ARRET N 209
No RG 18/01256 - No Portalis DBV6-V-B7C-BH4WW
AFFAIRE :
M. Q... X..., Mme C... N...
C/
SELARL D... M.J. ès qualités de mandataire liquidateur de la Société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE - exerçant sous l'enseigne GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la Société BANQUE SOLFEA
GV/MK
Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente
Grosse délivrée à Me Guillout, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES
Chambre civile
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ARRET DU 09 AVRIL 2019
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Le NEUF AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Q... X..., né le [...] à GUERET (23000), demeurant [...]
représenté par Me Philippe CHABAUD de la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES
Madame C... N..., née le [...] à PIONNAT (23140), demeurant [...]
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'une décision rendue le 13 DECEMBRE 2018 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE GUERET
ET :
SELARL D... M.J. ès qualités de mandataire liquidateur de la Société NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE - exerçant sous l'enseigne GROUPE SOLAIRE DE FRANCE - SAS au capital de 1.000.000 €, RCS BOBIGNY 524 221 397, dont le siège social était [...] , nommé par décision du Tribunal de Commerce de BOBIGNY du 12 novembre 2014, dont le siège social est sis : [...]
non comparante, non représentée, bien que régulièrement assignée
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la Société BANQUE SOLFEA, dont le siège social est sis : [...]
représentée par Me Carole Guillout, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEES
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Suivant l'ordonnance en date du 31 Décembre 2018, rendue par Madame la Première Président de la Cour d'appel de Limoges, l'affaire a été fixée à l'audience du 05 Mars 2019.
La Cour étant composée de Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, greffier. A cette audience, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Johanne PERRIER, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 09 Avril 2019 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 18 octobre 2011, suite à un démarchage à domicile, M. Q... X... a signé un bon de commande auprès de la SAS NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, agissant sous l'enseigne GROUPE SOLAIRE DE FRANCE, aux fins d'installation d'une centrale photovoltaïque pour un prix total de 19 400 € TTC.
Selon offre préalable datée du même jour, M. Q... X... et Mme C... N... ont souscrit auprès de la SA BANQUE SOLFEA un crédit d'un montant de 19 400 € affecté au financement de l'installation photovoltaïque ci-dessus énoncée.
Le 31 octobre 2011, la SAS NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE établissait une facture d'un montant de 19 399,99 € à l'attention de M. X... lequel signait le même jour une attestation de fin de travaux aux termes de laquelle il demandait le déblocage des fonds à la BANQUE SOLFEA .
Par jugement rendu le 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE et a désigné Maître G... K... ès qualités de mandataire liquidateur.
Par acte de cession de créances du 28 février 2017, la SA BNP PERSONAL FINANCE est venue aux droits de la SA BANQUE SOLFEA.
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Par acte d'huissier en date des 27 et 28 mars 2017, M. Q... X... et Mme C... N... ont fait assigner la SA BANQUE SOLFEA et Maître G... K..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, devant le tribunal d'instance de Guéret aux fins notamment de voir prononcer l'annulation des contrats de vente et de crédit affecté et voir condamner la BANQUE SOLFEA à leur verser diverses sommes en raison des fautes commises par elle.
Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal d'instance de Guéret s'est déclaré incompétent pour statuer au profit du tribunal de commerce de Guéret.
M. X... et Mme N... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe le 27 décembre 2018.
Par ordonnance du 31 décembre 2018, la présidente de la chambre civile a autorisé M. X... et Mme N... à assigner à jour fixe la SAS NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à l'audience du 5 mars 2019.
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Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 27 février 2019, M. Q... X... et Mme C... N... demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
et, statuant à nouveau, de :
- déclarer recevables leurs demandes en disant que le tribunal d'instance est compétent pour statuer
- dire leurs demandes recevables et bien fondées ;
- condamner la SA BNP PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la BANQUE SOLFEA, aux dépens et à leur payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que seul le tribunal d'instance est compétent pour statuer au vu des articles R. 312-35 du code de la consommation et R. 221-39 du code de l'organisation judiciaire dès lors que le litige concerne une opération de crédit soumise au code de la consommation.
