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18/05/2022 | FRANCE | N°21/00196

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 18 mai 2022, 21/00196


ARRÊT N° .



N° RG 21/00196 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIFW3







AFFAIRE :



S.A.R.L. [4] SARL

C/

[W] [V]







PLP-JPC/MLM





Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l'expulsion















































G à Me Clerc et Me Durand-Marquet, le 9/5/22











COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 18 MAI 2022

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A l'audience publique de la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le dix huit Mai deux mille vingt deux a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;



ENTRE :





S.A.R...

ARRÊT N° .

N° RG 21/00196 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIFW3

AFFAIRE :

S.A.R.L. [4] SARL

C/

[W] [V]

PLP-JPC/MLM

Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l'expulsion

G à Me Clerc et Me Durand-Marquet, le 9/5/22

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

------------

ARRÊT DU 18 MAI 2022

-------------

A l'audience publique de la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le dix huit Mai deux mille vingt deux a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;

ENTRE :

S.A.R.L. [4] SARL au capital de 50.000 €uros, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 522 056 134, prise en la personne de son Gérant, Monsieur [E] [K], domicilié en cette qualité audit siège social., dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Me Philippe CLERC, avocat postulant, inscrit au barreau de LIMOGES, et par Me Pier CORRADO, avocat plaidant, inscrit au barreau de PARIS, vestiaire : D1587

APPELANTE d'un jugement rendu le 25 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de LIMOGES

ET :

Madame [W] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

---==oO§Oo==---

L'affaire a été fixée à l'audience du 21 Mars 2022, après ordonnance de clôture rendue le 16 mars 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Monsieur Claude FERLIN, Greffier, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, et les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 18 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE :

La résidence avec services pour personnes âgées à l'enseigne 'Résidence [8]', composée de 81 logements, dépend d'un ensemble immobilier situé [Adresse 2], soumis au régime de la copropriété.

Elle a été bâtie et commercialisée par la société [5] qui proposait à des investisseurs une opération globale dite 'clef en main' comprenant :

- un contrat de vente en l'état futur d'achèvement d'un bien immobilier bénéficiant de la défiscalisation PINEL,

- l'engagement de chaque acquéreur de donner son bien immobilier à bail commercial à la société gestionnaire des services, ledit bail autorisant le preneur à exercer l'activité d'exploitant de la résidence pour seniors, consistant en la sous-location d'appartements meublés et la fourniture de services para-hôteliers aux résidents. Le bail commercial conférait au propriétaire-bailleur le statut fiscal de loueur en meublé.

Dans le règlement de copropriété établi par Maître [L], notaire à [Localité 7], la société [6] a été désignée en qualité de société de gestion chargée de fournir les services aux personnes âgées résidantes.

Alors que 29 logements demeuraient invendus, la société [5] a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par le tribunal de commerce de Paris le 27 juin 2011.

L'assemblée générale des copropriétaires s'est réunie le 12 avril 2012, a pris acte de sa défaillance et a approuvé le contrat de prestation de services présenté par la société [4].

Le 27 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société [5] et a ouvert à son encontre une procédure de liquidation judiciaire.

Le 1er août 2017, la société [4] a informé tous les copropriétaires-bailleurs qu'elle se voyait contrainte, à titre conservatoire, de suspendre le règlement de 50% du montant des loyers jusqu'à la clarification de la situation, en faisant valoir que la liquidation judiciaire de la SARL [5] bouleversait le fonctionnement de la résidence, menaçait son avenir et remettait en cause le plan d'action établi en accord avec les copropriétaires.

Postérieurement par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 juin 2021, le contrat de service avec la société [4] n'a pas été renouvelé, avec pour terme le 12 avril 2022.

Mme [V] [Y] est propriétaire d'un des appartements de cette résidence, qu'elle a loué, le 13 mai 2016, à la société [4] dans le cadre d'un bail commercial.

Par ordonnance d'injonction de payer en date du 27 décembre 2018, le président du tribunal de commerce de Limoges a condamné la société [4] à payer à Mme [V] [Y] la somme de 1605,11 € correspondant à un solde de loyer, outre intérêts au taux légal, frais accessoires et dépens de l'instance.

