K], [L] [A], [S] [M] épouse [A]

C/

[D] [TF] [H] [P], S.A. POLYCLINIQUE DE [Localité 19] ayant un établissement désigné sous le nom LA CLINIQUE [18]

[18], prise en la personne de son représentant légal e

n exercice

, Entreprise SOCIETE HOSPITALIRE D'ASSURANCES MUTUELLES (SHAM) entreprise régie par le Code des assurances, prise en la prs

onne de son représetnant légal en exercice domicilié es qual

ité audit siège

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-VIENNE

CB/MLL

demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

Grosse délivrée

Me AVELINE, avocat

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

---==oOo==---

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

---==oOo==---

Le vingt trois Juin deux mille vingt deux la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

[O] [A] en son nom propre et es qualité de représentante légale de [J] [K] née le [Date naissance 13]/2005, [C] [K] née le [Date naissance 3]/2009, [R] [K] né le [Date naissance 3]/2009, [Y] [K] né le [Date naissance 10]/2011, tous de nationalité française, nés à [Localité 19] et demeurant [Adresse 15].

de nationalité Française

née le [Date naissance 9] 1978 à [Localité 20] (97)

Profession : Assistant(e) de vie, demeurant [Adresse 15]

représentée par Me Frédérique AVELINE de la SCP AVELINE MANDON BARDAUD-CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES

[N] [K] en son nom propre et es qualité de représentant légal des enfants mineurs : [J] [K] née le [Date naissance 13]/2005, [C] [K] née le [Date naissance 3]/2009, [R] [K] né le [Date naissance 3]/2009, [Y] [K] née le [Date naissance 10]/2011, tous de nationalité française et nés à [Localité 19], demeurant [Adresse 15]

de nationalité française

né le [Date naissance 14] 1976 à [Localité 17] (97)

Profession : Sans emploi, demeurant [Adresse 15]

représenté par Me Frédérique AVELINE de la SCP AVELINE MANDON BARDAUD-CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES

[U] [K]

de nationalité française

née le [Date naissance 4] 2002 à [Localité 20], demeurant [Adresse 15]

représentée par Me Frédérique AVELINE de la SCP AVELINE MANDON BARDAUD-CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES

[RE] [K]

de nationalité française

né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 20] (97), demeurant [Adresse 15]

représenté par Me Frédérique AVELINE de la SCP AVELINE MANDON BARDAUD-CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES

[U] [K]

de nationalité française

née le [Date naissance 12] 2000 à [Localité 20] (97), demeurant [Adresse 15]

représentée par Me Frédérique AVELINE de la SCP AVELINE MANDON BARDAUD-CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES

[L] [A]

de nationalité comorienne

né en 1951 à [Localité 16] (97)

Profession : Retraité, demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Frédérique AVELINE de la SCP AVELINE MANDON BARDAUD-CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES

[S] [M] épouse [A]

de nationalité française

née le [Date naissance 11] 1955 à [Localité 20] (97)

Profession : Retraitée, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Frédérique AVELINE de la SCP AVELINE MANDON BARDAUD-CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTS d'un jugement rendu le 15 OCTOBRE 2020 par la première chambre civile du tribunal judiciaire de LIMOGES

ET :

[D] [TF] [H] [P]

de nationalité française

Profession : Médecin anesthésiste, demeurant [Adresse 2]

défaillante

S.A. POLYCLINIQUE DE [Localité 19] ayant un établissement désigné sous le nom LA CLINIQUE [18], prise en la personne de son représentant légal en exercice

sise[Adresse 5]

représentée par Me Jean VALIERE-VIALEIX de la SELARL SELARL ELIGE LIMOGES - CABINET VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Catalina VEYRIRAS, avocat au barreau de LIMOGES

Entreprise SOCIETE HOSPITALIRE D'ASSURANCES MUTUELLES (SHAM) entreprise régie par le Code des assurances, prise en la personne de son représetnant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