En effet, l'article L. 110-1 1o du code de commerce n'institue qu'une présomption simple et ne peut recevoir application en l'espèce.
Ayant été démarchés à domicile, ils ont signé les actes de vente et de crédit exclusivement en qualité de consommateurs (M. est cuisinier, Mme est vendeuse)et aucunement de commerçants. Ces contrats renvoient aux dispositions du code de la consommation (bordereau de rétractation...) avec expressément mention de la compétence du tribunal d'instance. Le contrat principal ne dit mot sur la revente d'électricité à EDF qui reste un tiers aux contrats souscrits.
La revente d'électricité en faible quantité par des particuliers reste un acte civil. L'électricité n'est pas selon eux un bien meuble au sens de l'article L. 110-1 1o du code de commerce. La vente de sa propre production n'est pas un acte de commerce. Et les actes de commerce accessoires à un acte civil restent civils dans ces conditions.
Il ne s'agit pas en l'espèce d'un acte de commerce puisque, à supposer qu'il y en ait eu un, celui-ci est intervenu postérieurement à la formation du contrat initial conclu avec la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, la première facture de vente d'électricité à ERDF datant du 23 avril 2013.
Leur objectif était d'autofinancer un projet éco-responsable en amortissant le crédit et non d'en tirer un bénéfice. Ils n'ont donc pas eu la volonté de réaliser des actes de commerce.
Aux termes de ses conclusions déposées le 19 février 2019, la SA BNP PERSONAL FINANCE demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Guéret et de condamner solidairement M. X... et Mme N... à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que la production d'énergie photovoltaïque revendue à un tiers relève des articles L. 110-1 et 2 du code de commerce et que les contrats de vente et de crédit affecté sont des actes commerciaux accessoires.
Elle prétend que l'objet de l'installation financée était de revendre l'électricité produite à EDF et non de satisfaire un usage personnel.
Une fois l'installation raccordée, l'électricité produite est injectée sur le réseau et revendue de manière continue à EDF, peu important que la facturation intervienne une fois par an.
La Direction générale des finances publiques a reconnu à plusieurs reprises que la vente d'électricité constitue un acte de commerce et que les producteurs d'énergie sont imposables au titre des bénéfices industriels et commerciaux.
S'agissant du contrat principal de vente, si les parties sont libres de soumettre au droit de la consommation les contrats qui n'en relèvent normalement pas, leur intention à ce titre doit être démontrée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Sur ce,
- Sur la compétence du tribunal de commerce
Attendu que l'article L. 110-1 du code de commerce dispose que la loi répute actes de commerce tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ;
Attendu que sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre selon l'article 528 du code civil ; que l'électricité peut se transporter d'un lieu à un autre ; qu'il s'agit donc d'un bien meuble ;
Attendu que la production d'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques constitue l'activité de travail et de mise en oeuvre au sens de l'article L. 110-1 du code de commerce ;
Attendu que cet article n'institue qu'une présomption simple qui peut être renversée par la preuve contraire ;
Qu'ainsi, pour dire s'il s'agit ou non en l'espèce d'un acte de commerce, il convient de rechercher si l'installation photovoltaïque litigieuse n'est pas principalement destinée à un usage personnel ;
Attendu que, concernant la destination de l'installation photovoltaïque, le contrat d'achat d'électricité conclu entre M. X... et Mme N... d'une part et ERDF d'autre part mentionne expressément:
- "La nature de l'exploitation est : vente en totalité", ce qui est confirmé par les factures d'achat de l'électricité par ERDF qui indiquent: "0" au niveau du compteur de contrôle de non-consommation ;
- "Le producteur atteste sur l'honneur que les générateurs de l'installation objet du présent contrat n'ont jamais fonctionné dans un cadre commercial ou industriel, ou produit d'électricité à des fins d'autoconsommation ou dans le cadre d'obligation d'achat" ;
