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19/05/2016 | FRANCE | N°15/00303

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 19 mai 2016, 15/00303


COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 19 MAI 2016--- = = = oOo = = =---

ARRET N.
RG N : 15/ 00303
AFFAIRE :
SAS SAUR FRANCE
C/
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, SA IRH ENVIRONNEMENT, SA X...
Grosse délivrée à Me Christophe DURAND-MARQUET, SELARL DAURIAC et ASSOCIES et SELARL LEXAVOUE, avocats
Le DIX NEUF MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
SAS SAUR FRANCE dont le siège social est 1 Avenue Antoine LAVOISIER-78280 GUYANCO

URT

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barre...

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 19 MAI 2016--- = = = oOo = = =---

ARRET N.
RG N : 15/ 00303
AFFAIRE :
SAS SAUR FRANCE
C/
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, SA IRH ENVIRONNEMENT, SA X...
Grosse délivrée à Me Christophe DURAND-MARQUET, SELARL DAURIAC et ASSOCIES et SELARL LEXAVOUE, avocats
Le DIX NEUF MAI DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
SAS SAUR FRANCE dont le siège social est 1 Avenue Antoine LAVOISIER-78280 GUYANCOURT

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Christophe CABANES de la SELARL CABANES-NEVEU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE d'un jugement rendu le 19 DECEMBRE 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE représentée par le Président de son Conseil d'Administration, domicilié en cette qualité au siège de la société sis 4, rue Jules LEFEBVRE-75009 PARIS
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Franck REIBELL, avocat au barreau de PARIS
SA IRH ENVIRONNEMENT dont le siège social est 11bis rue Gabriel Péri-54515 VANDOEUVRE LES NANCY CEDEX

représentée par Me Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me Philippe EL FADL, avocat au barreau de PARIS
SA X......

représentée par Me Philippe MAISONNEUVE de la SELARL MCM AVOCAT, avocat au barreau de CORREZE, Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
--- = = oO § Oo = =---
L'affaire a été fixée à l'audience du 17 Mars 2016 en application des dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Mai 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---

