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19/12/2019 | FRANCE | N°18/010731

France | France, Cour d'appel de Limoges, Cc, 19 décembre 2019, 18/010731


ARRET N 595

No RG 18/01073 - No Portalis DBV6-V-B7C-BH4A4

AFFAIRE :

SCP BTSG Es qualité de liquidateur judiciaire de feu Monsieur L... E...
et es qualité de liquidateur judiciaire de Madame P... E....

C/

SA ALLIANZ VIE, CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE

GS/MK

Action en responsabilité exercée contre l'établissement de crédit pour octroi abusif de crédits ou brusque rupture de crédits

Grosse délivrée à Me Anne DEBERNARD-DAURIAC et à Me Patrick PAGES, avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARR

ET DU 19 DECEMBRE 2019
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Le DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF la chambre civile a rendu l'arrêt dont la te...

ARRET N 595

No RG 18/01073 - No Portalis DBV6-V-B7C-BH4A4

AFFAIRE :

SCP BTSG Es qualité de liquidateur judiciaire de feu Monsieur L... E...
et es qualité de liquidateur judiciaire de Madame P... E....

C/

SA ALLIANZ VIE, CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE

GS/MK

Action en responsabilité exercée contre l'établissement de crédit pour octroi abusif de crédits ou brusque rupture de crédits

Grosse délivrée à Me Anne DEBERNARD-DAURIAC et à Me Patrick PAGES, avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
---==oOo==---
ARRET DU 19 DECEMBRE 2019
---===oOo===---

Le DIX NEUF DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

SCP BTSG Es qualité de liquidateur judiciaire de feu Monsieur L... E... et es qualité de liquidateur judiciaire de Madame P... E... dont le siège social est sis : [...]

représentée par Me Albane CAILLAUD de la SELARL MCM AVOCAT, avocat au barreau de BRIVE

APPELANTE d'une décision rendue le 21 SEPTEMBRE 2018 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE

ET :

SA ALLIANZ VIE, dont le siège social est sis : [...]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES

CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE, dont le siège social est sis : [...]

représentée par Me Patrick PAGES de la SCP DIGNAC - BEAUDRY PAGES - PAGES, avocat au barreau de BRIVE

INTIMEES

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Suivant avis de fixation de la Présidente de chambre chargée de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 07 Novembre 2019.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2019.

La Cour étant composée de Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 12 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. Le délibéré a ensuite été prorogé au 19 Décembre 2019 et les parties régulièrement informées.

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LA COUR
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FAITS et PROCÉDURE

Les époux E... ont financé l'acquisition d'un bien immobilier au moyen de deux prêts souscrits le 7 mars 2015 auprès de la Caisse de crédit agricole Centre France (la Caisse) pour des montants de 200 000 et 115 964 euros, leur remboursement étant garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers.

Par lettre du 13 mars 2015, L... E..., titulaire d'une assurance-vie auprès de la société Allianz vie, a sollicité que la Caisse soit désignée bénéficiaire de ce contrat, en remplacement de son épouse.

L... E... est décédé le 28 mai 2015 et son commerce de débit de boissons, exploité en nom propre, a été mis en liquidation judiciaire le 25 août 2015, la société BTSG étant désignée en qualité de liquidateur.

Mme P... E..., qui exploitait en nom propre un salon de coiffure, a été mise en liquidation judiciaire le 22 mars 2016, la société BTSG étant désignée en qualité de liquidateur.

Soutenant que le capital de l'assurance-vie avait été indûment versé à la Caisse et que cette dernière avait consenti des prêts excessifs, le liquidateur de Mme E... a assigné cet établissement de crédit et l'assureur-vie devant le tribunal de grande instance de Brive pour obtenir la condamnation:
- de la Caisse à lui rembourser le capital de l'assurance-vie soit 228 674 euros ainsi qu'à lui payer des dommages-intérêts,
- de la société Allianz à lui payer des dommages-intérêts en réparation de ses préjudices de jouissance, moral et financier.

Par jugement du 21 septembre 2018, le tribunal de grande instance a débouté le liquidateur de son action.

Le liquidateur a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

Le liquidateur maintient ses demandes initiales en cause d'appel en soutenant l'existence d'erreurs affectant les propositions de financement ainsi que le caractère excessif des prêts au regard de la capacité de remboursement des emprunteurs. S'agissant de l'assurance-vie, le liquidateur soutient que la modification de la clause bénéficiaire n'est pas effective faute de régularisation de l'avenant la prévoyant. Subsidiairement, il oppose le caractère disproportionné des garanties souscrites par la Caisse.

La Caisse conclut à la confirmation du jugement en opposant les dispositions de l'article L.650-1 du code de commerce en l'absence de toute fraude, immixtion caractérisée ou disproportion des garanties souscrites. Subsidiairement, elle conteste tout lien de causalité entre les prêts consentis et les procédures collectives ouvertes à l'égard des emprunteurs. Elle conteste, enfin, avoir manqué à son devoir de mise en garde.

La société Allianz conclut à la confirmation du jugement. Elle soutient la validité de la modification de la clause bénéficiaire. Subsidiairement, elle considère excessives les demandes indemnitaires du liquidateur.

MOTIFS

Attendu que les emprunteurs ne peuvent être considérés comme "avertis"; qu'en effet, Mme P... E... exploitait en nom propre un salon de coiffure tandis que son défunt mari, L... E..., était, de son vivant, débitant de boissons; que ces professions ne prédisposent aucunement à l'acquisition de connaissances particulières en matière de crédit.

Attendu qu'en présence d'emprunteurs non avertis, la Caisse était débitrice d'une obligation d'information qui lui imposait notamment de se renseigner, préalablement à l'octroi des crédits, sur leur situation économique et, tout particulièrement, sur leur capacité de remboursement, ce qui impliquait de les interroger sur leur niveau d'endettement.

