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09/06/2022 | FRANCE | N°18/00536

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 09 juin 2022, 18/00536


ARRET N° .



N° RG 18/00536 - N° Portalis DBV6-V-B7C-BHZZ6



AFFAIRE :



M. [D] [O]



C/



M. [T] [R], S.A. PACIFICA, Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège auprès de laquelle M. [D] [O] est immatriculé sous le numéro [XXXXXXXXXXX01].









GS/MS







Demande en réparation des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur








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Grosse délivrée à Me Philippe CLERC, Me Philippe PASTAUD, avocats,





COUR D'APPEL DE LIMOGES

Chambre civile

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ARRET DU 09 JUIN 2022

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Le NEUF JUIN DEUX MILLE VIN...

ARRET N° .

N° RG 18/00536 - N° Portalis DBV6-V-B7C-BHZZ6

AFFAIRE :

M. [D] [O]

C/

M. [T] [R], S.A. PACIFICA, Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège auprès de laquelle M. [D] [O] est immatriculé sous le numéro [XXXXXXXXXXX01].

GS/MS

Demande en réparation des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur

Grosse délivrée à Me Philippe CLERC, Me Philippe PASTAUD, avocats,

COUR D'APPEL DE LIMOGES

Chambre civile

---==oOo==---

ARRET DU 09 JUIN 2022

---===oOo===---

Le NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [D] [O]

né le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 10], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Philippe CLERC, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 08 MARS 2018 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES

ET :

Monsieur [T] [R]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 9] (93), demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Philippe PASTAUD de la SELARL SELARL PASTAUD - WILD PASTAUD - ASTIER, avocat au barreau de LIMOGES, Me Laura NIOCHE de la SELARL GAUVIN - ROUBERT & ASSOCIES, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

S.A. PACIFICA, demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Philippe PASTAUD de la SELARL SELARL PASTAUD - WILD PASTAUD - ASTIER, avocat au barreau de LIMOGES, Me Laura NIOCHE de la SELARL GAUVIN - ROUBERT & ASSOCIES, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège auprès de laquelle M. [D] [O] est immatriculé sous le numéro [XXXXXXXXXXX01]., demeurant [Adresse 3]

défaillante, régulièrement assignée,

INTIMES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 07 Avril 2022, après sursis à statuer par arrêt du 21 janvier 2021. L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2022.

La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 25 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

La mise à disposition de cette décision a été prorogée au 09 juin 2022, et les avocats des parties régulièrement avisés.

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LA COUR

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FAITS et PROCÉDURE

Le 18 juin 2011 à [Localité 10], M. [D] [O], motocycliste, a été blessé lors d'un accident de la circulation impliquant l'automobile conduite par M. [T] [R], assuré auprès de la compagnie Pacifica.

M. [O] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Limoges qui a ordonné, le 27 novembre 2013, une expertise médicale confiée au professeur [I] [L] lequel a déposé son rapport le 8 octobre 2015.

Le 21 mars 2017, M. [O] a assigné M. [R], l'assureur de celui-ci, la société Pacifica, et la CPAM de la Haute-Vienne devant le tribunal de grande instance de Limoges en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 8 mars 2018, le tribunal de grande instance a débouté M. [O] de son action après avoir retenu qu'il avait commis des fautes excluant son droit à indemnisation.

M. [O] a relevé appel et, par arrêt infirmatif du 16 mai 2019, la présente cour d'appel a dit que les fautes commises par celui-ci étaient de nature à limiter de 20% son droit à indemnisation (M. [R] étant, avec son assureur, tenu à 80%) et, statuant sur les demandes indemnitaires, elle a:

- rejeté la demande de réparation d'un préjudice d'agrément,

- dit n'y avoir lieu à porter, pour mémoire, un préjudice non justifié lié à l'adaptation du logement,

- alloué des indemnités à M. [O] en réparation de divers chefs de préjudice;

- avant dire droit sur les dépenses de santé futures, les pertes de gains professionnels futurs, les frais de véhicule adapté, d'aide d'une tierce personne et le déficit fonctionnel permanent, invité M. [O] à produire les pièces nécessaires pour statuer sur ses demandes au titre de ces postes de préjudice.

Par arrêt du 27 mai 2020, la cour d'appel, constatant que M. [O] avait chiffré ses dépenses de santé futures dans le corps de ses écritures mais les avait portées 'pour mémoire' dans leur dispositif, a invité celui-ci a mettre ses conclusions en conformité avec l'article 954 du code de procédure civile.

M. [R] et son assureur ont formé un pourvoi contre l'arrêt du 27 mai 2020.

Par arrêt du 21 janvier 2021, la cour d'appel a sursis à statuer sur les dépenses de santé futures, les pertes de gains professionnels futurs, les frais de véhicule adapté, d'aide d'une tierce personne et le déficit fonctionnel permanent jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation statuant sur ce pourvoi.

Par arrêt du 30 septembre 2021, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a déclaré ce pourvoi irrecevable.