La société X... dont le président est M. Yves X... exploite sur la commune d'... une entreprise de traitement de fruits frais et plus particulièrement de marrons.
Le 6 octobre 1999 elle a signé avec M. Y..., architecte, un contrat de maîtrise d'œuvre en vue de la construction d'une nouvelle usine.
Ce contrat portait uniquement sur la construction de l'usine qui a été réalisée et qui ne fait pas l'objet de réclamations.
Selon contrat du 31 mars 2000, la société X... a confié à la société IRH ENVIRONNEMENT, spécialisée dans le domaine de l'assainissement, une mission dite d'assistance technique en vue de la réalisation d'une filière de traitement des eaux résiduaires industrielles issues de son usine.
Au vu du dossier de consultation des entreprises réalisé par cette société, la société SAUR France a formulé une proposition qui a été acceptée par la société maître de l'ouvrage.
C'est ainsi qu'a été signé le 10 octobre 2000 un acte d'engagement confiant à la société SAUR la conception technique er la réalisation de la filière de traitement des eaux au prix global et forfaitaire de 838 500 € HT.
Un avenant à ce contrat a été signé le 12 mars 2001 en vue de la réalisation d'une station de prétraitement au prix de 55 000 € HT.
Le délai de livraison de la station était fixé au 31 octobre 2001, de telle sorte qu'elle puisse être utilisée pour le traitement des marrons qui étaient livrés à l'automne.
Les travaux de construction de la station ont été terminés en décembre 2001 et un constat d'achèvement a été établi par la société IRH le 9 janvier 2002.
Le déménagement de l'usine a été réalisé de février 2002 à septembre 2002.
La société X... qui s'est plaint du retard pris dans la réalisation de la station et de dysfonctionnements dus au colmatage du tamis rotatif par la présence d'amidon, nécessitant d'utiliser de l'eau extérieure et les interventions manuelles de son personnel, a obtenu par ordonnance de référé du 1er août 2002 l'organisation d'une mesure d'expertise au contradictoire des sociétés SAUR et IRH.
L'expert, M. Z..., a déposé le 16 novembre 2004 un rapport dans lequel il retenait les sommes de 54 921 € HT représentant la valeur du prétraitement inadapté, de 51 070 € HT au titre des pénalités de retard (67 jours) et de 6 156 € au titre de l'utilisation d'eau potable pour le nettoyage, le tout sans prise en compte du préjudice d'exploitation restant à évaluer au vu des justificatifs que la société X... fournirait devant le tribunal.
Il ajoutait, concernant le prétraitement, que la société X... devrait relancer une consultation et des études techniques avant d'envisager la réalisation d'un nouvel équipement adapté à ses besoins, ce qui représentait un préjudice important, à considérer.
Par acte des 17 et 18 mai 2005, la société X... a fait assigner la société SAUR et la société IRH DEVELOPPEMENT devant le tribunal de grande instance de BRIVE en paiement d'une somme totale de 1 357 044 €.
Des négociations ont conduit à la rédaction d'un protocole d'accord transactionnel qui a été signé par les sociétés SAUR et IRH mais n'a pas été retourné par la société X... à laquelle les trois exemplaires avaient été avait été adressés courant décembre 2005.
Dans ce protocole, la société SAUR acceptait de verser à titre transactionnel une somme de 343 000 € HT, soit 410 228 € TTC « couvrant l'ensemble des sommes réclamées par la SA X... dans le cadre de son assignation », versement se décomposant en un règlement par chèque, le jour de la signature du protocole, d'une somme de 262 626, 82 € HT, soit 314 101, 68 € TTC, et en un abandon de créance de 80 373, 18 € HT, soit 96 126, 33 € TTC, au titre du solde de son marché.
La société IRH DEVELOPPEMENT acceptait quant à elle, à titre transactionnel, de prendre en charge une partie de l'indemnité globale de 343 000 € HT, soit 410 228 € TTC, dans la limite de 10 %.
La procédure engagée en mai 2005 a fait l'objet d'une radiation.
La société X... a obtenu en référé, par une ordonnance du 26 juillet 2007 confirmée par arrêt de cette cour en date du 24 avril 2008, l'organisation d'une nouvelle expertise au contradictoire des sociétés SAUR et IRH.
L'expert, M. A..., a déposé le 16 avril 2007, avant qu'il ait été statué sur l'appel de l'ordonnance l'ayant désigné, un rapport définitif dans lequel il évaluait les sommes dues au titre du retard de livraison et des dysfonctionnements à la somme totale de 923 145 € HT.
Une ordonnance de référé du 12 novembre 2009 qui devait être confirmée par un arrêt de cette cour du 17 février 2011 a condamné les sociétés SAUR et IRH à verser à la société X..., au vu du rapport d'expertise de M. A..., une indemnité provisionnelle de 471 839, 03 € dans les proportions de 90 % pour la société SAUR et de 10 % pour la société IRH.
