La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2022 | FRANCE | N°21/00048

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 12 mai 2022, 21/00048


ARRÊT N° 196



N° RG 21/00048 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIFFI







AFFAIRE :



M. [Z] [Y] [M], Mme [D] [A] [N] [J] épouse [M]



C/



Mme [L] [T] ÉPOUSE [H] épouse [H]









CB/MK





Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité









Grosse délivrée à Me Philippe PICHON et Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocats









COUR D'APPEL DE LIMOGES
r>

CHAMBRE CIVILE



---==oOo==---



ARRÊT DU 12 MAI 2022



---==oOo==---



Le douze Mai deux mille vingt deux la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :


...

ARRÊT N° 196

N° RG 21/00048 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIFFI

AFFAIRE :

M. [Z] [Y] [M], Mme [D] [A] [N] [J] épouse [M]

C/

Mme [L] [T] ÉPOUSE [H] épouse [H]

CB/MK

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Grosse délivrée à Me Philippe PICHON et Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

---==oOo==---

ARRÊT DU 12 MAI 2022

---==oOo==---

Le douze Mai deux mille vingt deux la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [Z] [Y] [M], né le 28 Décembre 1959 à [Localité 11], demeurant '[Adresse 14]

représenté par Me Philippe PICHON, avocat au barreau de LIMOGES

Madame [D] [A] [N] [J] épouse [M], née le 11 Juin 1970 à [Localité 12], demeurant '[Adresse 14]

Comparante en personne,

représentée par Me Philippe PICHON, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTS d'une décision rendue le 26 NOVEMBRE 2020 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LIMOGES

ET :

Madame [L] [T] ÉPOUSE [H], née le 02 Mai 1944 à [Localité 15], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me Sandrine PAGNOU, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMÉE

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 10 Février 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2022.

A l'audience du 10 Février 2022, l'affaire a été contradictoirement renvoyée à l'audience du 24 Mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, magistrat rapporteur, assistée de Mme Mandana SAFI, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 12 Mai 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a rendu compte à la Cour, composée d'elle-même, de Monsieur Gérard SOURY, et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

---==oO§Oo==---

LA COUR

---==oO§Oo==---

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

Suivant acte notarié reçu le 26 février 2013 par Maître [D] [B] Notaire à [Localité 11] ( Haute-Vienne ) avec la participation de Maître [E] [C] Notaire à [Localité 10] assistant le vendeur, Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] ont acquis de Madame [L] [T] épouse [H], une maison d'habitation avec dépendances (garage,atelier, cave et grenier) située à [Adresse 14], cadastrée Section H N° [Cadastre 6],[Cadastre 7] et [Cadastre 9], et ce moyennant le prix de 97.000 € .

Après avoir vainement entrepris des démarches amiables auprès de la venderesse en prétextant avoir découvert l'existence de servitudes non mentionnées dans l'acte notarié d'acquisition de leur immeuble, dont l'existence d'une servitude de canalisation grevant leur fond, et ce à l'effet d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice, Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] ont par acte d'huissier du 6 août 2019 assigné Madame [L] [T] épouse [H] devant le Tribunal de Grande Instance de LIMOGES, à l'effet :

- de voir dire que les parcelles vendues par cette dernière sont bien affectées d'un vice caché, en l'occurrence l'existence d'une servitude de canalisation grevant leur fond

- de voir condamner leur adversaire au paiement de la somme totale de 36.655 € avec intérêts au taux légal .

Par jugement du 26 novembre 2020, le Tribunal Judiciaire de LIMOGES a :

- déclaré irrecevable car prescrite l'action de Monsieur [M] et de Madame [J]

- débouté Monsieur [M] et Madame [J] de leurs demandes

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires

- condamné Monsieur [M] et Madame [J] à payer à Madame [T] épouse [H] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.

Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 13 janvier 2021, Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] ont interjeté appel de ce jugement .

La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 19 janvier 2022 .