Dont le siège social est sis au [Adresse 6]

représentée par Me Jean VALIERE-VIALEIX de la SELARL SELARL ELIGE LIMOGES - CABINET VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Catalina VEYRIRAS, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-VIENNE, sise [Adresse 8]

défaillante

PARTIE INTERVENANTE

---==oO§Oo==---

Selon avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 05 Mai 2022 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 23 Juin 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2022.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Marie-Laure LOUPY, Greffier, A cette audience Madame Corinne BALIAN a été entendue en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Après quoi, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 23 Juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

---==oO§Oo==---

LA COUR

---==oO§Oo==---

Faits et procédure

Le 4 mai 2015, vers 5 heures du matin, Madame [O] [A], enceinte de son septième enfant ( sixième grossesse ayant eu sept enfants nés précédemment entre 1999 et 2011), s'est rendue à la Clinique [18] - établissement de la Polyclinique de [Localité 19] - où il était prévu qu'elle accouche quelques jours plus tard par voie basse.

Elle a été renvoyée chez elle, et ce :

- après avoir subi un examen pratiqué par une sage-femme ayant constaté un col mou, une dilatation à 3 centimètres et une présentation céphalique haute et mobile

- après qu'ait été pratiqué un monitoring cardiaque foetal entre 4h56 et 6h10 .

Ayant ressenti des contractions de plus en plus importantes, Madame [O] [A] est revenue à la Clinique [18] le même jour vers 16h59, où elle a été prise en charge par le Docteur [Z], médecin anesthésiste .

Après la pose par ce médecin d'une anesthésie péridurale à 19h06, il a été observé :

- que Madame [O] [A] avait perdu les eaux vers 23heures

- à 3h51, une bradycardie du foetus ainsi qu'une stagnation de la dilatation .

Devant l'altération du rythme cardiaque foetal et les violentes douleurs abdominales de Madame [O] [A], le Docteur [F] obstétricien, a décidé de recourir à une césarienne, sachant :

- que la rachianesthésie a été pratiquée à 5 h15 par le Docteur [I]

- qu'après avoir pratiqué une hystérotomie,le Docteur [F] a constaté une rupture utérine, ainsi que la mort apparente du foetus qui n'a pu être réanimé .

C'est dans ce contexte que le 26 mai 2015, Madame [O] [A] a saisi la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des Accidents Médicaux- CCI, sachant qu'au résultat d'une expertise médicale confiée au Docteur [V] [B] Expert en chirurgie gynécologique et obstétrique ayant retenu d'une part un retard dans la prise en charge de la césarienne imputable tant au Docteur [P] qu'au Docteur [Z], et d'autre part un manquement dans l'organisation du service au sein de la clinique [18] ayant contribué au retard de prise en charge de la patiente, ladite commission :

- a rendu un avis le 22 juin 2016 dans lequel elle a estimé que la charge de l'indemnisation du dommage revenait à hauteur de 70 % à la Clinique [18] en sa qualité d'employeur des sages-femmes et de responsable de l'organisation du service, à hauteur de 20 % au Docteur [P] et de 10 % au Docteur [Z]

- a invité la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM) assureur de la Clinique [18], à adresser une offre d'indemnisation provisionnelle à Madame [O] [A] .

Non satisfaite par l'offre indemnitaire faite par la SHAM lui proposant la somme de 15.000 € pour son préjudice d'affection, Madame [O] [A] a saisi le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de LIMOGES d'une demande d'expertise et d'une demande de provision, sachant que par ordonnance de référé du 12 juillet 2017 :

- le Docteur [E] [T] a été désigné en qualité d'expert

- la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] et la SHAM ont été condamnées solidairement au versement d'une somme de 5000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices

subis par Madame [O] [A] .

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 5 avril 2018 aux termes duquel il retient la responsabilité des sages-femmes à hauteur de 70 % pour les pertes de temps, et la responsabilité du Docteur [P] à hauteur de 30 % anesthésiste de garde ayant changé sa garde sans prévenir ses collègues .