MOYENS et PRÉTENTIONS

M. [O] demande de liquider les poste de préjudices sur lesquels il n'a pas encore été statué au montant total de 1 699 919,09 euros, somme qui devra faire l'objet d'un abattement de 20% conformément à l'arrêt du 16 mai 2019.

M. [R] et son assureur conclut au rejet des demandes de M. [O] en soutenant que les indemnités qui ont été versées à celui-ci pour un montant total de 173 361,44 euros sont satisfactoires.

La CPAM n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Dans le dispositif de ses dernières conclusions d'appel, M. [O] réclame:

- 39 160 euros en indemnisation de la perte de gains professionnels actuels,

- 181 611 euros au titre des frais de logement adaptés.

Or, il a été statué sur ces deux postes de préjudice dans l'arrêt de la cour d'appel du 16 mai 2019 qui a:

- alloué à M. [O] une indemnité de 9 234,40 euros en réparation de la perte de ses gains professionnels actuels,

- dit n'y avoir lieu à porter, pour mémoire, le poste non justifié d'un préjudice lié à l'adaptation du logement.

La cour d'appel a donc vidé sa saisine en ce qui concerne ces deux postes de préjudice et M. [O] n'est pas recevable à voir modifier les décisions rendues à leur sujet en réclamant un complément d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels et en chiffrant désormais sa demande indemnitaire au titre de l'adaptation de son logement.

Il convient d'examiner à présent les cinq postes de préjudice sur lesquels il a été sursis à statuer, qui fixent les limites de la saisine de la cour d'appel.

1) Les dépenses de santé futures.

M. [O] a finalement chiffré sa demande dans ses dernières écritures d'appel pour réclamer une indemnité d'un montant total de 56 379,75 euros au titre de la réparation de ce préjudice incluant les achats d'un fauteuil roulant, d'un matelas anti-escarre et d'un fauteuil de douche, en expliquant que ces matériels sont à remplacer tous les cinq ans. Cette demande désormais chiffrée est recevable.

Le rapport d'expertise du professeur [L] mentionne (p. 10) au rang des besoins médicaux à prévoir, après consolidation, le changement:

- du fauteuil tous les cinq ans,

- du matelas anti-escarre,

- du fauteuil douche.

S'agissant du fauteuil roulant, pour lequel M. [O] réclame une indemnité d'un montant de 45 934,93 euros, celui-ci produit des documents de l'assurance maladie faisant état de la livraison du matériel, chacun de ces documents mentionnant un taux de prise en charge de 100%. Pour soutenir supporter le coût d'une partie du prix du matériel, M. [O] se prévaut d'un document intitulé 'preuve que le fauteuil n'est pas remboursé à 100% par la CPAM' qui fait état d'un reste à charge de 4 586,43 euros. Cependant, ce document dactylographié, qui ne comporte ni en-tête ni signature, n'est pas de nature à combattre les mentions figurant sur les formulaires de l'assurance maladie qui a pris en charge des frais d'appareillage pour un montant de 18 034,32 euros sur la période du 28 octobre 2011 au 8 septembre 2014 et pour un montant de 29 561,28 euros sur la période post consolidation du 24 septembre 2014 au 5 mai 2017.

S'agissant du matelas anti-escarre et du fauteuil douche, M. [O] a été invité par l'arrêt avant dire droit du 16 mai 2019, à justifier du prix de ces matériels, de la périodicité de leur renouvellement et de leur éventuelle prise en charge par la MDPH.

M. [O] n'a produit aucun des justificatifs réclamés par la cour d'appel, se bornant à indiquer le prix moyen d'achat de ces matériels, à savoir 695 euros pour un matelas anti-escarre et 475 euros pour un fauteuil de douche. Il n'est justifié ni de la nécessité de leur remplacement, le rapport du professeur [L] ne faisant expressément référence qu'au changement du seul fauteuil roulant tous les cinq ans, ni de la fréquence de ce remplacement, ni de la prise en charge par la MDPH alors même que M. [O] admet cet organisme lui a servi des prestations.

Faute de démontrer l'existence d'un coût resté à sa charge sur le prix de ces matériels, la demande de M. [O] ne peut être accueillie.

2) Les frais de véhicule adapté.

L'accident dont a été victime M. [O] lui a causé une paraplégie sensitivo-motrice de niveau D4 et il se déplace dans une automobile équipée d'une boîte à vitesses automatique et de commandes manuelles (rapport d'expertise p. 8).

M. [O] justifie des frais de commandes manuelles (accélérateur et frein au volant) pour un montant de 2 774,65 euros qui a été pris en charge par la MDPH à concurrence de 2 455,99 euros, soit un reste à charge de 318,66 euros. M. [O] ne justifie pas de la nécessité de renouvellement de ce matériel qui, à priori, peut très bien être adapté sur un nouveau véhicule lors du remplacement de celui-ci.