Attendu que, même si la caisse ne produit pas de fiche de solvabilité signée des emprunteurs, il s'avère que sa proposition de financement du 11 février 2015 a été élaborée au vu des déclarations des emprunteurs sur leurs revenus imposables des années 2013 et 2014 ( 63 125 euros) et sur leur endettement résultant de leurs crédits en cours (1 448,53 euros par mois); que, s'agissant d'un régime déclaratif, la Caisse n'avait pas à se livrer à des investigations ou à des vérifications des éléments déclarés, sauf anomalie apparente.

Attendu que le liquidateur fait observer à juste titre que le revenu mensuel des emprunteurs tel que retenu par la Caisse ( 6 605,74 euros) est surévalué au regard de leurs revenus imposables déclarés de l'année 2014 (63 125 euros soit 5 260,41 euros par mois); que, surtout, s'il ne peut être reproché à la Caisse de n'avoir pas pris en considération, au titre de l'endettement des emprunteurs, des crédits qui ne lui auraient pas été révélés par les époux E... et dont elle pouvait légitimement ignorer l'existence, il n'en va pas de même des emprunts qui avaient été consentis par cet établissement bancaire qui pouvait donc en prendre connaissance par une simple recherche interne; que le niveau d'endettement des époux E... auprès de la seule Caisse à la date des prêts litigieux excède notablement le montant de mensuel retenu de 1 448,53 euros par mois pour atteindre un montant mensuel de plus de 2 000 euros, ce qui, après prise en compte des deux crédits souscrits le 7 mars 2015, représente un taux d'endettement sensiblement supérieur à celui -déjà excessif- de 54 % retenu dans la proposition de financement pour les 27 premiers mois de remboursement; qu'il apparaît donc que ces deux prêts du 7 mars 2015 ont été abusivement consentis aux époux E... puisque constitutifs pour eux d'un endettement excessif.

Attendu qu'en vertu de l'article L.650-1 du code de commerce, lorsque, comme en l'espèce, les emprunteurs ont été mis en liquidation judiciaire, la Caisse créancière ne peut être tenue pour responsable des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Attendu que le liquidateur n'allègue ni fraude de la Caisse, ni immixtion de celle-ci dans la gestion des époux E...; qu'il soutient que la Caisse a pris des garanties disproportionnées aux crédits consentis.

Attendu que, au rang des garanties, la Caisse a fait inscrire sur l'immeuble financé un privilège de prêteur de deniers à concurrence d'un montant total de 361 320 euros, excédant certes les sommes prêtées pour tenir compte des intérêts, frais et accessoires divers;

Attendu que, le 24 février 2015, L... E... a adhéré à l'assurance groupe couvrant le décès et l'invalidité souscrite par la Caisse auprès de la CNP Assurances; que son épouse a expressément refusé le bénéfice de cette assurance ainsi que cela ressort des mentions du formulaire d'adhésion produit par la Caisse, lequel ne fait pas l'objet d'une plainte pour faux; que le 6 mars 2015, la Caisse a informé L... E... de la décision de l'assureur de surseoir à statuer sur sa demande d'adhésion jusqu'au 1er septembre 2015 et qu'une solution alternative était recherchée; que le 13 mars 2015, les époux E... ont conjointement signé l'autorisation donnée à la Caisse de débloquer le montant total des fonds prêtés en toute connaissance de l'absence de garantie de la part de CNP Assurances; que, le même jour, L... E... a modifié au profit de la Caisse la clause bénéficiaire de son contrat d'assurance-vie souscrit en 1999 auprès de la société PFA Vie, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Allianz;

Attendu que le liquidateur conteste la validité de cette modification faute de régularisation de l'avenant la prévoyant;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L.132-8 du code des assurances que la modification de la clause bénéficiaire d'une assurance-vie n'est pas subordonnée exclusivement à la signature d'un avenant et qu'elle peut valablement s'opérer -dès lors comme en l'espèce que le précédent bénéficiaire n'avait pas manifesté d'acceptation- par un acte unilatéral contenant l'expression claire et non équivoque de cette modification; que c'est par une exacte appréciation des termes du courrier signé par L... E... le 13 mars 2015 que le premier juge a retenu que ce document satisfaisait aux exigences de l'article L.132-8 du code des assurances, sans qu'il soit besoin d'une acceptation de l'assureur, la société Allianz, à la modification stipulée.

Attendu qu'en l'état du refus finalement opposé le 31 mars 2015 par l'assureur à la demande d'adhésion de L... E... au contrat d'assurance groupe décès-invalidité, la modification par ce dernier de la clause bénéficiaire de son assurance-vie -qui peut s'inscrire dans la cadre de la recherche de la solution alternative envisagée par la Caisse dans son courrier du 6 mars 2015- ne peut être considérée comme la prise par cet établissement de crédit d'une garantie disproportionnée, même si celui-ci bénéficiait déjà de son privilège de prêteur de deniers;

Qu'il s'ensuit que les demandes indemnitaires formées par le liquidateur ne peuvent être accueillies, tant à l'égard de la Caisse qui n'a pas pris de garanties disproportionnées à ses concours qu'à l'égard de la société Allianz qui n'a fait qu'appliquer la modification valablement stipulée de la clause bénéficiaire de l'assurance-vie de L... E...; que le jugement sera confirmé.

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PAR CES MOTIFS
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LA COUR

Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Brive le 21 septembre 2018;

Vu l'équité, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

DIT que les dépens seront pris en frais privilégiés des liquidations judiciaires de L... E... et de Mme P... E....

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Mandana SAFI. Johanne PERRIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Cc
Numéro d'arrêt : 18/010731
Date de la décision : 19/12/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2019-12-19;18.010731 ?
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