Par acte 20 octobre 2011 la société X... fait assigner la société SAUR, l'assureur de cette dernière, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, et la société IRH DEVELOPPEMENT devant le tribunal de grande instance de BRIVE en paiement de la somme de 1. 037. 440, 97 € déduction faite de la provision déjà versée (son préjudice étant évalué à 1 509 280 € HT.
Le tribunal a par jugement du 19 décembre 2014 :
- dit la SA IRH, en qualité de maître d'œuvre, et la SA SAUR, en qualité de concepteur et constructeur, responsables contractuellement des dommages subis par la SA X... en raison des retards, dysfonctionnements et désordres de la station de traitement des eaux résiduaires industrielles ;
- condamné in solidum les dites sociétés à payer à la SA X... la somme de 1. 427. 580, 10 € TTC sous réserve de déduction de la provision de 471 839, 03 € fixée par l'ordonnance de référé du 12 novembre 2009 ;
- dit la société AXA tenue de garantir la société SAUR à hauteur de la somme de 506 903, 17 € TTC ;
- condamné les sociétés IRH, SAUR et AXA aux dépens, incluant les frais des expertises Z... et A..., ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- dit qu'entre les coobligés, la SA IRH et la SA SAUR devraient supporter la charge de ces condamnations dans les proportions de 10 % pour la première et de 90 % pour la seconde.
**
La SA SAUR FRANCE a relevé appel de ce jugement par déclaration du 6 mars 2015.
Dans le cadre de la procédure d'appel la SA X... a produit une pièce no 5, dite « projet de transaction », constituée par une copie du protocole d'accord qui apparaissait avoir été signé par son président le 2 novembre 2005.
La société SAUR ayant excipé de cette signature, elle a saisi par conclusions d'incident du 27 octobre 2015 le conseiller de la mise en état aux fins de communication de l'original du protocole d'accord et d'expertise graphologique.
Les sociétés SAUR et IRH qui ont expliqué voir adressé les trois originaux, signés par elles, à la société X... pour signature ont elles-mêmes sollicité qu'il soit ordonné à cette dernière de produire ces originaux.
Le conseiller de la mise en état qui a relevé qu'il n'était pas contesté que la signature qui figurait sur la copie produite par la société X... était bien celle de M. Yves X..., président de cette société, a par ordonnance du 2 décembre 2015 rejeté les demandes de communication de pièces et d'expertise.
**
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 17 février 2016, la société SAUR demande à la cour au vu des articles 1134, 1147, 1348 et 2044 et suivants du code civil :
A titre principal :
- de rejeter la fin de non recevoir tirée de l'Estoppel ;
- de constater l'existence du protocole d'accord transactionnel du 2 novembre 2005 et sa pleine validité ;
- de réformer le jugement entrepris et de débouter la société X... de ses demandes ;
- de condamner cette dernière à restituer aux sociétés SAUR et IRH la somme de 1. 017. 352, 10 € TTC ;
- de dire que cette somme sera répartie entre les sociétés SAUR et IRH à proportion de 90 % et 10 % conformément au partage retenu par le tribunal et que chacune de des sommes sera amputée de 2 676, 65 € TTC ;
- de condamner la SA X... à lui payer des dommages-intérêts de 100. 000 € ;
A titre subsidiaire :
- de ramener la condamnation prononcée à de plus justes proportions, en tout état de cause au montant maximum de 410 228 € TTC prenant en compte l'abandon de sa créance d'un montant de 80 373, 18 € ;
- de constater la responsabilité de la société IRH, maître d'œuvre, et de majorer sa part de responsabilité dans la condamnation à intervenir ;
- de dire que la société AXA devra la garantir de toute condamnation à intervenir ;
- de condamner la société X... à lui verser une indemnité de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
**
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 6 août 2015, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE demande à la cour :
- de lui donner acte de ce qu'elle s'associe à l'argumentation développée par son assurée, la société SAUR, en cause d'appel ;
- en toute hypothèse, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rappelé qu'elle ne pouvait être tenue que dans la limite de sa garantie, notamment au regard des clauses d'exclusions qui sont parfaitement explicites ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle ne devait sa garantie que pour les postes relatifs :
. à l'indemnisation liée aux dysfonctionnements de la station d'épuration qui ne répond pas aux exigences du marché (postes arrêtés par les premiers juges à la somme de 235 391, 10 € HT) ;
. pour les préjudices financiers indemnisés au titre des frais directs (pour un montant retenu par les premiers juges de 225 375, 54 €) ;
- de confirmer le jugement en ce que sont exclus de sa garantie les travaux des sociétés ENVI, ARGIOLAS, ATELICE et EAU PURE ainsi que les dommages-intérêts pour préjudice moral ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société SAUR devrait garder à sa charge le montant de la franchise, de 1 500 €.