Prétentions des parties

Dans le dernier état de leurs conclusions en date du 17 septembre 2021,Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J]

(ci-après dénommés les Consorts [M]-[J]) demandent en substance à la Cour :

- de déclarer leur appel recevable et bien fondé

- de réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES, et statuant à nouveau au visa des articles 1116 et 1638 du Code Civil

* de dire que Madame [H] a commis un dol à leur égard au moment de la vente des parcelles cadastrée [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 9] situées au lieudit "[Adresse 14]

* de condamner en conséquence Madame [H] à leur payer une somme de 36.655 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir à titre d'indemnisation de leur préjudice ayant résulté de la révélation de la présence d'une servitude de canalisation grevant leur fond, ainsi qu'à leur verser une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et à supporter les entiers dépens en ceux compris le coût des constats d'huissier de Maître [F].

En l'état de ses dernières conclusions déposées le 8 décembre 2021, Madame [L] [T] épouse [H] ( ci-après dénommée Madame [H] ) demande en substance la Cour:

- de déclarer non-fondé l'appel interjeté par les Consorts [M]-[J] contre le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES

- de confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [M] et Madame [J] de l'ensemble de leurs demandes pour vices cachés comme prescrites

- pour le cas où la Cour entendrait faire droit aux demandes de Monsieur [M] et Madame [J], de déclarer irrecevables leurs demandes fondées sur la garantie pour charges non déclarées de l'article 1638 du Code Civil et pour dol comme étant nouvelles en appel, et en tout état de cause de déclarer que les demandes ne pourraient relever que de la seule action en garantie des vices cachés laquelle est prescrite, et de déclarer la demande fondée sur le nouvel article 1137 du Code Civil inapplicable au litige

- à titre subsidiaire, de déclarer non fondées les demandes en garantie pour charges non déclarées de l'article 1638 du Code Civil et pour dol, et de débouter les Consorts [M]-[J] de ces chefs

- à titre plus subsidiaire, d'appliquer la clause de non-garantie stipulée à l'acte de vente en l'absence de preuve de sa prétendue mauvaise foi

- à titre infiniment subsidiaire, de réduire sensiblement la demande indemnitaire présentée par les Consorts [M]-[J] comme étant non justifiée et disproportionnée

- de faire droit à leur appel incident, et en conséquence de réformer le jugement déféré en ce qu'il a limité à 1500 € la condamnation des Consorts [M]-[J] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et statuant à nouveau sur ce point, de les condamner à lui verser la somme de 2640 € à ce titre

- dans tous les cas, de condamner les Consorts [M]-[J] à lui verser la somme de 2640 € pour ses frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel .

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, il convient d'observer qu'en cause d'appel, les Consorts [M]-[J] fondent leur action indemnitaire sur les dispositions des articles 1116 et 1638 du Code Civil ayant respectivement trait au dol et à la garantie des charges non déclarées à l'acheteur , et ce sans rechercher la garantie de leur vendeur pour vices cachés .

I) Sur la recevabilité des actions exercées par les Consorts [M]-[J] :

La recevabilité des actions exercées par les Consorts [M]-[J] au visa des articles 1116 et 1638 du Code Civil sera examinée d'une part du point de vue de la prohibition des prétentions nouvelles en cause d'appel, et d'autre part du point de vue de leur prescription .

1) sur la recevabilité des actions exercées par les Consorts [M]-[J] du point de vue de la prohibition des prétentions nouvelles en cause d'appel :

L'article 564 du Code de Procédure Civile dont Madame [H] sollicite l'application dispose que les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sachant que selon l'article 565 dudit code ' les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ' .

De ces dispositions, il s'évince que pour qu'une prétention soit nouvelle et par là irrecevable, il faut qu'elle diffère de celle qui a été soumise aux premiers juges par son objet ou par les parties concernées ou les qualités de ces dernières .

