COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 17 MARS 2016--- = = = oOo = = =---
ARRET N.
RG N : 15/ 00266
AFFAIRE :
Mme Nathalie X... épouse Y...
C/
CPAM DE LA HAUTE-VIENNE, SARL JPM DUMUR, MMA venant aux droits de SA COVEA RISKS
Grosse délivrée à SELARL LEXAVOUE, avocat
Le DIX SEPT MARS DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Nathalie X... épouse Y... de nationalité Française, née le 12 Septembre 1971 à CHATELLERAULT (86100), Mère au Foyer, demeurant...
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me Patrice DELPUECH, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'un jugement rendu le 15 JANVIER 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
CPAM DE LA HAUTE-VIENNE dont le siège est 22 avenue Jean-Gagnant-87000 LIMOGES
représentée par Me Olivier PECAUD, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me DHAEZE-LABOUDIE, avocat au barreau de LIMOGES
SARL JPM DUMUR dont le siège social est LE PUY DE PAGEAS-87230 CHALUS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Laurent BOUCHERLE de la SCP DAURIAC. PAULIAT-DEFAYE. BOUCHERLE. MAGNE, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me ASTIER, avocat au barreau de LIMOGES
MMA assurances venant aux droits de la SA COVEA RISKS dont le siège social est 14, boulevard Marie et Alexandre OYON-72- LE MANS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Laurent BOUCHERLE de la SCP DAURIAC. PAULIAT-DEFAYE. BOUCHERLE. MAGNE, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me ASTIER, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEES
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Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 02 Février 2016 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 1er Mars 2016. L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 décembre 2015.
A l'audience de plaidoirie du 02 Février 2016, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Président a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 17 Mars 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Le 29 septembre 2012, Madame Nathalie Y... qui participait avec des membres de sa famille à une course d'endurance de karting organisée par la SARL JPM DUMUR sur le circuit dit des Renardières, sis à PAGEAS (Haute Vienne), appartenant à cette société, a été blessée au pied droit par un kart dont le pilote devait passer le relais à son coéquipier.
Un certificat médical initial a constaté une fracture de la malléole interne de la cheville droite.
Par acte du 11 juillet 2013, Madame Nathalie Y..., née X..., a fait assigner la SARL JPM DUMUR et son assureur, la société COVEA RISKS, en référé, aux fins d'organisation d'une expertise médicale, et au fond devant le tribunal de grande instance de LIMOGES, en réparation de son préjudice.
L'expert, le professeur Claude A..., a déposé son rapport le 16 janvier 2014.
Le tribunal a par jugement du 15 janvier 2015 débouté Madame Nathalie X... épouse Y... de l'intégralité de ses demandes en retenant qu'il n'était pas démontré que l'organisateur de la course ait manqué à son obligation de sécurité qui n'était que de moyen.
Il a condamné Madame Y... à verser à la SARL JPM DUMUR et à la société COVEA RISKS une indemnité de 2000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Madame Nathalie X... épouse Y... a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 25 février 2015.