**
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 7 mars 2016, la société IRH ENVIRONNEMENT demande à la cour :
A titre principal ;
- de constater les insuffisances des rapports d'expertise ;
- d'annuler celui de M. A... qui n'a pas laissé aux parties un délai leur permettant de présenter utilement des observations ;
- de dire que la société X... ne justifie pas du préjudice allégué ;
- partant, de dire que les demandes dirigées contre elle sont dépourvues de fondement, en fait comme en droit ;
- de condamner la société X... à restituer la somme de 47 183 € correspondant à sa part dans la provision qui a été allouée à ladite société par ordonnance de référé du 12 novembre 2009 ;
Subsidiairement ;
- de ramener la condamnation à de plus justes proportions ;
- de constater la responsabilité exclusive de la société SAUR ;
- de condamner cette dernière à la relever indemne de toute condamnation ;
A titre très subsidiaire :
- de constater qu'un protocole transactionnel a bien été signé par les sociétés X..., SAUR et IRH ;
- partant, de limiter toute éventuelle condamnation d'IRH aux montants forfaitisés dans le protocole, à savoir 47 183 € ;
En tout état de cause, de condamner la société X... aux dépens et à lui verser une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 16 février 2016, la société X... demande à la cour au vu des articles 1134 et 1147 du code civil :
- d'accueillir sa fin de non recevoir opposée à l'exception de transaction en application du principe de l'estoppel ;
- de constater que la société SAUR ne produit pas l'original du protocole d'accord dont elle excipe ;
- de rejeter l'exception de transaction invoquée par la société SAUR, les négociations menées en 2005 n'ayant pas abouti ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité in solidum de la société SAUR et de la société IRH dans les dommages qu'elle a subis en raison des retards de livraison, dysfonctionnements et désordres de la station de traitement des eaux résiduaires industrielles ;
- d'accueillir sont appel incident sur le montant des indemnités qui lui ont été allouées ;
- de retenir les chefs de préjudices économiques et financiers détaillés à la page 30 de ses dernières conclusions et de condamner in solidum la société SAUR, son assureur, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, et la société IRH DEVELOPPEMENT à lui payer la somme totale de 1 771 119, 19 € HT dont pourra être déduite la provision de 471 839, 03 € ;
- de les condamner en outre au paiement de la somme de 14 873, 34 € correspondant aux frais d'expertise exposés auprès de M. Francis B... ;
- de condamner les mêmes sociétés aux entiers dépens, en ce inclus les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DECISION
Devant la cour, la société X... a produit une pièce no cinq intitulée « Projet de transaction » qui est une copie de la transaction que la société SAUR lui avait adressée en décembre 2005 après qu'elle-même et la société IRH DEVELOPPEMENT l'aient signée.
Cette production est un élément nouveau dont le tribunal n'a pas eu connaissance, la société X... ayant toujours soutenu, au cours des procédures qu'elle a engagées en référé et au fond après la radiation d'une première action, précisément consécutive à des négociations transactionnelles, que, ces négociations n'ayant pas abouti, elle n'avait pas signé les documents qui lui avaient été adressés.
La copie du procès verbal de transaction qu'elle décrit comme un simple projet comporte en réalité la signature de son représentant légal qui figure au côté de celle des représentants légaux des sociétés SAUR et IRH DEVELOPPEMENT.
Le représentant légal de la société X..., M. Yves X..., a non seulement signé ce protocole d'accord transactionnel, mais il en a paraphé toutes les pages, comme l'a fait le représentant légal de la société SAUR.
Il ne s'agit certes que d'une copie.
Toutefois, la société X... ne nie pas que la signature et les paraphes qui figurent sur cette copie sont de la main de son dirigeant ; elle l'a au demeurant expressément reconnu devant le conseiller de la mise en état à l'occasion d'un incident de communication de pièces.
Il n'est pas contesté, par ailleurs, que le contenu de ce document correspond en tous point à celui de l'original qui, selon la société X..., serait resté à l'état de projet.
Les débats qui ont eu lieu devant le conseiller de la mise en état ont fait ressortir que c'est la société X... qui était en possession des originaux, au nombre de trois correspondant à celui des parties, et que c'est elle-même qui les avait détruits au prétexte que la transaction n'avait pas abouti.
De fait, dans sa lettre du 7 mars 2006 qui est produite aux débats, le représentant légal de la société X... a expressément reconnu avoir « reçu à la mi décembre 2005 pour signature les trois originaux qui venaient d'être régularisés par IRH ENVIRONNEMENT ».