Les spécificités liés aux adaptations techniques du véhicule rendent nécessaires:

- la régularisation du permis de conduire de M. [O] qui représente un coût de 33 euros pris en charge par la MDPH à concurrence de 24,75 euros, soit un reste à charge de 8,25 euros,

- des frais d'auto école pour la formation de M. [O] sur le véhicule adapté pour un montant de 115 euros pris en charge par la MDPH à concurrence de 86,25 euros, soit un reste à charge de 28,75 euros.

Le montant total des sommes restées à la charge de M. [O] s'élève dont à 355,66 euros (318,66 euros +8,25 euros + 28,75 euros) . M. [R] et son assureur seront donc condamnés in solidum à payer à M. [O] 80% de cette somme, soit 284,53 euros.

3) L'assistance d'une tierce personne.

L'expert judiciaire confirme (rapport p. 10) que l'état de santé de M. [O] nécessite l'assistance d'une tierce personne pour les gestes habituels de la vie courante, la durée de cette aide pouvant être estimée de manière hebdomadaire à 10 heures pour la toilette et le ménage, 2 heures pour les courses et démarches administratives et une heure supplémentaire pour les jours où M. [O] reçoit son fils âgé de 12 ans (né le [Date naissance 7] 2009).

M. [O] réclame à ce titre une somme de 398 004 euros sur la base d'un tarif horaire de 16 euros et d'un euro de rente de 35,822.

Cependant, il apparaît, au vu d'un courrier de la CPAM de la Haute-Vienne que M. [O], bénéficiaire d'une pension d'invalidité depuis le 18 juin 2014, perçoit dans ce cadre d'une 'majoration tierce personne' d'un montant mensuel s'élevant depuis mai 2021 à 1 125,29 euros (sa pension totale étant de 1 749,20 euros par mois).

Cette majoration apparaît suffisante pour couvrir l'aide du tiers, même en la calculant sur la base d'un tarif horaire de 16 € X 13 heures hebdomadaires (qui représente un coût de 208 euros par semaine soit 832 euros par mois).

4) La perte de gains professionnels futurs.

M. [O] réclame une indemnité de 484 912,34 à ce titre.

M. [O], qui a travaillé comme mécanicien automobile, était sans emploi à la date de l'accident. Il est définitivement dans l'incapacité de reprendre son ancien métier. L'expert judiciaire indique que, vu son âge, une réadaptation professionnelle est souhaitable et semble possible après un bilan de compétence, M. [O] envisageant une activité de réparation de petits appareils.

Ses avis d'imposition font état au titre des revenus, d'une pension d'invalidité:

- d'un montant annuel de 7 296 euros pour l'année 2015,

- d'un montant annuel 7 374 euros pour l'année 2018,

- d'un montant annuel de 7 413 pour l'année 2019.

M. [O] perçoit, en outre, l'allocation aux adultes handicapés pour un montant mensuel de 271,08 euros, soit 3 253 euros par an. Cependant, il n'y a pas lieu de prendre en compte cette allocation au titre des revenus en raison de son caractère indemnitaire.

En prenant pour référence le revenu annuel de M. [O] pour l'année 2010, soit 12 106 euros, sa perte de gains professionnels s'établit au montant 4 619 euros par an ( 12 106 euros - 7 487 euros de pension d'invalidité).

La perte de gains professionnels futurs sera calculée comme suit: 4 619 X 26,34 (indice de capitalisation BCIV 2018) X 80% = 97 331,57 euros, somme que M. [R] et son assureur seront donc condamnés in solidum à payer à M. [O] .

5) Le déficit fonctionnel permanent.

M. [O] réclame une indemnité de 518 500 euros à ce titre. Il est recevable à réclamer l'indemnisation de ce poste de préjudice désormais chiffré.

L'expert judiciaire a retenu que M. [O] est atteint d'un déficit fonctionnel permanent qu'il évalue à 85% du fait de sa paraplégie sensitivo-motrice de niveau D4, sans qu'un état antérieur ne puisse être pris en compte dans les séquelles de l'accident de 2011.

L'expert a fixé la date de la consolidation au 22 septembre 2014, M. [O] étant âgé de 32 ans à cette date.

L'indemnisation du déficit fonctionnel permanent sera calculée sur la base d'un point de rente de 6 000 euros, soit: 6 000 X 85 = 510 000 euros X 80% = 408 000 euros

Cependant, la capitalisation de la rente invalidité, soit 459 359,55 euros selon le décompte des débours de la CPAM, doit s'imputer sur l'indemnité due ainsi que le rappelle à juste titre l'arrêt du 16 mai 2019. Il s'ensuit que M. [O] a été rempli de ces droits au titre de son déficit fonctionnel permanent et qu'il ne peut prétendre à une indemnisation complémentaire.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR 

Statuant par décision Réputée contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel du 16 mai 2019;

CONDAMNE in solidum M. [T] [R] et son assureur, la société Pacifica, à payer à M. [D] [O]:

- 284,53 euros au titre des frais de véhicule adapté,

- 97 331,57 euros au titre de la parte de gains professionnels futurs,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

REJETTE les autres demandes de M. [O];

CONDAMNE M. [T] [R] et son assureur, la société Pacifica, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/00536
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.00536 ?
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