La société [4] a formé opposition à cette ordonnance le 14 février 2019.

Parallèlement, la société [4] a fait assigner M. [B], pris en sa qualité de président du conseil syndical, le syndicat des copropriétaires de la résidence [5] et la société CITYA DURIVAUD, syndic, devant le tribunal judiciaire de Limoges aux fins d'obtenir leur condamnation à procéder à la modification du règlement de copropriété, ainsi qu'à lui verser diverses sommes à titre indemnitaire.

Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal de commerce de Limoges a :

- reçu la société [4] en son opposition formée à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer querellée mais l'a dit mal fondée et l'en a déboutée ;

- débouté la société [4] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné, la société [4] à payer à Mme [V] [Y] la somme de 1932,08 € au titre des loyers, pénalités et frais dus sur la période couvrant les mois de juillet 2017 à décembre 2018 ;

- condamné en conséquence la société [4] à payer à Mme [V] [Y] la somme de 3570,70 € au titre des loyers, pénalités et frais dus sur la période couvrant les mois de janvier 2019 à octobre 2020 ;

- débouté Mme [V] [Y] de sa demande tendant à l'octroi de dommages-intérêts ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce qui précède ;

- condamné la société [4] à verser à Mme [V] [Y] une indemnité de 200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision.

La société [4] a interjeté appel de la décision le 02 mars 2021. Son recours porte sur l'ensemble des chefs de jugement la déboutant de ses demandes ou portant condamnation à son encontre.

Aux termes de ses écritures du 28 février 2022,la société [4] demande à la cour de :

- dire que le règlement de copropriété et le contrat de bail commercial constituent des contrats interdépendants,

- dire que Mme [V] [Y] a tacitement accepté la réduction temporaire de 50% du montant des loyers du bail commercial jusqu'à la retranscription dans le règlement de copropriété des résolutions de l'assemblée générale des copropriétaires du 12 avril 2012 et que, faute de réalisation de cette retranscription, Mme [V] [Y] ne pouvait se prévaloir d'une créance exigible de loyers et accessoires à son encontre ;

En conséquence de :

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- débouter Mme [V] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement, de :

- dire justifiées les exceptions d'inexécution par elle soulevées ;

- en conséquence, d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, de :

- suspendre le paiement des loyers du bail commercial rétroactivement depuis le 1er juillet 2017 jusqu'à la justification par Mme [V] [Y] de la publication au service de la publicité foncière, du règlement de copropriété modifié de la RESIDENCE [5] dans lequel aura été retiré le nom '[6]', conformément aux délibérations des 12 avril 2012 et 15 mars 2018 des assemblées générales des copropriétaires et jusqu'au prononcé du jugement qui sera rendu par la première chambre du tribunal judiciaire de Limoges dans l'affaire n° RG 20/00632 et passé en force de chose jugée ;

En tout état de cause, de :

- débouter Mme [V] [Y] de sa demande nouvelle en cause d'appel de la voir condamnée à lui payer la nouvelle somme de 3930,71 € ;

- condamner la même à lui rembourser les sommes encaissées au moyen des saisies-attributions opérées les 2 mars 2021 et 09 novembre 2021 sur le compte bancaire de la société [4] ouvert auprès du CIC ;

- débouter Mme [V] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la même à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La société [4] soutient que, le contrat de réservation, le règlement de copropriété et le bail commercial conclu entre elle-même et Mme [V] [Y], sont interdépendants en ce qu'ils concourent à une même opération et doivent donc être interprétés en fonction de l'opération visée, de sorte qu'elle est fondée à considérer que le copropriétaire-bailleur a pour obligation de lui permettre d'exploiter l'entière résidence, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce. La société fait valoir qu'en s'abstenant de faire modifier le règlement de copropriété, les copropriétaires-bailleurs ont rendu inefficace les dispositions issues des articles 8a et 8b dudit règlement. Elle affirme que la modification n'a jamais eu lieu en l'absence, sur le document présenté par les intimés, de la justification de son dépôt au service de la publicité foncière.