Dans ce courrier, M. Yves X... qui répond à une mise en demeure du 27 février 2006 n'exprime en rien un refus de signer le protocole d'accord transactionnel ; il se contente de relever qu'il n'a pas été fixé de délai pour ce faire et qu'il lui « apparaît logique d'attendre la réunion du 14 mars 2006 avant de signer le protocole définitif ».
Or il apparaît, au regard de la copie que la société X... a elle-même produite, qu'en réalité le dirigeant de la société X... a signé le protocole transactionnel qui est daté du 2 novembre 2005 en faisant précéder sa signature de la mention manuscrite « bon pour accord », comme l'avaient fait les deux autres parties, et qu'il a en outre paraphé toutes les pages, comme l'avait fait le représentant légal de la société SAUR.
Ce document n'est pas un instrument de travail soumis à la réflexion des parties.
Il s'agit d'un protocole d'accord transactionnel qui est le résultat de négociations abouties et qui est finalisé par la signature de toutes les parties intéressées.
Il n'y figure nullement que la finalisation de la transaction serait subordonnée à la tenue d'une nouvelle réunion.
La société X... ne peut pas reprocher à la société SAUR de ne pas produire l'original puisqu'il résulte des observations ci-dessus que c'est elle-même qui, mise en possession des trois originaux, les a détruits (ou les détient).
Le moyen d'irrecevabilité tiré de l'estoppel est inconsistant dés lors que, si la société SAUR excipe aujourd'hui de l'existence d'un protocole, c'est parce que, devant le tribunal, elle avait été maintenue dans l'ignorance de ce que ce protocole avait été signé par la partie adverse qui l'avait jusque là toujours nié.
Ce n'est qu'au cours de l'instance d'appel qu'il est ressorti de la production de la copie du protocole d'accord du 2 novembre 2005 que celui-ci avait reçu l'accord de toutes les parties, y compris celui de la société X... qui, depuis la procédure en désignation d'un nouvel expert qu'elle avait engagé en 2007, avait toujours prétendu le contraire.
Il résulte également des observations ci dessus relatives à la reconnaissance de la signature et des paraphes du représentant légal de la société X... et à la conformité de la copie à l'original que la copie qui est produite par la société X... elle-même qui a déclaré devant le juge de la mise en état avoir détruit l'original, est une reproduction fidèle et durable de cet original au sens des dispositions de l'article 1448 du code civil.
L'effet d'une convention résulte de la rencontre des volontés et n'est pas subordonné au retour par la partie qui l'a signée des exemplaires destinés aux autres parties signataires.
Peu importe, par conséquent, qu'après avoir signé et paraphé l'accord transactionnel du 2 novembre 2005, la société X... n'ait pas retourné aux sociétés SAUR et IRH DEVELOPPEMENT les exemplaires qui leur étaient destinés aux fins de preuve de la conclusion de la transaction.
Le contrat s'est formé par le seul fait, avéré pour les motifs sus énoncés, que le représentant légal de la société X... a signé le protocole transactionnel que les autres parties avaient au préalable accepté dans les mêmes formes.
Il est exact que, contrairement aux représentants légaux des sociétés SAUR et X..., celui de la société IRH DEVELOPPEMENT a simplement signé le protocole, après avoir fait précéder sa signature de la mention manuscrite « bon pour accord », mais n'en a pas paraphé les pages.
Toutefois, la société IRH DEVELOPPEMENT qui serait seule en droit de le faire ne se prévaut pas de cette omission qui n'empêche en rien la transaction d'opérer à l'égard des autres parties qui ont signé le procès verbal après avoir fait précéder leur signature de la mention manuscrite « bon pour accord » et en avoir paraphé toutes les pages.
Enfin, il est indifférent, également, que seule soit produite la copie du procès verbal de transaction et non les annexes.
Ces annexes sont énumérées à la dernière page du document.
Il s'agit des assignations qui avaient été délivrées aux sociétés SAUR et IRH DEVELOPPEMENT les 17 et 18 mai 2005, du rapport d'expertise de M. Z... du 16 novembre 2004 au vu duquel avaient été délivrées lesdites assignations et de l'ordonnance de fixation des honoraires de l'expert judiciaire.
Ces annexes sont parfaitement connues des parties qui les détiennent et le rapport de M. Z... figure d'ailleurs aux débats.
Le fait que la copie n'en soit pas produite avec celle du procès verbal n'a pas d'incidence sur la portée de la copie qui vaut preuve dés lors qu'elle est une reproduction fidèle et durable du titre original.
La société SAUR et la société IRH DEVELOPPEMENT qui, curieusement ne le fait qu'à titre subsidiaire alors que l'autorité de la chose jugée qui résulte d'une transaction est une fin de non recevoir, sont par conséquent en droit d'opposer à la société X... le procès verbal de transaction que les parties au litige ont signé le 2 novembre 2005.
