ARRET N.
RG N : 15/ 00666
AFFAIRE :
M. Bertrand X..., Mme Marie-Louise Edith X...
C/
M. Roland Z... MANDATAIRE JUDICIAIRE
GS/ MCM
Grosse délivrée à SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 19 MAI 2016--- = = = oOo = = =---
Le DIX NEUF MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Bertrand X... de nationalité Française, né le 25 Mars 1942 à TUNIS (Tunisie), Retraité, demeurant...-92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représenté par Me Vincent CHATRAS de la SCP CHATRAS-DELPY et ASSOCIES, avocat au barreau de CORREZE
Madame Marie-Louise Edith X... de nationalité Française, née le 30 Avril 1935 à TUNIS (Tunisie), Retraité, demeurant...-24120 COLY
représentée par Me Vincent CHATRAS de la SCP CHATRAS-DELPY et ASSOCIES, avocat au barreau de CORREZE
APPELANTS d'un jugement rendu le 27 NOVEMBRE 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES, rectifié par jugement du 5 FEVRIER 2015 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
Monsieur Roland Z..., liquidateur judiciaire de Mme Pascale Y..., de nationalité Française, né le 30 Juillet 1945 à BUZANCAIS Mandataire judiciaire, demeurant...-87000 LIMOGES
représenté par Me Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me Jean Pierre FABRE, avocat au barreau de PARIS
INTIME
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Le dossier de la procédure a été communiqué au Ministère Public le 26 février 2016 et visa de celui-ci a été donné le 1er mars 2016 ;
Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 Mars 2016 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 6 Mai 2016. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2016.
A l'audience de plaidoirie du 17 Mars 2016, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Conseiller SOURY a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
FAITS et PROCÉDURE
Par acte des 9 mars et 7 juillet 1998, les consorts X... ont donné à bail commercial aux époux B... un local situé à Tulle à compter du 1er janvier 1998 pour l'exploitation d'un fonds de commerce de librairie, papeterie, jouets, cadeaux, vidéo, loterie, presse.
En février 2002, les époux B... ont vendu ce fonds de commerce à Mme Pascale Y..., laquelle a été mise en liquidation judiciaire le 1er décembre 2005, Me Roland Z... étant désigné en qualité de liquidateur.
Par lettre recommandée avec AR du 5 janvier 2006, les propriétaires bailleurs ont demandé au liquidateur de prendre position sur la continuation du bail. Le liquidateur ne répondra pas à ce courrier.
Le 2 février 2006, l'EURL Le coffre à jouets, dirigée par M. Bernard C..., a adressé au liquidateur une offre d'acquisition du droit au bail pour un prix de 23 000 euros.
Par ordonnance du 20 avril 2006, le juge-commissaire a autorisé cette cession au profit de M. C... en précisant que celui-ci fera son affaire personnelle de l'opposabilité aux propriétaires bailleurs de l'acte de cession à intervenir en une forme compatible avec le bail.
Estimant la vente parfaite, le liquidateur a assigné M. C... devant le tribunal de commerce de Limoges en paiement du prix de vente.
Par arrêt infirmatif du 25 novembre 2010, la cour d'appel a retenu que la cession du droit au bail avait été autorisée par le juge-commissaire au profit de M. C..., et non de l'EURL Le coffre à jouets, avant de dire que le liquidateur était tenu au paiement des loyers à compter du 1er décembre 2005, date de la liquidation judiciaire.
Les consorts X... ont assigné Me Z... devant le tribunal de grande instance de Limoges pour voir sa responsabilité personnelle engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil en lui reprochant :- d'avoir opté pour la poursuite du bail commercial,- d'avoir omis de faire une requête en rectification ou en interprétation de l'ordonnance du juge-commissaire du 20 avril 2006,- d'avoir méconnu la clause du bail commercial relative à la destination des lieux en proposant la vente du droit au bail à un repreneur ayant une activité différente, sans demande d'autorisation préalable des propriétaires bailleurs.
Me Z... a soulevé la prescription de l'action des consorts X... sur le fondement de l'article 2224 du code civil.
Par jugement du 27 novembre 2014, rectifié par jugement du 5 février 2015, le tribunal de grande instance a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité des consorts X....
Ces derniers ont relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
Les consorts X... contestent la prescription de leur action en responsabilité dirigée contre Me Z.... Ils soutiennent que ce dernier a commis des fautes dans l'accomplissement de sa mission de liquidateur et ils réclament sa condamnation personnelle à leur payer :- l'intégralité des loyers dus sur la période du 1er décembre 2005 au 30 avril 2011,- une indemnité compensatrice de la perte de valeur de leur immeuble,- des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral.
Me Z... conclut à la confirmation du jugement.