C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier en date des 15, 20, 25 et 26 février et 1er avril 2019, Madame [O] [A] et Monsieur [N] [K] agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs cinq enfants mineurs [K] [U], [J], [C], [R] et [Y], ainsi que Monsieur [RE] [K] et Mademoiselle [U] [K], (enfants majeurs du couple [O] [A] / [N] [K] ) de même que Monsieur [L] [A] et Madame [S] [M] épouse [A] ( parents de Madame [O] [A] ) ont assigné devant le Tribunal de Grande Instance de LIMOGES la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM), le Docteur [D] [TF] [H] [P], le Docteur [W] [X], ainsi que la CPAM de la Haute-Vienne aux fins d'indemnisation de leurs divers chefs de préjudice

( préjudice d'affection, frais d'obsèques, préjudice matériel ) .

Par jugement du 15 octobre 2020, le Tribunal Judiciaire de LIMOGES, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a notamment :

- condamné Monsieur [W] [X] à payer à Madame [O] [A] la somme de 8000 € à titre de dommages et intérêts

- après avoir fixé à 70 % la part de responsabilité de la Clinique [18], à 20 % la part de responsabilité du Docteur [P] et à 10 % la part de responsabilité du Docteur [Z] ( absente de ladite instance au fond ) condamné in solidum la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P] à payer à Madame [O] [A] les sommes suivantes

* 13.500 € en réparation de son préjudice d'affection, déduction faite de la provision déjà versée

* 1270,73 € en réparation des frais d'obsèques et de concession

- condamné in solidum la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P] à payer

* à Madame [O] [A] et à Monsieur [N] [K] es qualités de représentants légaux de leurs enfants, la somme de 1800 € pour chacun de leurs cinq enfants mineurs [K] [U], [J], [C], [R] et [Y], et ce en réparation de leur préjudice d'affection

* à Monsieur [RE] [K] et Mademoiselle [U] [K], la somme de 1 800 € chacun en réparation de leur préjudice d'affection

* à Monsieur [L] [A] et Madame [S] [M] épouse [A], la somme de 450 € chacun en réparation de leur préjudice d'affection

- débouté

* Monsieur [N] [K] de sa demande d'indemnisation faite en son nom personnel

* Madame [O] [A] du surplus de ses demandes

- condamné in solidum Monsieur [W] [X], la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P]

* à verser à Madame [O] [A] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

* à supporter les dépens de l'instance au fond, averc la précision que les dépens de la procédure de référé incluant notamment les frais d'expertise, resteront à la charge exclusive de la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], de son assureur la SHAM et du Docteur [TF]

[P] .

Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 23 décembre 2020, Madame [O] [A] et Monsieur [N] [K] agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs quatre enfants mineurs [K] [J], [C], [R] et [Y], ainsi que Madame [U] [K], Monsieur [RE] [K] et Mademoiselle [U] [K], de même que Monsieur [L] [A] et Madame [S] [M] épouse [A] ont interjeté appel de ce jugement en intimant :

- Madame [D] [TF] [H] [P]

- la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19]

- la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM)

- la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Vienne .

La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 16 mars 2022, sans que n'aient constitué avocat les parties intimées que sont d'une part le Docteur [TF] [P] et d'autre part la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Vienne .

Il sera statué par arrêt de défaut dès lors que le Docteur [TF] [P] ne s'est pas vu signifier à sa personne les divers actes de procédure qui lui étaient destinés ( déclaration d'appel régularisée le 23 décembre 2020, conclusions d'appelant établies dans l'intérêt des Consorts [A] / [K] ) .

Prétentions des parties

Dans le dernier état de leurs conclusions en date du18 février 2022, Madame [O] [A] et Monsieur [N] [K] agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs quatre enfants mineurs [K] [J], [C], [R] et [Y], ainsi que Madame [U] [K], Monsieur [RE] [K] et Mademoiselle [U] [K], de même que Monsieur [L] [A] et Madame [S] [M] épouse [A] ( ci-après dénommés les Consorts [A] / [K] ) demandent en substance à la Cour :

- de confirmer la responsabilité de la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19] à hauteur de 70 % dans la survenance du dommage qu'ils ont subi

- d'infirmer partiellement le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES, et statuant à nouveau

* de dire le Docteur [TF] [P] seule responsable à hauteur de 30 % des préjudices qu'ils ont subis

* de dire qu'en sa qualité de père de l'enfant [G] [K] ( enfant mort-né ), Monsieur [N] [K] est recevable et bien fondé en sa demande d'indemnisation