L'expertise de M. A... n'a révélé aucun autre fait que ceux sur lesquels M. Z... avait donné un avis dans son rapport du 16 novembre 2004, hormis celui que les travaux de remplacement du prétraitement dont l'inadaptation est la cause des dysfonctionnements de la station d'épuration avaient été réalisés comme M. Z... l'avait lui-même préconisé.
Il est stipulé à l'article 3 du procès verbal de transaction du 2 novembre 2005 que, compte tenu de ce qui précède, les parties renoncent à agir l'une contre l'autre et plus généralement à exercer toute action, de quelque nature qu'elle soit et qui trouverait son origine dans les faits et les rapports contractuels évoqués dans le cadre de l'assignation ci jointe.
L'article 4 précise, en rappelant que le présent protocole transactionnel est conclu dans les termes de l'article 2044 du code civil, qu'en le signant les parties ont entendu mettre un terme définitif au différent qui existait entre elles.
Le même article 4 stipule que l'accord vaut arrêté de compte entre les parties qui déclarent renoncer expressément et irrévocablement à toutes autres prétentions, nées du présent litige.
Il rappelle les dispositions de l'article 2052 du code civil aux termes duquel les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée.
Il résulte de ces constatations que la société X... qui avait accepté ce procès verbal de transaction était irrecevable en son action engagée le 20 octobre 2011 à l'encontre des sociétés SAUR et IRH DEVELOPPEMENT, comme elle était irrecevable en son action en référé du 16 avril 2009 qui lui avait permis, au vu du rapport de M. A..., d'obtenir indûment une provision.
Il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de débouter la société X... de ses demandes dirigées contre la société SAUR, contre la société IRH DEVELOPPEMENT et également, cette action étant sans objet, contre la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, assureur de la société SAUR.
**
La société X... ne peut prétendre qu'au versement, selon les modalités prévues par la transaction, de la somme de 343 000 € HT, soit 410 228 € TTC, mentionnée dans cette dernière (la contribution de la société IRH DEVELOPPEMENT étant fixée à 10 % de cette somme).
Le présent arrêt qui valide cette transaction à la valeur d'un titre exécutoire en ce qui concerne les restitutions et il n'appartient pas à la cour de faire le décompte précis de ces dernières comme le demande la société SAUR.
La société X... s'est montrée déloyale dans l'exécution de la transaction qu'elle a déniée alors qu'elle l'avait signée.
Il est résulté de cette déloyauté un préjudice moral pour la société SAUR qui a vu mettre sa parole en doute, alors qu'il existait bien une transaction, et a dû supporter les contraintes et les désagréments de procédures longues et complexes que ladite transaction avait pour objet d'éviter.
La cour évalue l'indemnité due en réparation de ce préjudice moral à la somme de 6 000 € au regard des éléments d'appréciation dont elle dispose.
Enfin, les sociétés SAUR et IRH DEVELOPPEMENT sont en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais occasionnés par les procédures de première instance et d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité que la cour fixe, pour chacune, à 5 000 €.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---

LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Dit la société X... non fondée en son moyen d'irrecevabilité tiré de l'estoppel.
Constate l'existence du protocole d'accord transactionnel du 2 novembre 2005 et dit que la preuve de la transaction est rapportée au regard des dispositions des articles 2044 et 1348 du code civil.
En conséquence, réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau.
Dit la société X... irrecevable en ses demandes dirigées contre les sociétés SAUR FRANCE et IRH DEVELOPPEMENT.
La dit également irrecevable, à défaut d'objet, en son action dirigée contre la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE.
Dit que le présent arrêt vaut en lui-même titre exécutoire en ce qui concerne les restitutions dues par la société X... et qu'il n'appartient pas à la cour de faire le décompte précis de ces restitutions.
Condamne la SA X... à payer à la SAS SAUR FRANCE la somme de 6 000 € à titre de dommages intérêts.
La condamne à verser à la société SAUR FRANCE et à la société IRH DEVELOPPEMENT, pour chacune, une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société X... aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par Anne DEBERNARD-DAURIAC et par Maître Christophe DURAND MARQUET, avocats au barreau de LIMOGES, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/00303
Date de la décision : 19/05/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2016-05-19;15.00303 ?
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