Tenant compte de cette inexécution, la société [4] considère que les copropriétaires-bailleurs ont consenti une suspension partielle et temporaire du paiement des loyers des baux commerciaux en ne rejetant pas sa proposition en ce sens, la lettre du conseil syndical du 22 juin 2018 confirmant l'acceptation de la retranscription des résolutions de l'assemblée générale des copropriétaires du 12 avril 2012 comme préalable à la reprise du paiement. Ainsi, elle soutient que Mme [V] [Y] n'est pas fondée à se prévaloir d'une créance exigible de reliquat de loyers et accessoires à son encontre.

A titre subsidiaire, la société estime être fondée dans sa demande de suspension des paiements, la non-exécution de l'obligation par les copropriétaires-bailleurs étant en effet suffisamment grave, lui causant une perte de chiffre d'affaires sur 9 ans estimée à 2 160 000 €.

A titre infiniment subsidiaire, la société [4] soutient que Mme [V] [Y] n'a pas respecté l'obligation de délivrance à laquelle elle était tenue en vertu du bail commercial.

En tout état de cause, elle indique que Mme [V] [Y] devra rembourser les sommes encaissées au moyen de saisies-attributions, ayant prélevé des sommes au-delà de sa créance, celle-ci devant en outre nécessairement être déboutée de sa demande pour la période du 1er juillet 2017 au 31 janvier 2022, comme étant nouvelle en cause d'appel.

Aux termes de ses écritures du 10 mars 2022, Mme [V] [Y] demande à la cour de :

- débouter la société [4] de son appel déclaré mal fondé ;

- confirmer, en conséquence, le jugement attaqué ;

Y ajoutant, de :

- condamner la société [4] à lui payer une somme de 3930,71€ au titre des loyers, pénalités et charges demeurés impayés pour la période allant du mois de novembre 2020 au mois de janvier 2022 ;

- condamner la même à lui verser une indemnité de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [4] aux dépens d'appel en accordant à Maître Durand-Marquet, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [V] [Y] conteste une quelconque interdépendance des contrats et soutient avoir respecté ses obligations contractuelles, conformément au contrat de réservation, en concluant un bail commercial avec la société [4], ce qui rend cette dernière débitrice des loyers et charges.

Elle souligne que l'exécution du contrat de bail ne peut être soumise à la modification du règlement de copropriété quant à la dénomination du gestionnaire de la résidence, celui-ci ayant, en tout état de cause, été modifié suivant acte authentique du 24 décembre 2021. De même, elle expose ne jamais avoir renoncé à percevoir l'intégralité des sommes dues au titre des loyers et des charges, la renonciation à un droit ne pouvant se présumer. En outre, elle soutient que les exceptions d'inexécution invoquées par la société [4] sont toutes injustifiées, que cela soit au titre du défaut de modification du règlement de copropriété, le bail commercial ne lui faisant nullement obligation de procéder à cette modification qui lui est impossible individuellement, ou, au titre d'un prétendu défaut de délivrance de l'objet du bail, pour lequel la société n'a, en tout état de cause, pas engagé sa responsabilité devant le tribunal judiciaire qui l'a par ailleurs déboutée de sa demande formée au titre d'un prétendu préjudice né du défaut de modification du règlement de copropriété.

Enfin, elle fait valoir que sa demande au titre des loyers, charges et pénalités du mois de novembre 2020 au mois de janvier 2022 ne peut être considérée comme étant nouvelle en cause d'appel en ce qu'elle est le complément nécessaire de ses prétentions développées en première instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur l'interdépendance des contrats :

Selon la société [4] le contrat de réservation conclu par les copropriétaires dans le cadre de la vente en l'état futur d'achèvement avec la société [5], le règlement de copropriété et le bail commercial sont des contrats interdépendants.

Il est exact qu'il existe des liens étroits entre ces 3 contrats puisque le contrat de réservation précise que sa réalisation est indissociablement et irrévocablement liée à l'engagement du réservataire de contracter à bail et qu'aux termes du règlement de copropriété tout copropriétaire est tenu de souscrire avec le gestionnaire des services ' ci-dessus...[6]...' un contrat de contrat de prestation de services et, que selon le bail commercial, le copropriétaire-bailleur s'engage '...compte tenu de la nécessaire unité que doit représenter une exploitation d'une résidence avec services pour seniors à lui [la société de services] donner à bail aux conditions des présentes tout lot dépendant de l'ensemble immobilier dont il deviendrait propriétaire directement ou indirectement.'