En l'espèce, force est de reconnaître :

- que dès la saisine du premier juge par voie d'assignation délivrée le 6 août 2019, les Consorts [M]-[J] ont voulu exercer une action indemnitaire à l'encontre de Madame [H], et ce en lien avec l'existence d'une servitude de canalisation grevant le fonds par eux acquis auprès de cette dernière selon acte notarié du 26 février 2013

- qu'en cause d'appel, les Consorts [M]-[J] exercent toujours une action indemnitaire à l'encontre de leur venderesse, et ce qu'ils se disent victimes d'un dol commis par cette dernière ou d'un manquement de cette dernière à son obligation de garantie en matière de servitudes non apparentes

- que les actions indemnitaires exercées par les Consorts [M]-[J] en première instance comme en cause d'appel sont toutes dirigées contre leur venderesse Madame [H], et qu'elles sont toutes ouvertes par le même contrat, à savoir la vente par cette dernière de son immeuble situé à [Adresse 14], suivant acte notarié du 26 février 2013 .

De ces observations, il s'évince que les demandes indemnitaires présentées en cause d'appel par les Consorts [M]-[J] au visa des articles 1116 et 1638 du Code Civil ne sont pas nouvelles de la demande indemnitaire par eux formulée devant le premier juge au visa des articles 1641et suivants dudit code, et ce nonobstant le fait que lesdites demandes reposent sur un fondement juridique différent .

En conséquence, il convient de rejeter le moyen d'irrecevabilité opposé aux Consorts [M]-[J] pour cause de nouveauté de leurs demandes en cause d'appel, et de considérer que ces derniers peuvent légitimement se prévaloir de l'existence d'une servitude de canalisation grevant le fonds qu'ils ont acquis de Madame [H], tant pour dénoncer une dissimulation intentionnelle de leur venderesse qui serait constitutive d'un dol commis à leur préjudice, que pour revendiquer la garantie de leur venderesse pour charges non déclarées .

2) sur la recevabilité des actions exercées par les Consorts [M]-[J] du point de vue de leur prescription :

La question de la prescription des actions exercées en cause d'appel par les Consorts [M]-[J] mérite d'être examinée tant du point de vue du délai dans lequel doivent être engagées lesdites actions, que du point de vue du point de départ du délai de la prescription dans lequel elles sont enfermées, sachant que le délai de prescription comme le point de départ de ce délai vont directement dépendre de la nature de ces actions .

S'agissant de la nature de ces actions exercées par les Consorts [M]-[J] dans le but d'obtenir des dommages et intérêts en réparation des divers chefs de préjudice qu'ils estiment avoir subis en lien avec l'attitude déloyale de leur venderesse, il y a lieu de considérer qu'elles relèvent de la catégorie des actions mobilières qui en vertu de l'article 2224 du Code Civil applicable en l'espèce, se prescrivent par cinq ans .

De l'examen du dossier, il ressort que c'est au moyen d'une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 9 juillet 2018 et adressée à leur vendresse Madame [H], que les Consorts [M]-[J] se sont plaints pour la première fois de la découverte de servitudes ' apparentes et non apparentes 'qui n'avaient pas été mentionnées dans l'acte notarié d'acquisition de la maison par eux acquise auprès de cette dernière, sachant :

- que dans leurs dernières conclusions d'appelants datées du 17 septembre 2021, ils reconnaissent ( en page 2) avoir su ' début 2018 par leur voisin, propriétaire des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2], à savoir Monsieur [P] [S] qui souhaite vendre ses parcelles, qu'il serait bénéficiaire d'une servitude de canalisation d'eaux usées passant au travers des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 7], ainsi que d'un prétendu droit de passage sur la parcelle [Cadastre 9] '

- que cet aveu des Consorts [M]-[J] quant à la date à partir de laquelle ils affirment avoir découvert l'existence de servitudes grevant la propriété par eux acquise auprès de Madame [H], ne se trouve combattu par aucun élément probant de nature à établir la fausseté de ces déclarations et à démontrer que la découverte desdites servitudes remonterait à une période plus proche de la réalisation de la vente immobilière suivant acte notarié du 26 février 2013 .