Le dossier de l'affaire a été communiqué au ministère public qui n'a pas conclu.
MOTIFS
Attendu que les consorts X... recherchent la responsabilité personnelle de Me Z... sur le fondement de l'article 1382 du code civil en lui reprochant trois séries de fautes commises dans l'accomplissement de sa mission de liquidateur de Mme Y..., fautes qui, selon eux, les ont privé d'un locataire successeur de cette dernière dans le bail commercial, les privant par suite du bénéfice des loyers.
Attendu que le point de départ du délai de prescription de cinq ans de l'article 2224 du code civil doit être fixé au jour du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel du 25 novembre 2010 invalidant la cession du droit au bail au profit de l'EURL Le coffre à jouets au motif que cette cession avait été autorisée par le juge-commissaire au profit, non pas de cette EURL, mais de M. C... personnellement ; que ce n'est, en effet, qu'à compter de cette décision, que les consorts X... ont eu connaissance des faits qu'ils invoquent au soutien de leur action ; que cette action, engagée par les consorts X... par assignation du 6 novembre 2013, apparaît recevable ; que le jugement sera infirmé de ce chef.
Attendu que les consorts X... reprochent à Me Z... d'avoir opté pour la poursuite du bail commercial.
Mais attendu que, selon l'article L. 622-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 applicable au litige, que la liquidation judiciaire n'entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l'activité de l'entreprise ; que Me Z... n'ayant pas répondu à la lettre recommandée du 5 janvier 2006 par laquelle les consorts X... lui demandaient de prendre position sur la continuation du bail commercial et ces derniers n'en ayant pas réclamé la résiliation, ce bail s'est poursuivi dans les termes du droit commun ; qu'il ne saurait être reproché à Me Z..., liquidateur de Mme Y..., de n'avoir pas demandé la résiliation du bail commercial alors qu'il se trouvait saisi, dès le 2 février 2006, d'une offre d'achat du droit attaché à ce bail émanant de l'EURL Le coffre à jouets.
Et attendu que, sur la base de cette offre, Me Z... a saisi le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme Y... d'une requête tendant à voir autoriser la cession de ce droit au bail, identifiant cependant de manière erronée le cessionnaire comme étant, non pas l'EURL Le coffre à jouets, mais M. C... personnellement ; que cette cession a été autorisée au profit de ce dernier par ordonnance du juge-commissaire du 20 avril 2006 ; que le liquidateur n'a pas saisi le juge-commissaire d'une requête en rectification de son ordonnance pour voir la cession du droit au bail autorisée au profit de l'EURL Le coffre à jouet, conformément à l'offre d'achat du 2 février 2006.
Et attendu que le bail en cause n'est pas un bail " tous commerces " mais un bail limité à " l'exercice de : Librairie, papeterie, jouets, cadeaux, vidéo, son, loto, loterie, distribution de la presse (journaux, publications) ; que le bail précise que les locaux ne pourront être utilisés même temporairement à un autre usage et il ne pourra être exercé aucun autre commerce que celui sus indiqué ; que l'activité qui devait être celle du cessionnaire du bail, soit la vente de jouets uniquement, dont il n'est pas contesté qu'elle était connue du liquidateur, n'était pas conforme à la destination des lieux convenue dans le bail ; qu'il appartenait au liquidateur de se rapprocher des consorts X..., préalablement à la saisine du juge-commissaire, pour obtenir leur accord à une modification de la clause du bail relative à la destination des lieux loués, ce qu'il a négligé de faire.
Mais attendu que ces deux fautes imputables au liquidateur apparaissent sans lien de causalité avec le préjudice invoqué par les époux X... tenant à la privation d'un locataire venant succéder à Mme Y... dans la location des lieux loués et le paiement des loyers ; qu'en effet, même si Me Z... avait saisi le juge-commissaire d'une requête aux fins d'autorisation de cession du droit au bail au profit de l'EURL Le coffre à jouets, et même s'il avait sollicité l'accord préalable des consorts X... sur une modification de la clause du bail relative à la destination des lieux loués, il se serait, en tout état de cause, heurté au refus persistant de ceux-ci d'une telle modification ainsi que cela résulte du courrier de Me A... du 15 juin 2006, ce refus faisant à lui seul obstacle à la réalisation du projet de cession envisagé ; qu'il s'ensuit que l'action en responsabilité des consorts X... ne peut être accueillie.
Attendu que l'équité ne justifie pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement rendu le 27 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Limoges, rectifié par jugement de ce même tribunal du 5 février 2015 ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevable mais non fondée l'action en responsabilité engagée par les consorts X... à l'encontre de Me Roland Z... et, en conséquence, les DÉBOUTE de leur action ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les consorts X... aux dépens et DIT qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.