* de condamner solidairement la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P] à verser les sommes suivantes

° 30.000 € à Madame [O] [A] en réparation de son préjudice d'affection

° 30.000 € à Monsieur [N] [K] en réparation de son préjudice d'affection

° 15.000 € à [RE] [K] en réparation de son préjudice d'affection

° 15.000 € à [U] [K] en réparation de son préjudice d'affection

° 15.000 € à [U] [K] en réparation de son préjudice d'affection

° 60.000 € à Madame [O] [A] et à Monsieur [N] [K] en leur qualité de représentants légaux de leurs quatre enfants mineurs [K] [J], [C], [R] et [Y], en réparation du préjudice d'affection subi par chacun

° 6000 € à Monsieur [L] [A] en réparation de son préjudice d'affection

° 6000 € à Madame [S] [M] épouse [A] en réparation de son préjudice d'affection

* de condamner solidairement la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P] à rembourser à Madame [O] [A] les frais d'obsèques à hauteur de la somme de 3537,87 €

- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus

- de dire qu'il sera déduit au bénéfice de la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19] la somme de 14.020 € déjà versée par ses soins

- de condamner solidairement les intimés à verser à Madame [O] [A] et à Monsieur [N] [K], en cause d'appel, la somme de 5000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- de condamner les intimés aux entiers dépens de la procédure d'appel .

En l'état de leurs dernières conclusions déposées le 17 mai 2021, la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] et son assureur la SHAM demandent à la Cour :

- de juger infondé l'appel formé à l'encontre de la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19] par les Consorts [A]

- de confirmer en toutes ses dispositions lejugement déféré

- de constater que la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] a versé la somme de 5000 € à titre de provision, outre celle de 9020 € au titre de l'exécution du jugement déféré

- de rejeter toutes demandes ou conclusions contraires

- de condamner les Consorts [A] à verser à la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance d'appel .

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, force est de constater qu'aucune des parties ne vient contester la part de responsabilité mise à la charge de la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] à hauteur de 70 %, dans la réalisation de l'accident médical survenu lors de l'accouchement de Madame [O] [A], qui césarisée avec retard a accouché d'un enfant en état de mort apparente qui ne pourra pas être réanimé

Le litige soumis à la Cour se trouve donc circonscrit :

- à la détermination de la part de responsabilité pouvant être retenue à la charge des anesthésistes que sont d'une part le Docteur [Z] ( absente en première instance comme en cause d'appel ) et d'autre part le Docteur [P] qui bien que régulièrement intimée, n'est pas représentée dans la présente instance d'appel

- à la question de la recevabilité de la demande indemnitaire présentée par Monsieur [N] [K] en son nom personnel, en sa qualité de père de l'enfant mort-né [G]

- à la fixation des indemnités réclamées par les Consorts [A] d'une part en réparation de leur préjudice d'affection, et d'autre part en réparation de leur préjudice matériel ( frais d'obsèques ) .

I) Sur la détermination de la part de responsabilité pouvant être retenue à la charge des anesthésistes que sont d'une part le Docteur [Z] et d'autre part le Docteur [P] :

De l'analyse combinée des deux rapports d'expertise respectivement établis par le Docteur [V] [B] mandaté par la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des Accidents Médicaux et par le Docteur [E] [T] Expert judiciaire mandaté par le Juge des référés, il ressort que la prise en charge de Madame [O] [A] dans les heures ayant précédé son accouchement, a été assurée :

- par le Docteur [Z] médecin-anesthésiste qui a pratiqué une anesthésie péridurale à 19h06, avant de quitter son service

- par le Docteur [F] obstétricien de garde, qui compte tenu des informations alarmantes tardivement transmises par la sage-femme, a décidé de césariser la patiente avant de partir à la recherche d'un médecin-anesthésiste pour assurer la césarienne, alors qu'il est constant

* que le Docteur [P] médecin-anesthésiste était inscrite sur le tableau de garde du 4 mai à partir de 19h30 jusqu'au 5 mai à 7h30, et qu'elle n'a répondu à aucun des deux appels téléphoniques qui ont été passés

* qu'après plusieurs tentatives infructueuses, le Docteur [F] a pu obtenir le concours du Docteur [I] qui une fois arrivé en salle le 5 mai vers 5 heures du matin, a pu pratiquer une rachianesthésie ayant permis de césariser Madame [O] [A] .

