ARRET N.
RG N : 16/ 01092
AFFAIRE :
Mme Halima X...épouse Y..., M. Ahmed Y..., Mme Yasmina Y..., majeure représentée par sa mère Halima X...épouse Y..., es qualité de tutrice, M. Z...Y..., mineur représenté par sa mère Halima X...épouse Y...et son père Ahmed Y..., es qualité de représentants légaux, Mme A...Y..., mineure représentée par sa mère Halima X...épouse Y...et son père Ahmed Y..., es qualité de représentants légaux
C/
SA SANOFI AVENTIS FRANCE
ST/ ER
Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale
Grosse délivrée à Me DAURIAC, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES Chambre civile--- = = oOo = =--- ARRET DU 27 JUIN 2017--- = = = oOo = = =---
Le VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE DIX SEPT la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Halima X...épouse Y..., demeurant ...
représentée par Me Emilie ROUX, avocat au barreau de LIMOGES, Me Charles JOSEPH-OUDIN de la SELARL DANTE et prise en la personne de Me Sophie JOUSLIN de NORAY, avocats au barreau de PARIS,
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2016/ 005380 du 29/ 09/ 2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
Monsieur Ahmed Y..., demeurant ...
représentée par Me Emilie ROUX, avocat au barreau de LIMOGES, Me Charles JOSEPH-OUDIN de la SELARL DANTE et prise en la personne de Me Sophie JOUSLIN de NORAY, avocats au barreau de PARIS,
Madame Yasmina Y..., majeure représentée par sa mère Halima X...épouse Y..., es qualité de tutrice, demeurant ...
représentée par Me Emilie ROUX, avocat au barreau de LIMOGES, Me Charles JOSEPH-OUDIN de la SELARL DANTE et prise en la personne de Me Sophie JOUSLIN de NORAY, avocats au barreau de PARIS,
Monsieur Z...Y..., mineur représenté par sa mère Halima X...épouse Y...et son père Ahmed Y..., es qualité de représentants légaux, demeurant ...
représentée par Me Emilie ROUX, avocat au barreau de LIMOGES, Me Charles JOSEPH-OUDIN de la SELARL DANTE et prise en la personne de Me Sophie JOUSLIN de NORAY, avocats au barreau de PARIS,
Madame A...Y..., mineure représentée par sa mère Halima X...épouse Y...et son père Ahmed Y..., es qualité de représentants légaux, demeurant ...
représentée par Me Emilie ROUX, avocat au barreau de LIMOGES, Me Charles JOSEPH-OUDIN de la SELARL DANTE et prise en la personne de Me Sophie JOUSLIN de NORAY, avocats au barreau de PARIS,
APPELANTS d'une ordonnance de référé rendue le 18 mai 2016 par le Président du Tribunal de grande instance de LIMOGES
ET :
SA SANOFI AVENTIS FRANCE, dont le siège social est sis 82, avenue Raspail-94255 GENTULLY CEDEX, représentée par son Président Directeur Général France en exercice
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me Armand AVIGES de la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
--- = = oO § Oo = =-- Suivant calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, en application de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a été fixée à l'audience du 9 mars 2017 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 20 avril 2017. A l'audience de plaidoirie du 9 mars 2017, l'affaire a été renvoyée à celle du 18 mai 2017.
A cette dernière audience, la Cour étant composée de Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de Chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 juin 2017 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Exposé :
Souffrant d'épilepsie, Mme Halima X..., épouse Y..., est traitée depuis 1987 par la prise de Dépakine Chrono ®, spécialité pharmaceutique à base d'acide valproïque commercialisée par la société anonyme SANOFI-AVENTIS FRANCE (SANOFI). Elle a accouché les 24 septembre 1995, 19 novembre 1999 et 21 novembre 2005 de trois enfants, Yasmina, Z... et A...Y..., qui présentent des malformations ainsi que des retards de développement et des troubles comportementaux.
Le 3 mars 2016, Mme X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de sa fille Yasmina, ainsi que M. Ahmed Y...et son épouse, née Halima X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs Z... et A...(les consorts Y...) ont assigné la société anonyme SANOFI-AVENTIS FRANCE (SANOFI) afin de voir ordonner une expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Par une ordonnance de référé du 18 mai 2016, le président du tribunal de grande instance de Limoges les a déboutés de leurs demandes.