Au vu de ces éléments, il y a lieu :

- de fixer au 1er janvier 2018, le point de départ de la prescription quinquennale applicable aux actions indemnitaires exercées par les Consorts [M]-[J] à l'encontre de leur vendresse Madame [H]

- de constater qu'en assignant leur vendresse Madame [H] devant le Tribunal de Grande Instance de LIMOGES selon acte d'huissier en date du 6 août 2019, les Consorts [M]-[J] ont agi bien avant l'expiration du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à leur égard le 1er janvier 2018, de sorte qu'ils ne peuvent se voir opposer la moindre irrecevabilité pour cause de prescription de leurs actions .

Les actions exercées par les Consorts [M]-[J] au visa des articles 1116 et 1638 du Code Civil seront par conséquent déclarées parfaitement recevables .

II) Sur le bien-fondé des actions exercées par les Consorts [M]-[J] au visa des articles 1116 et 1638 du Code Civil :

1) sur le dol invoqué par les Consorts [M]-[J] :

Au soutien de leur action indemnitaire pour cause de dol, les Consorts [M]-[J] reprochent à leur vendresse Madame [H] d'avoir été trompés sur la réalité du bien vendu en ce qu'il se trouvait grévé de diverses servitudes ou charges au moment de la vente intervenue le 26 février 2013, sachant :

- que pour prospérer en leur action, il incombe aux intéressés de prouver la dissimulation intentionnelle par Madame [H] d'informations dont elle savait qu'elles revêtaient pour eux un caractère déterminant

- que les faits de dissimulation invoqués par les Consorts [M]-[J] se rapportent

* d'une part à la présence d'une canalisation d'eaux usées passant selon eux au travers des parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 7] par eux acquises de Madame [H]

* d'autre part à l'existence d'un procès-verbal de délimitation daté du 9 mars 1992

* enfin à l'existence d'un droit de passage .

a) sur la dissimulation d'une canalisation d'eaux usées grevant le fonds acquis par les Consorts [M]-[J] auprès de Madame [H] :

A titre liminaire, il ya lieu :

- de constater que l'acte notarié d'acquisition du 26 février 2013 ne mentionne l'existence d'aucune servitude grevant le bien immobilier cédé par Madame [H] aux Consorts [M]-[J]

- au vu des constatations matérielles faites le 8 janvier 2019 par Maître [F] Huissier de Justice à [Localité 16] qui après transport sur la propriété des Consorts [M]-[J], a successivement relevé la présence d'une canalisation sortant sous l'abri construit sur la parcelle N° [Cadastre 6], et arrivant sur la parcelle [Cadastre 1], la présence d'un regard situé sur la parcelle [Cadastre 9] comportant une canalisation sortant de l'immeuble situé sur la parcelle [Cadastre 8], et la présence d'une autre canalisation partant sous la parcelle [Cadastre 9] en direction des parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7], de retenir l'existence d'une canalisation souterraine passant au travers de la propriété acquise par les Consorts [M]-[J] pour ressortir sur la parcelle [Cadastre 1] appartenant à leur voisin Monsieur [P] [S]

- de souligner que la présente procédure n'a pas pour objet de reconnaître à l'existence de ladite canalisation souterraine d'eaux usées, la qualification juridique de servitude .