De ces éléments, il s'évince :

- que le Docteur [P] a manifestement changé son tour de garde sans en référer à l'administration et à la maternité, et sans s'assurer que sa garde serait effectivement effectuée par par un autre confrère

- que le Docteur [Z] a quitté son service après avoir pratiqué l'anesthésie péridurale sur Madame [O] [A], sans s'assurer que cette patiente à risque allait pouvoir bénéficier d'un suivi adapté notamment par un médecin-anesthésiste, et à tout le moins sans chercher à informer le Docteur [P] qui était censée lui succéder, qu'elle avait posé une anesthésie péridurale sur une patiente ayant une grossesse à risque .

Au vu de ces observations, il convient :

- de considérer que les deux médecins- anesthésistes que sont le Docteur [P] et le Docteur [Z] ont chacune commis une faute dans la prise en charge de l'accouchement par césarienne de Madame [O] [A], qui pratiqué avec retard a provoqué la mort du bébé

- en considération de la gravité des fautes ainsi commises, de retenir

* à la charge du Docteur [P] dont la faute a généré une perte de temps dans la prise en charge de la césarienne, une part de responsabilité fixée à 20 %

* à la charge du Docteur [Z] qui par son abstention fautive, n'a pas permis de mettre en évidence la défaillance du confrère censé lui succéder en tant qu'anesthésiste de garde ni de pallier à ce défaut d'organisation, une part de responsabilité fixée à 10 %

- de confirmer le jugement querellé dans ses dispositions

* ayant trait au partage de responsabilité opéré entre la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] à hauteur de 70 %, le Docteur [P] à hauteur de 20 % et le Docteur [Z] à hauteur de 10 %

* ayant tiré les conséquences de l'inexistence du Docteur [Z] en tant que partie défenderesse à l'action en responsabilité médicale exercée par les Consorts [A], pour énoncer que les condamnations à paiement ne porteront que sur 90 % des postes de préjudice ayant été chiffrés .

II) Sur la recevabilité de la demande indemnitaire présentée par Monsieur [N] [K] en son nom personnel, en sa qualité de père de l'enfant mort-né [G] [K] :

La demande indemnitaire présentée par Monsieur [N] [K] en son nom personnel, se heurte à un obstacle majeur tenant au fait :

- qu'il se voit contester sa qualité de père à l'égard de l'enfant mort-né [G]

- qu'il lui incombe de prouver qu'il était effectivement le père de cet enfant, sachant que pour ce faire, il se prévaut notamment d'un document établi le 6 mai 2015 par la Mairie de [Localité 19] .

De l'analyse de ce document intitulé ' ACTE d'ENFANT SANS VIE ', il ressort qu'il y ait fait mention :

- de la date de l'accouchement, comme étant le 5 mai 2015

- du prénom de l'enfant sans vie, comme étant [G], de sexe masculin

- de la désignation du père, comme étant [N] [K] né le [Date naissance 14] 1976 à [Localité 17] (Mayotte )

- de la désignation de la mère, comme étant [O] [A] née le [Date naissance 9] 1978 à [Localité 20] ( Mayotte )

- de la désignation du déclarant, comme étant le père .

Ce document dressé sur les simples déclarations de Monsieur [N] [K], s'avère totalement insuffisant à établir de façon certaine un lien de filiation paternelle entre ce dernier et l'enfant mort-né [G], et ce en l'absence de tout élément probant qui soit de nature à corroborer les mentions qu'il porte, tel que :

- la production d'un acte de reconnaissance prénatale souscrit par Monsieur [N] [K] et valant aveu de paternité envers l'enfant [G]

- la justification par tout moyen de preuve de l'existence au moment de la conception de cet enfant, d'une communauté de vie entre Monsieur [N] [K] et la mère de l'enfant Madame [O] [A], sachant qu'il est prouvé par le livret de famille versé aux débats que le couple [N] [K] / [O] [A] a divorcé par jugement du 21 février 2006 .