La société [4] reproche à Mme [V] [Y] d'avoir été défaillante dans la mise en oeuvre de la modification du règlement de copropriété pour n'avoir pas fait apparaître son nom en qualité de gestionnaire en lieu et place de celui de ' [6] ' gestionnaire initial qu'elle avait remplacé.

Cependant il sera constaté que c'est en l'état de la référence au gestionnaire ' [6]  ' que la société [4] a conclu le nouveau bail commercial avec l'intimée, ce qui lui a conféré le statut de gestionnaire et lui a permis de sous-louer les locaux objet du bail et d'en percevoir les loyers sans aucune difficulté. Ce contrat ne contient aucune clause subordonnant son exécution à la modification du règlement de copropriété quant à la dénomination du gestionnaire de la résidence. Il ne peut donc être efficacement reproché à Mme [V] [Y] un manquement à ses obligations contractuelles en sa qualité de bailleur ou un manquement à l'obligation issue du règlement de copropriété de souscrire un bail avec le gestionnaire des services.

Par ailleurs la décision de modifier le règlement de copropriété ne relevait pas des pouvoirs exclusifs de Mme [V] [Y] mais nécessitait une délibération de l'assemblée générale de la copropriété, laquelle au demeurant, a été prise le 12 avril 2012 lorsqu'il fut décidé de résilier le contrat de prestation de services avec la société [6] et d'approuver le contrat de même nature avec la société [4].

Quant au règlement de copropriété il a été modifié par acte de Maître [O] [J], Notaire, le 24 décembre 2021 et il ne peut être utilement reproché à Mme [V] [Y] d'être responsable du défaut de réalisation des formalités de sa publication qui ne relevaient pas de ses pouvoirs propres. La société [4] en a d'ailleurs parfaitement conscience comme cela résulte, de ses propres écritures qui évoquent l'inaction fautive du syndicat des copropriétaires et du syndic de la copropriété dans la mise en 'uvre de la modification du règlement de copropriété, et de l'assignation à comparaître devant le président du tribunal de grande instance de Limoges aux fins de voir désigner un administrateur provisoire avec mission d'exécuter les délibérations des assemblées de copropriétaires tendant à la modification du règlement de copropriété.

Il sera en outre relevé que la société [4] ne rapporte pas la preuve qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de louer un seul appartement en raison de l'absence de modification du règlement de copropriété.

Il s'ensuit que n'est pas démontrée l'existence d'une interdépendance entre le contrat de réservation, le règlement de copropriété et le contrat de bail signé par Mme [V] [Y] qui aurait été de nature à autoriser la société [4] à s'affranchir de ses obligations contractuelles pour refuser de régler les loyers dont elle était débitrice envers son bailleur.

2. Sur la renonciation de Mme [V] [Y] à percevoir l'intégralité des loyers et charges :

La société [4] affirme que ' dans le contexte d'inexécution de leur obligation contractuelle de modifier le règlement de copropriété ', les copropriétaires ont consenti à la suspension partielle et temporaire des loyers des baux commerciaux. Elle se fonde sur leur acceptation tacite de la baisse de 50% de leur loyer qu'elle leur a proposée dans une lettre du 1er août 2017.

Il sera en premier lieu constaté qu'à compter du mois d'avril 2020 c'est l'intégralité du montant des loyers que la société [4] a refusé de régler aux bailleurs et sans explications.

S'agissant de ladite lettre circulaire, il ne s'agissait pas d'une proposition de réduction des loyers mais d'une décision ferme de les réduire de manière drastique, prise unilatéralement par la société [4], qui écrivait « En attendant, à titre conservatoire, nous prenons l'initiative d'honorer 50% du montant des loyers jusqu'à la clarification de la situation ».