S'agissant de la condition tenant à la caractérisation d'une dissimulation intentionnelle par leur venderesse Madame [H], il convient à l'examen du dossier :

- de rappeler que l'acte notarié du 10 septembre 1998 par lequel Madame [H] avait acquis la prorpiété de l'immeuble de [Localité 13] revendu aux Consorts [M]-[J] ne mentionne pas l'existence de la moindre servitude grevant ledit bien

- de considérer que la teneur du courrier rédigé le 22 févier 2019 par Madame [H] est totalement insuffisant à caractériser un comportement dolosif de cette dernière, en ce que ce courrier ne contient aucun aveu de sa prétendue connaissance lors de la vente du 26 février 2013, du tracé précis de la canalisation litigieuse comme étant susceptible de grever la propriété qu'elle souhaitait vendre aux Consorts [M]-[J], dès lors

* qu'il ne fait que répondre à une lettre adressée par le Conseil des Consorts [M]-[J] à une période où le différend opposant ces derniers à leur venderesse s'était déjà christallisé autour de la question de l'existence de la canalisation enterrée et de sa connaissance de cette situation

* qu'il résume la position déféndue par Madame [H] déclarant notamment que les travaux de canalisation avaient été faits avant qu'elle ne soit personnellement propriétaire, et précisant ' avoir expliqué tout ceci aux propriétaires actuels dans les moindres détails ', sans qu'il soit possible à la lecture de ce courrier de déterminer à quel moment lesdites explications ont été données et si elles étaient antérieures ou contemporaines de ladite vente .

Au vu de ces observations et en l'absence de tout autre élément qui soit caractéristique de manoeuvres dolosives imputables à Madame [H], il y a lieu de rejeter comme étant infondé le dol invoqué par les Consorts [M]-[J] du chef d'une prétendue dissimulation d'une canalisation d'eaux usées grevant le fonds par eux acquis de Madame [H], et ce d'autant qu'ils ne démontrent pas avoir informé leur venderesse de leur projet d'agrandissement de la maison d'habitation sisie sur la parcelle [Cadastre 9], ni avoir fait de cette possibilité d'agrandissement un élément essentiel de leur consentement à l'acquisition de l'immeuble cédé par cette dernière .

b) sur la dissimulation d'un procès-verbal de délimitation daté du 9 mars 1992 :

Les Consorts [M]-[J] reprochent à Madame [H] de leur avoir caché l'existence d'un procès-verbal de délimitation daté du 9 mars 1992 qui selon eux révèlerait l'existence d'autres servitudes grevant leur fonds, dont une interdiction de clôturer leur parcelle [Cadastre 9].

La thèse ainsi soutenue par les Consorts [M]-[J] ne saurait emporter la conviction de la Cour, sachant :

- que le document dont se prévalent ces derniers est un acte sous seing privé intitulé ' Procès-verbal de délimitation '

* dressé le 9 mars 1992 entre les Consorts [U]-[G] alors propriétaires de la parcelle [Cadastre 2] appartenant désormais à Monsieur [S], et Monsieur [V] alors propriétaire de la parcelle [Cadastre 9], auteur de Madame [H]

* dont la lecture révèle qu'il avait pour finalité de préciser les limites des propriétés appartenant respectivement aux parties signataires à l'instar d'un bornage amiable, avec la précision que ' la limite BCD ne sera pas matérialisée par une clôture ', sans que cette indication ne puisse s'apparenter à une quelconque interdiction de se clore au préjudice du propriétaire de la parcelle [Cadastre 9], sous réserve d'édifier une clôture en retrait de la limite séparative BCD

- qu'il n'est pas démontré par les Consorts [M]-[J] que Madame [H] connaissait l'existence de ce procès-verbal de délimitation du 9 mars 1992 auquel elle n'était pas personnellement partie, et qui n'a pas fait l'objet de la moindre évocation dans le cadre de l'acte authentique du 10 septembre 1998 par lequel elle a acquis des Consorts [V] la prorpiété de l'immeuble de [Localité 13] revendu aux Consorts [M]-[J]

- qu'en tout état de cause, l'absence de matérialisation de la limite séparative BCD par la pose d'une clôture était parfaitement visible à l'occasion d'une simple visite des lieux préalable à la réalisation de la vente, de sorte que les Consorts [M]-[J] sont mal venus à opposer à leur venderesse une prétendue dissimulation intentionnelle d'une situation qui était connue d'eux avant la vente conclue le 26 février 2013 et dont ils ont accepté les incidences en devenant propriétaires des lieux litigieux en toute connaissance de cause .

c) sur la dissimulation d'un droit de passage :

Les Consorts [M]-[J] déduisent une dissimulation par leur venderesse de l'existence d'un droit de passage grevant leurs fonds de l'établissement d'un projet de vente concernant la propriété de leurs voisins les consorts [S]-[O] .