Au vu de ces observations, il y a lieu :

- de considérer que Monsieur [N] [K] ne prouve pas être le père de l'enfant mort-né [G]

- de rejeter la demande indemnitaire présentée par Monsieur [N] [K] en son nom personnel, à l'effet d'obtenir la réparation d'un préjudice d'affection occasionné par la mort de l'enfant [G], et de confirmer de ce chef le jugement critiqué .

III) Sur la fixation des indemnités réclamées par les Consorts [A] d'une part en réparation de leur préjudice d'affection, et d'autre part en réparation de leur préjudice matériel ( frais d'obsèques ) :

1) sur l'indemnisation des préjudices d'affection soufferts par les Consorts [A] :

A titre liminaire, il convient de rappeler que le préjudice d'affection est le préjudice moral subi par les proches à la suite du décès de la victime directe, sachant que ce préjudice d'affection est d'autant plus important qu'il existait une communauté de vie avec la victime .

a) sur le préjudice d'affection de Madame [O] [A] :

En sa qualité de mère de l'enfant [G], Madame [O] [A] sera indemnisée de son préjudice d'affection par l'allocation d'une somme de 20.000  € telle qu e retenue à bon droit par le premier juge, en considération du fait qu'elle a porté son bébé pendant neuf mois jusqu'à son accouchement qui,tardivement pratiqué par césarienne, a rejailli sur la santé du foetus lequel a été extrait en état de mort apparente sans avoir pu être réanimé .

b) sur le préjudice d'affection des frères et soeurs de l'enfant [G] :

Il est constant que Madame [O] [A] a eu sept autres enfants, à savoir [K] [RE], [K] [U], [K] [U], [K] [J], [K] [C], [K] [R] et [K] [Y], sachant que les trois premiers sont désormais majeurs .

Pour avoir perdu un petit-frère qu'ils n'ont toutefois jamais connu, chacun des sept enfants susnommés se verra octroyer une somme de 2000 € à titre de réparation du préjudice d'affection qu'il a personnellement subi, tel que décidé à juste titre par le premier juge .

c) sur le préjudice d'affection invoqué par Monsieur [L] [A] et Madame [S] [M] épouse [A] :

Le préjudice d'affection subi par les intéressés qui justifient être les grands-parents maternels de l'enfant [G], leur sera indemnisé de façon symbolique par l'allocation au profit de chacun d'eux d'une somme de 500 € telle que fixée à bon droit par le premier juge, après prise en compte du fait qu'ils ne résident pas à proximité de leur fille [O] [A] comme étant domiciliés à [Localité 21] DE LA REUNION, et que leur préjudice consiste essentiellement dans la révélation que leur fille n'a pu mener à terme sa septième grossesse .

2) sur l'indemnisation du préjudice matériel invoqué par Madame [O] [A] et Monsieur [N] [K] :

A cet égard, il convient :

- de constater que Madame [O] [A] s'est vu otroyer par le premier juge la somme globale de 1270,73 € à titre de réparation de son préjudice matériel, et ce

* après prise en compte des frais d'obsèques engagés pour un montant de 411,92 €

* après attribution d'une somme de 1000 € au titre des frais de concession funéraire jugés imputables au bébé mort, ' en l'absence de facture '

* après que le préjudice matériel évalué à la somme totale de 1411,92 € ait été amputé de la somme de 141,19 € après prise en compte de la part de responsabilité imputable au Docteur [Z] à hauteur de 10%

- à l'examen du dossier, d'observer l'absence de toute nouvelle pièce qui soit justificative du règlement effectif de frais exposés pour l'attribution d'une concession funéraire familiale à caractère perpétuel .

Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge quant à l'évaluation du préjudice matériel subi par Madame [O] [A], et de débouter Madame [O] [A] et Monsieur [N] [K] du surplus de leurs prétentions formulées de ce chef .