- "Le producteur déclare bénéficier de la franchise fixée par l'article 293 B du code général des impôts", relatif à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Attendu en conséquence que les pièces du dossier établissent formellement que l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques en cause sont destinés exclusivement à la revente à ERDF et aucunement à un usage personnel de M. X... et Mme N... ;
Attendu en outre que le contrat de vente conclu entre M. X... et Mme N... et la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE le 18 octobre 2011 ne prévoit que l'acquisition et l'installation d'une centrale photovoltaïque, à l'exclusion de l'acquisition d'un ballon thermodynamique, d'un chauffage réversible ou d'une pompe à chaleur qui auraient pu être alimentés par l'installation photovoltaïque pour un usage personnel ;
Que M. X... et Mme N... ne rapportent donc pas la preuve qu'ils aient eu la volonté d'acquérir l'installation photovoltaïque dans un but autre que de revendre l'électricité produite à ERDF ; que même s'ils ont eu une préoccupation écologique, l'objet principal de l'installation photovoltaïque est la revente d'électricité à ERDF ;
Attendu que le fait qu'ils ne soient pas des commerçants professionnels, qu'ils aient été démarchés à domicile, que leur production ne s'élève qu'à 2 220 Wc et qu'in fine ils ne dégagent pas de bénéfice de cette activité ne permet pas de mettre en cause cette volonté d'affecter l'installation photovoltaïque à un usage autre que personnel, c'est à dire une revente à ERDF en totalité par une production en continu ;
Qu'en conséquence, le contrat d'acquisition de cette installation et le contrat de crédit affecté à son financement sont des actes de commerce accessoires à celui de production et vente l'électricité, acte de commerce principal, comme caractérisé ci-dessus ; qu'en effet, ces contrats ont été conclus dans le but de réaliser un acte de commerce, c'est à dire de vendre de l'électricité à ERDF puisque cela est le seul objet de l'installation photovoltaïque en cause ;
Qu'ainsi, même si les dispositions du code de la consommation ont été visés aux termes du contrat de vente et d'installation des panneaux photovoltaïques ainsi que du contrat de crédit affecté, ces actes relèvent de la compétence du tribunal de commerce en application des dispositions de l'article L 721-3 3o du code de commerce ;
Que c'est donc à bon droit que le tribunal d'instance de Guéret s'est déclaré incompétent pour statuer au profit du tribunal de commerce de Guéret ;
Que le jugement déféré doit donc être confirmé de ce chef ;
- Conséquences
Attendu que M. X... et Mme N... demandaient en première instance l'annulation du contrat de vente conclu avec la SAS NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE et du contrat de crédit affecté, ainsi que le remboursement des sommes versées par la BANQUE SOLFEA en raison des fautes commises par elle dans le déblocage des fonds ;
Qu'ils demandent en appel de dire leurs demandes recevables et bien fondées ;
Mais attendu que le bien fondé de leurs demandes reposaient sur l'application du droit de la consommation ; Or attendu que seule l'application du droit commercial est retenue, ce qui ne leur permet pas d'obtenir l'annulation des contrats de vente et de crédit accessoire avec les conséquences de droit ;
Qu'ils doivent donc être déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que M. X... et Mme N... succombent à l'instance; qu'ils doivent donc être condamnés solidairement aux dépens ;
Qu'il est équitable également de les condamner avec la même solidarité à payer à la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la BANQUE SOLFEA, la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant par décision Rendue par défaut, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de Guéret le 13 décembre 2018 ;
DEBOUTE M. Q... X... et Mme C... N... de l'ensemble de leurs demandes ;
CONDAMNE solidairement Q... X... et Mme C... N... à payer à la société la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la BANQUE SOLFEA, la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE solidairement Q... X... et Mme C... N... aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Mandana SAFI. Johanne PERRIER.