Ce projet d'acte qui rappelle notamment que ' Monsieur et Madame [S], propriétaires du fonds dominant et Monsieur et Madame [M], propriétaires du fonds servant, reconnaissent qu'il existe depuis des temps immémoriaux un droit de passage au profit de la parcelle [Cadastre 2], grevant la cour dépendant du BIEN cadastré Section H numéro [Cadastre 9], longeant la parcelle voisine cadastrée Section H numéro [Cadastre 8] pour aboutir à la voie communale ', est totalement insuffisant :

- à établir l'existence d'une servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 9] et bénéficiant à la parcelle [Cadastre 2], en ce que

* l'acte notarié du 13 décembre 2002 par lequel les époux [S]-[O] ont acquis des Consorts [U]-[G] la propriété de la maison d'habitation voisine de celle appartenant à Madame [H], est totalement taisant sur ce point alors qu'il comporte un paragraphe intitulé ' SERVITUDES ' dans lequel est seulement rappelé que ' l'Acquéreur aura un droit de passage de deux mètres de largeur maximum pour accéder à la parcelle cadastrée Section H N° [Cadastre 3] présentement vendue, sur la parcelle [Cadastre 4] restant la propriété du Vendeur, en bordure de la limite Nord de ladite parcelle [Cadastre 4] '

* les énonciations de ce projet d'acte doivent être analysées à la lumière du procès-verbal de délimitation dressé le 9 mars 1992 entre les Consorts [U]-[G], auteurs de Monsieur [S], et Monsieur [V] auteur de Madame [H], document duquel il résulte des facilités d'accès que les parties signataires se sont réciproquement consenties pour un accès à cheval, par camion et par attelage

- à caractériser la moindre volonté chez Madame [H] de leur dissimuler un élément qui s'avère être dépourvu de tout intérêt, comme ayant trait à l'existence d'un prétendu droit de passage devenu sans objet, en ce que de l'aveu même des époux [S], leur parcelle N° [Cadastre 2] bénéficierait désormais d'un autre accès .

Après examen des différents griefs adressés par les Consorts [M]-[J] à Madame [H], il y a lieu :

- de constater la défaillance des Consorts [M]-[J] dans la caractérisation d'un comportement dolosif de leur venderesse

- de considérer que la défaillance des Consorts [M]-[J] dans la caractérisation d'un comportement dolosif de leur venderesse justifie de les débouter de leur demande indemnitaire pour cause de dol.

2) sur le bien-fondé de l'action en garantie pour charge non déclarée par Madame [H] :

A titre liminaire, il convient :

- de relever qu'au soutien de leur action indemnitaire, les Consorts [M]-[J] sollicitent le bénéfice des dispositions de l'article 1638 du Code Civil, énonçant que ' si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité', sachant que le champ d'application de ce texte a été étendu aux charges non apparentes

- de rappeler que seule la présence de la canalisation souterraine passant au travers de la propriété acquise par les Consorts [M]-[J] pour ressortir sur la parcelle [Cadastre 1] appartenant à leur voisin Monsieur [P] [S] est susceptible de constituer une charge pouvant relever de l'obligation d'information pesant sur leur venderesse, et ce à l'exclusion de la prétendue interdiction de se clore et de la prétendue servitude de passage dont l'existence n'a pu être prouvée par les Consorts [M]-[J] en tant qu'éléments constitutifs de servitudes dissimulées au moment de la vente conclue avec Madame [H] .