IV) Sur la prise en charge financière des indemnités allouées aux Consorts [A] :

Dans la mesure où les fautes respectivement commises par la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19], le Docteur [P] et le Docteur [Z] ont toutes concouru au retard dans la prise en charge de la césarienne qui a fait que l'enfant n'a pas pu être sauvé, il convient ( en l'absence du Docteur [Z] ) de condamner in solidum la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM), et le Docteur [P] au paiement des diverses indemnités allouées aux Consorts [A], avec la précision que cette condamnation sera prononcée en deniers ou quittances, afin qu'il soit tenu compte des sommes déjà versées par la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] ou pour son compte à hauteur de 5000 € ( montant de la provision ) et de 9020 € .

V) Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a octroyé à Madame [O] [A] une indemnité de 3000 € pour ses frais irrépétibles de première instance .

L'équité commande toutefois de laisser chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel, et de rejeter les réclamations telles que formulées par chacune d'elles en cause d'appel .

Les dépens de première instance seront supportés par Monsieur [W] [X], la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P], et ce à l'exclusion :

- des dépens de la procédure de référé et notamment des frais d'expertise judiciaire qui resteront à la charge exclusive de la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], de son assureur la SHAM et du Docteur [TF] [P]

- des dépens de la présente instance d'appel qui resteront à la charge de Madame [O] [A] et de Monsieur [N] [K] .

---==oO§Oo==---

PAR CES MOTIFS

---==oO§Oo==---

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et susceptible d'opposition, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare recevable l'appel interjeté par Madame [O] [A] et Monsieur [N] [K] agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs quatre enfants mineurs [K] [J], [C], [R] et [Y], ainsi que Madame [U] [K], Monsieur [RE] [K] et Mademoiselle [U] [K], de même que Monsieur [L] [A] et Madame [S] [M] épouse [A] ;

Réforme partiellement le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES ;

Statuant à nouveau ,

Condamne in solidum la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P] à payer en deniers ou quittances :

- à Madame [O] [A], la somme de 18.000 € en réparation de son préjudice d'affection, outre celle de 1270,73 € en réparation de son préjudice matériel

- à [K] [RE], [K] [U] et [K] [U], à chacun la somme de 1800 € en réparation de leur préjudice d'affection

- à Madame [O] [A] et à Monsieur [N] [K],en leur qualité de représentants légaux de leurs quatre enfants mineurs [K] [J], [K] [C], [K] [R] et [K] [Y], la somme de 1800 € pour chacun desdits enfants, en réparation de leur préjudice d'affection

- à Monsieur [L] [A] et Madame [S] [M] épouse [A], à chacun la somme de 450 € en réparation de leur préjudice d'affection ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ,

Fixe à 70% la part de responsabilité mise à la charge de la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] dans la réalisation de l'accident médical survenu lors de l'accouchement de Madame [O] [A] ;

Fixe à 20% la part de responsabilité mise à la charge du Docteur [TF] [P] et à 10% la part de responsabilité mise à la charge du Docteur [Z] dans la réalisation de l'accident médical survenu lors de l'accouchement de Madame [O] [A] ;

Fixe à la somme :

- de 20.000 € le préjudice d'affection de Madame [O] [A], mère de l'enfant [G]

- de 2000 € le préjudice d'affection des frères et soeurs de l'enfant [G]

- de 500 € le préjudice d'affection des grands-parents maternels de l'enfant [G]

Déboute les Consorts [A] du surplus de leurs demandes ;

Rejette les réclamations telles que formulées en cause d'appel par chacune des parties au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Constate que les sommes de 5000 € et de 9020 € ont déjà été versées par la Société POLYCLINIQUE de [Localité 19] ou pour son compte ;

Condamne in solidum Monsieur [W] [X], la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], son assureur la SHAM et le Docteur [TF] [P] à supporter les dépens de première instance, et ce à l'exclusion des dépens de la procédure de référé et notamment des frais d'expertise judiciaire qui resteront à la charge exclusive de la SAS POLYCLINIQUE de [Localité 19], de son assureur la SHAM et du Docteur [TF] [P] ;

Condamne Madame [O] [A] et Monsieur [N] [K] à supporter les dépens de la présente instance d'appel .

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,

Marie-Laure LOUPY. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00789
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;20.00789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award