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 11 mai 2015, elle demande à la cour au vu des articles 1147 et 1384 du code civil ;
- de constater au regard des attestations et photographies produites aux débats que sa blessure a été provoquée par un kart qui, au relais, a poursuivi sa course sans pilote par suite d'une défaillance mécanique, le câble d'accélérateur étant sorti de sa gaine ;
- de constater par ailleurs que les participants devaient pour « panneauter », c'est à dire pour communiquer par panneaux à leurs coéquipiers en course les informations nécessaires au déroulement de l'épreuve, traverser la ligne des stands ;
- d'écarter les attestations adverses qui émanent de préposés de la SARL JPM DUMUR qui cherche à échapper à sa responsabilité qui serait manifeste ;
- de dire cette dernière entièrement responsable des dommages subis lors de l'épreuve sportive qu'elle avait organisée le 29 septembre 2012 ;
- de lui donner acte de ses réserves sur les conclusions du rapport d'expertise médicale qu'elle estime insuffisant ;
- de condamner solidairement la SARL JPM DUMUR et son assureur, la société COVEA RISKS, à lui verser les sommes suivantes :
. au titre des déficits fonctionnels temporaires : 2 980 ¿ ;
. au titre des souffrances endurées : 7 000 ¿ ;
. au titre du déficit fonctionnel permanent : 11 500 ¿ ;
- de condamner solidairement la SARL JPM DUMUR et son assureur aux dépens et au paiement d'une indemnité de 3 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 7 janvier 2016, la SARL JPM DUMUR et la société MMA qui vient aux droits de la société COVEA RISKS sollicitent la confirmation du jugement et le paiement d'une indemnité complémentaire de 2 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses conclusions qui ont été déposées le 13 mai 2015, la CPAM de la Haute Vienne demande à la cour :
- de réformer le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité de l'organisateur de la manifestation sportive, propriétaire du véhicule ayant causé l'accident ;
- de condamner solidairement la SARL JPM DUMUR et la société COVEA RISKS à lui verser les sommes de :
. 8 004, 49 ¿ en remboursement des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation ;
. 1028 ¿ au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les articles 9 et 10 de l'ordonnance no 96-51 du 24 octobre 1996 ;
. 600 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant que Madame Y... qui participait à une course d'endurance de karting a été blessée par un kart à l'occasion d'une prise de relais par le coéquipier du participant qui le pilotait.
Le pilote était le jeune Arthur Y... qui est le fils de la victime et le coéquipier qui devait le relayer était M. Dylan B....
La garde du véhicule avait été transférée par son propriétaire, la SARL DUMUR qui exploite le circuit de karting, aux pilotes qui participaient à la course d'endurance, de telle sorte qu'a priori, seuls avaient la qualité de gardiens, présumés responsables du dommage causé par la chose dont ils avaient la direction et le contrôle, Arthur Y... qui pilotait l'engin à son arrivée au point de relais, ou bien Dylan B...qui devait le remplacer.
Dans de telles circonstances, la responsabilité de la SARL JPM DUMUR ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1384 du code civil que s'il est démontré qu'il existait une défectuosité de l'engin dont elle devait assurer l'entretien en sa qualité de propriétaire-exploitant qui aurait été à l'origine d'un comportement anormal ayant provoqué l'accident.
Selon les explications de l'appelante qui sont confortées par les attestations de M. Jean Pierre Y... qui est son beau-père, en charge lors de la compétition de la gestion des relais, mais également par celles de M. Jérôme C...et de M. Nicolas Z..., le kart que M. B...venait de quitter pour en laisser la conduite à son coéquipier, Arthur Y..., aurait continué sa course sans pilote parce que le câble d'accélérateur était sorti de sa gaine.
C'est dans sa course, alors qu'il n'était plus sous le contrôle d'aucun pilote, que le véhicule, par suite d'un dysfonctionnement inhérent, aurait heurté Madame Y... à la cheville, alors que celle-ci était elle-même en attente de relayer son mari.
M. Jean Pierre Y... ajoute que M. B...serait venu récupérer le kart qui avait été stoppé par un mur et qu'il aurait continué l'épreuve après qu'il « ait remis en place la gaine d'accélérateur qui avait, à l'évidence, causé ce problème déjà connu ».
Toutefois, aucune constatation technique objective n'a été faite sur le kart concerné qui permette de tenir pour certain qu'un problème mécanique de ce type ait pu faire que l'engin ait poursuivi sa route sans l'action d'un pilote.
La SARL JPM DUMUR produit une attestation de son mécanicien, M. D...Stéphane, qui indique que les photos produites par l'appelante ne concernent pas le modèle de karts utilisés sur le circuit, lesquels sont équipés, comme cela peut être constaté sur une photographie jointe à son attestation, de telle manière que le câble d'accélérateur ne puisse en aucun cas sortir de sa gaine.