S'agissant des caractères de la charge relevant de la garantie due par leur vendeur, il y a lieu :

- de souligner que le vendeur ne doit aucune garantie pour les charges apparentes que l'état des lieux révèle

- à l'examen du dossier, de qualifier de non apparente ladite canalisation, et ce

* nonobstant la présence d'un ouvrage ( regard ) dont l'existence a été constatée par voie d'huissier tel que cela ressort clairement des constatations matérielles faites le 8 janvier 2019 par Maître [F] Huissier de Justice à [Localité 16] ayant constaté ' la présence d'un regard à cheval sur la parcelle [Cadastre 9] et à l'intérieur de l'immeuble de la parcelle [Cadastre 2] '

* en considération du fait qu'un ouvrage visible tel que la présence d'un regard en surface est insuffisant à établir la connaissance par l'acquéreur du tracé précis emprunté par la canalisation ainsi matérialisée, et des possibles restrictions à son droit de construire

- de considérer que la présence de la canalisation souterraine litigieuse non apparante pour les Consorts [M]-[J] est constitutive d'une charge inconnue de ceux-ci, qui en tant que telle pourrait relever de la garantie due par leur venderesse en application des dispositions de l'article 1638 du Code Civil, sous réserve de l'application éventuelle de la clause de non-recours insérée dans l'acte notarié d'acquisition du 26 février 2013 .

Cette clause de non-recours contre le vendeur doit recevoir application en l'espèce, dès lors :

- que Madame [H] ne peut se voir reprocher d'avoir fait preuve de mauvaise foi envers ses cocontractants les Consorts [M]-[J], lesquels ont été jugés totalement défaillants dans la caractérisation d'un comportement dolosif de leur venderesse

- qu'il n'est pas démontré que Madame [H] avait une connaissance avérée de l'existence de la charge ayant trait à la présence de la canalisation souterraine litigieuse .

Au vu de ces observations, il convient :

- de rejeter l'action indemnitaire exercée par les Consorts [M]-[J] au titre de la garantie des charges non déclarées pesant sur leur venderesse

- de débouter les Consorts [M]-[J]

* de leurs demandes indemnitaires, et ce par substitution des présents motifs à ceux adoptés par le premier Juge .

* de leur demande d'indemnité présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

III) Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

L'équité commande de ne pas laisser à la charge de Madame [H] la totalité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en première instance comme en cause d'appel pour résister aux prétentions injustifiées de ses adversaires, de sorte :

- que sera confirmée l'indemnité de 1500 € qu'elle s'est vu allouer par le premier Juge

- que les Consorts [M]-[J] seront condamnés à lui verser une indemnité supplémentaire de 2500 € pour ses frais irrépétibles d'appel .

Pour avoir succombé dans l'intégralité de leurs prétentions en première instance comme en cause d'appel, les Consorts [M]-[J] seront condamnés à supporter les entiers dépens .

---==oO§Oo==---

PAR CES MOTIFS

---==oO§Oo==---

LA COUR,

Statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare recevables l'appel interjeté par Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J], et l'appel incident formé par Madame [L] [T] épouse [H] ;

Déclare parfaitement recevables les actions exercées par les Consorts [M]-[J] au visa des articles 1116 et 1638 du Code Civil;

Confirme le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de LIMOGES :

- en ce qu'il a déboouté Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] de leurs demandes indemnitaires, et ce par substitution des présents motifs à ceux adoptés par le premier Juge

- en ce qu'il a condamné Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] à payer à Madame [L] [T] épouse [H] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] de leur demande indemnitaire pour cause de dol ;

Dit que la clause de non-recours insérée dans l'acte notarié d'acquisition du 26 février 2013 doit recevoir application en l'espèce ;

Rejette l'action indemnitaire exercée par les Consorts [M]-[J] au titre de la garantie des charges non déclarées pesant sur leur venderesse ;

Condamne Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] à verser à Madame [L] [T] épouse [H] la somme de 2500 € pour ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne Monsieur [Z] [M] et Madame [D] [J] à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel .

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Mandana SAFI. Corinne BALIAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00048
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.00048 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award