Vu l'appel interjeté le 13 septembre 2016, contre cette ordonnance, par les consorts Y...;
Vu les dernières conclusions d'appel des consorts Y..., reçues au greffe le 9 mars 2017, tendant, par l'infirmation de la décision attaquée, à l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile avec désignation d'un neuropédiatre, à la délivrance à SANOFI d'une injonction de communication de pièces sous astreinte et à la condamnation de cette société à leur verser la somme de 20 000 euros à titre de provision pour frais d'expertise sur le fondement de l'article 809, alinéa 2, ou subsidiairement 808 ou 700, du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions d'appel (no 2) de SANOFI, reçues au greffe le 12 mai 2017, tendant à la confirmation de l'ordonnance déférée et au rejet des demandes de provision et de communication de documents ; subsidiairement, à la désignation d'un collège expertal ;
Motifs :
Attendu que, selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;
Que l'article 146, alinéa 1er, du même code précise, toutefois, qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver ;
Or, attendu qu'en l'espèce, au regard des conclusions extrêmement développées prises par chacune des parties à l'instance de référé et du nombre très important de pièces pertinentes contradictoirement échangées entre elles (cf. conclusions des appelants p. 81 à 93 et de l'intimée p. 55), il apparaît que les consorts Y...disposent dès à présent, pour prouver les faits dont pourrait dépendre-quel qu'en soit le fondement juridique envisageable (cf. leurs conclusions d'appel p. 50 à 52)- la solution d'un litige en responsabilité et indemnisation dirigé contre SANOFI, d'éléments suffisants se rapportant spécialement aux dates et à la posologie des prises de Dépakine chrono ® par Mme X...(cf. ses conclusions d'appel p. 13 et 34 et les conclusions adverses p. 5), aux constatations médicales relatives à son état de santé ainsi qu'aux pathologies physiques et mentales affectant ses trois enfants Yasmina, Z... et A...(v. conclusions des appelants p. 34 à 44), à la datation et au contenu de la mise sur le marché de ce médicament, des révisions de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), des mises à jour des résumés des caractéristiques du produit (RCP) et des notices d'information au regard de l'évolution des connaissances médicales et scientifiques quant aux risques tératogènes, manifestement connus de très longue date, de cet antiépileptique à base de valproate de sodium, liés à une exposition in utero du fœtus à ce produit lorsqu'il est pris en période de grossesse de la mère (cf., notamment, conclusions d'appel des appelants p. 6 et 7, et de SANOFI p. 13-14 et 25 à 28) ;
Attendu qu'ainsi, au regard de l'inutilité de l'expertise médicale sollicitée pour établir cet ensemble de faits, de l'inadéquation de cette mesure d'instruction in futurum pour donner, avant tout engagement d'un procès, un avis technique et scientifique sur la question de fond que constituent les responsabilités encourues, et plus spécialement l'imputabilité et le lien éventuel de causalité entre la prise de la Dépakine ® par Mme X...pendant ses grossesses et les malformations et troubles neuro-développementaux pouvant être observés sur ses enfants (cf. conclusions d'appel des appelants p. 33, 57, 60, 67, 71 et 78), ainsi que de l'absence, pour assurer l'opposabilité d'investigations expertales, de tout appel en cause des membres du corps médical incriminés (v. p. 15, 17, 20, 52, 61 et 64), des organismes (CPAM de la Haute-Vienne et MSA de la Dordogne) expressément visés par les conclusions des appelants (p. 79), ainsi que des établissements publics potentiellement concernés (AFSSAPS, ANSM, ONIAM), la cour d'appel considère que les consorts Y...ne justifient pas de l'intérêt légitime légalement exigé par les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, de sorte que, par confirmation de l'ordonnance déférée, ils doivent être déboutés de leur demande d'expertise judiciaire présentée sur ce fondement ;
Qu'en outre, au stade d'une telle instance en référé-expertise qui n'a pas pour finalité de permettre d'ordonner des mesures générales d'investigation, il n'apparaît, non plus, pas légitime de faire injonction à SANOFI d'avoir à procéder, sous astreinte, à une communication globale et aussi peu définie (cf. conclusions des consorts Y...p. 72 et 79) de documents scientifiques, médicaux ou même internes à l'entreprise (ensemble de la littérature médicale et pharmacologique, signalements de pharmacovigilance, courriers des professionnels de santé,...) ;
Attendu que, par voie de conséquence, les époux Y..., qui, en l'absence d'une obligation non sérieusement contestable, d'une urgence démontrée au regard de la grande ancienneté des faits, ou de succombance de la défenderesse dans la charge des dépens, ne remplissent aucune des conditions exigées pour la mise en œuvre des dispositions de l'article 809, alinéa second, du code de procédure civile, ou subsidiairement de celles des articles 808 ou 700 de ce code, invoquées comme fondements juridiques, ne peuvent également qu'être déboutés de leur demande, nouvellement formée en cause d'appel, de demande de paiement d'une somme à titre de provision " pour frais d'expertise " ;
Qu'au surplus, il convient d'observer que, sans préjudice des actions qui peuvent le cas échéant être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices relatifs aux malformations ou troubles du développement imputables à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés pendant une grossesse, est dorénavant à même d'être assurée, aux termes des articles L. 1142-24-9 et suivants du code de la santé publique issus de l'article 150 de la loi no 2016-1917 du 29 décembre 2016 et applicables à compter du 1er juillet 2017 (article 3 du décret no 2017-810 du 5 mai 2017), par la saisine par la victime, ses représentants légaux ou ses ayants droit, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), auprès duquel est placé un collège d'experts compétent pour procéder à toute investigation utile à l'instruction de la demande et diligenter, le cas échéant, une expertise ;
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PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme l'ordonnance de référé rendue le 18 mai 2016 par le président du tribunal de grande instance de Limoges ;
Y ajoutant,
Déboute M. Ahmed Y...et son épouse, née Halima X..., agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs Z... et A...et, pour Mme X..., de tutrice de sa fille Yasmina, de leurs demandes, formées contre la société anonyme SANOFI-AVENTIS FRANCE aux fins de communication de documents sous astreinte et de paiement d'une provision pour frais d'expertise ;
Les condamne aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux règles en matière d'aide juridictionnelle ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de ce chef des parties.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Patrick VERNUDACHI.