M. D...est certes un employé de la SARL JPM DUMUR.
Il observe toutefois que les karts qui étaient utilisés lors de la course du 29 septembre 2012 font toujours partie de l'écurie et qu'ils sont « à disposition pour vérification ».
Or il n'a été procédé à aucune expertise technique de l'engin qui a provoqué l'accident, de telle sorte que les explications de l'appelante restent elles-mêmes sujettes à caution en dépit des attestations produites.
Surtout, ces attestations sont contredites, non seulement par celle de M. D...qui donne une toute autre version de l'accident, mais également par M. B...Dylan qui conduisait le véhicule et a passé le relais à son coéquipier, M. Arthur Y....
M. Dylan B...indique qu'au moment du relais, il a arrêté le kart et est descendu par la gauche, qu'Arthur Y... est monté du côté droit, puis qu'il est aussitôt descendu après avoir dû appuyer « malencontreusement » sur le câble d'accélérateur, de telle sorte que l'engin était reparti tout seul au ralenti avant de s'arrêter de lui-même.
Selon lui c'est son père qui a remis le kart en ligne afin qu'Arthur Y... puisse continuer la course (que l'équipe a remportée).
M. Dylan B...ajoute que Madame Nathalie Y... s'est blessée parce qu'elle avait essayé d'arrêter le kart avec son pied, ce qui était inutile puisque l'engin s'était arrêté plus loin de lui-même.
Ces explications sont confirmées en tous points par le père de Dylan B..., M. Christian B..., qui précise qu'effectivement, il a simplement remis le kart en ligne après qu'il se soit arrêté de lui-même.
C'est également la version qui est donnée par le mécanicien qui se trouvait sur les stands, M. Stéphane D....
Il résulte de ces observations qu'il n'est nullement démontré que l'accident ait été causé par un comportement anormal du kart mis à la disposition des participants par la SARL JPM DUMUR qui aurait eu pour origine une défectuosité inhérente au véhicule.
La responsabilité de ladite société ne peut pas être recherchée sur le fondement de l'article 1384 du code civil.
Elle ne peut l'être sur celui de l'article 1147 qu'à charge pour Madame Y... de démontrer que la société JPM DUMUR, en sa qualité d'exploitant d'un circuit fermé et d'organisateur de la course d'endurance, a manqué à son obligation de sécurité qui n'est effectivement qu'une obligation de moyen.
Or la société intimée relève en premier lieu que son circuit fait l'objet de contrôles réguliers et que son homologation a été renouvelée le 12 décembre 2014, ce dont il est justifié.
L'observation selon laquelle les participants sont obligés de traverser la ligne des stands pour panneauter, opération à laquelle il est procédé depuis le bord de la piste, est inopérante en l'espèce puisque Madame Y... n'était pas chargée de cette man ¿ uvre de « panneautage » lorsqu'elle s'est blessée, en un lieu qui n'est d'ailleurs pas celui où elle s'opère.
Enfin, Madame Y... n'était pas en attente d'un relais lorsqu'elle s'est blessée, tout simplement parce que son tour n'était pas arrivé, de telle sorte que rien ne justifiait qu'elle se soit trouvée à l'emplacement qui, à la sortie des stands, est réservé à cette manoeuvre.
Il n'est pas non plus démontré, en conséquence, que la SARL JPM DUMUR ait manqué à l'obligation de sécurité qui lui incombe en sa qualité d'organisateur d'une course sur un circuit fermé.
Le jugement entrepris qui a retenu à bon droit que l'appelante n'établissait à aucun titre la responsabilité de la SARL DUMUR dans la réalisation de son préjudice doit être confirmé en toutes ses dispositions.
La société JPM DUMUR est en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais occasionnés par la procédure d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité qu'il y a lieu de fixer à 1 500 ¿.
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LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société MMA de ce qu'elle vient aux droits de la société COVEA RISKS.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 15 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de LIMOGES.
Y ajoutant, condamne Madame Nathalie X... épouse Y... à verser à la SARL JPM DUMUR une indemnité de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.