Comme le souligne Mme [V] [Y] la renonciation à un droit ne se présume pas et ne doit pas être équivoque. Faute d'acception expresse de sa part celle-ci ne saurait être déduite d'une absence de réponse à ce courrier.

Quant au conseil syndical, s'il a tenu, dans une lettre du 18 décembre 2017, à témoigner de son profond attachement à la résidence et de son soutien au gérant de la société de gestion, il ne disposait d'aucune qualité pour représenter les copropriétaires individuellement et ne prétendait d'ailleurs pas le faire.

La société [4] ne peut donc utilement invoquer l'acceptation par Mme [V] [Y] de la baisse de 50 % du loyer.

3. Sur l'exception d'inexécution invoquée par la société [4] :

La société [4] invoque ce moyen en se fondant, d'une part sur le défaut de modification du règlement de copropriété, et d'autre part, sur le défaut de délivrance de l'objet du bail, l'ensemble au visa de l'article 1219 du code civil selon lequel ' Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.'.

Toutefois, dès lors que vient d'être démontrée l'absence de manquement de Mme [V] [Y] à ses obligations contractuelles, ces exceptions d'inexécution ne peuvent pas être accueillies.

En revanche la SARL [4] ne disposait d'aucun droit pour refuser de régler l'intégralité des loyers contractuellement dus à Mme [V] [Y] et c'est de manière justifiée, en droit et en fait, que les premiers juges, après avoir déclaré recevable l'opposition formée à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer en cause, ont débouté la SARL [4] de toutes ses demandes.

4. Sur l'évaluation de la créance, la demande additionnelle et les demandes annexes :

C'est de manière justifiée, au vu des pièces produites et des stipulations du bail, notamment celle instituant dans son article 16-3 une pénalité de 10% de toutes les sommes n'ayant pas fait l'objet d'un règlement, que le tribunal de commerce de Limoges a condamné la SARL [4] à payer à Mme [V] [Y] la somme de 1932,08 € au titre des loyers, pénalités et frais dus, sur la période couvrant les mois de juillet 2017 à décembre 2018.

C'est de manière tout aussi bien fondée qu'elle a condamné cette société gestionnaire à lui payer la somme de 3570,70 € au titre des loyers, pénalités et frais dus, sur la période couvrant les mois de janvier 2019 à octobre 2020.

C'est enfin à juste titre que Mme [V] [Y] sollicite la condamnation de l'appelante à lui régler également la somme de 3930,71 € qui correspond au montant des loyers, charges et pénalités complémentaires dus par la société gestionnaire pour la période postérieure à celle prise en compte par le tribunal de commerce, c'est à dire pour celle allant du mois de novembre 2020 au mois de janvier 2022.

Aucune irrecevabilité n'affecte cette demande qui s'appuie sur l'article 566 du code de procédure civile qui autorise les parties à ' ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'.

Il ne peut pas être utilement reproché à Mme [V] [Y] de ne pas déduire le montant des sommes qu'elle aurait perçues au titre de l'exécution provisoire alors que l'arrêt vaut titre, que cette question relève de son exécution lors de laquelle seront opérées ces déductions, et que, dans l'hypothèse où une contestation de cette nature surgirait à ce stade c'est le juge de l'exécution qui serait compétent pour en connaître.

La SARL [4], qui n'obtient pas gain de cause, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande, de la condamner également au paiement d'une indemnité de 400 € au titre des frais irrépétibles que Mme [V] [Y] a été contrainte d'engager pour organiser sa défense en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

DEBOUTE la SARL [4] de toutes ses demandes ;

DÉCLARE recevable la demande additionnelle présentée par Mme [V] [Y] ;

CONDAMNE la SARL [4] à payer à Mme [V] [Y] la somme de 3930,71 € au titre des loyers, pénalités et charges demeurés impayés, pour la période allant du mois de novembre 2020 au mois de janvier 2022 ;

CONDAMNE la SARL [4] aux dépens de la procédure d'appel en accordant à Maître Christophe Durant-Marquet, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SARL [4] à verser à Mme [V] [Y] une indemnité de 400 € ;

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Claude FERLIN. Pierre-Louis PUGNET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00196
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;21.00196 ?
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